Charlie Hebdo, 1er septembre 1999, par Xavier Pasquini.
[Texte intégral]
En juin dernier, au moment de la parution du rapport parlementaire sur les sectes et l'argent, Élément, la revue du GRECE (1), publie un entretien avec Massimo Introvigne, grand défenseur des sectes, dirigeant du CESNUR (Centre d'études sur les nouvelles religions), qu'il a fondé avec Mgr Giuseppe Casale et membre de la secte TFP (Tradition famille propriété). Il est également directeur d'Alleanza Cattolica, filiale de TFP, dont Avenir de la Culture est l'équivalent en France.
En août, c'est la revue Documentation catholique qui lui donne une tribune.
Cela révèle l'extrême ambiguïté du Vatican sur le phénomène sectaire. Introvigne est réputé pour avoir témoigné en faveur des Témoins de Jéhovah ou de la Scientologielors de procès, mais aussi pour donner des cours à l'Ateneo Regina Apostolorum, dépendant des intégristes légionnaires du Christ, mais reconnu par le Saint-Siège.
En 1996, il avait animé un colloque de l'Originel sur le paganisme contemporain, auquel participaient quelques fachos notoires.
Il y a un drôle de crapaud parmi les grenouilles de bénitier.
(1) : Groupement de Recherche et d'Etudes sur la Civilisation Européenne.
L'école Énixia tient à manifester sa profonde indignation devant les allégations contenues à son égard dans le rapport de la commission parlementaire d'enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes. Elle est en effet présentée dans ce rapport comme une école au recrutement élitiste, inféodée au « Mouvement raëlien » et enseignant « la doctrine de [cette] secte » : « méditation sensuelle », « hostilité à la démocratie », « initiation à la sexualité dès le plus jeune âge ».
L'enseignement pratiqué à l'école Énixia n'a rien à voir avec ce que lui impute ce rapport. Le propos pédagogique de l'école, basé sur la notion d'équipe pédagogique élargie, et son fonctionnement collégial, privilégiant le dialogue, sont totalement contradictoires avec ces allégations. Ses structures, volontairement transparentes, et les regards extérieurs, auxquels l'école ne s'est jamais refusée, constituent autant de garde-fous contre d'éventuelles dérives sectaires ou morales. Parents et enseignants témoignent de l'inexistence de tout lien de l'école avec quelque secte que ce soit. Ce fait a été confirmé par tous les contrôles extérieurs, dont celui effectué inopinément en novembre dernier par le ministère de l'Éducation nationale. Aucune plainte ou doléance n'a été enregistrée par la justice ni par les associations de lutte contre les sectes.
Par ailleurs, les affirmations caricaturales du rapport sur le recrutement de l'école et sur les tests de QI et les frais de scolarité qu'elle pratiquerait ne correspondent pas à la réalité. Elles trahissent l'absence d'enquête réelle. L'école Énixia est attentive aux problèmes des enfants surdoués et s'insère dans les réflexions et actions menées sur ce sujet par un grand nombre de groupements reconnus et par le ministère de l'Éducation nationale. Elle n'a cependant jamais fait de la précocité un critère de recrutement. Au contraire, suivant une pédagogie réfléchie et loin de tout sectarisme ou élitisme, élèves « surdoués », « dans la norme » ou « en retard » s'y retrouvent ensemble dans des classes hétérogènes. Les tests de QI n'y sont ni systématiques ni préalables, mais éventuellement pratiqués par des psychologues extérieurs à l'école, en plein accord avec les parents. Les frais de scolarité, exagérés par le rapport, sont comparables, voire inférieurs à ce qui se pratique dans les autres écoles hors contrat. Ce statut lui est d'ailleurs imposé par sa jeunesse. Il faut en effet cinq ans d'existence pour pouvoir solliciter un contrat de l'État.
L'origine des allégations du rapport est connue : les deux fondateurs de l'école ont été à un moment de leur vie adeptes du Mouvement raëlien. Cependant, en désaccord avec cette secte, ils l'ont quittée plusieurs années avant la fondation de l'école et n'ont plus aucune relation avec ce mouvement. Cela est confirmé par les enquêtes des services spécialisés de l'État. Rien dans leur comportement et dans leurs déclarations ne permet de mettre en doute leur bonne foi. Dans une assemblée générale tenue le 28 juin, les parents ont refusé leur démission, et affirmé par un vote quasi unanime à bulletin secret « leur confiance, leur soutien et leur solidarité à la direction actuelle de l'école, à son corps enseignant et à tous ses collaborateurs ».
L'école Énixia regrette que la commission d'enquête ne soit pas venue se rendre compte sur place de la réalité de ses activités. Elle s'élève contre le caractère mensonger des imputations du rapport parlementaire à son égard. Elle renouvelle son attachement à la transparence et à l'ouverture, et demande que soit menée une véritable enquête, sérieuse et contradictoire.
Le Dauphiné Libéré, 3 septembre 1999, par J.Ch.S.
[Résumé]
Alors au chômage, une femme de 36 ans avait versé 69 000 F en 1989, pour la construction de l'Eglise du Chandelier à Grenoble.
Cette Eglise vient de rembourser les 69 000 F augmentés des interêts légaux qu'une ancienne fidèle lui avait versés en 1989. Condamnée par un arrêt de la Cour d'appel du 30 mars dernier, elle s'était pourvue en Cassation avant de se désister.
L'ex-fidèle avait été, dans un premier temps, débouté de ses demandes.
La première Chambre civile de la Cour d'appel se place sur un autre plan , elle rappelle que : "la possession ne doit pas être viciée et donc exempte de violences matérielles ou morales dans son appréhension et durant son cours".
Or, les témoignages produits montrent"qu'à l'époque de la construction de l'Eglise du Chandelier à Grenoble, l'Eglise évangélique de Pentecôte a fait appel à des dons et à des prêts d'une manière très pressante auprès de fidèles, qu'il leur était promis en retour la bénédiction de Dieu, que la pression et la culpabilité exercées lors des prêches étaient telles que les fidèles s'exécutaient et que M/me A a été amenée à prêter une somme de 69 000 F dans ce contexte".
Une fidèle précise "qu'elle se sentait tellement coupable et honteuse qu'elle était prête à donner un dixième de ses ressources alors qu'elle ne bénéficiait même pas de revenus réguliers, et tous les témoins indiquent qu'ils ont quitté l'association, notamment à cause de la pression financière exercée".
La Cour d'appel note encore "que les remises litigieuses effectuées par Mme A dépassaient largement ses moyens puisqu'il est établi qu'en 1989, elle bénéficiait d'indemnités versées par les ASSEDIC. Il est évident que les deux versements de 9 000 F et 60 000 F ont absoprbé l'intégralité des économies de l'appelante, dès lors que les relevés de son compte mentionnent souvent un solde débiteur, et il apparaît certain que sans une pression constante et déterminée de l'association sur la volonté de l'interessée et sans l'évocation chez elle d'un sentiment de culpabilité, elle ne se serait pas démunie des sommes qu'elle réclame aujourd'hui.
La Cour d'appel estime en conséquence que : "la possession dont l'Eglise évangélique de Pentecôte se prévaut ne remplit pas les conditions légales, notamment en ce qu'elle n'est pas exempte de violences morales, de sorte qu'elle doit être condamnée à restituer les sommes qu'elle s'est fait remettre".
Marianne, 6 septembre 1999.
[Résumé]
Six ans après le drame de Waco, le FBI reconnaît avoir utilisé des substances inflammables, telles des bombes lacrymogènes incendiaires.
De plus, des membres d'une unité spéciale de l'armée étaient présents sur les lieux, ce qui est interdit, sauf dérogation présidentielle.
Or aucune autorisation n'a été délivrée.
Libération, 15 septembre 1999, par David Dufresne.
[Texte intégral]
Après dix mois d'auditions, le parquet de Toulouse vient d'ouvrir, selon nos informations, une double information judiciaire contre les responsables du Patriarche. D'un côté pour abus de confiance, abus de faiblesse et travail illégal, passibles de correctionnelle. De l'autre, pour plus grave: viol, tentative de viol et viol sur mineure de 15 ans, passibles des assises.
A l'origine, c'est le dépôt de plainte contre X, révélé par Libération du 11 décembre 1998, qui déclenche tout. Ils sont alors six anciens pensionnaires de l'association de réinsertion d'ex-toxicomanes qui brisent le silence. Dénoncent les heures de travail bénévole, le RMI qu'on reverse pour partie à l'association, la «dépendance totale» qui se tisse vis-à-vis de l'organisme.
Ainsi, parmi les six, Pascale Bastiani déclare : « Pendant douze ans, le Patriarche a spéculé sur ma crédulité, et mon Sida. »
A l'époque, l'enquête préliminaire est confiée à la police judiciaire toulousaine. Qui n'en croit pas ses oreilles. Car de l'exploitation, on glisse parfois sur les affaires sexuelles. Les nuits passées avec tel ou tel responsable. Les fellations forcées. Et le reste. Selon une source judiciaire, les témoignages sont du « sérieux ». Et puis, aux six plaintes, la justice en joint deux. Dont l'une émanant de parents d'une adolescente, qui aurait été abusée sexuellement dans l'un des 67 centres français du Patriarche. Pour l'association, étiquetée secte depuis un rapport parlementaire de 1995, le dossier s'alourdit.
Du coup, le parquet de Toulouse vient de désigner la juge Nicole Bergougnan pour instruire tout ca. Et démêler l'affaire. Qui s'annonce difficile. D'une part parce que l'un des principaux mis en cause, Lucien Engelmajer, le fondateur en 1974 du Patriarche, est introuvable. On le dit au Brésil, au Luxembourg ou en Haute-Garonne. Mais sans plus de précision, ni d'éléments, en attendant un mandat d'arrêt international qui pourrait être lancé à son encontre prochainement.
Instruction difficile, aussi, puisque l'association du Patriarche n'existe officiellement plus. Depuis que l'année dernière, un coup d'Etat interne a enfanté une nouvelle association, baptisée Dianova, et dont les membres disent avoir rompu avec les «dérives» d'antan.
Difficile, encore, tant le Patriarche fut pendant longtemps l'un des organismes les plus connus en matière de réinsertion d'ex-toxicomanes. A coups de subventions, de fils et filles de notables envoyés dans ses centres, et de photos plein pot dans les journaux.
Une aura qui a laissé, ici ou là, quelques bons soutiens.
Le Point, n° 1409, 17 septembre 1999, par Sophie Coignard et Christophe Deloire.
[Texte intégral]
Le récent scandale de Marseille, la destruction de pièces a conviction concernant la Scientologie a mis le feu aux poudres. Les réactions, très alarmistes, de plusieurs personnalités ont révélé l'immense impuissance de l'Etat face aux menées sectaires.
Psychose au sommet de l'Etat.
La destruction, au palais de justice de Marseille, de pièces à conviction concernant la Scientologie a suscité un flux d'angoisse parmi les politique. C'est la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), présidée par Alain Vivien, qui, sur papier à en-tête du Premier Ministre, tire la première le 7 septembre , " Qui a brisé les scellés ? " accuse un titre en gras, à la manière d'un film de série B. " La question se pose à nouveau de savoir si certains services de l'Etat ne sont pas investis par des organisations sectaires. Une telle question ne souffre pas une réponse retardée ".
Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ne se montre pas rassurante non plus : « On sait que ces sectes, l'Eglise de Scientologie en particulier, sont extrêmement puissantes, elles sont fondées sur des réseaux économiques et des réseaux d'argent qui leur donnent des moyens d'action considérables. Je pense qu'il faut les empêcher de nuire".
Raymond Forni, premier vice-président de l'Assemblée Nationale, se montre plus accusateur encore : " Cela ne m'étonnerait pas du tout que cette secte bénéficie de protections, ou possède, tout au moins des relais, des complicités, au sein de l'institution judiciaire. Cette affaire remet pleinement en question la fiabilité et la crédibilité de la justice ".
Autant de déclaration officielles qui font froid dans le dos. Et, dans le secret de leur bureau, certains collaborateurs se montrent plus alarmistes encore, évoquant infiltration de l'Etat et lobbying fort efficace des amis des sectes.
UN RAPPORT DE 1983
En tenant de tels propos, Elisabeth Guigou, Alain Vivien et Raymond Forni montrent évidemment: leur engagement vigoureux dans la lutte contre les sectes, mais, du même coup, ils font la preuve aussi, à leur corps défendant, de l'impuissance publique qui sévit en ce domaine.
Car ce n'est pas aujourd'hui que le gouvernement découvre l'existence et la nocivité des sectes. Le premier rapport officiel remis à un Premier ministre (Pierre Mauroy) date de 1983. Il était écrit, déjà, par Alain Vivien, alors député, aujourd'hui président de la MILS. Rien, donc, ne se serait passé en seize ans, rien d'efficace qui ait évité l'infiltration de l'Etat?
Pourquoi ce décalage entre les déclarations d'intention et les faits? Pourquoi cette incapacité apparente de l'Etat à trouver des ripostes appropriées ?.
Car Alain Vivien, Elisabeth Guigou et les autres n'ont pas dramatisé la situation par inadvertance. Ils pouvaient difficilement faire moins, alors que l'Etat était, une fois de plus, humilié. Fin 1996, les procès-verbaux d'audition de la commission d'enquête parlementaire sur " Les sectes en France " disparaissent des coffres de l'Assemblée Nationale et se retrouvent entre les mains de groupes favorables aux sectes. Une "bavure" d'autant plus grave que les témoins étaient entendus à hui-clos, dans le strict anonymat, pour des raisons de sécurité.
Deux ans plus tard, on découvre. que deux tomes d'un dossier d'instruction qui vise la Scientologie ont été subtilisés à l'intérieur même du palais de justice de Paris sans que la juge d'instruction, Marie-Paule Moracchini, ait conservé de double des pièces, contrairement aux règles d'usage. Puis, ce fut, l'autre semaine, " l'erreur "de Marseille.
L'ETAT TETANISE.
L'opinion publique est un peu perplexe, car toutes ces mises en garde et autres alertes officielles restent bien floues, sont rarement assorties d'exemples précis ou suivies de résultats concrets. "Les scientologues ont réussi, dit-on, à infiltrer le cabinet d'un ancien Président de la République sans que cela soit jamais démenti" déclare publiquement Alain Vivien depuis une semaine. Le journaliste Serge Faubert a révélé cette histoire dans son livre "Une secte au cur de la République" (Calmann-Lévy), en 1993, il y a six ans. Aucune enquête n'a jamais été diligentée sur la question. L'Etat et ses rouages, en vérité, sont comme tétanisés. Ils créent des institutions spécifiques qui se succèdent sans triompher. Ils veulent légiférer, mais ne savent trop comment s'y prendre. Ils luttent à armes inégales avec les sectes sur le front judiciaire et se montrent démunis, voire apathiques, devant les soupçons d'infiltration. Quand leurs agents ne sont pas, de surcroît, victimes de tentatives de chantage ou d'intimidation.
L'Observatoire des sectes, créé en 1996, aura vécu deux ans avant de périr sous les critiques. Ses membres les plus actifs n'en pouvaient plus de travailler pour rien, sous le magistère d'un préfet en fin de carrière, Antoine Guerrier de Dumast, que les phénomènes sectaires ne semblaient pas passionner. " Le sommet a été atteint à la fin de l'année dernière ", raconte le député maire de Montreuil, Jean-Pierre Brard." Nous avions pris du temps pour rédiger la définition d'une secte comme groupe coercitif. Il n'en restait pas trace dans le rapport rendu au Premier ministre, qui concluait au contraire à l'impossibilité de définir une secte ".
A la suite d'une grosse colère de Matignon, l'Observatoire s'est dissous pour laisser place à une mission interministérielle que tous les spécialistes appelaient de leurs vux. Ils réclamaient aussi qu'Alain Vivien en soit le président. Tous leurs souhaits ont été comblés.
UNE NOUVELLE USINE À GAZ
Près d'un an plus tard, les avis sont déjà plus partagés. La mission comprend quelques permanents mis à sa disposition par différents ministères. Elle comporte aussi deux instances périphériques : le conseil d'orientation, qui réunit quelques personnalités qualifiées, et la mission opérationnelle, qui regroupe des sommités de tous les ministères concernés, de l'Education nationale aux Finances, en passant par l'Intérieur et la Défense.
Les membres les plus remuants du conseil d'orientation n'ont pas mis longtemps à formuler des critiques. " La dispersion des moyens entre opérationnels et théoriciens est une chose néfaste ", regrette le docteur Jean-Marie Abgrall, psychiatre, expert près les tribunaux et spécialiste reconnu des sectes. En d'autres termes, une usine à gaz en remplace une autre.
Alain Vivien comprend mal les critiques qui sont adressées à l'institution qu'il préside. " Laissez-nous du temps ", demande-t-il, avant de souligner ses réalisations. " Il y a d'abord la loi sur l'Education nationale votée en décembre dernier, qui permet de renforcer l'obligation scolaire et de mener des actions de contrôle sur les établissements hors contrat. Nous avons à deux reprises saisi le procureur pour abus sur une personne en état de faiblesse. Nous allons multiplier les séminaires de formation pour les magistrats, les cadres territoriaux. Nous avons aussi une activité internationale soutenue, au Conseil de l'Europe et à l'OSCE, où mon secrétaire général a prononcé un discours très courageux pour dénoncer l'infiltration de certaines branches de cette organisation par des mouvements sectaires. Je reviens de Bucarest et de Varsovie, car j'entends développer la coopération internationale ".
Cette mission, que le monde entier, à en croire son président, nous envie, n'a pourtant pas travaillé une seconde depuis son installation sur les infiltrations de l'Etat que ses membres, pourtant, ne cessent de dénoncer. Elle s'en est tenue, jusqu'à présent au noyautage dans l'entreprise et compte distribuer prochainement un petit guide à l'attention des directeurs des ressources humaines qui certainement s'en réjouissent déjà.
La manière dont l'Etat doit agir et légiférer face aux sectes n'est pas tranchée, tant s'en faut. Faut-il les poursuivre pour escroquerie, pour mise en danger de la vie d'autrui ou non assistance à personne en danger, pour fraude fiscale, comme c'est déjà le cas aujourd'hui ? Faut-il aller plus loin et définir un délit de manipulation mentale ? Mais, dans ce cas, comment décrire objectivement la pression qu'un groupe exerce sur une personne, comment décider du seuil au-delà duquel cette emprise relève du pénal ? Débat inextricable.
LE RISQUE D'AMALGAME
Faut-il, alors, carrément interdire les sectes ? La question fait bondir Alain Vivien, pour qui la liberté d'association en France ne permet pas d'interdire, mais tout au plus de dissoudre, au titre de la loi de 1936 qui servit en son temps contre les ligues factieuses. " Mais attention à ne pas faire d'amalgame, prévient-il. Ce genre de dispositions ne doit s'appliquer qu'aux sectes dangereuses ".
La Mission a-t-elle déjà proposé au gouvernement de dissoudre une secte ? Non.
Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pourtant en faveur de la dissolution. Celle de Raymond Forni, par exemple, qui avait mis en place, à la fin de l'an dernier, la commission d'enquête parlementaire sur la situation financière et l'activité économique des sectes : " A partir du moment où il y a trouble à l'ordre public, il y a motif à interdire ce type d'activités. Il est nécessaire de frapper ces organisations à la tête, de s'en prendre à leurs dirigeants, pour qu'elles ne renaissent pas sous d'autres formes ". D'autres considèrent qu'avant même de songer à légiférer il suffit d'agir, tout simplement : " On ferait bien de commencer par récupérer les 545 millions de francs que les sectes doivent au fisc, comme l'a montré le rapport de la commission d'enquête parlementaire", tempête-t-on à l'ADFI (Association pour la défense de la famille et de l'individu).
DES AVOCATS PROCÉDURIERS
L'humiliation étatique résulte aussi d'un rapport de forces judiciaire inégal entre les pouvoirs et la mouvance sectaire. Contrairement aux apparences, il est favorable à la seconde.
La Scientologie, par exemple, exploite depuis longtemps tous les recours que la justice a mis en place pour protéger le justiciable. Disposant de moyens financiers très importants, elle a à son service les avocats les plus pointus en matière de procédure, qui parviennent à faire traîner les dossiers parfois pendant près de dix ans.
Ces juristes, il est vrai, sont bien aidés par le système. Le 14 août 1997, le député de l'Essonne Jacques Guyard s'étonnait, dans un courrier à Elisabeth Guigou, qu'une plainte pour escroquerie contre la Scientologie déposée le 27 octobre 1989 à Paris soit toujours à l'instruction. La ministre invoque par écrit " l'indépendance de la justice " mais assure avoir " demandé aux services compétents de veiller particulièrement au bon déroulement de la procédure ". Un an plus tard, deux tomes du dossier disparaissaient dans la nature.
Le juge Fenech, le premier à avoir mené à son terme une instruction sur la Scientologie, n'admet pas que les dossiers traînent ainsi pendant des années, considérant que, malgré les menaces, quand on veut, on peut.
L'institution ne facilite toutefois pas la vie des juges. À Marseille, les trois magistrats instructeurs qui se sont succédé n'étaient pas déchargés sur d'autres fronts pour pouvoir défricher sérieusement un dossier si complexe. A la chancellerie, on rétorque que l'ère de la lenteur est révolue : " Cette année, dix-neuf procédures concernant des sectes, donnant lieu à onze condamnations, ont été bouclées en moins de six mois ", explique Yves Charpenel, directeur des affaires criminelles et des grâces, qui reconnaît toutefois que les intervenants dans ces dossiers font souvent l'objet de menaces.
" Les experts, par exemple, n'arrangent pas toujours les choses, assure Jean-Marie Abgrall. Quand j'ai demandé à être aidé dans l'affaire de Marseille par trois confrères, ils ont décliné, vraisemblablement par peur des représailles. "
Car les sectes savent jouer sur tous les registres émotionnels. Effrayer, mais aussi séduire ou compromettre.
"Quand j'étais jeune juge, j'ai reçu la visite de scientologues. Ils se sont présentés comme membres d'une association qui luttait contre le crime par des moyens révolutionnaires, raconte un magistrat. Avec moi, ça n'a pas pris. Mais cela indique qu'ils doivent essayer souvent. Et pas seulement avec la haute hiérarchie. Il aurait pu leur être très utile de recruter mon chauffeur, qui transporte mes dossiers en solitaire".
Jacques Robert, professeur de droit et membre du Conseil constitutionnel de 1989 à 1998, n'est pas scientologue. Mais la secte a fait appel à lui à deux reprises, en 1985 et en 1986, pour qu'il lui donne une consultation et livre son opinion - favorable - sur la nature religieuse de la Scientologie. Celle-ci, depuis, ressort les textes savants de cet universitaire dès que l'occasion se présente, trouvant là un argument de légitimité inespéré.
La police est une autre cible d'infiltration dont raffolent les sectes. Un administrateur civil de la Préfecture de police de Paris préside ainsi une émanation de la secte de Dozulé, répertoriée dans le rapport parlementaire. Dans le deuxième massacre du Temple solaire, le 15 décembre 1995, on dénombrait parmi les victimes deux fonctionnaires adeptes de la secte : Jean-Pierre Lardanchet, lieutenant à la DICCILEC en Haute-Savoie, et Patrick Rostan, lieutenant en poste à Paris.
Des témoins rapportent que les deux policiers avaient corrompu des cadres aux Impôts pour "arranger" des redressements fiscaux. Entendu le 6 février 1996 par la section de gendarmerie de Grenoble, leur collègue, le commandant de police Jacques Auverdin, se disait persuadé que Lardanchet profitait de sa situation pour demander à France Télécom des coordonnées d'abonnés en liste rouge pour les besoins de la secte.
Dans un rapport à sa hiérarchie, le commandant Gilbert Houvenaghel, chargé de l'enquête, écrit même : " D'évidence, certains actes supposaient complicités ". L'Ordre du temple solaire aurait-il infiltré l'Etat en France ?
LES RG INFILTRÉS
L'enquête sur l'affaire du Vercors a relevé que l'OTS puisait son inspiration au sein de l'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix (Amorc), une association d'origine américaine revendiquant pas moins de 250.000 membres dans le monde. Dans le rapport d'enquête de la commission parlementaire portant sur les sectes et l'argent, l'Amorc est considéré comme secte. Or nombre de fonctionnaires de police en font partie. Un lieutenant du SRPJ de Versailles, qui a témoigné à Genève dans un procès en diffamation annexe à l'affaire de l'OTS, l'atteste. Lui-même ancien membre de l'Amorc, Dominique Dubuis, qui a oeuvré par le passé à la section sectes des RG de la Préfecture de police de Paris, concède : " Le préposé aux photocopies du service était membre de l'Amorc et, à ce titre, source d'informations pour la hiérarchie de cette organisation. "
De source policière, " ce genre de sociétés secrètes sont des passerelles vers les sectes . " Emanation de l'Amorc, l'Ordre rénové du temple (ORT) recrute parmi les militaires. L'Ordre souverain et militaire du Temple de Jérusalem (OSMTJ) compte des officiers de l'OTAN dans ses rangs; c'est ce que révéla un policier français, Roger Facon, devant la commission d'enquête du Parlement belge sur les sectes. Le président de la Commanderie française de l'OSMTJ a été un auditeur de l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN).
Même les agents des services de renseignement ont un goût pour ces pratiques. A la refonte du mouvement templier, en 1952, au château d'Arginy, dans le Rhône, Roger Wybot, fondateur de la Direction de la surveillance du territoire (DST) après-guerre, apporta sa contribution. Son père, semble-t-il, était déjà féru d'ésotérisme. Sur le site d'Arginy, aujourd'hui encore, des gendarmes viennent s'adonner en cape à des cérémonies templières.
Sans être de notoriété publique, ces informations sont connues de la haute hiérarchie administrative. Mais personne ne semble s'en émouvoir et moins encore vouloir remédier à la situation.
Pour compromettre les politiques et leur entourage, l'argent demeure un vecteur efficace. Un document comptable interne à la secte Mahikari laisse ainsi penser que cette organisation a versé des dons à droite et à gauche, et même à la Fondation Cousteau. Le célèbre Mandarom était également réputé pour ses contributions financières à la vie politique locale.
Les sectes les mieux organisées possèdent des fiches très à jour sur tous leurs ennemis influents. Jean-Marie Abgrall a plus que tout autre été persécuté par ces sympathiques organisations. Aux sabotages de ses voitures et aux menaces de mort s'est ajoutée la délation. " Entre 1989 et 1994, j'ai milité chez les Verts, raconte-t-il. Quand la Scientologie m'a attaqué, elle a cherché ma thèse de spécialité en médecine. Celle-ci portait sur la sélection des nageurs de combat en milieu opérationnel. Ils ont appelé le secrétaire général des Verts pour lui dire que j'avais fait mon service militaire à Aspretto, et que j'étais donc lié aux services secrets. "
Quelques années plus tard, Jean-Marie Abgrall est nommé expert dans l'instruction sur l'OTS. Cette fois, c'est la mouvance templière qui s'intéresse à lui. Elle dispose, croit-elle, d'un terrible moyen de pression : Jean-Marie Abgrall a passé deux ans à l'AMORC, entre 1968 et 1970, avant d'assister à quelques réunions de l'Ordre rénové du temple. Mais, au grand dam de ses accusateurs, le docteur Jean-Marie Abgrall n'a jamais caché au juge Fontaine ce passé lointain, qui lui permet aujourd'hui de mieux comprendre les phénomènes sectaires.
Face à de telles pratiques, les professionnels de la lutte contre les sectes souffrent d'un grave handicap : la plupart d'entre eux considèrent que leur mission consiste avant tout à protéger l'individu, pas à lutter contre ces organisations comme menaces à la sûreté de l'Etat. Pour opérer leur révolution culturelle, ils pourraient commencer par lire ces quelques lignes: " Quand vous quittez une position de puissance, payez immédiatement toutes vos obligations, déléguez le pouvoir à tous vos amis et partez armés jusqu'aux dents, avec les moyens de faire chanter tous vos anciens rivaux, des fonds illimités sur votre compte privé, des adresses de tueurs à gages expérimentés ; allez vivre en Bulgarie et soudoyez la police." C'est ce qu'écrivait le gourou Ron Hubbard dans " Introduction à l'éthique de la Scientologie ".
Voir aussi :
Site Cyril Malka, AFP, 20 septembre 1999
[Larges extraits]
La police ougandaise a pris d'assaut le 18 septembre un campement qui abritait une secte dont certains membres sont accusés d'enlèvements d'enfants et d'abus sexuels sur mineurs, dans le centre du pays, a-t-on appris lundi de source policière.
Des unités de la police anti-émeutes ont attaqué tôt dans la matinée du 18 septembre une ferme qui servait de camp à l'"Eglise du Dernier Message d'Avertissement Mondial", une secte se livrant au culte du Jugement dernier dirigée par un prétendu "prophète", Wilson Bushara, à Bukoto, dans le comté de Nakaseke.
Alors que Bushara, âgé de 40 ans, et ses principaux adjoints ont réussi à s'enfuir, trois des membres de la secte ont été arrêtés et emprisonnés.
Des centaines d'autres, parmi un millier de personnes environ qu'abritait ce camp de 200 huttes, ont été emmenés par camions dans la ville voisine de Luwero afin d'être interrogés. Parmi eux se trouvaient de nombreux enfants. 18 corps de personnes enterrées ont également été découverts. Selon les policiers, ces personnes sont décédées de mort naturelle, mais elles n'ont pas reçu les traitements médicaux nécessaires.
Après la rafle, la ferme a été entièrement détruite par la population du voisinage, à l'origine des plaintes qui ont déclenché le raid de la police, ordonné par le bureau du président Yoweri Museveni.
Des habitants du district accusent Bushara et ses disciples d'avoir recruté des jeunes en vue de les entraîner pour former une milice de défense, selon la police. Les policiers ont trouvé des preuves d'enlèvements d'enfants, d'emprisonnement illégal et d'abus sexuels sur mineurs, a expliqué le porte-parole de la police, Eric Naigambi. "Sept cas de rapports sexuels avec des adolescentes âgées de 14 à 16 ans ont été prouvés", selon l'officier.
Par ailleurs, sept enfants souffrant de malnutrition ont dû être hospitalisés. Selon Eric Naigambi, les membres de cette secte sont exclusivement des Tutsis et des Bahima du sud de l'Ouganda, du Burundi, du nord de la Tanzanie et de l'est de la République démocratique du Congo (RDC).
Au début de l'année, Bushara avait publiquement annoncé la fin du Monde pour le 30 juin 1999. Le statut de ses adeptes dépend des sommes d'argent qu'ils peuvent donner au "prophète".
Ce dernier suggérait à ses membres, en particulier les enfants, de voler.
Lettre de l'UNADFI
à Madame Nicole FONTAINE
Présidente du Parlement européen
Bulles n°64, 4ème trimestre 1999
Suite aux problèmes soulevés par les États-Unis concernant la liberté religieuse en France.
Paris, le 20 septembre 1999
Madame la Présidente,
En avril dernier, le Congrès et le Département d'État américains ont envoyé en France et dans quelques autres pays européens (Allemagne, Belgique et Autriche notamment) une délégation chargée d'établir un rapport sur le respect de la liberté religieuse dans ces pays. L'envoi de cette délégation se situait dans le cadre et en application de l'International religions Freedom Act voté en 1998 par le Congrès, et par lequel les États-Unis se chargent de suivre l'exécution dans les autres pays du monde des conventions internationales existantes en la matière.
L'UNADFI a été parmi les organismes français visités par cette délégation. Très vite nous avons pu toucher du doigt la divergence de vues fondamentale qui existe dans ce domaine entre la Constitution et la Loi américaine et leurs équivalents français.
La notion même de laïcité n'existe ni dans la Constitution ni dans la mentalité américaines. II en découle que, aux États-Unis, les religions font partie de la sphère publique de la société. Les textes fondateurs et les lois en sont le reflet. Dès 1791, le Premier Amendement à la Constitution américaine, précisait que " Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof(...), or the right of people peacibly to assemble,... ". L'une des conséquences de cet amendement est la prolifération unique au monde des " religions " aux États?Unis, " religions " plus ou moins authentiques, voire pour certaines clairement sectaires, dont on retrouve des filiales dans nos pays européens.
La conception française de la liberté de religion, laquelle est garantie au moins aussi complètement qu'aux États-Unis, repose comme vous savez surune conception des responsabilités de l'État qui fait l'objet en France d'un très large consensus: la liberté religieuse est garantie par la Constitution, mais elle fait partie de la sphère privée, et s'exerce dans le cadre de la Loi Républicaine, laquelle s'impose à tous sans distinctions ni exceptions. La séparation des Églises et de l'État concrétise le principe fondamental de la laïcité, principe qui constitue une véritable originalité par rapport à ce qui existe dans de nombreux pays. Aussi la France dispose-t-elle de moyens d'action constitutionnels et légaux beaucoup plus puissants que les États-Unis pour agir à l'encontre des groupes qui, sous une référence souvent usurpée de " religion ", se livrent à la manipulation mentale, à l'escroquerie, à l'abus de confiance, à la fraude fiscale, à la violation du code du travail ou de la Sécurité Sociale, au trouble à l'ordre public ou à d'autres actes délictueux, voire criminels, ainsi que chacun se souvient.
II en va très différemment aux États-Unis. Un article de la revue de notre collègue britannique FAIR, illustre de manière presque caricaturale les graves faiblesses des principes et de la législation américaine en la matière. Celle-ci permet à la Scientologie de se retrancher derrière le Premier Amendement à la Constitution américaine pour réclamer l'immunité pénale dans une affaire particulièrement grave, où l'une de ses adeptes est morte des suites des mauvais traitements que cette secte lui a fait subir. Ainsi, le recours au " masque " religieux, utilisé par la Scientologie, pourrait-il être en mesure de paralyser la Justice américaine, ce qui est tout simplement inadmissible..., et aberrant.
À un moment où le " Rapport annuel pour 1999 du Département d'État américain sur la Liberté Religieuse au plan international ", daté de Septembre 1999, croit pouvoir donner dans ce domaine des leçons à la France et à plusieurs autres pays européens, en particulier l'Allemagne, et conclut en laissant clairement entendre que ceux-ci ont encore des progrès à faire pour respecter les accords internationaux en la matière, il apparaît de plus en plus nécessaire et urgent que les représentants de ces pays, en particulier français, dans toutes les instances où est évoquée la question de la liberté religieuse, défendent fermement les principes sur lesquels celle-ci repose dans leur pays. Déjà, le Congrès américain envisage d'envoyer prochainement une nouvelle délégation en France (et peut-être dans d'autres pays européens) pour donner aux conclusions du Rapport annuel 1999 une suite dont on peut craindre qu'elle ne résolve pas les divergences de fond. Une telle précipitation ne laisse pas d'être inquiétante.(1 NDLR : dans un récent procès concernant une affaire relatée dans BULLES n°57, page 18).
Je tenais, Madame la Présidente, à vous faire part de cette situation, car elle devient intolérable. La position américaine, relayée par plusieurs pays, a pour conséquence que, dans plusieurs instances internationales (encore récemment à l'OSCE en avril 1999), la France, pour parler de notre pays, est mise au banc des accusés par des représentants de ces pays, et naturellement des États-Unis. Le risque de tels errements est d'entraîner le monde, avec les meilleures intentions (?), dans une situation très grave où les sectes pourront prospérer sans limite, comme elles le font aux États-Unis, et finiront par faire la loi, ce que certaines d'entre elles ne se cachent pas de rechercher. Pendant ce temps, le nombre des victimes s'accroîtra démesurément (comme si celles-ci n'étaient pas déjà beaucoup trop nombreuses...).
Le Parlement Européen, qui jouit d'un grand prestige au sein de l'Union Européenne, et dans le monde, pourra-t-il un jour se saisir de ce grave problème de société, comme s'en sont déjà saisis divers Parlements nationaux, ainsi que le Conseil de l'Europe ? A notre sens, ce serait hautement souhaitable, car la situation évolue rapidement, dans un sens qui n'est pas le meilleur ...La présente lettre n'a pas d'autre justification que notre souci de voir enfin les sectes cesser de dévoyer une partie de notre jeunesse et de saper les bases de notre société. Nous soumettons ce problème à votre réflexion, avec une grande confiance dans la sagesse des parlementaires européens.
Je vous prie de croire, Madame la Présidente, en l'expression de mes très respectueux sentiments.
Janine TAVERNIER
Présidente de l'UNADFI
Charlie Hebdo, 29 septembre 1999, par Xavier Pasquini
[Larges extraits]
Aux États-Unis, le xxème siècle sera sectaire. Ce pays était déjà une terre accueillante pour les gourous. Il deviendra peut-être un paradis pour eux.
Aujourd'hui, les sectes pullulent outre-Atlantique, car elles bénéficient de conditions fiscales extrêmement avantageuses. Demain, la situation risque fort de s'aggraver. En effet, le 15 septembre demier, Emest Ishtook, député républicain de l'Oklahoma, a déposé devant le Congrès un texte baptisé « Amendement portant sur la liberté de religion ».
La mondialisation des sectes
Aux États-Unis la place des religions (et des sectes) est pour l'instant régie par une loi, la « clause d'établissement ». Cet article du 1er amendement de la Constitution interdit au législateur d'apporter un soutien à quelque religion que ce soit. Une forme de laïcité pas toujours appliquée mais qui permettait jusqu'alors d'éviter certaines dérives dans les établissements publics.
Or le projet d'amendement du député Ishtook propose une approche légèrement différente « pour garantir le droit des gens à accuser réception à Dieu selon les diktats de leur conscience : ni les États-Unis ni aucun de ses États n'établiront de religion officielle, mais le droit des gens à prier ne sera pas entravé et la reconnaissance de leurs croyances religieuses, de leur héritage ou traditions sur les lieux publics, y compris les écoles [sera garanti].
Ni les États-Unis ni leurs États n'exigeront d'une personne de se joindre à la prière ou à d'autres activités religieuses, ne prescriront de prières à l'école, n'établiront des discriminations en fonction de la religion ou n'empêcheront l'accès aux bénéfices de la religion ».
En réalité, ce texte à la tournure alambiquée permet de faire exactement ce qu'il prétend ne pas autoriser. Il étendrait le droit à pratiquer sa religion ou sa croyance dans les lieux ou institutions publics. Son application favoriserait en effet le contournement de la « clause d'établissement ». Ainsi, le gouvernement fédéral américain, comme celui de chaque Etat, pourrait être contraint de fermer les yeux sur les comportements de simples majorités (religieuses ou sectaires) au détriment des droits individuels garantis par le 1er amendement, voire d'accorder des fonds à des institutions religieuses.
Ce texte vient en contrepoint du rapport américain sur « la liberté des religions dans le monde », publié le 9 septembre 1999, qui dénonce « l'intolérance » du gouvemement français envers les sectes, baptisées « religions minoritaires (l) ». Le gouvemement Clinton fait notamment la leçon aux parlementaires français coupables selon lui d'avoir publié une liste des sectes dangereuses dans ses rapports de 1995 et de 1999 et de se livrer à un « harcèlement fiscal ». L'Allemagne est également dénoncée et accusée de « maltraiter », entre autres, l'Église de Scientologie. Cela signifie que l'Amérique aurait vocation à pratiquer l'ingérence dans les affaires intérieures des Etats en faveur des sectes au nom de la prétendue liberté de gouroufier ou d'être gouroufié.
Les gendarmes religieux du monde
Fort de cet appui, le gourou de la Scientologie, le «
révérend » Heber C. Jentzsch, a profité
du procès contre la secte à Marseille et de la destruction
des pièces de l'instruction pour écrire à
la ministre de la Justice, Elisabeth Guigou.
[...] Il fait donc implicitement référence à
la loi impérialiste qui vient d'être votée
aux Etats-Unis : les pays qui seraient considérés
comme ne respectant pas la liberté religieuse subiraient
des sanctions économiques, financières ou technologiques
!
Les Américains gendarmes religieux du monde ? Les scientologues
l'ont bien compris...
(1) ce terme permet un amalgame astucieux qui insinue que les sectes, étant des religions, devraient en tant que telles bénéficierdes avantages (fiscaux, juridiques, etc.) afférents aux religions (document)...
AFP, 30 septembre 1999. Par Nicolas TOHME.
[Extraits]
BKAASIFRINE (Liban) - A l'appel d'un marabout qui prédit des cataclysmes avant l'an 2000, des centaines de riches citadins ont envahi la région de Denniyé, croyant trouver un refuge à 1.000 mètres d'altitude, dans ces contreforts montagneux du nord du Liban.
A bord de 4X4 de luxe ou de Mercedes dernier cri, accompagnés de femmes aux cheveux recouverts du voile islamique, ces nouveaux arrivants sont des adeptes du cheikh Nazem Rabbani Hakkani dit al-Koubroussi ("le Chypriote"), un guide de la secte soufi nakchbandite répandue en Turquie, en Syrie et au Liban. Le soufisme est une forme mystique de l'islam.
"Oyez bonnes gens. Allez vivre dans les campagnes près des eaux courantes car le temps des villes et des tours est révolu": ces injonctions figurent dans le livre du cheikh Nazem, un épais volume à la reliure en cuir bleu foncé et aux lettres d'or avec en couverture la photo de l'auteur.
Une adepte, Mme Fatima Kabbanni, consent à avouer: "Nous nous préparons à passer l'hiver ici. Nous avons peur d'attaques israéliennes et de cataclysmes comme à Taïwan, en Floride et plus proche de nous, en Turquie et en Grèce. Toutes les familles qui sont venus ici l'ont fait sur les conseils du cheikh al-Koubroussi et sont des adeptes de la voie nakchbandite".
Une femme répondant au nom de Bassima, qui s'approvisionne chez le boucher un portable à la main, élude les questions, affirmant simplement "fuir le stress de la ville".
Une mère de famille accepte de parler à condition de garder l'anonymat. "La vie dans les villes n'est plus supportable. Nous avons marre de la pollution, de l'égoïsme des citadins, de l'anarchie et du mensonge", dit-elle.
"Il y a eu des catastrophes naturelles partout comme si la fin du monde se rapprochait. Voyez, cheikh Nazem en parle dans son livre. Regardez cette belle région au climat revigorant habité par des gens simples.
Beaucoup sont venus et beaucoup vont nous suivre. Nous ne nous connaissons pas mais nous partageons les mêmes préoccupations", ajoute-t-elle.
Bulles n° 63 - 3ème trimestre 1999
[Texte intégral]
ADFI-Provence :
La présidente relaxée face aux TJ.
Le 8 juin 1999, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du 12 novembre 1998 relaxant la présidente de l'ADFI-Provence, poursuivie en diffamation par l'Association Cultuelle des Témoins de Jéhovah de France pour ses propos repris dans un article du Dauphiné Libéré du 21 janvier 1996 où elle précisait au sujet des TJ : " il s'agit d'un mouvement totalitaire destructeur qui possède les mêmes pratiques que les autres sectes ". Pour motiver sa déci-sion, la Cour s'est appuyée sur le rapport parlementaire de 1996 signalant les dangers de cette organisation pour les adeptes, notamment les enfants, et ses atteintes à l'ordre public. La Cour estime que la présidente de l'ADFI-Provence a agi avec prudence et sérieux afin de répondre à sa mission de défense des droits de l'homme et des libertés individuelles. (Document de justice)
ADFI-Nord :
Rejet du pourvoi en Cassation des TJ
La Cour de Cassation, 2ème chambre, a rejeté le 15 juin 1999, le pourvoi formé par l'Association Les Témoins de Jéhovah de France à l'encontre d'un arrêt ren-du le 3 mars 1997 au profit de la présidente de l'ADFI-Nord. Celle-ci était pour-suivie pour injure publique suite à des propos tenus lors d'une émission de France 3 où elle comparait l'argent de l'organisation à l'argent sale de la drogue, car selon elle " une secte c'est comme de la drogue ". Le 14 mars 1996, le TGI de Lille déboutait les TJ de leur poursuite car, soulignait-il, la comparaison entre une dépendance physique à la drogue et la dépendance psychologique d'un individu qui aliène son autonomie au profit du groupe ne constitue pas une affir-mation fautive. Les TJ interjetaient alors appel, mais la Cour de Douai déclarait leur action prescrite dans un arrêt rendu le 3 mars 1997. (Document de justice)
ADFI-Nord :
Les TJ déboutés une nouvelle fois
Le 24 juin 1999, la Cour d'Appel de Douai a confirmé le jugement du 5 juin 1997 qui déboutait l'Association les Témoins de Jéhovah de France de ses poursuites en diffamation à l'encontre de Charline Delporte, vice-présidente de l'ADFI-Nord. Lors d'une émission de télévision de France 2 sur les Témoins de Jéhovah, le 16 janvier 1996, celle-ci comparait les sectes à des associations de malfaiteurs. Le tribunal avait estimé que, si ces propos constituaient certes une image forte, ils ne pouvaient être considérés diffamatoires car son auteur n'avait pas voulu donner à cette expression la même signification que celle du code pénal, mais cherchait seulement à dénoncer le caractère dangereux et nocif de ce mouvement pour l'individu et la famille. (Document de justice)