Depuis deux siècles au moins, la constitution française a fait justice de ces prétentions. La Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, qui fait partie du bloc constitutionnel français, dispose en effet que "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui" (article 4). Si nul ne doit être inquiété pour ses opinions, l'article 10 de la même Déclaration stipule que leur manifestation ne doit pas "troubler l'ordre public établi par loi". Et si tout citoyen peut s'exprimer librement, il doit "répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi".
Reflet de la Constitution, le code protège les personnes qui sont victimes de diffamations et de persécutions. L'article 225-1 du Nouveau Code Pénal, dans son chapitre dit "des atteintes à la dignité de la personne", est tout à finit clair :
" Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales en raison de l'origine, du sexe, de la situation de famille, de l'état de santé, du handicap, des moeurs, des opinions politiques, des activités syndicales, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales. "
Ainsi toute personne victime des agissements sectaires a-t-elle la possibilité non seulement d'organiser efficacement sa défense, mais plus encore de faire triompher son bon droit. Des procès récents, dont le bulletin rend compte, montrent que la vigilance de la justice est de jour en jour plus grande à l'égard des excès sectaires. Ce n'est pas l'opinion qui s'en plaindra.
Ainsi les attendus du procès de Lyon (22/11/1996) méritent-ils une attention particulière :
L'exercice ou la pratique d'un culte peut d'ailleurs donner lieu à des manoeuvres frauduleuses de la part de certains membres de cette religion en vue de tromper des tiers de bonne foi.
L'appréciation de ces manoeuvres frauduleuses à travers une pratique religieuse revendiquée n'implique pas un jugement de valeur sur la doctrine professée par cette religion, mais concerne seulement la licité des moyens employés.
Les juridictions pénales ont toute latitude pour apprécier l'utilisation de ces moyens externes et de vérifier s'ils n'ont pas pour but de tromper volontairement les contractants".
Pour ce qui concerne l'autorité judiciaire, de nombreux textes peuvent être utilisés, tant en matière pénale qu'en matière civile.
Il est évidemment impossible de les énumérer tous : toutefois, il est possible de citer les principaux d'entre eux, et de mettre en évidence l'ampleur de l'arsenal juridique dont dispose le ministère public pour lutter efficacement contre les excès gravement attentatoires au respect de l'individu et aux intérêts de la société.
Au vu des éléments dont dispose la chancellerie, de telles doléances résultent pour la plupart de la simple incompréhension face à des décisions justifiées par la stricte application des règles régissant la matière pénale dans un État de droit.
Il est toutefois indispensable de prendre toute disposition utile afin que toute plainte ou dénonciation à des phénomènes sectaires soit étudiée avec vigilance et fasse l'objet d'une enquête systématique, afin qu'aucune personne ne puisse avoir le sentiment que de tels signalements sont inutiles, et afin que l'autorité judiciaire puisse être informée du développement d'une secte dans les délais les plus brefs.
De la même façon les infractions techniques le plus souvent découvertes et constatées par des services spécialisés (inspection du travail, services fiscaux, douanes) devront faire l'objet d'une attention toute particulière et l'opportunité des poursuites devra être examinée dans un esprit de particulière sévérité.
En cas de classement sans suite, les motifs d'une telle décision devront être très précisément exposés au plaignant. Dans l'hypothèse d'une information judiciaire, les éventuelles réquisitions aux fins de non-lieu devront être spécialement détaillées.(...)
Pour ce qui concerne la protection des personnes, une attention privilégiée doit être apportée à la situation des mineurs, qui constituent souvent, compte tenu de leur extrême vulnérabilité, des victimes particulièrement exposées des dérives sectaires.
Les dispositions des articles 375 et suivants du code civil constituent en l'état un moyen efficace d'éviter qu'ils ne soient soumis à une influence néfaste ou à un embrigadement dangereux, même s'il est vrai que leur mise en oeuvre est plus délicate lorsque leurs parents sont tous deux membres de la secte. Dans ce dernier cas, le juge peut, en application de l'article 371-4 du même code, veiller à ce qu'il ne soit pas mis obstacle aux relations de l'enfant avec ses grand-parents.
L'importance de l'enjeu exige que le ministère public prenne et soutienne en ce domaine toutes les initiatives de nature à permettre le repérage des situations de danger auxquelles sont confrontés les mineurs. Le non-respect de l'obligation scolaire est à cet égard un indice particulièrement important. (...)
L'exercice vigilant des attributions civiles du ministère public, en dehors des cas prévus aux articles 375 et suivants du code civil, devrait permettre d'assurer au mieux la protection des personnes, majeures ou mineures, soumises à l'emprise des mouvements sectaires, ainsi que de leur entourage. A cet égard, les procédures de placement sous sauvegarde de justice, de tutelle ou de curatelle peuvent être une réponse adéquate pour les majeurs.
Aussi les magistrats du parquet chargés de ces attributions doivent-ils s'employer à établir une concertation efficace avec les juges aux affaires familiales et les juges des enfants, de telle sorte qu'ils puissent exercer utilement les prérogatives que leur attribuent les articles 424 et 429 du code de procédure civile et faire connaître leur avis sur les affaires dans lesquelles ils estiment devoir intervenir en tant que partie jointe, même lorsque la loi n'a pas prévu d'obligations spéciales de communication. (...)
Cette circulaire paraît quelques semaines après la publication du rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la question des sectes, il s'agit d'une circulaire informative, voire incitative, destinée à faciliter la tâche des procureurs de la République près des tribunaux de Grande Instance, correctionnels en matière pénale. Ce texte n'est pas normatif. C'est un outil de travail.
L'économie de la circulaire comprend tout d'abord un préambule qui affirme que l'autorité judiciaire doit prendre toute sa part dans la réponse à apporter au phénomène sectaire, notamment lorsque des infractions à la loi pénale sont commises ou que des mineurs se trouvent en danger. Le préambule précise en outre que " la lutte contre ces agissements doit reposer sur une connaissance approfondie du phénomène sectaire en évitant de porter un quelconque jugement de valeur sur les motivations des personnes... ni de revenir sur les principes à valeur constitutionnelle de liberté de culte et d'association ".
Le Garde des Sceaux écarte donc avec sagesse toute appréciation du caractère religieux ou non religieux des doctrines professées dans les sectes, qui ne relèvent que de la conscience de chacun. Ce cadrage devrait permettre aux magistrats de ne pas laisser dévier des débats que les mouvements sectaires cherchent à orienter vers le contenu des croyances qu'ils propagent afin de masquer leurs agissements sous le couvert de telle ou telle conception religieuse.
En revanche, le rappel des principes fondamentaux du droit républicain en matière de liberté est, dans sa sobriété, bienvenu. Il s'agit du "bloc constitutionnel" : article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, et article 2 de la Constitution de la Vème République qui déterminent la laïcité de l'Etat et le respect des croyances. Le Garde des Sceaux y ajoute à juste titre la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des églises et de l'Etat.
La seconde partie de la circulaire retiendra plus encore l'attention dans la mesure où elle concerne " les moyens à mettre en oeuvre pour lutter contre les dérives sectaires ". Les autorités judiciaires sont invitées " à une perception plus aiguë de la réalité des risques occasionnés par l'existence et l'activité des organisations en cause ". Ce propos, conforme aux souhaits exprimés à l'Assemblée nationale, traduit une forte demande de l'opinion publique qui s'estime insuffisamment protégée contre les excès sectaires.
La circulaire énumère en premier lieu les infractions, relevant du droit pénal général ou du droit pénal spécial. On s'y reportera dans le texte même. Cependant, comment ne pas relever avec satisfaction la mention qui est faite de l'article 31 de la loi de 1905, seul texte qui réprime " les voies de faits, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune en le contraignant à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte ".
Cet article constitue sans doute une arme juridique précieuse contre la manipulation des personnes majeures. Ne mentionnant que les associations déclarant des buts religieux ou se déclarent "église" il ne concerne pas, cependant les mouvements sans objectif culturel qui prolifèrent actuellement.
L'attention des procureurs est appelée tout spécialement sur les menaces pesant sur les mineurs lorsque ceux-ci sont victimes d'embrigadement ou encore d'enlèvement en milieu scolaire sectaire. Les procureurs sont invités à établir une concertation efficace avec les juges aux affaires familiales et les juges des enfants.
Le ministre leur demande enfin de lui rendre systématiquement compte des mesures engagées et de lui soumettre les difficultés qu'ils rencontreraient.
En ce qui concerne la loi de 1905 un amendement étendant l'interdiction de la manipulation des personnes aux associations de type sectaire n'avouant pas de préoccupation cultuelle serait également le bienvenu.