Scientologie

Ceux qui se sont fait avoir

(Source : enquête d'Albert Drandov, Politis n° 110, du 28 juin au 4 juillet 1990)

L'Eglise de scientologie est une secte. Mais une secte qui ne se contente pas, au nom d'une obscure « technique pour l'amélioration de la santé mentale », de décerveler quelques individus fragiles, en proie au mal-être de nos sociétés moderne. L'Eglise de scientologie est une formidable entreprise commerciale aux multiples facettes. Ses moyens sont considérables et ses appuis insoupçonnés. Plongée en eaux troubles...

« Si un homme veut faire un million de dollars, le meilleur moyen pour lui serait de fonder sa propre religion. »

Lafayette Ron Hubbard,
fondateur de l'Eglise de scientologie

Quelques inexactitudes, exagérations ou informations à compléter font l'objet de renvoi vers des notes en fin de page.


Des étranges effets somatiques de la Dianétique

« Vous voulez vraiment savoir ce que je suis devenu à leur contact ? Alors, demandez-moi de fermer les yeux, et dites-moi simplement "bras-de-fer". » Deux secondes plus tard. René, un quinquagénaire marseillais qui n'a rien d'un affabulateur, relève brusquement l'avant-bras et se met à lutter de toutes ses forces contre un adversaire invisible qui tente de lui plaquer le poignet sur la table. Il a beau résister, trembler de tous ses membres, René finit par céder au bout d'une interminable minute d'un combat trop inégal. « Voilà ce qui m'arrive aujourd'hui, se ressaisit-il, le front ruisselant et les jambes encore chancelantes ; à chaque fois que j'entends certains mots clés, je ne maîtrise plus mon corps et je commence à me contorsionner, malgré moi, imitant mon propre accouchement ou ce que vous venez de voir. C'est terrible, poursuit-il en cherchant ses mots, car je ne peux plus vivre normalement. Lorsque je regarde la télé, j'ai toujours peur que ça recommence. J'ai même dû retirer l'autoradio de ma voiture, car un jour en écoutant une émission, j'ai lâché le volant sur l'autoroute... » Si René parvient encore à sourire, c'est surtout de voir la tête ahurie de ses interlocuteurs lorsqu'il évoque son histoire. Mais peu lui importe désormais que certains le prennent pour un demeuré. « A des degrés divers, d'autres gens ont aujourd'hui à souffrir des séquelles de ce que leur a fait subir l'Eglise de scientologie. C'est parce que je ne veux plus que ça se reproduise que j'ai décidé d'en parler. Ces types-là m'ont mis dans la merde, et, longtemps, je ne savais plus quoi faire. Heureusement, la police s'en est mêlée. Ça m'a donné du courage pour porter plainte. »

La Scientologie perquisitionnée

La police, en effet, a fait plus que de s'en mêler. Après une plainte déposée, à la fin de l'an dernier, par la famille d'un médecin marseillais qui avait versé, en quelques semaines, des sommes considérables à l'Eglise de scientologie. La brigade territoriale du Sud s'est lancée dans une longue et minutieuse enquête de plusieurs mois, qui a abouti, le 14 mai dernier, à une perquisition en règle des « missions » de Marseille et de Nice.

Panique. Une descente qui se traduit par la saisie de tous les dossiers, des documents comptables, des fichiers, des boîtes entières d'étranges médicaments ainsi que d'obscurs appareils électriques. Et surtout par l'interpellation de vingt-six personnes. Chez les scientologues du Sud-Est, c'est alors la panique. La direction nationale de l'Eglise descend sur la Canebière en catastrophe, pour hurler à la « résurgence d'une idéologie de l'intolérance » et dénoncer ces policiers qui sont le « bras armé de certains groupes crypto-psychiatres proches de l'extrême-droite américaine, liés à la CIA ». Un délire qui n'impressionne guère le juge instructeur, Carole Sayouz, qui décide l'incarcération du responsable local, Xavier Delamarre, ainsi que de quatre dignitiaires, sous l'inculpation à d'« escroquerie, d'exercice illégal de la médecine et de violence avec préméditation ». Un coup de filet dont ne sont pas mécontents les inspecteurs de la brigade territoriale, qui laissent alois entendre que la justice va disposer de suffisamment de « biscuits » pour révéler enfin la véritable dimension de cette « vénérable » institution. Cette Eglise, au statut d'association « loi de 1901 », n'a-t-elle pas réalisé, avec son centre de Nice seulement, un chiffre d'affaires de 800 millions de francs et, avec ses trois centres de Marseille, plus de 1 milliard (0) ?

Aux Etats-Unis, quelques retentissantes affaires ont eu lieu, sans pour autant mettre à mal la croissance de cette très discrète Eglise, fondée en Californie, en 1954, par l'auteur de science-fiction Lafayette Ron Hubbard. Aujourd'hui, l'Eglise de Scientologie revendique près de 6 millions d'adeptes dans le monde, dont les stars internationales Julia Migenes-Johnson, Chick Corea, John Travolta, Nicky Hopkins, Al Jarreau... Une véritable armée, bien décidée à « clarifier » la planète, et ce, par tous les moyens, « même les pires », chuchotent ses détracteurs.

Rue de Dunkerque, à Paris, dans le IXè arrondissement (1), l'immeuble de l'Eglise de scientologie n'a rien d'un bunker impénétrable. Au contraire. Le hall d'entrée est lumineux, abondamment fleuri et ouvert à tous les vents. Ambiance bon enfant et sourire à tous les étages sur fond de Top 50 distillé par un solide radio-cassette. Au centre trône une pyramide de livres de Ron Hubbard, dont le best-seller du maître : La dianétique. Une hôtesse, Antillaise au sourire Ultra-Brite, explique aussitôt : « La dianétique est une science moderne de la santé mentale, qui permet d'être bien dans sa peau, de pouvoir s'accomplir en société et d'être définitivement heureux, grâce à la maîtrise du corps parla pensée. » Et de proposer illico d'effectuer « gratuitement » un test de personnalité comprenant 200 questions et de voir, ensuite, « ce qu'on peut faire ensemble »Bien évidemment, les résultats crachés par ordinateur en quelques minutes sont toujours catastrophiques (2). Pour celui ou celle qui a tenté l'aventure, parce que « ça va pas fort en ce moment », c'est le coup de bambou.

C'est comme chez le psy, sauf que là, on ne vous soigne pas, on vous enfonce

Formidable. Un esprit fragile peut alors se laisser de faire une « audition » à « 500 francs seulement », « juste pour voir », d'autant que tout le monde se montre attentif, souriant et désintéressé... « Les premières séances sont toujours formidables, raconte Alain, un jeune Cannois qui a fréquenté le centre de Nice. On vous explique que, pour éliminer les "engrammes", sortes d'enzymes gloutons, perturbateurs pour la santé mentale, il faut parler de ses problèmes, évoquer son enfance et tous les événements marquants de la vie. C'est bête à dire, mais le fait simplement de parler à quelqu'un qui vous écoute, ça soulage toujours et ça fait du bien. » Le problème, c'est que ces séances de « clarification », sorte de psychanalyse à la petite semaine, sont généralement effectuées par des « auditeurs » qui n'ont ni la formation, ni la compétence requises. Ils se bornent à interroger l'« audité » (ou « pré-clair », puisque son horizon mental est encore bien sombre...), suivant une série de questions standardisées, et à tout relever sur un calepin. « Mais là n'est même pas la question, souligne René, le Marseillais ; leur premier objectif, c'est de déstabiliser les gens en leur faisant cracher les choses les plus intimes, pour créer une dépendance. C'est comme chez le psy, sauf que là, on ne vous soigne pas, on vous enfonce. En fait, ils vous mettent dans votre caca, et après ils vous disent, bon, maintenant, si tu veux t'en sortir, il faut que tu reviennes souvent. »

Sans remords. C'est là que les ennuis commencent. Car le « pré-clair » ne se rend pas vraiment compte que le chemin vers la « clarté et la vérité » risque d'être long et dévastateur pour son portefeuille. « On n'y pense même pas, explique Didier, commerçant, qui, lui, est resté plus d'un an chez les scientos de Paris. J'étais alors trop content qu'on s'occupe enfin de moi et je pensais sincèrement que ma vie allait radicalement changer. Alors j'ai fait des chèques. 5.000 flancs par-ci, 10.000 par-là. Une fois, en une journée, j'en ai fait pour 75.000 flancs, et sans remords... » Bien évidemment, les auditions deviennent rapidement de plus en plus intensives, et plus vraiment à un prix d'ami. Certaines, pour être « plus efficaces », doivent s'effectuer à l'aide d'un « électromètre », le must de la technologie hubbardienne. En fait, une boîte ridicule, juste capable de mesurer la résistivité de la peau à un faible courant électrique, selon la pression et la sudation de la main, mais présentée comme permettant à l'auditeur de « localiser et de débarrasser le pré-clair des souffrances spirituelles ». L'ensemble du matériel ne coûte guère plus de 700 francs, ce qui n'empêche nullement l'Eglise de scientologie de le vendre entre 30.000 et 45.000 francs pièce.

La « purification » est aussi l'un des passages obligés du pré-clair pour atteindre la « clarté » censée « débarrasser l'organisme des résidus de drogues (alcool, tabac...) et des radiations (atomiques...) qu'il a accumulés au cours de sa vie », la « purif » présente l'avantage d'épurer définitivement le corps et... le compte en banque. Pour 22.000 francs les douze heures de purification (3)  (renouvelables tant que le « spécialiste maison » - ou « superviseur de cas » - le jugera utile, le « pré-clair » se retrouve à faire des séances de quatre à cinq heures de sauna, suivies d'un bon footing, sans oublier l'absorption quotidienne du fameux produit miracle, la Niacine (en fait des vitamines PP, du groupe 83), ainsi que de la vitamine C à haute dose. Inutile de dire qu'il faut une constitution physique à toute épreuve pour sortir indemne de ce cocktail thérapeutique de choc.

« Nous étions prêts à tous les sacrifices pour atteindre le nirvana »

« C'était cher, dangereux ou inutile », reconnaissent maintenant la plupart de ceux qui en sont sortis. Pourtant, ils ont souvent mis un temps infini avant de s'en apercevoir. « Mais c'est normal, s'emporte Catherine, une belle brune BCBG qui a quitté le centre de Nice en mars dernier. Nous étions entrés dans un tel engrenage, et tellement conditionnés que nous étions prêts à tous les sacrifices pour atteindre le nirvana. Il ne faut pas oublier que, à côté des auditions, nous avions toute une série de cours et un endoctrinement extrêmement subtil. »

L'enseignement (proposé parfois à 150.000 francs les cent cinquante heures) ne présente qu'une seule et même vérité sur le monde : celle de Hubbard. Et, à coups de citations du maître vénéré, on apprend que tout ce qui n'est pas scientologie est néfaste, que son environnement extérieur est rempli de « suppressifs » (opposants à l'Eglise, qu'il faut donc se méfier de tout, et surtout de sa famille si l'on n'est pas parvenu à la convertir. Qu'importe alors de perdre son âme, ses amis, ses parents, son argent. L'urgence est ailleurs. Et gare aux contrevenants et à ceux qui auraient la foi mollassonne. Une absence trop prolongée de la mission, et c'est une avalanche de lettres, de coups de téléphone culpabilisateurs au domicile de l'égaré,

Une surveillance étroite des adeptes, des mises en éthique et des punitions

Rapports. De retour au bercail, le fidèle n'a plus qu'à bien se tenir, car attention aux « rapports » qui tombent... Un signe de bonne santé de l'organisation, puisque chacun se doit d'en faire lorsque quelque chose cloche : un « rapport sur une erreur », une « désobéissance », ou encore un rapport sur un « faux rapport », et même un rapport sur... « l'absence de rapport ». Une façon de tuer dans l'oeuf toute critique, toute discussion ou confidence « hors sujet » entre les fidèles, et surtout d'enfermer chacun dans la fonction qui lui est assignée par la hiérarchie.

« C'est vrai que, pour notre bien, le doute est interdit en scientologie », explique Christian, après « deux ans de galère chez ces fous dangereux », à Marseille. « A chaque fois que je posais des questions dérangeantes, ou que je leur expliquais que je n'arrivais plus à trouver de l'argent, c'était mal, et toujours de ma faute. Moralité : je me retrouvais constamment devant l'"officier d'éthique" » chargés de dire la justice et de corriger les égarements des fidèles, les officiers d'éthique forment la Securitate de l'Eglise de scientologie. Ce sont eux qui reçoivent les fameux rapports et décident des « amendes » à infliger au fautif, après l'avoir cuisiné au cours d'auditions spéciales. Lors d'interrogatoires très serrés (le plus aimable est le « PTS Check » et le pire le « Jo'Burg », tente de déterminer quelles sont les « sources potentielles de trouble » que lui ont la tête les vilains « suppressifs ».

Punitions. « C'était devenu ubuesque, reconnaît Didier. Un jour que je m'étais rendu compte de certaines injustices dans la mission, j'en ai fait part, en toute innocence, à l'officier. Cela m'a valu de passer souvent mon temps en "éthique" pour trouver ce qui n'était pas éthique dans mon comportement... » Le type de punition est alors proportionnel au délit, selon des règles édictées par Hubbard lui-même. Cela peut aller de la relecture - sous contrôle - de certains ou (qui en a écrit, paraît-il, plus de cinq cent...), à la vente de livres de « dianétique » en un temps record, ou à l'entretien des WC pendant trois semaines. Durant sa punition, l'adepte devient pour les autres un véritable pestiféré, et il ne retrouve les sourires compatissants qu'une fois sa peine accomplie et l'absolution de l'officier d'éthique noir sur blanc.

Pourtant, malgré leur bonne volonté, certains s'obstinent à ne pas être conformes. Ayant vidé leur compte en banque, contracté des dizaines de prêts, ruiné leur famille, ils n'arrivent pas à être « clair » et n'ont plus un kopeck pour éliminer leurs « engrammes » ; ce qui les rend particulièrement nerveux, perturbe leur « bank » (ou « mental réactif ») et en fait de potentiels « suppressifs » à cause des « PTS » qu'ils dégagent... C'est là que l'Eglise de scientologie, dans son extrême bonté, leur propose d'entrer dans la maison comme membre permanent du personnel. Dans un tel contexte, la plupart. signent les yeux fermés : « Je me suis ainsi engagé pour deux ans et j'ai travaillé soixante heures par semaine pour 11.200 francs mensuels (4), raconte un ancien adepte, avec un contrat qui contient une clause spécifiant que si le salarié rompt l'accord avant terme, il devra rembourser tous les salaires qu'on lui a versés jusqu'alors ! »

Julia Darcondo, psychologue, a volontairement adhéré à l'Eglise lorsque son fils François s'est laissé entraîner. « J'y suis entrée avec toute ma conscience, ma volonté de résister, sachant ce que je voulais. Eh bien, j'y suis restée dix ans », explique-t-elle, le regard fixe. Après avoir été "clair", je fus même un "Thétan opérationnel", proche de la vérité sur le monde, comme ils disent. Vous savez, dès qu'ils vous ont aspiré dans leur planète, c'est très dur d'en sortir. Les gens n'imaginent pas leur puissance. Ils sont très bien organisés, et très forts pour réduire au silence tous leurs détracteurs. »

Noyautage

Ce sont les « bureaux des affaires spéciales » qui se chargent de forger une image honorable de l'Eglise et d'organiser la réplique aux attaques dont elle serait l'objet. Comment ? « Tout simplement comme n'importe quel Etat qui chercherait à noyauter un service, une institution, un Etat ennemi », explique Françoise, mère de famille à Annecy, qui, après avoir vécu « l'enfer de (sa) fille dans cette secte », a décidé d'étudier « dans le texte » les structures et les méthodes de la scientologie, « La cible privilégiée des scientologues, ce sont les décideurs, les personnalités, les artistes et tous les gens clés d'une société. D'abord en abordant les naïfs et les imprudents. Leur grand classique, c'est de se proclamer pour la paix, contre les drogues, pour les droits de l'homme, et de créer une association ou une revue bidon avant d'aider frapper à toutes les portes. »

Exemple : en 1983, Marc Mouro, alors président d'Amnesty International, accorde une interview à la revue des scientologues, Ethique et Liberté. Complice ? « En fait, reconnaît Chantal de Casabianca, du service de presse d'Amnesty, nous nous sommes fait piéger comme des bleus. Nous ne savions pas réellement qui ils étaient. » Résultat, l'Eglise de scientologie utilise encore de nos jours cette interview (somme toute banale) comme une marque de soutien. Même chose dans le numéro de janvier 1990, qui se vante d'avoir recueilli les propos d'un « professeur honoraire au CNRS. » (5)

Et puis, il y a tous ces députés qui ont signé une pétition contre l'abus de tranquillisants pour Éthique et Liberté en juin 1989. Laurent Fabius, Claude Evin, Edmond Alphandéry, Raymond Barre, André Lajoinie, Michèle Barzach... y sont allés de leur petite bafouille, les yeux fermés. Affaire sans lendemain ? Pas sûr, car à force de traîner dans les couloirs du Parlement, l'Eglise de scientologie s'enorgueillit de quelques sympathisants bien placés. « Nous avons plusieurs députés qui nous sont favorables, explique, satisfait, François Bonnet, l'un des responsables nationaux de l'Eglise, mais, pour l'instant, nous préférons ne pas donner leurs noms car les journalistes s'empresseraient de leur nuire. » Et puis il y a aussi quelques cautions prestigieuses que l'Eglise sait convaincre de sa bonne foi. Ça peut toujours servir. Entre autres, à faire passer une thèse de doctorat de médecine comme celle qu'a soutenue Myriam Roussin (actuellement médecin à Aubaine) le 20 mai 1988 à Paris-VI, et qui est une fumeuse apologie des théories médicales de Hubbard, sous la direction du professeur Sapin-Jaloustre. Celui-là même qui dirigea la thèse de doctorat de médecine d'Isabelle Tzanck,  le 1er février 1985 (à Paris-VI encore), sur les bienfaits de la désintoxication des drogués version Hubbard, pratiquée dans les centres Narconon de l'Eglise condamnés par la justice (en Espagne et en Italie).

Religion. Il v a aussi ces rapports que le « bureau des affaires spéciales » commande à des personnalité, tel celui rédigé par Jacques Robert, professeur agrégé de droit public, président de l'université de Paris-II jusqu'en 1984, aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel nommé par le président de l'Assemblée nationale, Laurent Fabius, en 1989, dans lequel on peut lire que « 1'Eglise de scientologie constitue véritablement une religion, elle ne se distingue en rien des autres religions » et, par conséquent, qu'« elle doit bénéficier, elle aussi, de l'immunité institutionnelle dont jouissent les autres religions en droit français ». « Ma consultation n'avait pas pour objet de juger 1'Eglise de scientologie et ses méthodes, explique aujourd'hui Jacques Robert, mais juste de dire si elle constitue une religion ou pas. Le reste, je n'y connais rien et ce n'est pas mon problème... ». Et que dire également des écrits du docteur Serge Bornstein, neuropsychiatre, expert agréé auprès de la Cour de cassation, responsable du diplôme de psychiatrie à la faculté d'Orsay. Son rapport, plus que bienveillant pour les méthodes thérapeutiques de l'Eglise de scientologie, est une des grandes fiertés de celle-ci. D'ailleurs, Serge Bornstein n'écrivait-il pas, en mars 1982, dans le mensuel Les dossiers de l'Histoire, que « Hubbard s'impose comme une figure marquante du XXè siècle, et sa philosophie religieuse se range parmi les grands courants spirituels de l'humanité », et que la scientologie est « un hymne au respect et à la paix générale » ? (6)

Une opposition muselée

Chantage. De ses anciens fidèles qui osent crier à l'escroquerie, l'Eglise n'a généralement pas grand-chose à craindre. « Avec leurs auditions, ils savent tout de moi, explique un cadre marseillais qui hésite encore à porter plainte. Et même s'ils ne peuvent pas utiliser mes petites bêtises de jeunesse, je sais qu'ils vont s'en servir pour fabriquer des histoires sur moi. » A l'aide d'une pléthore d'avocats - pour l'affaire du Sud-Est, les scientologues bénéficient des services de l'avocat vedette du barreau marseillais, maître Gilbert Collard -, l'Eglise attaque presque systématiquement en justice les journaux qui fouilleraient un peu trop sur ses agissements. Des procès longs, coûteux, et qui découragent plus d'un directeur de publication. On sait aujourd'hui que certains quotidiens ont fini par jeter l'éponge et n'évoquent plus que de façon laconique l'activité des scientologues.

« Franchement, que pouvons-nous faire face à une telle puissance ? Rappelons qu'à Marseille les trois centres ont rapporté 1 milliard de francs en 1989 (0), et qu'il existe en France près d'une vingtaine de Centres Hubbard de dianétique », se désole parfois Janine Tavernier, présidente de l'Association de défense de la famille et de l'individu, qui se bat depuis des années contre les sectes. « Nos moyens sont dérisoires et nous n'arrivons pas à être sur tous les fronts où sévit l'Eglise de scientologie. Et plus ça ira, plus cette pieuvre va étendre son emprise sur notre société. Notre époque, pleine d'incertitudes et sans idéal, est un terrain extrêmement favorable à la prolifération des sectes. » Jean, du Centre de documentation, d'éducation et d'action contre les manipulations mentales (CCMM), préfère, lui, s'interroger sur la volonté des pouvoirs publics d'en finir une fois pour toutes avec ces associations « loi de 1901 » qui brassent des milliards, endoctrinent et plument les plus faibles. « Il y a actuellement une quinzaine de plaintes contre l'Église de scientologie qui dorment au Parquet de Paris. Pourquoi ? » A Marseille, ces temps-ci, le juge Carole Sayouz reçoit plus de 100 lettres de « scientologues en colère » par jour. « C'est pas ça qui va l'arrêter », murmure-t-on dans les couloirs du Palais. La justice parviendra-t-elle à faire face à l'offensive tous azimuts que prépare aujourd'hui l'Eglise de scientologie pour contrer ceux qui l'empêchent « d'oeuvrer à la création d'un monde meilleur », comme le disent si joliment les « scientologues contre la discrimination » ?
 

Albert Drandov.

Propos choisis du "Commodore"

« Obtenez des données, obtenez tous les noms, dates, adresses, numéros de téléphone et autres renseignements qui pourraient être utiles à une investigation plus approfondie du cas, si on en avait besoin. » 
LRH. Bulletins techniques, vol, 12.
« Je m'engage à accepter et à assumer au mieux de mes aptitudes les responsabilités que l'on me confiera, peu importe leur nature, et peu importe où elles me conduiront dans l'accomplissement de ma mission. » 
Article XI. Code de la Sea Org.
« Vous devez vous attacher à contrôler sans interruption chaque personne entrant dans votre bureau, depuis le moment où vous les amenez de la réception (...), à partir de ce moment jusqu'à l'étape finale où ils signeront le chèque, et même jusqu'à ce qu'ils aient franchi la porte. Ceci (sic) est la raison de 90 % de mon succès. Les gens réclament qu'on les contrôle. »
LRH. Volume administratif n° 2.
« Quand quelqu'un s'inscrit, considérez que c'est pour la durée de l'éternité. Ne permettez jamais une approche du type "esprit ouvert". (...) S'ils se sont engagés, ils y sont dons les mêmes conditions que le reste d'entre nous ; vaincre ou mourir dans la tentation. Ne les laissez jamais être à moitié scientologues. Les plus belles organisations de l'Histoire ont été des organisations dures, vouées à leur tâche. Aucun groupe gnan-gnan de dilettantes efféminés n'a jamais réalisé quoi que ce soit. Nous vivons dans un univers dur (... ). Nous survivrons parce que nous sommes durs et dévoués. Quand nous faisons réellement et correctement l'instruction de quelqu'un, il devient un tigre. »
LRH. Fascicule HCOPL. Cor, et Rep, 12.10.85.
« Je ne vois pas en quoi les mesures populaires, l'abnégation et la démocratie ont fait quoi que ce soit pour l'homme, sinon l'enfoncer plus encore dans la boue. »
LRH. Fascicule HCOPL. Cor. et Rep. 12.10.85.
« Cherchez à toucher les points clés par n'importe quel moyen ; la directrice du club féminin, le secrétaire du président, le conseiller du syndicat. Gagnez bien votre vie avec ça, mois faites votre travail, maniez (manipulez, en termes sciento. NDLR) et améliorez les gens que vous rencontrez et créez une meilleure planète. »
LRH. Lettre de règlement HCO. Rev. 26.10.80.
« Maintenant, nous en savons plus sur la psychiatrie que les psychiatres eux-mêmes. Nous pouvons faire un lavage de cerveau plus vite que les Russes (en 20 secondes nous obtenons une amnésie totale, contre trois années nécessaires pour rendre la loyauté à quelqu'un légèrement confuse. (resic) »
LRH. Bulletins techniques. Vol. 2. 
« S'il se présente une menace à long terme, vous devez immédiatement évaluer la situation et provoquer une campagne de propagande noire, afin de détruire la réputation de la personne et la discréditer de telle manière qu'elle soit mise au ban de la société. »
LRH. HCO. lettre de règlement. 30.05.74.
« La société désirant ardemment instaurer le contrôle sur le plus grand nombre de gens remplace l'esprit par la religion. »
LRH. Bulletins techniques, vol. 2.
« II est possible qu'une personne ait un cancer de la peau, avec la Niacine. Au cas où cela se produirait, le cancer disparaîtrait complètement si on continue la Niacine. »
LRH. Fascicule HCOB. Re-Rev. 21.04.83.
« Si vous êtes attaqué (...), arrangez-vous pour que la question soit politisée (...), donnez l'impression au public, au gouvernement qu'ils sont tombés sur un barrage de flèches et un bombardement électronique, et que, s'ils continuent leurs attaques, cela provoquera leur propre désintégration (...). Introvertissez ces, différents groupes, contrôlez-les, la scientologie est le seul jeu sur terre où tout le monde gagne. Il n'y a pas d'actes néfastes à mettre bon ordre dans les choses. »
LRH. HCO. lettre de règlement. Volume vert n° 7 (réservé aux cadres supérieurs de l'organisation. NDLR), 15.08.60.
« Si vous êtes attaqués sur un point vulnérable par quelque individu ou quelque organisation que ce soit, fabriquez ou trouvez une menace suffisante contre eux pour les amener à négocier la paix. Débrouillez-vous pour vous mettre dons une position où vous aurez l'avantage, et alors posez vos conditions. Ne vous défendez jamais, attaquez toujours. Ne restez pas inactif. C'est l'attaque imprévue sur l'arrière des premiers rangs de l'ennemi qui paie le plus. »
LRH. HCO. Lettre de règlement. Volume vert n° 7 (réservé aux cadres supérieurs de l'organisation.  NDLR), 15.08.60.

La Dianétique fait des miracles !





Notes


(0) : Les chiffres d'affaires de 800 millions et 1 milliard sont invraisemblables. Il s'agit peut-être d'anciens francs, mais ce n'est pas précisé dans cet article. Des chiffres d'affaires de l'ordre de 10 millions pour les 3 centres de Marseille, et 8 millions pour celui de Nice, sont nettement plus réalistes.
(1) : Le centre de la Rue de Dunkerque à Paris a fermé fin 1995 suite à un redressement fiscal. La secte a resurgi peu de temps après dans de nouveaux locaux, au 7 rue Jules César 75012 Paris.
(2) : En réalité, les tests de personnalité ne donnent pas toujours des résultats catastrophiques. Mais même quand le bilan est positif, les scientologues estiment qu'il faut absolument faire quelque chose pour le nouveau venu, car il leur paraît anormal qu'un non-initié se porte aussi bien... Comme ils disent, il doit être sur son "petit nuage"... (Voir l'analyse des tests d'aptitude OCA dans le livre de Roger Gonnet, à partir de la page 61).
(3) : L'auteur a confondu avec les heures "d'audition scientologique". En réalité le programme de purification est vendu à prix forfaitaire de l'ordre de 10.000 francs, et n'a pas pas de durée limitée, celle-ci pouvant varier de deux semaines à beaucoup plus selon les cas. Les quatre à cinq heures de sauna quotidien sont particulièrement éprouvantes comme en témoigne Le Rundown de purification à l'Eglise de Scientologie de Paris.
(4) : L'auteur a probablement commis une faute de frappe, car un salaire de 11.200 francs mensuels est extrêmement rare dans la Scientologie. Des ex-scientologues témoignent avoir reçu une "rémunération" de l'ordre de 150 francs/semaine... Voir par exemple Eglise de Scientologie. Le combat d'une femme.
(5) : Des universitaires et chercheurs au CNRS ne sont pas toujours récupérés par la Scientologie à leur insu. Des  "spécialistes des nouveaux mouvements religieux" sont courtisés par les sectes.
(6) : Serge Bornstein a fait l'objet de poursuites en 1998 pour avoir indûment fait état d'un pratonage d'un congrès de psychiatrie rien de moins que par les ministères de la Justice, de la Santé et de l'Education Nationale.



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