Les sectes constituées en associations sont-elles
à l'abri des lois ?
Les sectes ont la possibilité légale de se constituer en
association ou de créer des sociétés. Elles ne s'en
privent pas.
Il n'est pas question un seul instant de leur contester au départ
ce droit, qui est une liberté fondamentale, à l'égal
de la liberté d'opinion, d'expression, de réunion, de publication.
Le régime général associatif de la loi de
1901 donne aux sectes la possibilité d'obtenir une existence légale
en se constituant comme:
Les sectes peuvent aussi obtenir le statut légal de société.
Les associations non déclarées
L'article 1er et l'article 2 de la loi du 1er juillet 1901 stipulent que
"deux ou plusieurs personnes peuvent mettre en commun d'une façon
permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre
que de partager des bénéfices", et que "les associations
de personnes peuvent se former librement, sans autorisation".
Ce qu'elles sont
Une secte peut se constituer en association simple, non déclarée
et créer autant d'associations qu'elle le veut sans faire aucune
déclaration.
Ce type d'association non déclarée est donc parfaitement
légal, à condition bien sûr que l'association ne poursuive
pas un but illicite.
Ce qu'elles peuvent faire
Les associations non déclarées peuvent:
recueillir des cotisations sociales (article 4 loi 1901)
créer un fonds commun destiné à faire face aux dépenses
de l'association en conformité avec son objet
être propriétaires de ce fonds commun qui reste la propriété
collective de leurs membres
ouvrir un compte de chèques postaux
avoir la qualité d'employeur
passer un contrat collectif de travail
Elles sont à l'abri de tout contrôle administratif.
Ce qu'elles ne peuvent pas faire
Les associations non déclarées ne jouissent pas de la
capacité juridique. Donc elles ne peuvent pas:
acquérir ou posséder un patrimoine immobilier (tout apport
à une association non déclarée est radicalement frappée
de nullité)
devenir régulièrement locataires
ester en justice
(en cas de procès, l'association devra faire intervenir ses membres)
Les associations déclarées
La plupart des sectes (80%), afin de bénéficier de
la personnalité morale, préfèrent se constituer sous
la forme d'une association déclarée selon la loi de
1901.
Ce qu'elles sont
Pour se constituer en association déclarée, il suffit:
de faire une déclaration à la préfecture ou à
la préfecture de l'arrondissement où l'association a son
siège social
de déposer deux exemplaires des statuts dans le délai d'un
mois
de publier cette déclaration au Journal Officiel, en indiquant
la date de la déclaration, le titre, le but et le siège de
l'association.
Pour constituer une association déclarée, aucune autorisation
n'est requise. L'administration se contente de délivrer "le récépissé
de déclaration", mais n'a aucune appréciation, jugement ou
contrôle à porter sur le titre, l'objet et le contenu des
statuts.
Exemple: "L'Association pour l'expansion de la connerie
[sic] en France" a pour objet de "rassembler quelques personnes d'une certaine
intelligence délibérément limitée, sans modestie,
se moquer d'une certaine bêtise humaine et confraternelle, sans frontière
aucune". (Publié au Journal Officiel du 11 septembre 1976,
page 5487) Cité par J.B. d'Onorio dans la Semaine Juridique.
1988.
Ce qu'elles peuvent faire
Les associations déclarées peuvent:
recueillir les cotisations
recueillir les subventions de l'Etat, des départements, des communes,
des établissements publics ou d'utilité publique
retirer rétribution des services rendus (vente de publicité)
organiser des réunions, représentations payantes
conclure des contrats de rente viagère
être propriétaire du local destiné à l'administration
de l'association et à la réunion des membres
recevoir des apports immobiliers pour lui permettre de se constituer ou
de fonctionner
ester en justice
Ce qu'elles ne peuvent pas faire
Les associations déclarées ne possèdent qu'une
"petite capacité juridique", c'est-à-dire limitée.
Elles ne peuvent:
recevoir des donations ou des legs
posséder des immeubles de rapport
(La loi du 13 juillet 1987 sur le mécénat autorise les associations,
même non reconnues d'utilité publique, à recevoir des
dons et legs à la seule condition que le but soit l'assistance.)
Les associations déclarées doivent satisfaire au contrôle
prévu par:
le code général des Impôts (article 1991) qui autorise
le contrôle fiscal
le code du Travail (article 143-5) qui oblige à tenir un livre de
paye ainsi que le contrôle de la Sécurité Sociale
Dans l'ensemble, les sectes ont choisi ce type d'association qui témoigne
de leur honorabilité. D'autres sectes, rares il est vrai mais soucieuses
d'afficher un caractère religieux et de se présenter comme
une Eglise, se constituent en "association cultuelles".
Les associations cultuelles
ou associations loi 1905
Le régime des associations cultuelles a été fondé
par la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des
Églises et de l'Etat.
Ce qu'elles sont
Selon l'article 18 de la loi de 1905, les associations cultuelles sont
des associations privés, déclarées (loi 1901) qui
ont pour but de "subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice
public d'un culte".
Elles appartiennent donc au régime général
des associations de la loi 1901 auquel elles sont soumises.
N'importe qui peut constituer une association cultuelle. Pour
cela, il convient de se reporter aux normes des associations déclarées,
à savoir: déposer sa déclaration à la préfecture
ou à la sous-préfecture où l'association a son siège
social, remettre deux exemplaires des statuts, publier au Journal Officiel
la date de déclaration, le titre, l'objet et le siège de
l'association.
L'administration se contente de délivrer un "récépissé
de déclaration" sans exercer un contrôle sur le titre, l'objet
et le contenu de la déclaration. On pourrait ainsi très
bien constituer "une association cultuelle des athées".
Ce qu'elles peuvent faire
Elles bénéficient de toutes les possibilités accordées
aux associations déclarées, mais en plus elles peuvent:
exercer librement et publiquement un culte (articles 1 et 2)
recevoir les revenus des biens meubles et immeubles
être exonérés des droits de mutation pour les dons
et les legs et de l'impôt foncier sur les édifices leur appartenant
recevoir des dons et legs, mais dans des conditions bien déterminées,
avec la contrepartie de la tutelle de l'Etat qui doit en autoriser la
perception
obtenir l'affiliation de ses membres permanents non salariés au
régime de la Sécurité Sociale réservé
aux ministres des cultes (CAMAC, CAMAVIC) avec l'autorisation ministérielle
ou préfectorale.
Seule une de ces deux autorisations de l'autorité administrative
compétente (ou bien sûr le conseil d'État) va conférer
la "grande capacité juridique" à cette association et
lui permettre d'être qualifiée de cultuelle au sens de la
loi du 9 décembre 1905.
Réponse: le fait que dans leur déclaration
elles se soient appelées "associations cultuelles", n'engage aucune
reconnaissance de la part de l'administration. Mais puisque la décision
administrative leur a été défavorable, elles ne peuvent
être qualifiées de "cultuelles" au vrai sens de la loi du
9 décembre 1905.
D'ailleurs, la Scientologie a modifié
ses statuts et récemment les Témoins de Jéhovah ont
dissous leur "association cultuelle" pour créer leur nouvelle association:
"Les Témoins de Jéhovah" (21 avril 1992).
Pourquoi les sectes renoncent-elles à ce régime
associatif ? D'abord parce qu'il est assorti de conditions rigoureuses
de transparence et de contrôle qui leur apparaissent contraignantes,
et, d'autre part parce que le Ministère de l'Intérieur a
appelé à la plus grande vigilance à l'égard
de "certaines associations pouvant en effet représenter des sectes
et a rappelé qu'il pourrait être inopportun de les autoriser
à recevoir une libéralité". En ce cas, elles ne peuvent
laisser croire qu'elles ont la qualification "d'association cultuelle",
au titre de la loi du 9 décembre 1905.
Un exemple qui illustre cette apparente subtilité:
celui de la secte du Mandarom, qui créait
le 10 avril 1991 "l'Association Cultuelle du Temple Pyramide de l'Unité
des Religions". Le 18 avril, le sous-préfet de Castellane délivrait
à la secrétaire générale le récépissé
reprenant le titre et l'objet que s'était donné cette association.
Interrogé, le 10 septembre 1992, par le président
de "l'Association pour la protection du Lac de Sainte Croix, de son environnement,
des laces et sites du Verdon", le ministère de l'intérieur
a donné, par le Bureau Central des Cultes, la réponse suivante:
"'l'Association Cultuelle du Temple Pyramide de l'Unité des Religions'
ne peut être qualifiée de cultuelle au titre IV de la loi
de 1905". Ainsi l'association "association cultuelle" conformément
à la loi de 1901, ne peut pas être qualifiée
de "cultuelle" au sens de la loi du 9 décembre 1905.
Ce qu'elles doivent faire
obtenir l'autorisation de la tutelle administrative pour recevoir des dons
ou des legs
n'affecter les recettes de l'association qu'aux besoins du culte
ne rémunérer que des personnes assurant la charge de ministres
du culte nommées par le groupe religieux
tenir un état de leurs recettes et de leurs dépenses
dresser chaque année le compte financier de l'année écoulée
et l'état inventorié de leurs biens meubles et immeubles
(le contrôle financier étant exercé par l'Administration
de l'Enregistrement et par l'Inspection des Finances (article 21).
indiquer les limites de circonscription dans laquelle elles fonctionnent
et le nombre de leurs membres majeurs
ne pas porter atteinte à l'intérêt national ni aux
libertés publiques.
Ce qu'elles ne peuvent pas faire
Les associations cultuelles devant avoir exclusivement pour objet l'exercice
d'un culte, elles ne peuvent se consacrer à des activités
qui auraient pour objets l'enseignement scolaire, le commerce, la politique,
des activités charitables, sanitaires, etc...
Additif à
l'article de BULLES
Articles relatifs au statut d'association cultuelle :
Fausse association cultuelle. Certaines sectes
usent leur récépissé de demande de reconnaissance
du statut d'association cultuelle comme d'une reconnaissance par l'État,
bien qu'il ne leur octroie aucun droit.
La Scientologie reconnue comme une religion par une
cour de Lyon ? BULLES, 3ème trimestre 1997. Bien que la condamnation
de certains scientologues soit confirmée en appel (même si
les peines ont été allégées), les scientologues
jubilent à propos d'un extrait du verdict. Réaction du Ministre
de l'Intérieur : il confirme que seul le Bureau des cultes,
attaché au ministère de l'Intérieur, est habilité
à reconnaître une association cultuelle.
La secte scientologue n'est plus religieuse....
Article du CCMM, en septembre 1998. La Scientologie n'est pas reconnue
comme une association cultuelle en France, et pour cause : elle n'a jamais
été candidate à cette reconnaissance... Ce sont les
dirigeants scientologues qui le confirment !
Il est inutile de développer ce chapitre, prévu à
l'article 10 de la loi du 1er juillet 1901, puisque jusqu'à maintenant
aucune secte n'a demandé à obtenir cette reconnaissance qui
est accordée par un décret au Conseil d'état.
Signalons que ne peuvent prétendre à cette faveur
les "associations cultuelles" ainsi que toute association ayant pour but
la propagation de doctrines spirituelles, religieuses ou philosophiques.
Les sociétés
Avec les associations, qu'elles soient déclarées ou non,
nous avons pénétré dans une véritable forêt,
car chaque secte multiplie ses associations à l'infini. Il faudrait
maintenant aborder une jungle amazonienne: la luxuriante et sauvage végétation
de sociétés que peuvent créer certaines sectes. Nous
n'allons pas nous aventurer dans ce labyrinthe de multinationales, de holdings,
de sociétés civiles, commerciales ou industrielles, Sociétés
A Responsabilité Limitée (SARL), Sociétés Civiles
Immobilières (SCI), Sociétés en Nom Collectif (SCN),
Société Anonymes (SA), etc.
Ce montage de sociétés diverses permet de brouiller
les cartes à loisir. Tantôt le gourou apparaît en personne.
Quand il s'aperçoit qu'il est repéré, il disparaît,
trouve un prête-nom, un particulier honorable qui contracte à
sa place; à ce dernier on substituera rapidement une personne physique
ou morale, une Société Civile Immobilière dans laquelle
les porteurs de parts sont des adeptes-membres de la secte. Selon les cas,
le gourou peut ou non réapparaître dans cette société,
en être ou non le gérant.
Toutes notre législation, qu'elle soit associative ou commerciale,
n'a d'autre but que de faire respecter les libertés publiques. Mais
il devient de plus en plus difficile aux pouvoirs publics de cerner et
de contrôler les sectes qui rusent avec nos lois.