"Pour mes trois enfants, rendez-moi mon argent" : pendant une semaine, avec une pancarte sur sa voiture, Claude Junqua, une jeune femme de 29 ans, a tenu une grève de la faim devant le siège de l'Eglise de Scientologie à Paris. Les responsables de l'association - devant la présence d'une caméra d'Antenne 2 - ont craqué : ils lui ont remboursé 400.000 F.
Aujourd'hui, avec le recul, elle analyse les mécanismes de l'engrenage qui l'ont amenée à entrer dans l'Eglise de Scientologie et à y rester sept ans. "En 1981, j'étais étudiante aux Beaux-Arts à Toulouse. Passionnée de livres et de philosophie. Un jour, un copain m'a prêté la Dianétique de Ron Hubbard (fondateur de l'Eglise de Scientologie, décédé en 1986). Je n'avais jamais entendu parler de Scientologie. Le livre m'a plu. Il développait une technique mentale permettant de guérir les maux, de résoudre les problèmes, de rendre l'homme meilleur, mais tout cela de manière très subtile, pas utopique. Je me suis fait avoir comme cela."
Claude Junqua franchit rapidement le premier pas : elle s'offre, un peu par curiosité, un stage de deux jours au centre de Dianétique d'Angers pour la modique somme de 200 F. C'est à ce moment-là, à ses yeux, que le double piège est bouclé : "Il y a d'abord ce piège financier : les livres, les stages que l'on effectue au début sont très bon marché. Ensuite, il y a le piège mental, spirituel. Au départ, on fait des progrès. Les "auditions" au cours desquelles vous vous retrouvez face à un scientologue vous permettent de retrouver des souvenirs, des émotions enfouies. C'est magique, c'est captivant. 0n se dit : 'Ça marche, je me sens mieux.' "
Pour Claude Junqua c'est le début de l'engrenage : "Quand quelqu'un met un pied dans la Scientologie, il est canalisé. D'un côté, il y a ceux qui ont une situation (médecins, avocats...) et qui vont payer pour s'améliorer. Ce sont eux qui financent. De l'autre côté, il v a ceux qui n'ont pas d'argent (c'était mon cas) et à qui on a fait miroiter un contrat pour devenir membre du personnel avec un travail plein de promesses sur un plan humanitaire, planétaire..."
En attendant, Claude Junqua est "rémunérée" 50 F par semaine, on l'envoie alors à Copenhague pour suivre une formation interne à l'Eglise de scientologie. Déjà, elle n'est plus maître de ses choix : "Je voulais être auditeur mais 'ils' avaient décidé que je serais superviseur de cours. Ça m'a un peu refroidie, mais j'ai encaissé." Au Danemark, pendant trois mois, Claude Junqua va vivre une expérience difficile qu'elle qualifie de véritable endoctrinement. "Nous travaillions douze à quinze heures par jour. En plus de cours qui s'inspiraient exclusivement des théories de Ron Hubbard, il fallait faire ses preuves, avec un travail de manutention par exemple. Coupés de nos familles car impossibles à joindre à cause de cet emploi du temps, nous n'avions même pas cinq minutes pour réfléchir."
En 1983, la jeune femme décide de changer de statut, de devenir membre bienfaiteur du mouvement. Un "privilège" qui se paie cher : 250.000 F la carte de "patron", sans compter les stages à 25.000 F et les "auditions" à 10.000 F. Pour payer, Claude Junqua et d'autres membres de la Scientologie présentent à diverses banques parisiennes des dossiers de prêt "étudiants". "L'Eglise de Scientologie nous fournit les dossiers ainsi que des factures de cours d'art. Un jour, je me suis retrouvée entre deux policiers, inculpée de faux, d'escroquerie et de complicité de faux et escroquerie. C'est la gifle qui n'a réveillée." Relaxée par le tribunal (toutefois le ministère public a fait appel), Claude Junqua s'acharne alors à obtenir le remboursement de toutes les sommes versées à l'Eglise de Scientologie. Pas facile. "Je savais qu'engager un procès ne servirait à rien. Alors, j'ai cherché ce qui pourrait leur faire peur. La faille des scientologues, ce qu'ils redoutent par-dessus tout, c'est la mauvaise réputation."
Claude Junqua a récupéré la quasi totalité de son argent, mais pas tout le reste : "Ils possèdent sur moi des données intimes dans des dossiers qui correspondent à une violation de personnalité. C'est très grave d'aller fouiller dans le mental des gens. J'ai passé un an sans faire de rêves." C'est aussi pour tout cela, pour les autres, que Claude Junqua accepte de témoigner aujourd'hui.
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