France

Pour mes trois enfants, rendez-moi mon argent !

(Source : BULLES du 4ème trimestre 1989).

 

 Claude Junqua raconte son expérience chez les Scientologues

Le dimanche 3 septembre 1989 au journal de vingt heures d'Antenne 2 (devenu France 2 par la suite), les téléspectateurs ont pu découvrir l'incroyable histoire d'une jeune femme de vingt-neuf ans qui venait, pendant une semaine, de faire la grève de la faim devant le siège de l'église de Scientologie, à Paris.

 " Pour mes trois enfants, rendez-moi mon argent ", disait la pancarte qu'elle avait fixée sur sa voiture... Pour étouffer l'affaire, les Scientologues ont préféré lui rembourser les quelque quatre cent mille francs qu'ils lui avaient soutirés. Claude Junqua raconte ici plus en détail sa longue et triste aventure.

(voir aussi l'article de La Croix Eglise de Scientologie, le combat d'une femme, et Interview d'un couple d'ex-scientologues sur France 3).


Dans les années 1980-1981, alors que je suis étudiante aux Beaux-Arts de Toulouse, un ami me prête le livre de Ron Hubbard, la Dianétique. J'accroche totalement et suis séduite par le travail technique de l'audition.

 A la mission de Toulouse où je me rends pour la première fois, un membre du personnel de la Scientologie d'Angers qui se trouve là me propose d'expérimenter la technique exposée dans le livre dans un séminaire de deux jours. Pour deux cents francs seulement, je peux " auditer " et améliorer les aptitudes des gens grâce à l'audition. Je n'en reviens pas et décide de m'y rendre.

 A Angers, entre deux séances, au cours de la première récréation, un des participants qui appartient au siège de Copenhague m'offre de signer un contrat de membre du personnel et me vante tous les avantages de travailler au coeur de l'organisation.

Départ pour Copenhague

Le voyage loin de la France, la vie gratuite dans un hôtel, la nourriture assurée et, surtout, la promesse de devenir " auditeur "... je suis séduite. Je signe le contrat et je dispose de trois semaines pour régler mes affaires en France. Mais le même jour, j'avais déjà signé un contrat pour travailler à Angers : les deux organisations se disputaient ma présence. Alors, le directeur d'Angers décide pour moi : " Tu sera superviseur, nous en avons besoin ici ". Première grande déception. Je n'ai pas osé me rebiffer, j'aurais été la première à le faire et le directeur bénéficiait d'un tel prestige aux yeux de tous que cela m'était impossible. Il a donc été décidé que je travaillerais à Angers mais que je serais formée à Copenhague où j'ai débarqué. Surprise ! En fait d'hôtel, j'ai dormi dans un dortoir... En fait de restaurant, je me suis retrouvée dans un réfectoire où je disposais de vingt minutes pour m'alimenter. J'en suis sortie tout affamée.

 Mais les cours me plaisaient et m'apportaient beaucoup. Au bout de deux mois, ils étaient terminés. On me propose un peu " d'audition " en guise de récompense. A ce moment, le directeur d'Angers me rappelle de toute urgence. Son superviseur venait de s'enfuir. Toute déçue, j'ai quand même obéi.

Retour à Angers

Là, à Angers, je fais la connaissance d'un garçon de Pau qui a un parcours similaire au mien.

 Mon poste devenait très lourd à supporter ! Très vite, j'ai été en désaccord avec mon " ténor ", supérieur hiérarchique, à cause du stress qu'elle me faisait subir en me poussant à faire des choses contre ma volonté. Mais, comme dans le groupe personne ne se rebiffait, je pensais que mes réactions n'étaient pas normales.

 Le poste que je tenais me donnait droit à un temps d'audition journalier ; j'ai alors commencé la procédure de " purification " qui est censée éliminer les effets nocifs de toutes drogues et médicaments.

 Le stress devenait intolérable. Par exemple, pour arriver à manger suffisamment en qualité et en quantité, pour supporter le travail " sur poste ", pour supporter les heures sur la " purif "... Pour 10 à 12 heures de travail par jour, ma paye était de cinquante à deux cents francs par semaine, avec un seul jour de liberté. Malgré tout cela, je faisais confiance, j'avais de bons résultats, je remplissais enfin les salles de cours.

 Financièrement, je trouvais bizarre qu'avec tous les millions qui rentraient chaque semaine dans la mission, les factures soient payées avec retard, qu'il y ait des difficultés de cet ordre. Mais je ne mettais pas en doute leur honnêteté. Je répondais à leur demande de participation pour pallier ces difficultés et j'acceptais de distribuer des prospectus dans toute la ville, en plus de mon travail habituel. Je me souviens d'avoir été obligée de distribuer des tracts, enceinte de 8 mois, chargée d'énormes sacs. Si j'avais refusé, j'aurais été traitée comme une pestiférée, mise " en éthique " (section de la Scientologie qui est censée appliquer la justice), d'où l'on ne sort que si on est réhabilité aux yeux du groupe, en exécutant de gros travaux physiques, et, bien sûr, en étant moins bien payé, voire pas de tout.

Première tentative de départ

Je n'étais donc ni heureuse sur mon poste, ni avec mon audition. Mon fiancé ayant des ennuis similaires, nous avons décidé ensemble de tout quitter en prétextant notre futur mariage.

 Et nous sommes partis, déstabilisés par ce que nous avions vécu, sans but précis sur ce que nous allions faire. Nous nous sentions coupables de ne pas agir pour sauver la planète. Et, relancés par Angers, nous y sommes repartis. A ce moment, nous étions persuadés que les problèmes passés ne venaient pas de nous.

 De nouveau, j'exprime mon souhait de devenir auditeur, puisque Ron Hubbard désignait ces personnes-là comme étant les plus valables de la planète. Contre mon gré, on me demande, une fois de plus, de reprendre mon poste de superviseur. Le directeur nous prend à part dans son bureau et nous dit : " Bon, c'est bien, vous êtes mariés, mais vu le contexte, je vous demande de ne pas faire d'enfant pour l'instant... ". Nous avons été soufflés par ce discours, mon mari et moi. Bien sûr, je me suis trouvée enceinte tout de suite, A ce moment-là, il a été décidé que je recevrais l'audition pour femme enceinte tout de suite. Cette audition, une fois de plus, n'a pas marché. Parallèlement, ça n'allait pas sur mon poste. Le responsable m'a alors expliqué que rien ne pourrait marcher si je n'étais pas " éthique "... Comme ils ne savaient pas quoi faire de moi, à quinze jours de mon accouchement, ils ont demandé à mon mari de m'emmener prendre l'air.

 Après mon accouchement, sans problème, un membre de Copenhague nous propose de travailler au Danemark, me laissant l'espoir de devenir auditeur. " Si tu le veux vraiment, me dit-il, tu le seras ". Espoir déçu encore : on m'a mise comme superviseur. J'ai travaillé à leur rythme alors que je venais d'accoucher depuis dix jours. Pourtant, même en Scientologie, il est de règle de laisser un mois complet à la maman. Ce mois m'avait été promis !

Seconde tentative

Nous sommes en 1983. La situation devenait insupportable : nous avons décidé de fuir, puisque nous n'avions pas l'autorisation de sortir librement. Nous nous som- mes échappés une nuit, tous les trois ! Nous sommes partis dans la campagne de Pau. Mon mari a trouvé du travail et je me suis occupée de mes deux enfants... En 85, nous sommes de nouveau relancés par une personne de Copenhague nous disant qu'on avait besoin de nous, que la direction avait changé... Je n'étais pas très chaude, pourtant nous y sommes retournés. J'ai repris mon poste de superviseur... Une fois de plus, j'ai remonté le cours. Je commençais à constater la différence entre la pratique et la théorie. Nos payes étaient lamentables, avec seulement une demi-journée de liberté par semaine ! Nous vivions à un rythme infernal, sous prétexte qu'il fallait agir vite pour sauver la planète. N'en pouvant vraiment plus, je décide de rentrer en France. J'étais enceinte pour la troisième fois. Je laisse mon mari et mes enfants. Arrivée à Pau, des amis m'hébergent, je trouve du travail. Mon mari et mes enfants me rejoignent et nous décidons fermement de ne plus travailler comme membres du personnel. Cependant, nous croyions toujours à 100 % dans la Scientologie. Nous nous culpabilisons même de ne pas avoir réussi et concluons que les problèmes ne venaient que de nous.

Commencement des emprunts

En 86, mon mari a créé sa propre entreprise. Etant en rupture avec la Scientologie, nous envoyions chaque mois de l'argent à Copenhague pour ne pas être mis en quarantaine.

 Ici s'arrête la période " membres du personnel " et nous allons commencer la non moins périlleuse période " public ". Le public, c'est celui qui travaille à l'extérieur, possède une fortune, des biens et/ou un très bon salaire.

 Quand la nouvelle que nous voulions devenir publics s'est propagée, deux membres de l'église de Scientologie d'Angers sont venus nous voir. Nous avions des dettes et n'avions pas les moyens d'acheter les services en tant que publics. Il a alors été décidé que nous ferions des emprunts. Comme je n'en avais jamais fait, les deux membres d'Angers m'ont accompagnée à la banque. Leur empressement me semblait normal sur le moment, vu le peu de temps qu'il nous restait pour sauver la planète. Pour nous, il devenait obligatoire de devenir membres de l'IAS (Association Internationale de Scientologie). Son but est de collecter de grosses sommes pour se défendre des attaques dont les églises de Scientologie étaient l'objet. On pouvait être membre annuel ou à vie. On pouvait aussi être " patron " (avoir fait un don de 250.000 F). On nous encourageait vivement à devenir membres à vie. Cela nous donnait des privilèges et plus de considération. Une carte à vie coûtait 12.000 F. Il a fallu faire un emprunt de 24.000 F en plus de l'emprunt pour rembourser nos dettes. J'ai eu mon troisième enfant. L'entreprise marchait.

 J'avais commis l'erreur de dire, au Danemark, que je pensais avoir atteint un certain niveau dans l'audition. Ce qui me valut, fin 86, la visite d'un membre de l'AOSH (organisation chargée de délivrer l'audition aux publics) pour me dire que, justement, un procédé venait d'être mis au point pour vérifier l'état " d'audition ". Ce procédé était à un prix promotionnel... Pour douze heures et demie de préparation à l'audition et, pour les cinq heures prévues par le procédé, je n'avais qu'à donner 25.000 F. C'était la carotte idéale ! Je m'arrange, en accord avec mon mari, pour rassembler les fonds. Ce " procédé " ne devait durer que dix jours. J'organise mon voyage. Je laisse mon mari avec les deux aînés et je pars avec le dernier de dix mois. Tout était prêt pour m'accueillir. Etant " public " et membre de l'IAS, je pensais que le tapis rouge serait déroulé sous mes pieds, comme on nous le laissait entendre lorsque nous étions membres du personnel. Déception ! Personne pour m'accueillir... Pas de chambre pour moi, pas de place à la nursery, comme c'était pourtant convenu. Je finis par avoir à prix d'or une chambre sale où il manque la clé. Aucun dossier pour moi. Etant public, j'ai osé réclamer et exprimer mon mécontentement. Le groupe s'en fichait : j'avais payé d'avance (en payant d'avance, il y avait une remise de 5 %). Je passe l'éponge, me disant que ce ne sont que des détails matériels.

 Au bout de cinq jours, coincée dans la salle d'attente, j'apprends que je ne peux obtenir le procédé que j'espérais... je dois en recevoir un d'un niveau inférieur. C'est la douche froide, mais je suis obligée d'en passer par là. Les dix jours prévus s'écoulent. Au bout de cinq semaines, je n'avais toujours pas obtenu le résultat promis et, de plus, j'ai dû emprunter encore à d'autres publics 40 ou 50.000 F.

Pressée comme un citron

Ayant de grands moments d'oisiveté, un membre est venu me proposer d'acheter un petit cours pour occuper le temps. J'étais tellement lessivée que j'ai payé sans me rendre compte que le cours était en anglais. Mais j'étais si déprimée que je n'ai pas pensé à me faire rembourser. A l'AOSH, la personne qui me poussait à emprunter s'arrangeait pour que je prenne mes décisions seule et rapidement. J'étais pressée comme un citron, sans m'en rendre compte. Séparée de mon mari, de mes deux aînés, dans un pays étranger, tout cela a contribué à ce que, maintenant, je nomme " manipulation ".

 Au bout de cinq semaines, mon mari, voyant que j'étais prise dans un infernal cercle vicieux, m'a persuadée de rentrer. Mais les responsables ne voulaient pas que je parte, me disant que ce serait dangereux pour moi d'arrêter le procédé en cours de route. Mais je suis partie. Arrivée en France, j'ai alerté les membres haut placés de la Scientologie à Los Angeles ; je croyais qu'il y avait une vraie justice en Scientologie. Les événements qui auront lieu par la suite me détromperont. Je n'avais toujours pas l'idée de demander justice à l'extérieur de la Scientologie. Mais je commençais à me poser des questions : " Y a-t-il eu manipulation ? Abus de confiance ? Escroquerie ?... ".

 En octobre 87, nous sommes informés de ce qu'un congrès international d'IAS aura lieu à Paris pour réunir tous les Scientologues. Des nouvelles de l'expansion de la Scientologie nous seraient données. Les bonnes nouvelles seulement, car on ne donne que les bonnes nouvelles ; ou alors, les mauvaises quand ils ont besoin de notre contribution financière. Pendant le congrès, un Scientologue fait un briefing sur le rôle (?) miraculeux qu'est celui de " patron " de IAS, citant des cas de personnes qui, une fois patrons, ont reçu des honneurs ou ont eu, comme par magie des gains de toutes sortes. Cela touche mon mari. Quant à moi, le directeur de l'AOSH me relance en me disant que c'était grave pour moi de rester avec un procédé inachevé. Il avait mis le doigt juste sur le point sensible, m'affirmant que pourrait être terminé en très peu de temps. J'étais dans un tel état psychique, tellement bouleversée, qu'il me fallait absolument cette audition. Le directeur me laisse entendre que l'issue serait immédiate. Bien sûr, cela ne coûterait que 10.000 F pour cinq heures. Je bataille pour avoir de l'argent, mais cette fois-ci, je prends mes précautions : je ne monterai que pour trois jours. Je ne donnerai pas un centime de plus. J'avais pris mon billet de retour en avion daté pour être sûre de ne pas flancher et juste l'argent pour trois nuits d'hôtel. Tout ceci était bien clair aussi avec mon mari.

 Dès mon arrivée, je passe à la caisse, la trésorière me fait signer un papier sans rien m'expliquer ni me donner de double. Je suis tellement obnubilée de savoir que d'ici cinq minutes, je serai avec mon auditeur que j'aurais aussi bien pu signer mon arrêt de mort sans m'en rendre compte et... j'attends. J'ai attendu... trois jours. J'étais furieuse, anéantie, mais impuissante. Trois heures avant mon départ en avion, l'auditeur est venu me chercher ; une fois seule avec lui, j'ai craqué totalement - j'ai dit : " je dois partir " - alors l'auditeur, un adjoint de la direction et deux autres membres qui passaient par là m'ont prise dans un bureau et ont essayé de me persuader de rester. Ils ont tout essayé pour me faire fléchir, voulant même que je téléphone à mon mari ; cela a été très éprouvant de résister, mais j'y suis arrivée et suis partie à toute vitesse - je n'ai même pas pensé à me faire rembourser.

Du rêve au cauchemar

Peu après mon retour, mon mari ayant montré au congrès son intérêt pour l'état de " patron ", deux membres très haut placés dans IAS sont venus nous voir pour nous aider à réaliser ce rêve - vous verrez que ce rêve est vite devenu un " cauchemar " - ça a même failli être l'enfer... Mais encore, à ce moment-là, on pense que si nous ne participions pas d'une manière ou d'une autre aux actions de la Scientologie, nous serions damnés. Toutes nos expériences ayant échoué de notre fait, pensions-nous, il nous restait la possibilité d'être " patron ", c'est-à-dire membre bienfaiteur en l'occurrence.

 Les deux huiles de l'IAS nous ont alors exposé le plan que suivent tous les patrons. Il fallait de nouveau faire des emprunts si nous voulions être actifs tout de suite. Je vais à Paris où deux membres d'IAS avaient tout mis en place pour me guider dans mes démarches. La filière des banques à contacter était établie, mon dossier standard était prêt avec des factures fabriquées, pour l'occasion, par d'autres Scientologues (dans mon cas, c'était des factures de cours d'art délivrées par un Scientologue responsable d'une école de graphisme). Ils m'ont mise aussi au courant de l'existence de " prêts étudiant " qui étaient à la mode à Paris à ce moment là. J'ai foncé en toute innocence, ne pensant pas un seul instant que des Scientologues pourraient faire des choses illégales.

La police s'en mêle...

En un mois, j'ai collecté les 250.000 F, le prix de la carte de patron. J'ai fait toutes les agences, les premières fois un membre de l'IAS m'accompagnait pour me montrer comment il fallait faire. J'ai eu des moments de découragement, je voulais tout arrêter, mais chaque fois il me regonflait et me remettait sur les rails. La dernière semaine, j'y suis allée par force - intuitivement, je sentais planer un danger imminent. Un matin, ma banque me convoque pour un motif quelconque, j'y vais et là, deux inspecteurs de la police judiciaire en civil arrivent, me fouillent et m'embarquent au poste où je retrouve trois autres Scientologues. Je n'étais pas inquiète car je ne voyais pas ce que j'avais fait d'illégal. C'était le 16 décembre 1987, j'ai fait trois jours de garde à vue et j'ai comparu devant un juge qui m'a inculpée de faux, escroquerie, complicité de faux et d'escroquerie. J'étais sidérée. Heureusement, mon mari prévenu, a pu contacter un avocat qui m'a fait sortir de justesse. Le juge m'a mise alors sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter Paris et interdiction de communiquer avec n'importe quel Scientologue.

Jugée par... la Scientologie

L'IAS m'a rendu tout de suite les 250.000 F pour rembourser les prêts étudiant. En juillet 1988, mon innocence ayant été prouvée, le contrôle judiciaire a été levé et j'ai pu correspondre avec AOSH. Je leur ai alors réclamé les 80.000 F pour le " procédé " que je n'ai jamais pu avoir, ainsi que le remboursement du cours en anglais. Malgré tous mes appels téléphoniques, je restais ignorée par la Scientologie. Ils m'ont jugée, sans ma présence, par des représentants de leur justice, en " comité d'évidence ". Ils ont même écrit que je devais être expulsée de leurs églises et remboursée. A ce jour, j'ai pu affirmer et confirmer leur totale mauvaise foi.

 Dès les premiers pépins, ils m'ont laissée tomber - j'ai alors réalisé que la seule chose qui les avait intéressés chez moi, c'était mon potentiel financier, physique et moral. Une fois endettée, ruinée, déstabilisée, du jour au lendemain, plus personne ne m'a contactée. Je suis une pestiférée qui a causé du tort à leur groupe et, comme par hasard, personne ne se soucie de mon bien-être mental alors qu'avant, cela les passionnait.

La Scientologie rembourse parcimonieusement

Je décide alors de demander de l'aide ailleurs. En octobre 88, j'ai eu un non-lieu. Après maints coups de téléphone et de courrier au Danemark et à Paris, surtout après beaucoup d'énergie dépensée, d'argent pour le téléphone et de stress, je reçois environ 60.000 F d'AOSH, le ministère public faisant appel sur le non-lieu, ils ont peur. Je peux rembourser les banques, nous bataillons très dur - la famille nous aide. Peu avant ce remboursement, je m'étais décidée à m'adresser à l'ADFI après beaucoup d'hésitation car, en Scientologie, on fait passer les membres de l'ADFI comme des monstres, dont le seul but est d'empêcher la " clarification " de la planète et donc l'expansion de la Scientologie. J'en fais des cauchemars mais j'y vais, en tremblant. Je tombe de très haut en voyant des gens sensés, calmes et bienveillants. Le responsable de l'ADFI me redonne confiance ; enfin, je ne suis plus seule, je commence à respirer, je trouve la force de me battre jusqu'au bout pour obtenir gain de cause, car il est très éprouvant de se battre seule contre une secte.

Grève de la faim rue de Dunkerque

Je recommence à m'épuiser pour obtenir le reste du remboursement, je téléphone, j'écris... rien n'y fait. Le 23 août, j'ai pour la première fois une crise de nerfs, ou je laisse tout tomber, ou j'obtiens le reste - mais je n'ai pas le choix, les banques réclament les mensualités. Je n'ai plus d'appétit, plus de sommeil. En état de choc, je décide de partir comme ça pour entamer une grève de la faim, pour récupérer mes fonds. Je ne préviens personne - mon but n'est pas de faire du bruit mais d'en finir.

 Je baigne dans une angoisse jamais connue auparavant. Le 24 août, je traverse la France seule en voiture, dans un état physique lamentable. Le 25 août, je m'installe le long du trottoir, rue de Dunkerque, avec un canon à dessin sur lequel j'avais écrit : pour mes trois enfants, rendez-moi mon argent ! Deux minutes à peine après, la présidente de l'église sort et me dit : " Bonjour Claude, que tu as maigri ! (sic), que fais-tu ici ? ". Elle essaye de me faire rentrer dans les locaux, je refuse, on va dans un café, elle essaye plusieurs manipulations sur ma personnalité (ils appellent cela des maniements), elle me dit entre autres : " Ça rime à quoi, Claude, ce cinéma, tout ce que l'on va faire, c'est appeler la police et on t'embarquera ". Je réponds : " Appelez-la, j'aurai des choses à lui raconter ". Le 27 août, n'ayant toujours rien obtenu, je m'installe dans ma voiture, devant l'église de Scientologie, mettant sur chaque vitre " grève de la faim ".

 Auparavant, je m'étais mise en règle avec le commissariat du quartier. Commence l'attente dans l'angoisse. Connaissant bien les techniques des Scientologues, je savais qu'ils préparaient une attaque. En effet, au bout de quelques minutes, une voiture de police s'arrête, C.W. (pour ne pas la nommer) sort, comme par miracle, au même moment de l'église. Je montre aux policiers mes papiers, le récépissé de ma déclaration, je peux rester, C.W., avec un manque de courtoisie évident, leur demande, n'osant y croire : " Comment, vous ne l'embarquez pas ? ", ce à quoi ils répondent : " Non, cette dame est en règle ". Une passante s'en mêle et me demande alors : " C'est vrai ce que l'on dit, ce sont des escrocs, là-dedans ? " C.W. l'éconduit. Je suis trop fatiguée pour m'en mêler, puis C.W. tente de " m'introvertir " avec des tas de termes scientos, pensant que je réagirai encore, je réponds encore, je réponds avec un calme apparent : " Tu peux hurler, ce que je fais est légal, je suis pacifique mais je ne quitterai les lieux qu'avec mon argent ". Je passe encore une journée d'angoisse où l'on me tient avec des promesses.

Tournage d'Antenne 2 et capitulation de la Scientologie

Le lundi matin, mon mari me rejoint et la guerre des nerfs continue. Le soir on devait avoir 80.000 F, rien n'arrive. Le mardi, même chose avec maintes tentatives pour nous décourager et gagner du temps. Mardi soir, j'ai un malaise. Les pompiers m'emmènent, cela amuse des Scientologues (mon mari en a vu que cela fait rire). Le mercredi matin, on est à nouveau là et on envoie à C.W. un ultimatum : " Si jeudi, 14 heures, on n'a pas le chèque, on avertit les médias ". Plusieurs journalistes attendaient notre feu vert. Mercredi soir, on a une somme ridicule de cinq petits chèques (même pas 20.000 F). Jeudi, à dix heures, le journaliste d'Antenne 2 nous dit qu'il va nous envoyer une équipe. On dit : " OK, à condition de pouvoir s'exprimer à part avant de venir sur les lieux de l'action ". Le voisinage nous soutient, Antenne 2 est venue à 14 heures. C.W. sort avec d'autres chèques (dans les 60.000 F en cinq ou six petits chèques). On fait la transaction dans un bar du coin, car dès que l'on entre dans les locaux, on se fait " manier ". Au moment de donner le dernier chèque, C.W. nous dit : " Maintenant que tout s'est arrangé (il manquait encore dans les 20.000 F pour que l'on soit satisfait), est-ce que vous pourriez envoyer une lettre recommandée à Antenne 2 pour qu'ils annulent le reportage car autant vous que nous, avons intérêt à ce que cette affaire ne s'ébruite pas ". Bien sûr, on ne l'a pas fait - histoire que notre aventure puisse informer d'autres victimes potentielles. On était tellement épuisés qu'on n'a plus insisté pour la somme restante, trop heureux de souffler un peu et d'en récupérer les trois quarts. Le dimanche 3 septembre 89, au journal de vingt heures, le reportage est passé, incomplet, mais acceptable, malgré les pressions que la Scientologie a exercé sur Antenne 2 et après maintes hésitations de la part des journalistes. J'ai pris la décision que mon expérience serve à d'autres et j'ai réalisé qu'enfin les Scientologues n'avaient plus d'influence sur moi et que je n'avais plus peur d'eux.



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