De toute évidence, George Orwell s'est trompé. Dans les années 50, il prédisait que le futur ferait de la technologie l'instrument du totalitarisme. Il brandissait la menace des ordinateurs géants au service de la centralisation de l'information et du pouvoir.
1984 est déjà loin derrière, et nous pouvons constater que ces prophéties pessimistes ne se sont fort heureusement pas réalisées. Peut-être précisément grâce aux cris d'alarme lancés pas des écrivains comme George Orwell, qui seraient à l'origine d'une prise de conscience des dangers relatifs à l'utilisation des technologies de l'information, et auraient par conséquent entraîné la décision des pouvoirs publics de mettre en place des garde-fous comme la CNIL dès 1978. Peut-être que ces auteurs n'avaient pas prédit non plus une diminution du volume des ordinateurs et une dégringolade de leurs coûts de fabrication, rendant accessible à un public de plus en plus large un matériel de haute technologie que seules des organisations riches et puissantes pouvaient s'offrir auparavant.
Ces nouvelles technologies, en particulier celles de la communication, apportent aux individus un pouvoir sans précédent.
A l'Est, l'effondrement du bloc communiste en 1989 coïncide avec le début de l'utilisation généralisée du fax, enfin devenu abordable. Les gouvernements ne pouvaient plus centraliser et contrôler la diffusion l'information. Les mensonges ainsi dévoilés, la vérité a éclaté au grand jour. Un article du Washington Post de fin 1990 précisait que "la révolution par le fax avait rendu ineptes les tentatives des partis communistes de contrôler le flot d'informations".
L'arrivée du réseau Internet au milieu des années 90 a rendu la situation de certaines personnes encore moins confortable, lorsque celles-ci se fiaient aux relais de l'information pour garantir leurs positions au pouvoir. En décembre 1996, le New York Times rapportait que les tentatives du président serbe Slobodan Milosevic pour éliminer la presse indépendante étaient tenues en échec par Internet. Des journalistes et dissidents serbes avaient créé leur propres sites pour informer à la fois leurs compatriotes et la communauté internationale. Un gouvernement peut toujours essayer de restreindre l'accès à Internet, comme c'est le cas en Chine ; mais il risque fort d'échouer, car ce serait aux dépens de la croissance économique qui ne peut se passer désormais de cet outil de communication.
Bien sûr la démocratisation d'Internet présente des inconvénients.
Les sujets à caractère pédophile peuvent se propager très
rapidement à travers le monde, les frontières ne sont plus un
obstacle. La véracité des informations diffusés aussi facilement
par ce réseau n'est pas garantie. Mais nombreux sont ceux qui jugent
que les avantages contrebalancent ces mauvais côtés : échanges
culturels entre peuples de différentes régions et nations, échanges
de savoir-faire entre des milliers de personnes éparpillées géographiquement
dans le monde, rempart efficace contre le totalitarisme...
Poursuivi par la secte pour diffamation, l'ex-scientologue américain Steven Fishman avait inclus dans sa déclaration sous serment des cours dits "confidentiels" de la Scientologie, ces documents servant de pièce à conviction pour démontrer qu'il a été victime d'un lavage de cerveau. Arnoldo Lerma, autre ex-scientologue, les a reproduits et publiés fin juillet 1995 sur news:alt.religion.scientology, un forum où la Scientologie était très controversée depuis bien longtemps déjà. La secte a contre-attaqué en poursuivant Arnoldo Lerma pour "violation de copyright" et perquisitionné à son domicile pour lui saisir tout son matériel.
Entre temps, un nouveau front d'opposition s'est ouvert aux Pays-Bas. Par solidarité face à la tentative des scientologues de saisie du matériel informatique appartenant au provider hollandais XS4ALL, les internautes ont reproduit une centaine de sites miroir des Fishman Papers. En riposte, la Scientologie a continué d'engager des poursuites contre XS4ALL et d'autres providers, mais aussi contre la journaliste Karin Spaink, considérée comme l'instigatrice de ce mouvement de protestation. Le procès s'est déroulé début 1996. Le tribunal a rejeté la plainte des scientologues, qui de plus a été condamnée à dédommager ses adversaires pour les frais de justice. Dans cette tentative de réduire ses opposants au silence, la secte a essuyé une cuisante défaite.
La Scientologie n'a pas pour autant renoncé à faire valoir son copyright pour les oeuvres dites confidentielles de Ron Hubbard. L'affaire contre Arnoldo Lerma aux Etats-Unis est toujours en cours. Plus récemment, l'ex-scientologue français Roger Gonnet a fait l'objet de menaces de poursuites par l'avocate américaine Helena Kobrin. Cette dernière avait aussi tenté de faire supprimer légalement le forum alt.religion.scientology, sous prétexte que le nom de "Scientology" était une marque déposée...
Cette secte, qui se dit religieuse et humaniste, affiche son ambition de répandre la "technologie Hubbard" afin de sauver au plus vite notre planète qui selon elle " court à sa perte à cause de la folie des hommes ". On est en droit de se demander ce qui motive le plus sa tentative paradoxale d'empêcher la diffusion des documents de Ron Hubbard sur Internet : le risque de perte de rentrées d'argent sur la vente de cours délivrés à des prix exorbitants ? Ou bien la crainte que soient connus du public des documents révélateurs du délire schizophrénique de Ron Hubbard (que la secte ne distribue qu'à ses membres après une longue phase d'endoctrinement leur inhibant tout sens critique) ?
Internet a permis de faire connaissance entre de nombreux ex-scientologues éparpillés dans le monde entier, comme Jeff Jacobsen, d'Arizona : " Auparavant, j'agissais un peu en critique solitaire, comme si j'avais eu un violon d'Ingres bizarre. Maintenant que je suis branché sur Internet, je me suis aperçu que nous étions des centaines de par le monde ".
" La Scientologie a tout intérêt à empêcher
les échanges d'information entre individus isolés géographiquement
", dit Karin Spaink, " et elle ne se prive pas de le faire. Mais
avec Internet, nous disposons d'un moyen de communication permettant des
échanges à l'échelle planétaire. Jusqu'à
présent, cette secte semble avoir sous-estimé cette possibilité
désormais accessible à tout le public. " Ce formidable
outil de communication a permis à l'opposition de se structurer
et de coordonner son action. Résultat, plus d'une centaine de sites
web existent actuellement avec un objectif commun : dévoiler au
public ce que cette secte a de plus sinistre, le
tout traduit en plusieurs langues.
Un article paru dans la revue scientologue américaine "High Winds" ("Vents forts") claironnait bien haut des " poursuites qui feront trembler la terre contre les violeurs de copyrights et les services opérateurs des sociétés qui leur fournissent un accès Internet ". L'article continuait en prédisant des " décisions qui marqueront ", car " pour la première fois, des fournisseurs d'accès à Internet seront tenus pour responsables de toute violation de copyright par le biais de leurs appareillages ".
Fort heureusement, cette prédiction scientologue ne s'est pas réalisée jusqu'à présent ; car sinon elle contraindrait chaque provider à surveiller le contenu des milliers de pages web qu'il héberge, ainsi que les centaines de milliers de messages qui transitent quotidiennement sur les forums. En plus de l'atteinte à la liberté d'expression, un tel travail de censure provoquerait fatalement un accroissement considérable des coûts de fonctionnement, et rendrait cet outil de communication inaccessible au grand public. L'humanité devrait alors renoncer à l'un des principaux bienfaits apportés par Internet, celui du rempart efficace contre le totalitarisme.