Premier ministre.
Liste des collaborateurs pour cet ouvrage.
PREFACE..
CHAPITRE 1 : LE PHÉNOMÈNE SECTAIRE..
1.1.- Histoire du phénomène : sectes et sectarisme.
1.2 - Comment expliquer le développement actuel des groupes sectaires ?.
1.3 - Définition et typologies : éviter lamalgame.
1.3.1. Différences.
1.3.2. Description.
1.3.3 Typologie de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes.
1.4 - Létat de sujétion.
1.4.1 - Les choix.
1.4.2 - La séduction.
1.4.3 - La transformation de la personnalité.
1.5 - Quest-ce quun gourou ? Pourquoi les adeptes acceptent-ils sa toute puissance ?.
1.5.1 - Quest-ce quun gourou ?.
1.5.2 - Le lien domination/soumission.
1.5.3 - La question de linnocence.
1.5.4 - Rituels et mises en scène.
1.6 - Quels sont les principaux groupes ? Quels risques font-ils courir aux enfants ?.
1.6.1 - Les très jeunes enfants.
1.6.2 - Les thèmes attractifs pour les jeunes.
1.6.2.1. Le thème religieux
1.6.2.2. Lorientalisme
1.6.2.3. Nous ne sommes pas les seuls dans lUnivers
1.6.2.4. Groupuscules satanistes et occultistes
1.6.2.5. Les thèmes universalistes : écologie, pacifisme, solidarité
1.6.2.6. Les questions de société : la drogue et les médecines « alternatives »
1.6.2.7. Langoisse liée à léchec scolaire
1.6.3 - Les "enfants des sectes.
1.6.3.1. Les enfants prisonniers
1.6.3.2. Les risques encourus
1.7 - Quels sont les indices qui peuvent permettre de déceler un groupe sectaire ?.
1.8 - Quelles conduites adopter en cas de ...
1.8.1 - Un élève mineur est blessé, et ses parents interdisent tel ou tel soin.
1.8.2 - Un élève appartient à un groupe sectaire.
1.8.3 - Un enseignant ou un membre de la communauté éducative est adepte.
1.8.4 - Une intervention extérieure est sectaire.
CHAPITRE 2 : UNE ACTION GOUVERNEMENTALE COHÉRENTE..
2.1 - Une préoccupation depuis 20 ans, des actions depuis cinq ans.
2.2 - La Mission interministérielle de lutte contre les sectes.
2.2.1 - La structure.
2.2.2 Les fonctions imparties à la MILS sont de cinq ordres :
2.2.2.1- Analyser le phénomène sectaire :
2.2.2.2 - Inciter les services publics à prendre les mesures appropriées :
2.2.2.3 - Contribuer à la formation des agents publics :
2.2.2.4 - Informer le public :
2.2.2.5 - Participer aux réflexions et travaux relevant de sa compétence dans les organismes internationaux :
2.3 - Laction des ministères.
CHAPITRE 3 : LÉDUCATION NATIONALE ET LES SECTES..
3.1 - La laïcité du système éducatif
3.2 - Les tentatives d'infiltration sectaires au sein du système éducatif :
3.2.1 - Le primaire et le secondaire.
3.2.2 - Lenseignement supérieur
3.2.3 - La formation continue.
3.3 - La prévention des risques sectaires :
3.3.1 - Education à la citoyenneté et information des élèves :
3.3.2 - Formation et information des personnels.
CHAPITRE 4 : TEXTES RÉGISSANT LA LUTTE CONTRE LES SECTES
4.1 - Généralités : Sectes et droit en France.
4.1.1 - La police administrative.
4.1.2 - Décret de création de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes.
4.1.3 - Loi About-Picard.
4.2 - Education Nationale :
4.2.1 - Rappel de la déontologie : la stricte neutralité.
4.2.1.1 - La neutralité des enseignants
4.2.1.2 - La neutralité des élèves
4.2.1.3 - Conclusion
4.2.2 - La loi du 18 décembre 1998 et le décret du 23 mars 1999 : Le contrôle de lobligation scolaire des établissements privés hors contrat et de linstruction dans les familles ; lenseignement à distance.
4.2.3 - Rappel de lobligation des vaccinations + circulaire de la Santé sur linacceptabilité du refus de soins
4.2.4 - Lagrément de lÉducation Nationale.
BIBLIOGRAPHIE COMMENTÉE..
I. Rapports d'enquêtes parlementaires (disponibles sur le site Internet de l'Assemblée nationale http://www.assemblee-nat.fr ou au kiosque de l'Assemblée nationale)
II Rapports de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (disponibles sur le site Internet de la documentation française http://www.ladocfrancaise.gouv.fr)
III Ouvrages généraux.
IV Pour aller plus loin (ouvrages théoriques qui ne concernent pas directement les sectes)
V Parmi de nombreux témoignages.
VI Historique de quelques groupes sectaires.
Liste des collaborateurs pour cet ouvrage
Mme Anne FOURNIER Membre de la Mission interministérielle de lutte
contre les sectes - M. Lucien SOUBRé Inspecteur général
de l'Education nationale en retraite - Membre du conseil d'orientation de la
MILS - Syndicats d'enseignants : M. Jean-Claude GUIMARD SNP-DEN - Mme
Laure CAILLE FSU - M. Eddy KHALDI FEN-UNSA - M. Rémy FONTIER
SGEN-CFDT- M. Pierre SIGALAS Sud Education - Associations de parents
d'élèves : Mme Michèle DEROCHE FCPE - M. Xavier
LAUGAUDIN FCPE - Mme Dominique PAPIN PEEP
Depuis longtemps, les enseignants et, d'une manière plus générale, toutes les personnes qui portent intérêt à l'éducation, cadres de l'enseignement public ou privé, parents d'élèves, syndicats d'enseignants, attendaient un guide qui leur permette d'aborder la question du sectarisme.
La Mission interministérielle de lutte contre les sectes, après d'autres publications orientées vers les soucis manifestés par d'autres groupes de notre société, comme les élus locaux, s'est attachée à répondre aux questionnements des éducateurs en apportant un éclairage sur le sectarisme contemporain si différent, dans ses objectifs et ses méthodes, des phénomènes observés antérieurement.
Rédigé avec le concours de Mme Anne Fournier, agrégée de l'Université et chargée de mission à la MILS, révisé sous le contrôle de M. l'Inspecteur général Lucien Soubré, membre du Conseil d'orientation de la MILS, ce petit ouvrage ne vise pas à l'exhaustivité.
Il contient néanmoins un grand nombre de références notamment en ce qui concerne la législation et les principales normes réglementaires. Il mentionne également les institutions chargées de lutter contre les dérives sectaires, sans omettre les principales associations qui viennent en aide aux victimes et militent, comme la MILS, pour prévenir des délits attentatoires aux Droits reconnus de l'Homme et de l'Enfant.
La MILS remercie l'Université de Paris1 qui l'a autorisée à placer sur son site Internet : http://www.univ-paris1.fr ce petit "Guide de l'éducateur face au sectarisme contemporain".
La MILS dispose, en outre, d'exemplaires imprimés qu'elle peut adresser, sur simple demande, à toutes celles et à tous ceux que préoccupe le prosélytisme des sectes au sein de l'éducation et à la périphérie de l'école.
Alain VIVIEN
Ancien ministre
Président de la MILS
La Mutuelle générale de l'Education nationale (3 square Max Hymans 75748 Paris cedex 15) a publié, cette année, une brochure "les sectes, sachez les reconnaître", destinée plus spécialement au monde enseignant. Le ministère de la Jeunesse et des Sports (78 rue Olivier de Serres 75015 Paris), de son côté, vient de diffuser une étude sur le sectarisme "Penser le risque sectaire".
Les éducateurs sont en première ligne dès qu'il s'agit de former à la citoyenneté, d'armer les esprits contre les faux-semblants et de donner aux enfants, aux adolescents, une armature intellectuelle et morale.
Cette éducation relève à l'évidence de la famille et de l'école. Mais au-delà de la parenté, si souvent disloquée, et de l'enseignement, si largement sollicité, l'enfant et l'adolescent sont de plus en plus soumis à un flot d'informations, véhiculées par des techniques qui, au demeurant, les passionnent, mais aussi dont la validité est difficilement contrôlable.
Les sectes ont bien compris qu'un immense boulevard s'était ainsi ouvert à leurs initiatives, elles qui ont toujours une réponse à proposer, elles que n'effleurent ni le doute, ni le respect des personnes.
Ainsi s'est installé peu à peu un nouveau totalitarisme dont les expressions paroxystiques apparaissent dans la violence fondamentaliste, la condamnation sans appel de celui qui les contestent, la négation de tout universalisme et, simultanément la résurgence du communautarisme, sous ses formes indissociables de l'ethnicisme, de l'intégrisme religieux et de la guerre civile.
Combien les réponses des démocraties paraissent-elles inopérantes, pour ne pas dire dérisoires face à ces nouveaux Etats non-territoriaux qu'ont constitués les sectes multinationales, avec leurs budgets supérieurs à celui des nations émergentes et leurs réseaux mondialisés d'activistes. Avec le fanatisme de leurs adeptes qui, sur instructions, ne reculent ni devant la diffamation, ni devant l'escroquerie. Avec leurs stratégies de conquête qui instrumentalisent le crime et l'assassinat comme on l'a vu récemment au Japon, en France, en Suisse, au Québec, aux Etats-Unis.
Face à ces nouveaux défis, la société humaniste ne peut pas plus se réfugier dans des recettes obsolètes que dans l'indifférence. Les valeurs universelles qu'elle porte et qui finiront par s'imposer l'histoire ne connaissant que des retours transitoires au passé, doivent être remises à leur juste place : la première.
Parmi elles, le respect d'autrui et des règles de la démocratie, ensemble de comportements que résume la notion redevenue si moderne de laïcité.
Il ne s'agit, en effet, ni de la tolérance condescendante de la pensée majoritaire à l'égard des minorités, ni d'une vague neutralité qui ferme les yeux sur les grandes questions qui agitent l'humanité.
Mais bien de la seule démarche qui ouvre le chemin du dialogue, du respect de l'autre, de la paix civile comme de la pacification des relations internationales.
Spécificité française que la laïcité ? Certainement pas, sauf à dire que la France a été l'une des premières nations à constitutionnaliser cette notion qui inspire désormais de plus en plus les sociétés civiles à travers le monde. Car elle seule garantit l'équilibre de ces sociétés devenues irréversiblement plurielles. Elle seule refonde et donne un sens aux libertés essentielles : penser, croire ou ne pas croire, s'associer, s'exprimer sans censure préalable.
Les valeurs n'inspirent évidemment pas le monde sectaire, nébuleuse incohérente mais agressive de la nouvelle barbarie.
C'est pourquoi il a paru utile aux éducateurs, enseignants et syndicalistes, parents d'élèves, animateurs d'activités périscolaires, de réunir dans un modeste "Guide de l'éducateur face au sectarisme contemporain" les éléments d'une première information : sens du mot secte, moyens de discerner un activisme sectaire en dépit du masque d'honorabilité dont il se pare, textes législatifs et réglementaires qui protègent l'enfant et l'adolescent, recours possibles offerts par l'Etat de droit auquel nous sommes attachés, action des associations et des institutions publiques.
Ce petit ouvrage est loin d'être exhaustif. Il ne veut pas être autre chose qu'un vade-mecum, à partir duquel les éducateurs pourront prolonger leurs réflexions ou leurs questionnements en s'adressant à des organismes compétents et disponibles, en connaissant mieux les lois qui nous protègent.
Rédigé par la Mission interministérielle de lutte contre les sectes, ce "Guide de l'Educateur" n'aurait pu voir le jour sans le concours de Mme Anne Fournier, agrégée de l'université et chargée de mission à la MILS, ni sans les avis autorisés de M. l'Inspecteur général Lucien Soubré. Qu'ils en soient remerciés.
Alain VIVIEN
Ancien Ministre
Le terme « secte » présente une certaine ambiguïté : on lui attribue une double étymologie, soit secare, couper, renvoyant donc à des groupes en rupture, soit sequi, secutus, suivre, qui fait référence à une affiliation, voire à un maître. Le terme, de tout temps, était péjoratif, utilisé par les tenants d'une institution officielle pour rejeter les groupes radicaux ou hérétiques. Au XXe siècle, les sociologues des religions ont repris ce terme en en modifiant le sens, pour décrire un cheminement qui, du groupe premier, radical, se transforme en un ensemble plus acceptable pour la communauté sociale, puis se meut en une Eglise instituée et reconnue (passage du culte à la dénomination puis à léglise). L'inconvénient majeur de cette acception est de la réserver au seul domaine du religieux alors que le sectarisme contemporain, quel qu'en soit le masque, agit dans bien d'autres sphères d'activité.
Toutefois, au seul plan religieux, deux vagues caractérisent la seconde moitié du XXe siècle : la première, aux marges du protestantisme a recruté dans un esprit de "revival", avec souvent pour cible des milieux relativement défavorisés et visant en priorité des adultes, notamment le public féminin (pentecôtistes, Mormons, Adventistes et leur dissidence, les Témoins de Jéhovah).
Une seconde vague, dans les années 70, présente de toutes autres caractéristiques. Les groupes nouveaux, souvent exotiques, recrutent surtout des jeunes gens des deux sexes issus des couches moyennes. Nouveaux dans le paysage français, ils se placent hors du champ confessionnel classique et constituent de véritables développant des systèmes à l'opposé des valeurs démocratiques ( AUCM, AICK [1] Méditation transcendantale, mouvement raëlien, Scientologie). Ces groupes nouveaux pratiquent ladmiration inconditionnelle du leader charismatique, considèrent comme absolus ses enseignements et ses révélations, se déterminent en fonction d'une notion individualisée du perfectionnement, acceptent et favorisent lorganisation pyramidale de leur groupe ainsi que sa quête première dargent et de pouvoir.
De nombreuses interrogations se font jour à propos du sectarisme contemporain. Nous tenterons den cerner quelques-unes.
Au cours du XXe siècle, la société occidentale a connu de profonds bouleversements. Les grandes institutions structurantes, religieuses ou politiques, sont en crise. Déclin de la pratique et des vocations, montée des intégrismes et de certains groupuscules obscurantistes en marge ou même au sein des grandes confessions, les religions qu'on nomme, faute de mieux, traditionnelles traversent une phase délicate de leur longue histoire. Elles savent que rien ne sera plus comme avant et que les réponses pertinentes aux questionnements contemporains sont encore à élaborer. L'effondrement des utopies politiques, prégnantes jusque dans les années 1980, a déstabilisé un grand nombre de femmes et d'hommes qui y avaient placé leurs rêves et leur militantisme. Dans le même temps, la transformation de partis porteurs d'espérance sociale en appareils récusant toute idéologie structurante au nom d'un pragmatisme technique favorise la non-participation civique.
La mondialisation enfin de l'économie libérale rend les cadres de l'Etat-nation moins adaptés à répondre aux défis nouveaux. La construction lente et incertaine de structures politiques transnationales ne facilite pas une restructuration socio-politique que l'action pressante des lobbies d'Amérique du nord tend encore à ralentir. Dans ce contexte, tout devient progressivement marchandise : lart, la culture, léducation et les croyances religieuses. Chacun fait son marché : un peu de produits bio, un peu de « médecine douce », un peu de croyances exotiques (de lInde au New Age en passant par le para-normal) et consomme plus « varié » quautrefois. Les repères traditionnels se perdent, avec des familles qui se recomposent et où la transmission nest pas toujours bien assurée.
De plus, cette société est de plus en plus inégalitaire : bien peu sont des « gagnants », et sans être totalement exclus demeurent sans réelle perspective de progression personnelle, de promotion dans leur travail ou de reconnaissance sociale. Ils ont peu loccasion de décider, sauf par des votes avec peu denjeux de changement, peu loccasion de donner (si ce nest au Téléthon ). Ils nont pas de prise sur le monde quils voient défiler sur leur écran télévisé avec son lot dhorreurs et de catastrophes quotidiennes. Ils nont plus dinitiative.
Comment sétonner alors que les sectes, groupes qui opposent une apparente chaleur conviviale à la solitude urbaine, qui proposent des recettes séduisantes et irrationnelles pour favoriser magiquement la progression individuelle et la promotion sociale, qui prétendent donner la possibilité d'offrir sa vie et donc de choisir un destin, qui expliquent péremptoirement les raisons ultimes du monde et suggèrent des réponses là où la complexité des phénomènes économiques fait perdre le sens, comment sétonner donc que ces groupes connaissent actuellement un certain succès ?
La définition juridique de la secte, réputée naguère impossible, s'élabore peu à peu en droit.
La Mission interministérielle de lutte contre les sectes, en France, a synthétisé dans son rapport de 1999 les éléments constitutifs de cette définition[2] : « Une secte est une association de structure totalitaire, déclarant ou non des objectifs religieux, dont le comportement porte atteinte aux Droits de lHomme et à léquilibre social ».
Au plan européen, l'adoption unanime par lassemblée plénière du Conseil de lEurope en juin 1999 de la Recommandation n°1412 sur les activités illégales des sectes montre que se précise le sens du terme secte et que s'estompe la confusion initiale avec des notions sans rapport avec lui, telles que "nouveau mouvement religieux" ou "minorité spirituelle".
Certes, le monde des sectes demeure complexe, du fait même de leurs origines et de leur histoire contemporaine.
Les différences quantitatives sont les plus évidentes, du micro-groupe réuni autour dun leader à la multinationale structurée comme une entreprise, voire comme un Etat dans l'Etat.
Les différences dévolution sont capitales en ce quelles entraînent des modalités hiérarchiques et organisationnelles rendant difficilement comparables certains groupes ou le même groupe à différentes périodes de son histoire.
Les différences de risques encourus par les adeptes et la communauté sociale sont sans doute ce qui illustre le mieux la diversité du phénomène sectaire. Chaque groupe véhicule prioritairement un ou plusieurs types de risque au point quil serait déraisonnable de les faire figurer sur la même échelle de gravité. Tel micro-groupe potentiellement suicidaire nentraînera aucun risque pour lorganisation démocratique dun pays, tel autre - anodin pour la santé des adeptes - se révélera dangereux pour les libertés démocratiques.
Les différences dans les contenus doctrinaux ou idéologiques ont souvent donné lieu à des classifications de groupes prétendant rendre compte à elles seules du phénomène. Il existe souvent des idéologies attentatoires aux droits de lhomme : non respect du principe dégalité, racisme, élitisme.
Lintensité dimplication des personnes crée aussi une différence : dans la plupart des groupes, on distingue en effet à la périphérie et selon le moment évolutif de simples «consommateurs» peu impliqués; des adeptes au plein sens du terme, dont toute la vie est asservie au groupe; des cadres manipulateurs convaincus, exaltés ou cyniques; et aussi des adeptes vacillants, en proie au doute.
Si lon passe maintenant à la description dun groupe sectaire
type, il faut bien savoir que si lon ne retient quun ou deux caractères,
on risque dêtre très réducteur et de navoir
quune définition applicable à bien dautres groupes
que les sectes. Un seul critère nest en aucun cas suffisant. Dautre
part, un groupe donné pourra ne pas présenter lun des caractères
de façon aussi marquée que dautres groupes. Le diagnostic
de dérive sectaire ne peut émerger que dune conjonction
significative de facteurs.
Ces réserves faites, lobservation permet de retenir majoritairement les caractéristiques suivantes :
Le groupe développe une idéologie alternative radicale, exclusive et intolérante.
Sa structure est autoritaire et autocratique, sous la forme dun gourou vivant ou dune organisation bureaucratique héritière du message.
Il revendique une référence exclusive à sa propre interprétation du monde, quelle sapplique aux croyances, aux données scientifiques, à léthique, aux comportements quotidiens, aux rapports interpersonnels, aux moyens de faire triompher la cause du groupe.
Il préconise ou impose des ruptures de tous ordres : références antérieures, orientations personnelles, relations, convictions, libre critique, choix affectifs, les relations au monde extérieur devenant marquées par le rejet, la suspicion, voire la diabolisation.
Il met en oeuvre une transformation des personnes selon un type de modelage standardisant excluant lautonomie.
Il récupère à son profit les forces vives, linitiative, la créativité, lénergie des adeptes, réalisant ainsi une instrumentalisation des individus au seul service du groupe et de ses chefs.
Il multiplie promesses et assurances de tout genre: développement personnel, salut élitiste, toute-puissance sur soi-même, santé, pouvoir collectif, promotion interne.
Dans le même temps il masque les coûts réels, les contraintes, les risques, lemprise progressive, les transformations dans le sens de la dépendance.
Il exploite les inquiétudes et les peurs, développe la culpabilité, la crainte du rejet, la hantise de la déloyauté, la surveillance réciproque.
Il rend problématique à divers égards la perspective de quitter le groupe, devenu une prothèse relationnelle entourée dalternatives menaçantes ou vides.
Il comporte des dangers variables selon les groupes, pour le libre-arbitre, lautonomie, la santé, léducation, et dans certains cas les libertés démocratiques ou la sauvegarde personnelle.
Le rapport de la MILS de janvier 2000 définit la secte comme « une association de structure totalitaire, déclarant ou non des objectifs religieux, dont le comportement porte atteinte aux Droits de lHomme et à léquilibre social »[3].
Il distingue[4] trois types de groupes :
« 1. Les sectes absolues qui rejettent les normes de la démocratie et propagent une anti-culture fondée sur le primat dune élite formée dans le dessein de dominer le reste de lhumanité et, pour certaines, sur la préconisation ouverte du racisme.
2. Les mouvements dont le fondement philosophique ou religieux est incontestable, mais dont certains comportements sont attentatoires aux libertés, aux droits de lhomme ou encore aux principes constitutionnels ou aux lois.
3. Les mouvements qui sont lobjet dune suspicion (dont lorigine nest pas toujours aisément décelable), mais dont les effets nocifs perdurent en dépit du caractère négatif ou peu probant des investigations demandées. »
On peut ranger dans le premier groupe lOrdre du Temple Solaire et la Scientologie, dans le second groupe les Témoins de Jéhovah, ou la galaxie de lanthroposophie[5]. Quant au troisième, il est constitué de groupes atteints par des rumeurs malveillantes, soit au cours dun divorce, soit à cause de concurrence commerciale (ex : Nature et Découvertes)
Les sergents recruteurs attiraient les jeunes gens par des promesses accompagnées de libations. La suite pouvait les amener à regretter leur engagement... La métaphore de lembrigadement, concernant les groupes sectaires, est intéressante, car elle fait référence à une démarche initialement «volontaire» dont on ne mesure pas les conséquences. Mais le grand art de lembrigadement moderne consiste à construire par des méthodes sophistiquées un acquiescement durable, progressif et qui sétend à tous les domaines de la vie.
Si lon veut obtenir, sans contrainte visible, une participation active du sujet, des dons de temps ou dargent durables, lentrée dans un processus de transformation,... il faut obtenir non seulement un acquiescement initial qui engagera peu, mais un enchaînement dacquiescements successifs qui apparaîtront au sujet comme des choix. En fait, le sujet donne son accord à une procédure, mais il a une méconnaissance de la nature des transformations quil va connaître, du résultat final pour lui et pour les maîtres du jeu. Le détournement de certaines méthodes issues des techniques psychologiques, comportementales ou psychanalytiques permet cette construction dacquiescements successifs avec la participation active du futur adepte.
Le groupe sectaire agit sur les choix. Dabord on disqualifie le passé de celui qui entre : «Oublie tout ce que lon ta appris» ; ou, pour paraphraser Dante : «Toi qui entres ici, renonce à tout ce que tu croyais».
Le travail sur les représentations de lavenir est du même ordre : «Si tu continues dans cette voie, tu es perdu» ou dans une tonalité positive : «Tout peut changer si tu le veux vraiment».
Le même travail de sape est effectué sur les autres contextes du choix. Il faut, au nom de la progression dans le groupe, renoncer et rompre les liens culturels, voire professionnels ou affectifs. Les nouveaux liens avec le groupe sont renforcés par une demande de participation croissante. Pour mettre en place la seule règle éthique qui existe dans les groupes sectaires : la loyauté inconditionnelle, il faut disqualifier les règles morales antérieures.
En même temps, on multiplie les micro-engagements ponctuels qui peuvent paraître anodins : pratiques, participations, dons, démarches, règles de vie quotidienne. Ces consentements ponctuels sont déterminants pour des choix plus importants : si lon ose une métaphore, les acceptations dun dîner, puis de se revoir, dun cinéma ou dune soirée préparent doucement au oui devant le Maire.
Ce qui peut séduire est assez différent dun groupe à lautre, selon que sont mises en avant des perspectives de progrès spirituel, de développement personnel ou déquilibre et de santé mentale ou physique. Pourtant il semble exister des constantes.
Ladhésion peut correspondre à la fascination pour ce qui lui est présenté comme radicalement alternatif. Toutes les réponses sont données : il ny a plus de place pour un doute torturant face à la complexité du monde.
Elle peut correspondre à une réaction contre lanonymat urbain et la dissolution dans la masse, la menace des communautés différentes. La fascination pour le «nous» fusionnel est très forte. On peut y cerner deux besoins : simmerger dans un groupe avec identification aux autres et émerger de la masse avec sélection des meilleurs.
On retrouve pour la santé une réaction négative face aux limites et à la froideur de la médecine scientifique, une fascination pour la proximité, la «toute-puissance», le charisme du guérisseur.
Il faut cependant insister sur le fait que chacun de nous est manipulable : chacun connaît des refus ou des révoltes face à notre société et les groupes sectaires se servent de ces moyens dapproche, comme les causes humanitaires, la lutte contre la toxicomanie, lécologie Les sectes « piègent » autour de valeurs[6] reconnues par tous.
Ce qui est proposé se présente sous la forme dacquisitions (de performances, de pouvoirs, déquilibre, de progrès spirituel), de progression et de promotion, ce qui est fortement attrayant et peut paraître sans danger.
Lacceptation des conditions du training est facilitée par le fait de renvoyer le postulant à ses propres motivations : «Puisque vous êtes venus librement, vous devez vous soumettre entièrement.» La procédure elle-même fait appel à de très nombreux éléments : effets de groupe, utilisation de lémotionnel, néo-langage, progression dans lenseignement doctrinal, promotion et missions de responsabilité. Elle sétale sur une longue durée, une adhésion immédiate et totale ayant peu de chances de durer si elle nest pas suivie dun travail en profondeur. Les techniques utilisées peuvent affecter le corps et la psychologie, lintellect et laffectivité.
Les postures particulières[7], la répétition de gestes identiques[8], une position insolite imposée dans le dialogue[9], une gestuelle rituelle et collective, certains exercices respiratoires ou dexpression corporelle sont utilisés couramment et induisent une modification des états de conscience, assimilable à des degrés dhypnose. Le jeûne, un état de fatigue extrême, certains exercices modifient la vigilance, de même que la reviviscence dévénements traumatisants passés ou le réveil de culpabilités latentes.
Au niveau intellectuel et cognitif, la révélation de nouveaux concepts et dune autre logique se retrouve dans la plupart des groupes sectaires. Le vocabulaire habituel est interdit pour décrire et analyser les faits, les situations, les relations, les ressentis. On demande au sujet «volontaire» pour cette sorte dinitiation de renoncer à ses méthodes danalyse et dinterprétation habituelles. Dans lintroduction à La Dianétique, L.R. Hubbard précise que tous les concepts radicalement nouveaux contenus dans son oeuvre nécessitent un apprentissage soigneux, et non une analyse. Si un concept nest pas compris, il faut y revenir ad libitum, jusquà sa compréhension parfaite. Et les cours scientologiques favorisent ce retour en arrière : sil y a doute ou interrogation, cest faute dun apprentissage correct : on revient donc encore et encore sur le texte, et le concept.
Les effets de groupe[10] sajoutent aux exercices individuels avec une très grande efficacité. On sait quil est très difficile, même en restant critique et défensif, de résister à des manifestations émotionnelles groupales. On imagine lintensité de leffet produit si on a décidé de participer pleinement et de jouer le jeu, même si cest simplement pour voir.
Mais il serait insuffisant de créer des conditions de déstabilisation et de désarroi si nétaient pas proposés en même temps de nouveaux repères, un projet différent, en bref une restructuration de la personnalité selon un nouveau modèle.
On constate alors une sorte de glissement de lémotionnel au cognitif : ce qui est très fortement ressenti acquiert - à juste titre - un caractère dauthenticité. Ce qui était émotionnellement authentique devient cognitivement juste. Et cest lallégation de Vérité, soutenue par une logique interne forte, mais surtout renvoyée à lexpérience même du sujet. «Ceci est vrai, puisque vous lavez personnellement éprouvé, ressenti profondément.» Cette «vérité» a toujours quelque chose dincommunicable : nétant pas vérifiable par les voies vulgaires du raisonnement, elle nest pas réfutable. Elle ne peut quêtre approfondie par la suite du programme.
Le processus de sujétion naurait pas la même efficacité sil nincluait pas des parades au doute et au découragement. Interviennent alors des «renforcements» qui vont relancer lappartenance et la sujétion. Dans tous ces groupes, se mettent en place soutien et surveillance. Cette mission mobilise les membres du groupe les plus proches du sujet : encouragements, pressions, promesses et témoignages sont alors de rigueur. Si le processus est bien engagé, largument de la loyauté au groupe et au chef est lun des plus puissants : partir, cest trahir et rejoindre le médiocre troupeau des non-initiés ou des ennemis de la vérité.
Le mécanisme dauto-référence se présente sous la forme dun paradoxe: «Si vous êtes insatisfaits et doutez, ce quil vous faut, cest un peu plus de la même chose». La lassitude, lébauche de critiques, la souffrance des contraintes et ruptures sont mises au compte dun effort insuffisant dans lapprentissage, la disponibilité, lobéissance et le rejet des anciennes valeurs. Dans les cas les plus graves, lisolement, la quarantaine[11] pourront intervenir.
Le lien adepte-gourou est un lien essentiel pour qui veut comprendre les mécanismes du sectarisme : derrière un homme, parfois une femme, se constitue un groupe quil a créé, mais qui le transforme.
Le gourou a dincontestables ressemblances avec une idole. Adulé des adeptes, sujet dun «culte de la personnalité» dévorant, il sassimile aux idoles anciennes, mais surtout aux figures de lidolâtrie contemporaine. Lidole est par définition immortelle ; elle est sacralisée, mais elle est aussi dépouillée de toute forme humaine de travail. Leffort disparaît, et le savoir est inné. Nul progrès possible, sinon par une voie dinitiation et de révélation.
Si certains gourous actuels utilisent des versions réinventées du chamanisme, cest quils usurpent une tradition très ancienne. Mais le chaman crée ou recrée un lien avec le monde, celui des morts, celui de la nature, celui des autres. En ce sens, il crée «un lien entre le ciel et la terre», rôle que sattribue le gourou dans un tout autre contexte. Lintérêt pour le gourou, cest dêtre celui qui règle le rituel et codifie la violence qui a cours, celui qui détient le monopole de la médiation entre le ciel et la terre et fait connaître à son groupe «le danger totalitaire». Le gourou coupe et sépare, sous prétexte de «relier»[12].
Ce quil y a de commun entre prophètes et gourous, cest la radicalité du discours, la rupture avec la société en place. Mais les prophètes en font une voie de liberté nouvelle, les gourous un moyen denfermement des groupes, diabolisant lextérieur et élevant des frontières étanches.
Le chef charismatique (et le gourou contemporain) sappuie sur les aspirations inavouables ou indicibles, et dit tout haut ce que la bienséance, les tabous sociaux, culturels ou religieux, les résistances individuelles empêchent de dire ou même de penser. Le leader les exprime, les fait émerger et lineffable devient pensable et prononçable. Il devient linterface indispensable entre linexprimé qui cherche à émerger et le discours autorisé. Il devient le traducteur de limpensable, le porteur du refoulé collectif.
Le chef est un objet brûlant daffectivité parce quil est le représentant du Père dont nous parle Freud dans Totem et Tabou ; ce Père qui ne le devient que dans le meurtre qui labolit comme être particulier pour lériger en Père symbolique, indestructible dêtre mort dévoré par ses enfants. Ces chefs sont «porteurs du sens collectif et vont apparaître comme les détenteurs de la nouvelle vérité, comme les symboles du sens juste». Le chef conquiert «ce statut de porteur privilégié du sens, et tend à apparaître comme l'incarnation du verbe». Et cette incarnation est marquée par le changement du nom dorigine pour prendre le nom du chef [13] . Ce moment est lourd de conséquences. Il y a passage à l'institution et «l'image historique se change subrepticement en une image totalitaire avec, en arrière-fond, le culte du héros».
Au terme de ces comparaisons, on cerne mieux à la fois les fonctions du gourou, tribunitienne ou symbolique, et la nécessité de son radicalisme. Le gourou contemporain apparaît comme un usurpateur - devant un public qui accepte et encourage limposture par lidolâtrie. Il usurpe le rôle du chaman - médiateur entre le ciel et la terre. Il se pare du don des prophètes, et se réclame souvent dune tradition qui lui permet de sinsérer et dêtre audible, sans que cette tradition soit autre chose quun ancrage de circonstances. Il se sert des «trucs» des grands leaders populistes. Il se réapproprie les méthodes les plus récentes des psychothérapeutes ou des formateurs. Usurpateur, il est changeant dans sa pratique et selon les publics.
Le gourou part des aspirations des adeptes: il se moule sur leurs souhaits, aspirations, désirs... Il les incarne, et dit pour eux ce qu'ils n'osent s'avouer. Les adeptes font le gourou, en acceptant ce qui rationnellement et froidement est inacceptable; en adulant, admirant, donnant ... ils donnent au gourou un pouvoir sur eux ; et celui-ci, de plus en plus perversement, s'en sert. Tous les témoignages sur les groupes naissants montrent cette évolution vers la perversité croissante, vers une structuration de pratiques à l'origine voulues par les adeptes...
Daucuns évoquent le roi des sociétés tribales, considéré comme «divin» et écrivent que «la fonction violatrice du roi est l'essentiel de la royauté ». Le pouvoir magique qu'on lui attribue est fonction de la violation des tabous à laquelle il a procédé. Le pouvoir naît de la transgression. A l'instar du monarque, le gourou et son entourage créent une aristocratie qui participe à la violation d'interdits pour maintenir le monopole de la magie. C'est le gourou qui va codifier l'ensemble des transgressions, qu'il s'agisse d'abstinence sexuelle ou alimentaire ou de rites orgiaques ; c'est lui qui réglemente, sous forme d'interdits, les faits et gestes de chacun.
Le gourou contemporain sinscrit dans une société que certains ont décrite comme d«assistanat». En rupture, le gourou ne donne rien, il exige. Il exige une mobilisation, il exige un investissement, il exige la participation. Et dans le Nous du groupe, il propose lengagement, linitiative de chacun, sappuyant sur des tendances existant dans chacun dentre nous et exigeant en contrepartie de cette possibilité dagir une allégeance totale. Quelles sont les aspirations profondes que le gourou fait émerger, et quil transforme ainsi en exigences et donc en allégeance à son discours, sa doctrine, sa personne ?
Cest dabord laspiration à linvestissement dans une uvre qui dépasse lindividu isolé quétait ladepte avant de rencontrer le gourou : ainsi certains gourous proposent-ils léradication de toute forme de cancer, dautres la progression de lhumanité par la méditation, dautres la refondation de lEglise Chrétienne... Non seulement luvre quils proposent est digne dintérêt, mais ils font appel à nous, les petits, pour la réaliser et devenir ainsi des exemples pour les générations futures.
Il sappuie sur notre demande de progression : si je ne peux progresser par les moyens classiques, je ne peux pour autant me satisfaire d'un avenir bouché. Une progression de type initiatique, me promettant des pouvoirs accrus, des possibilités que je ne me connais pas ne peut qu'être séduisante. Ce type de progression est exigeant et ne permet pas décart à lallégeance : si la progression na pas lieu, cest la faute de ladepte qui a mal, insuffisamment, dubitativement suivi les préceptes.
Mais cette demande, il la traduit en obligation : le groupe ne peut être quitté sans graves conséquences, et quitter le gourou, cest quitter le groupe, redevenir un individu isolé dans le froid et la solitude. Il sappuie surtout sur notre demande de régression infantile (pensez pour moi, dites-moi quoi faire, et comment le faire), de déculpabilisation, notre quête incessante de linnocence.
Le groupe, comme nous lavons montré, se forme en isolat culturel, radicalement extérieur à la société. La frontière avec le monde extérieur est imperméable ou presque: ne rentrent dans le groupe que des informations conformes à sa doctrine ou des personnes susceptibles dêtre séduites par le discours et les pratiques du gourou; ne sortent que des morts ou des traîtres.
Le groupe devient alors par définition un lieu dunanimité où les décisions apparaissent comme collectives (même et surtout si elles sont dictées par le gourou ou les leaders). On perd la notion même dêtre un individu avec son histoire propre, son développement personnel et sa responsabilité. La responsabilité se dilue. On agit sur ordre, on est partie bourreau, partie victime aux yeux même de la Justice si elle est saisie pour des délits. On gagne ainsi, chèrement, une innocence à ses propres yeux. Il ny a plus doccasions de se sentir coupable ou responsable : le gourou assume la responsabilité et dicte la marche à suivre. On na plus à sinterroger, à douter de la validité éthique des ordres du gourou, puisque le gourou a toujours raison.. Tous les groupes à dérive sectaire fonctionnent autour du schéma : le mal est extérieur au groupe, le bien intérieur. Et ladepte du groupe peut appliquer à lui-même le procédé : il peut rejeter le mal hors de lui, vers un extérieur diabolisé. Cela explique très largement la volonté des parents sectaires denclore leurs enfants hors dun monde perverti.
Si linnocence est confirmée par lélection, la cooptation au sein dun groupe protecteur et bienveillant, cela ne suffit pas tout à fait à rassurer. Apparaissent alors les signes extérieurs de cette innocence retrouvée, les marques visibles de cette élection : la quête de la pureté, et son corollaire permanent, la peur de la souillure. La pureté, cest dabord la fuite du mélange impur, la quête de la blondeur et de la blancheur, la «sexualité sacrée», les «purifications» scientologiques, les régimes purificateurs, le tabou du mélange des sangs[14], la chasteté poussée jusquà la castration[15] , les vêtements différenciateurs[16], le contrôle de la sexualité, du mariage et de la procréation[17].
1.5.4
- Rituels et mises en scène
Le gourou est toujours porté par la foule plus ou moins nombreuse, comme
toutes celles qui se pressent dans les allées du pouvoir. Et il sappuie
sur les ressorts de ce type de cérémonials : ivresse collective,
appel à lirrationnel, jeux de lumières, phrasé et
scansion du discours, mais aussi vêtements «spéciaux»
pour le gourou et ses proches, parfums... Le but est de renforcer limage
centrale, fédératrice et organisatrice du gourou. Cest aussi
de donner libre cours à ladulation des adeptes qui, dans les grands
groupes, napprochent quexceptionnellement le Maître. Il est
lincarnation de lidéal groupal, mis en scène, représenté
dans ces cérémonies.
A dautres occasions, dans des cercles plus étroits, ou par délégation à un membre de la hiérarchie dans les grands groupes, le gourou utilise un certain nombre de ressorts pour créer ou renforcer lallégeance de ladepte. Il utilise la peur : peur de la sanction et de lexclusion, peur de la honte publique (en réutilisant des confidences faites à dautres membres du groupe, ou faites sous le sceau du secret).
Il utilise la fascination de la certitude : comment oses-tu douter, toi qui es si jeune, ou récent dans le groupe, de ce que le Maître avance ? Il joue sur le plaisir de la soumission : enfin des ordres clairs, enfin une voie tracée, enfin lobéissance de lenfant face à la sévérité incompréhensible des parents, enfin la fin du doute et du choix. Il joue sur ce quil y a de plus archaïque en chacun de ses adeptes. De plus, rien néchappe au gourou : tous les domaines de la vie sont de sa compétence. Quil sagisse de lapparence, de la nourriture, de la santé, des liens affectifs, de la vie sexuelle, des choix politiques[18], des choix professionnels, de la gestion patrimoniale, des rapports avec les ascendants ou descendants, et évidemment des croyances et de léthique, rien néchappe aux prescriptions du gourou. Lemprise est totale, et il ny a plus pour ladepte aucune parcelle de vie pr ivée.
Toutes les pratiques du gourou (même si tous les gourous recensés nutilisent quune partie de ce qui est décrit plus haut) tendent au même phénomène : renforcer le lien direct avec ladepte et en faire, par tous les moyens et tous les ressorts de sa vie et de sa psychologie, un soumis inconditionnel.
A lévidence, on ne peut faire un recensement exhaustif de tous les groupes dans le cadre de cet ouvrage. Il faut rappeler outre une importante bibliographie dont vous trouverez des éléments commentés en fin de volume que le Parlement a publié les rapports de deux Commissions denquête[19], proposant des listes (avec le risque dimprécision que cela comporte : des groupes qui y figurent ont disparu, changé de nom ou dimplantation ; dautres se sont développés depuis) ; que la Mission interministérielle de lutte contre les sectes[20] est un centre de documentation et publie chaque année en décembre un rapport annuel[21]; et enfin que les deux associations nationales[22] de lutte contre les sectes, ou des associations plus ciblées[23] peuvent vous informer et quelles ont souvent des ante nnes locales.
En ce qui concerne léducation, il faut distinguer trois types de problématique : les très jeunes enfants, particulièrement malléables, les jeunes qui risquent de devenir la proie de ces groupes totalitaires (public des premières, terminales et jeunes adultes) et les enfants dont les parents sont dans une secte (estimés selon les modes de calcul entre 30 000 et 70 000).
La cible privilégiée est évidemment les parents, au moins dans les pays où la protection des mineurs est un des rôles premiers de lEtat. Pourtant, en France aussi, les enfants sont une cible, car leur très grande aptitude à apprendre et à se conformer en fait des proies intéressantes, que lon peut pré-programmer pour une utilisation future : doù la création dactivités péri-scolaires, de groupes de soutien, doù les envois de « méthodes » aux enseignants du premier degré par la scientologie.
Il faut avoir en permanence à lesprit que les jeunes de 16 à 18 ans et plus dont nous avons la charge passent un âge critique. Ils terminent la formation de leur personnalité, de leur identité fondatrice, souvent en conflit avec leur famille, en révolte contre le monde adulte plus que contre la société, en interrogation sur leur corps, leur sexualité, leur avenir personnel et professionnel. Cest lâge des « idées noires », des tentatives de suicide. Cest lâge des passions, tels Roméo et Juliette. Cest lâge aussi des défonces alcooliques ou toxicomaniaques -, lâge de lapparition des maladies mentales (psychose maniaco-dépressive, anorexie). Cest enfin un âge ordalique : si je mérite de vivre, je franchirai lobstacle, en voiture, en moto Cest « la fureur de vivre » et la fascination de la mort.
Les groupes sectaires savent tout cela et adaptent leur discours et leurs thèmes à cet état desprit adolescent. Quel que soit le groupe, la radicalité du discours, la convivialité du groupe sont attirants pour des jeunes en rupture familiale et en insertion scolaire flottante.
Le thème religieux peut attirer, sil sagit dautre chose que lEglise que fréquente grand-mère. Nous connaissons tous, pour lavoir vécu, et lavoir enseigné, la foule de questions dordre eschatologique ou métaphysique que se posent les jeunes. Ils sont en quête de réponses, et les cours de nos lycées, aussi passionnants soient-ils, noffrent que des pistes de réflexion, des voies de cheminement. Cest leur raison dêtre : le prof de philo est un éveilleur desprits, il ne doit pas être un gourou. Or certains jeunes attendent des réponses toutes faites, leur quête du sens doit être rapide. Les groupes sectaires le savent bien, qui draguent les sorties de lycée et les bistrots détudiants. Les groupes « à thématique religieuse » les plus importants sont lEglise du Christ (dite de Boston), les Témoins de Jéhovah pour les élèves en cycle court, et les groupes dits charismatiques ou pentecôtistes, où la foi se xprime par des passions collectives, des chants, des répétitions de prières, etc. Ces groupes sont quelquefois reconnus par les Eglises établies, mais pas toujours.
1.6.2.2.
Lorientalisme1.6.2.3.
Dans ces groupes « à thématique religieuse », on doit mettre à part les groupes pseudo-bouddhistes (Sukyo Mahikari, Soka Gakkaï, Aum, Méditation Transcendantale, Bhagwan Sri Rajneesh) et les groupes pseudo-hindouhistes (Saï-Baba, Hare Krishna, Sri Mataji, Sri Chin Moï, Sri Ram Chandra Mission, Brahmas Kumaris, ). A une recherche de spiritualité se mêlent alors lexotisme, loriginalité : il faut se démarquer du troupeau, et se choisir une croyance exceptionnelle. Limage spirituelle et pacifique du Dalaï-Lama renforce ces recherches souvent erratiques de nos jeunes, de même que la pratique dévoyée du yoga.
1.6.2.3.
Nous ne sommes pas les seuls dans lUnivers
Les jeunes du III° millénaire sont nés après la conquête de la Lune, et ont vu sur leurs écrans défiler Star Treck, Dune, X files et la Guerre des Etoiles. Lidée dun Univers peuplé dautres créatures qui interviendraient dans notre vie ou notre histoire leur est plus familière que bien dautres concepts philosophiques. Et cest pourquoi des groupes comme la Scientologie ou les Raëliens peuvent au départ leur paraître crédibles. La quête de sens aboutit dans les étoiles, dans des entités plus puissantes que nous et qui nous ont peu ou prou créés.
Le côté « clean », moderniste, politiquement correct, « gagnant » de ces groupes est aussi attirant, de même que leur politique promotionnelle. La Scientologie multiplie les vedettes, de Travolta à Cruise, et Raël défie toutes les autorités morales et déontologiques pour prôner le clonage humain.
1.6.2.4.
Groupuscules satanistes et occultistes
Ces courants diffus, mal repérés et probablement encore peu structurés se font remarquer par des transgressions particulièrement choquantes : vandalisme des cimetières ou de certains édifices religieux. Deux explications peuvent se présenter à lesprit : dune part,Rosemarys Baby à Charmed en passant par Lexorciste ou Carry) : dans une société marquée par la religiosité, elle-même protégée par le premier Amendement, la transgression adolescente ou le délire des malades mentaux se traduit par une religiosité contraire, à lenvers (que lon pense au massacre perpétré par Charles Manson).
Sans aller jusquà ces extrémités en France, certains de nos élèves sont attirés par les pouvoirs promis, le caractère occulte et très clandestin, et lélitisme de ces groupes. Le noir, le feu, les insignes, les teints blafards, certains jeux de rôle doivent alerter.
1.6.2.5.
Les thèmes universalistes : écologie, pacifisme, solidarité
On a vu que la révolte est un ressort puissant pour le recrutement des groupes, et les jeunes sont particulièrement sensibles aux dysfonctionnements de notre monde. Derrière des bannières écologistes ou humanitaires (Twind et sa filiale Humana), sous des logos pacifistes ou de politique « différente » (Mouvement humaniste, Politique de Vie) se cachent des groupes sectaires qui peuvent enrôler des jeunes piégés par des étiquettes mensongères et les exploiter très largement.
1.6.2.6. Les
questions de société : la drogue et les médecines «
alternatives »
Cest autour de la toxicomanie que les groupes sectaires sagitent. La scientologie a créé Narconon. Le groupe du Patriarche sest transformé en Dianova, semble-t-il moins sectaire. Cest aussi autour dune critique de la médecine scientifique. La scientologie tire à vue sur la psychiatrie. Beaucoup de groupes se prétendent porteurs de guérison (IVI, ACC) et la plupart des groupes sectaires insistent sur leur hygiène de vie, leur attachement à des consommations plus naturelles (phytothérapie et produits Weleda pour lanthroposophie) ou sur des médecines orientales traditionnelles (circulation dénergie et chakras).
1.6.2.7.
Langoisse liée à léchec scolaire
Langoisse des parents, ou celle des élèves eux-mêmes, a provoqué la multiplication de « loffre éducative » marchande. Quelquefois simple escroquerie, elle peut aussi cacher des groupes sectaires, qui sous prétexte de soutien scolaire, ou de « cours de philosophie », recrutent des adeptes : ainsi la Nouvelle Acropole (NAF) ou la scientologie.
1.6.3.1.
Les enfants prisonniers
On estime entre 5 et 6000 les enfants vivant exclusivement dans les groupes sectaires : limprécision provient des défauts dinscription, même à lEtat-civil, de ces enfants qui vivent dans de micro-communautés souvent à lécart. Les risques pour eux sont alors de fermeture totale, dabsence déducation, de liens familiaux perturbés[24], de mauvais traitements (punitions, mais aussi nourriture insuffisante ou carencée, sommeil perturbé par des veilles et des prières) et de carence de vaccination et de soins : des procès récents pour homicide denfant en France ont montré la nocivité de ces groupes (Horus, Tabithas Place). Cest pour traquer ces enfants « hors système » qua été votée à lunanimité la loi Royal sur le contrôle scolaire en 1998.
Quels sont les risques des 30 000 à 70 000 enfants dadeptes qui fréquentent le système éducatif public ou sous contrat, ou pour les 5 000 à 6 000 enfants « prisonniers » des structures sectaires ?
Pour en juger, il faut sinterroger sur nos représentations de lenfant et de léducation. Les rapports du groupe social à lenfant sont pris dans un faisceau de désirs, de droits, de devoirs et dobligations, avec des dominantes légèrement différentes selon les époques. Du constat juridique ancien de lenfant «propriété du paterfamilias » qui le reconnaît ou le rejette, à lenfant du Docteur Spock, «bon sauvage» de lEmile à ne pas contraindre, il existe toute une palette de représentations qui concernent lenfant : sujet soumis au groupe, il est générateur de devoirs ; enfant-roi, il possède surtout des droits ; lenfant est une mission confiée, matériau à façonner, individu à adapter et préparer au contexte ou futur adulte à construire ; il est lobjet de satisfactions, mais aussi débiteur de prestations nombreuses.
De nos jours, définir le processus éducatif, cest aussi cerner le droit reconnu aux enfants. La première mission du groupe social en matière éducative, cest la protection : protection de lintégrité physique et psychique des enfants, qui fait poursuivre et sanctionner les pédophiles et les acteurs de mauvais traitements. Cest aussi la sécurité matérielle, qui fait que lon place, en France, les enfants dont les parents ne peuvent assurer de manière régulière les besoins vitaux (toit, nourriture, inscription à lécole). La mission du groupe est aussi dentourer affectivement lenfant, et cest souvent une des plus grandes difficultés des juges pour enfant que de préserver à la fois la sécurité matérielle et le cadre affectif de lenfant. Même sil faut le préparer aux contraintes et aux besoins de la société, il faut bannir toute forme dexploitation - ce qui est beaucoup plus simple en France que dans bien des p ays moins développés -. Il faut aussi respecter sa singularité, préserver ses possibilités dautonomisation, et donc éviter toute forme dappropriation. On doit lui permettre dévoluer avec dautres enfants, pour permettre sa «socialisation», parce que les autres enfants lui permettent de cerner mieux ce quil est, ses limites et ses premiers droits sociaux. Enfin, un processus éducatif bien mené doit permettre une ouverture à la diversité des possibles, comme champs dinvestigation intellectuelle, ou comme créneaux professionnels ; et faire acquérir une morale «de base», cest-à-dire ladhésion à des valeurs communément admises et sanctionnées par le corpus juridique de la société dans laquelle lenfant est amené à vivre.
Mais ce qui fait un processus éducatif réussi, cest la combinaison de toutes les missions : que serait une éducation sans tonalité affective ? que deviendrait un enfant uniquement socialisé ? Un processus éducatif digne de ce nom apporte de manière équilibrée une «dose» de chacune des missions. Il doit aussi respecter la croissance de lenfant, et donc proposer les acquisitions en «temps utile», au moment où le développement intellectuel ou physique de lenfant les permettent, et à un rythme compatible avec la fatigabilité de celui-ci. Ces acquisitions doivent être diverses, ouvertes sur le monde et les possibilités propres de chaque enfant ; ce doit être une acquisition de langages, de savoir-faire, doutils utilisables ailleurs et autrement, et non des contenus ajoutés à linfini. Il faut privilégier ladaptabilité à des contextes différents, avec des outils efficaces (et non la docilité et la malléabilité, qui sont une adaptation par défaut de structures propres de lenfant). Enfin un processus éducatif doit se conclure par lauto-invalidation progressive des précepteurs : limago parentale doit être dépassée par ladolescent, les maîtres doivent pouvoir dire «tu en sais suffisamment maintenant pour voler de tes propres ailes».
Or, rien dans un groupe à dérive sectaire ne favorise ce type de processus éducatif. Si on reprend la définition que nous avons donnée de ces groupes, on perçoit immédiatement les distorsions. Groupe radicalement alternatif : cela implique une fermeture et une diabolisation du monde extérieur, et donc la privation douverture sur des possibles diversifiés. Groupe autocratique : peut-on attendre alors une auto-invalidation des maîtres, permettant lautonomisation de lenfant ? Exclusivement autoréférent : là encore, fin de louverture à des possibles diversifiés, et morale de base souvent loin du consensus de la société globale. Modelage, embrigadement, exploitation : le but du groupe nest pas le respect de la singularité, du développement autonome ; cest aussi, dans certains cas une exploitation des enfants par le travail; et cest, dans tous les cas, une exploitation de leur temps, par le processus additif de l enseignement sectaire (lapprentissage des textes de référence, les rituels, cérémonials, porte à porte comme les Témoins de Jéhovah, etc.). Groupe élitiste : les seuls enfants visibles sont ceux de la secte. La socialisation se fait sur un groupe modelé, et nest pas un véritable apprentissage de la vie sociale, avec ses différences enrichissantes. Univers prothèse, substitut familial et sociétal : les seuls repères de ces enfants sont ceux donnés par le groupe. De plus, dans un certain nombre de sectes, les liens familiaux sont dissous et cest le groupe tout entier qui sert de famille, sans référent particulier, ce qui pose de redoutables problèmes psychologiques de construction didentité. Souvent aussi, les enfants sont séparés des «parents naturels» et éduqués ailleurs, voire à létranger (cest le cas pour beaucoup de groupes hindouistes, pour Moon, pour la scientologie, où les stages de progression à létranger, Danemark ou Etats Unis, deviennent de plus en plus nombreux a vec la progression dans le groupe). Tout contact avec les racines familiales ou culturelles sont alors impossibles.
Mais ce que recherchent les groupes à dérive sectaire, ce nest pas de faire des adultes autonomes. Cest de continuer à sétendre avec des adeptes convaincus. Et les enfants sont considérés dès leur conception (Moon ou Fraternité Blanche Universelle) comme propriété du groupe sectaire. Qui mieux queux pourront être des adeptes parfaits ? Le modelage est dorigine, et ce nest pas tant la déformation qui est dangereuse, que lamputation. Comment compenser un processus éducatif qui a été fait en moins : moins douverture, moins de diversité, moins de sociabilité, moins de sécurité, moins de protection ?
Lexemple le mieux connu, parce que le plus fréquent, est celui des Témoins de Jéhovah : dès lélémentaire, les enseignants remarquent ces enfants qui jouent peu en récréation, qui manquent les anniversaires, qui ne fêtent pas Noël. Au Collège, ils refusent souvent les sorties. Ils regardent très peu la télévision, absorbés par les lectures du groupe et le porte-à-porte. Ils interviennent peu en classe. Lorsquil sagit dorientation, ce sont presque toujours les filières courtes qui sont privilégiées : à quoi peuvent servir de longues études, lorsque lApocalypse est imminente, et que lessentiel est le prosélytisme ?
Il faut aussi attirer lattention sur les abus sexuels. Sils nexistent pas dans la plupart des groupes, ils sont revendiqués comme un apprentissage « naturel » de la sexualité par quelques-uns (Raël, instinctothérapie), et commis par des gourous transgresseurs (Gilles Bourdin du Mandarom, devenu Vajra Triomphant)
On peut aussi sinterroger sur quelques thèmes qui posent problème.
Le temps : quel est le temps consacré à une association ? Est-il croissant ?
Largent : le groupe demande-t-il beaucoup ou souvent de largent ? Est-ce comparable à une cotisation de type associatif ou syndical, ou bien supérieur ?
Le prosélytisme : Y a-t-il un prosélytisme imposé ?
Les ruptures imposées : Y a-t-il rupture prescrite avec lentourage amical ? Lentourage affectif ? La famille ?
Le refus de la science : Y a-t-il au sein du groupe dautres explications du monde, de la vie, des mécanismes physiques et biologiques que ceux enseignés à lécole ?
Les prescriptions en matière de santé ou de régime : Y a-t-il des tabous alimentaires ? Des restrictions fortes ? Y a-t-il des prescriptions de compléments vitaminiques ou autres ? Des traitements substitutifs ?
Les exercices répétitifs : Quel temps est consacré à lapprentissage des textes de la secte ? Quel temps est consacré à la méditation ? A la prière ? Y a-t-il de nombreux exercices répétitifs (type répétition de mantras ou postures particulières) ?
Labsence délection : Les dirigeants sont-ils élus ? Par qui ? A quel rythme ?
La non-transparence financière : Y a-t-il un budget déclaré ? Discuté ? Y a-t-il un contrôle des comptes ? Qui dispose des comptes ?
Lexploitation des adeptes : Y a-t-il un travail demandé ? Exigé ?
Lautoréférence : Quelles sont les références théoriques du groupe ? Y en a-t-il dautres qui soient admises ?
Le néo-langage :
Les promesses : Y a-t-il des promesses de mieux-être ? De pouvoirs supérieurs ? De progression très efficace ? De gains ?
Les secrets : Y a-t-il des choses quon ne doit pas révéler ?
Les masques : Est-ce que la rencontre avec le groupe sest faite clairement ou par lintermédiaire de cours de philo, de conférences sur lart, décole de dessin ou de musique, de groupes de relaxation ? Y a-t-il eu prescription par un médecin ou un psychothérapeute[25] ?
A lévidence, un seul indice nest pas suffisant, sauf à déclarer secte tous les clubs de supporters (transparence financière) et beaucoup de PME (élection des dirigeants).
Il faut donc plusieurs critères (7 ou 8 au moins) pour présumer la présence dun groupe inquiétant.
Latteinte à la santé des enfants scolarisés : le Code pénal sanctionne toute personne qui ne porterait pas secours à un tiers en danger. A plus forte raison à un mineur confié à une institution éducative. La Convention internationale des Droits de l'enfant protège, en outre, de façon plus précise encore la personne même de lenfant, personne constituée sur le plan juridique et non simple prolongement biologique ou moral de ses parents. Enfin, le Code pénal français réprime labus de faiblesse[26] commis soit par un tiers (personne physique), soit par une association (personne morale). En conséquence, nul ne peut tirer argument de ses convictions personnelles, quil soit parent ou enseignant, pour des actes qui mettraient en cause la vie dun mineur. Dans le cas où un enfant accidenté en milieu scolaire devrait faire lobjet de soins hospitaliers impliquant le cas échéant une transfusion sanguine, le fonctionnaire momentanément responsable du mineur doit le faire soigner, en saisissant immédiatement le procureur de la République (par téléphone en cas durgence), linformer de son acte, quelles que soient les notifications préalables de ses parents refusant le principe de certains soins indispensables (affaires des Témoins de Jéhovah).
Sil est mineur, on peut supposer que sa famille est dans le groupe. Lessentiel est alors de ne pas le marginaliser, et de tenter par tous les moyens de conviction possible de louvrir au monde extérieur : lui faciliter les possibilités de sorties scolaires, le faire lire, découvrir le théâtre, la compétition sportive, etc.
Sil est majeur, linformer sur les risques quil prend (documentation fournie par les associations ou Internet). Ne tentez pas de discuter doctrine, essayez plutôt de lui faire lire des témoignages (voir bibliographie).
Dans tous les cas, informer avec fermeté la communauté éducative sur la conduite à tenir (non marginalisation, information et refus du débat doctrinal) , et éventuellement les autorités de tutelle si se posent des problèmes de prosélytisme nécessitant des sanctions (voir 4° chapitre).
Ce nest pas un délit. En revanche, toute faute doit être sanctionnée, de la même façon et aussi vite que sil sagissait dun individu lambda commettant la même faute professionnelle. On constate trop souvent une sorte de « paralysie de la pensée » face au traitement des fautes professionnelles commises par des adeptes (« Ne suis-je pas en train de faire de la chasse aux sorcières ? » ou « Quels sont les risques de voir la secte se retourner contre moi ? »)
Dans tous les cas, signalez le fait à la CPPS (cellule de prévention du phénomène sectaire, au Ministère de lEducation nationale) et à la MILS, en raison des conséquences éventuelles, au-delà de la mission éducative.
Vous devez exercer votre vigilance avant toute exposition, conférence, etc. : identifier clairement lorigine de la proposition (quelle association, quels responsables, quels intervenants) en vous rappelant que les ministères de lEducation nationale et de la Jeunesse et Sports agréent les associations éducatives. En labsence dagrément, abstenez-vous.
Si votre vigilance a été prise en défaut, et que vous constatez les faits a posteriori, informez la CPPS et la MILS et suivez le dossier : recueillez le matériel didactique ou les prospectus distribués au cours de la réunion, discutez avec les participants (collègues ou élèves) pour éviter de faciliter tout danger de contact extérieur. La secte ne recrutera pas dans votre établissement, mais peut le faire en fixant des rendez-vous ultérieurs, de nouvelles conférences ou des séances dapprofondissement à lextérieur des locaux scolaires.
Cest en 1982 que le Premier Ministre Pierre Mauroy confie au député Alain Vivien une mission denquête sur les sectes. Dans sa lettre de mission, il précise : « Vous êtes chargé détudier les problèmes posés par le développement des sectes religieuses ou pseudo-religieuses. Il vous appartiendra, plus particulièrement, dexaminer leur statut juridique et financier, tant en France quà létranger, et de proposer des mesures propres à garantir la liberté dassociation au sein de ces sectes tout en préservant les libertés fondamentales de lindividu. »
Pourquoi cet intérêt du politique pour une question de société qui apparaît alors comme marginale ? Dabord, et Alain Vivien le note dans son rapport, parce que ce sont les familles qui sont touchées par le départ ou la mort de très jeunes adultes. Cest le départ de leur fils chez Moon qui mobilisent les Champollion en 1974, et qui va donner naissance aux ADFI (associations pour la défense de la famille et de lindividu). Cest la mort de son fils, dénutri par un régime zen macrobiotique, qui pousse Roger Ikor à fonder en 1981 le CCMM (centre détudes contre les manipulations mentales). Ensuite parce que les médias se sensibilisent au phénomène, surtout après le massacre du Guyana en 1978. Le livre dAlain Woodrow, Les nouvelles sectes[27], connaît un grand succès.
A la suite du Rapport Vivien[28], des avancées majeures sont obtenues :
- information de toutes les ambassades et consulats français, aide aux « expatriés » des sectes : on ne déplore pratiquement plus de cas de déportation depuis 20 ans.
- adoption de la Convention internationale des droits de lenfant, accélérée par laction du Rapport Vivien et de la députée Denise Cacheux.
Puis, malgré la croissance des plaintes auprès des associations de défense, les pouvoirs publics se mobilisent peu, à lexception notable du ministère de la jeunesse et des Sports ainsi que de celui chargé de la Santé et de la protection de lenfance, qui lance un programme de formation pour ses cadres, et impulse les premières recherches de type universitaire.
Le drame du Vercors lié à lOrdre du Temple Solaire, en 1994, réveille les consciences. LAssemblée nationale crée une première commission denquête, sous la présidence dAlain Gest (UDF), avec Jacques Guyard (PS) comme rapporteur. Ce rapport est adopté à lunanimité sous le titre Les sectes en France[29]. Il contient pour la première fois une « liste » de 173 groupes sectaires. Cet exemple sera suivi, en particulier en Belgique et en Suisse romande.
Le rapport préconise la création dun Observatoire des sectes. Le gouvernement Juppé le crée et en confie la présidence à un préfet. Cependant, sur un sujet difficile et nouveau pour les fonctionnaires nommés, le fonctionnement de lObservatoire est délicat : la coexistence entre politiques, experts et hauts-fonctionnaires savère peu productive et le premier et unique rapport de lObservatoire trahit les difficultés rencontrées[30]. De plus, une confusion sémantique probablement délibérée est créée par une alliance temporaire de la Scientologie, des Raëliens et des Moonistes, qui fondent de leur côté un "Observatoire des sectes".
Le gouvernement Jospin tire les enseignements de ce semi-échec (car déjà des formations de cadres de lEtat, dans lEducation nationale, la jeunesse et les sports ou la justice ont été mises en place) et crée en octobre 1998 la Mission Interministérielle de Lutte contre les sectes (MILS). La tonalité de son appellation, qui reprend une disposition analogue de lancien Observatoire, marque la volonté de combattre le nouveau fléau et réaffirmés.
En 1999, lAssemblée Nationale crée une seconde commission denquête qui, portant cette fois sur les ressources des mouvements sectaires, reprend son travail denquête et publie Les sectes et largent[31] (Jean Pierre Brard, apparenté PC, président, et Jacques Guyard, PS, rapporteur).
Au plan gouvernemental, ladoption progressive de certaines dispositions législatives est ratifiée par les députés et les sénateurs : la laïcité est remise au premier plan dans le contrôle exercé sur les établissements hors contrat (loi Royal) : il sagit pour lEtat de sassurer de lhygiène et du bien-être médical des enfants, mais aussi de surveiller ladéquation des programmes de ces structures hors normes par rapport à un savoir scientifique et une éducation à la citoyenneté. Le but, laïque par excellence, est de donner à chacun un plein épanouissement intellectuel en évitant un enfermement dans des doctrines dexclusion.
Le Parlement reprend à son tour un rôle dinitiateur en matière législative : au Sénat (Nicolas About, UDF, rapporteur) et à lAssemblée Nationale (Catherine Picard, PS, rapporteure) est élaborée une loi, ratifiée le 30 mai 2001, qui constitue aujourdhui la réponse la plus appropriée aux menaces que le sectarisme fait peser à la fois sur les libertés individuelles et sur la société. Trois séries de dispositions permettent désormais à lautorité judiciaire (et à elle seule) :
- de sanctionner plus sévèrement les infractions sectaires, y compris dans les domaines nouveaux où les sectes sinvestissent (informatique notamment)
- de dissoudre les associations qui auraient fait lobjet dune grave sanction pénale (avec interdiction de reconstitution).
- de protéger les individus, en état ou non de faiblesse contre les pressions sectaires exercées sur eux (mise en « état de sujétion »)
Créée en 1998, la MILS a une structure plus élaborée que celle de lObservatoire quelle a remplacé. Son président anime trois entités :
- une équipe permanente de fonctionnaires - sous la houlette dun secrétaire général, haut magistrat - composée dune douzaine de personnes, issues de ministères variés (Affaires étrangères, Intérieur, Finances, Santé, Education ). Cest la Mission proprement dite, qui suit au quotidien les dossiers sectaires, la formation des cadres, la rédaction de brochures dinformation ciblées ou grand public et rédige le rapport annuel ;
- le Conseil dorientation - composé dune vingtaine de personnes qualifiées, indépendantes de tout intérêt et connues pour leur expertise - détermine les priorités annuelles de la Mission et est consulté pour son rapport annuel ;
- le Groupe opérationnel est composé de membres désignés par onze ministères pour assurer le suivi et la cohérence de ce dossier interministériel. Cest le « bras armé » de la MILS.
2.2.2.1-
Analyser le phénomène sectaire :
la MILS reçoit les informations transmises par les différents
services de lEtat. Elle centralise ainsi linformation et la tient
à disposition des pouvoirs publics. Létat de sa réflexion
en la matière figure dans le rapport annuel[32] quelle remet
en décembre au Premier ministre.
La MILS est évidemment en rapport avec les instances parlementaires nationales et européennes. Ainsi, elle a suivi de très près lélaboration de la loi Royal sur le contrôle des établissements scolaires hors contrat, de certaines dispositions de la loi sur le renforcement de la présomption dinnocence, de la loi About-Picard mais aussi la résolution Nastase au Conseil de lEurope, première réplique européenne aux « activités illégales des sectes ».
2.2.2.2
- Inciter les services publics à prendre les mesures appropriées
:
la MILS transmet les informations dont elle dispose aux ministères
concernés, et suggère les actions à mener, les modifications
réglementaires à effectuer, les dispositions de contrôle
à mettre en place. Elle joue aussi un rôle dans le fonctionnement
des « cellules de vigilance » départementales instituées
par une circulaire du ministère de lIntérieur en 1997.
Elle peut transmettre au procureur de la République les dossiers qui lui paraissent susceptibles dune qualification pénale.
2.2.2.3
- Contribuer à la formation des agents publics :
les membres permanents de la Mission interviennent dans la formation des cadres
des trois fonctions publiques (Etat, territoriale ou hospitalière). Dans
le cas particulier de lEducation Nationale, outre une cellule de prévention
interne (CPPS), la sensibilisation aux risques sectaires doit sopérer
au sein des IUFM rénovés, en 2° année, dès lapplication
de la réforme. Une expérimentation est prévue dans trois
IUFM à compter de la rentrée 2001. Les inspecteurs (IPR et IEN)
de même que les chefs détablissement ont été
formés dans le cadre de leurs journées de formation depuis 4 ans
par les soins de la CPPS.
2.2.2.4
- Informer le public :
Par des publications ciblées par des conférences, par des contacts
presse réguliers et par le rapport annuel, la Mission informe le public
de létat du sectarisme et sur les groupes inquiétants.
2.2.2.5
- Participer aux réflexions et travaux relevant de sa compétence
dans les organismes internationaux :
Chaque ministère dispose aujourdhui, au sein de ses structures départementales ou régionales, dun « correspondant secte » qui peut à tout moment répondre à un questionnement dans le cadre de sa spécialité. Parallèlement, la Chancellerie a désigné dans les 35 cours dappel un magistrat chargé des mêmes problèmes.
Il faut souligner le rôle pionnier à la fois du ministère de la Santé et de lAction sociale, qui sest mobilisé dès les années 90, et du ministère de la Jeunesse et des Sports, pionnier dans le domaine de léducation populaire depuis les mêmes années.
Il convient également de signaler les expériences pilotes menées dans trois départements (Seine et Marne, Loiret, Guyane). Dans ces départements, les structures de vigilance se ramifient jusquaux agglomérations, sous limpulsion des présidents de Conseils généraux et des associations de défense, auxquels la MILS prête son concours.
Aujourdhui nombreuses sont les institutions qui organisent une formation pour leurs cadres ou leurs agents exposés au public, et lintègrent souvent dans la formation initiale. Par exemple, le Centre national de formation des personnels territoriaux (CNFPT) offre depuis cette année 2001 une formation à la prévention des risques sectaires. LEcole nationale de la magistrature organise des stages depuis quatre ans, de même que les écoles de police, de gendarmerie, et plus récemment lIHEDN (Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale) ou lIHESI (Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure).
La Déclaration des droits de lHomme et du citoyen de 1789 garantit les libertés civiles, et notamment celle de croire ou de ne pas croire, dans les limites du respect de la loi. La Constitution de 1958 garantit la laïcité de lEtat, son indépendance à légard des organisations convictionnelles, quelles soient philosophiques ou religieuses.
Le principe constitutionnel de laïcité détermine une sorte de contrat entre l'Etat et le citoyen : si celui-ci a le droit de pratiquer toute religion ou croyance de son choix sans que l'Etat ni ses institutions puissent s'y opposer, réciproquement ce citoyen n'a pas le droit d'imposer son choix privé dans le domaine public, la laïcité de l'Etat l'interdit. Cette interdiction réciproque assure à la fois la liberté de chacun et de tous.
L'école est fondée selon cette conception séculaire de la laïcité : comme il est dit au treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, « la Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation, à la culture ; l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat. »[34] .
En conséquence, l'obligation faite à tout citoyen de ne pas commettre des actes contraires à la Constitution, se traduit dans le domaine de l'école publique par le respect exemplaire de sa laïcité qui permet l'apprentissage de la liberté de pensée et de l'esprit critique. C'est la condition primordiale pour que le service public de l'éducation remplisse efficacement sa mission, la mise en uvre du droit à l'éducation. Ce droit est « garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté »[35] .
Ces objectifs généreux impliquent que ne soient pas tolérés au sein de lécole des comportements sectaires qui constituent autant d'agressions envers la liberté des mineurs qui lui sont confiés. Ainsi le prosélytisme entre élèves ou d'adultes à élèves ou bien le refus par des élèves de suivre certains enseignements de leur programme au prétexte que ceux-là heurtent leur croyance, doivent-ils être combattus conformément aux textes en vigueur[36]. La laïcité, en tant que valeur fondamentale du service public d'éducation, ne saurait être soumise aux interprétations individuelles. Elle appartient à tous : c'est la loi de notre démocratie.
Léducation est une cible de choix pour les groupes sectaires : par définition, le public est contraint et son jeune âge le rend encore plus malléable. Par ailleurs, dans la vision économique très libérale des sectes, le secteur éducatif peut être dun grand profit. Enfin les enfants sont un vecteur idéal pour toucher les parents. Des tentatives dinfiltration, quil ne faut ni exagérer ni sous-estimer, ont pris plusieurs formes dans le primaire et le secondaire, mais aussi dans lenseignement supérieur et la formation continue.
Rappelons que les établissements privés hors contrat sont désormais soumis comme les autres au contrôle de lEducation nationale depuis la loi Royal de 1998 ; les « écoles de secte » ne devraient plus pouvoir se développer impunément.
La forme la plus classique dintrusion sectaire est celle de lenseignant-adepte lui-même. Le traitement de ce type de situation nest pas évident. Sil ny a pas de possibilité de prouver le prosélytisme (cas dun directeur décole dans la vallée du Rhône), il ny a pas de sanction possible : seules les fautes professionnelles sont en principe susceptibles de sanction. Toutefois, la Convention internationale des droits de lenfant garantissant à celui-ci son propre épanouissement, une affaire peut être portée devant la Cour européenne des droits de lhomme, après une étude approfondie.
En revanche, lorsque le prosélytisme est prouvé (diffusion de textes sectaires en classe) la sanction est possible : non réemploi, mutation doffice, voire éventuellement radiation (dans les cas les plus graves). Attention : des stages de développement personnel (autour de certaines techniques psychothérapeutiques) peuvent permettre aux groupes sectaires daborder et éventuellement de recruter des enseignants. Il y a lieu de vérifier la validité de ces stages et de rappeler aux enseignants quune consultation préalable de la CPPS nest pas inutile.
Un autre moyen dinfiltration est louverture des établissements scolaires aux expositions et conférences : de lexposition sur le soleil présentée par la FBU faisant la part belle aux paroles du gourou Aïvanov aux conférences contre la drogue de la filiale de la scientologie Narconon, en passant par la distribution gratuite de préservatifs par le Patriarche, les exemples sont nombreux. La plupart du temps, la vigilance des chefs détablissement et des équipes pédagogiques a évité le contact entre la secte et les élèves.
Le cas le plus difficile est celui du prosélytisme des élèves effectué en milieu scolaire par des élèves invités à «témoigner» par leurs propres parents (cas signalés aux Antilles). Là encore la qualité des rapports établis entre léquipe pédagogique et les enfants dune part, le chef détablissement et les parents dautre part, devraient faciliter le règlement progressif de ces initiatives sectaires nouvelles
Rappelons lobligation de secourir les mineurs blessés en danger, évoquée au premier chapitre.
Lautonomie des établissements denseignement supérieur et leur haute spécialisation les a conduits ; jusquà présent, à ne porter quune attention insuffisante aux infiltrations sectaires (prêts inconsidérés de salles; participation à des séminaires sans vérification des qualités, voire des identités réelles des participants, etc.)
En ce domaine, lessentiel reste à faire.
Cest donc surtout par linformation et la sensibilisation quil faut agir. Dans ce contexte, la sensibilisation pour les 2° années dIUFM a un grand intérêt, de même que le développement dassociations d'étudiants de lutte contre les sectes, comme Issue.
Le contrôle est jusquà présent presque inexistant. Des méthodes farfelues, coûteuses et à la limite de lescroquerie, voire sectaires, prolifèrent.
Même dans la formation continue offerte par lEtat, il peut y avoir des dérives : lécole de Rennes, chargée de former les cadres de la fonction publique hospitalière, a mis en place, en accord avec le Ministère de la Santé, un « diagnostic infirmier » indiscutable dans la nécessité de la transformation du métier, mais fort contestable quant aux contenus de certains modules, directement inspirés de la scientologie[37].
« La démocratie et la citoyenneté, socle des valeurs partagées en termes d'équité, de solidarité, de respect mutuel, de laïcité[38] » sont pleinement appropriées à la prévention des risques sectaires. Cela d'autant plus que parmi les missions indiquées est prévue « l'aide aux élèves manifestant des signes inquiétants de mal-être : usage de produits licites ou illicites, absentéisme, désinvestissement scolaire, repli sur soi, conduites suicidaires »[39]. Or, ces signes inquiétants peuvent être causés par l'emprise sectaire s'exerçant directement sur l'élève ou sur un parent, dans le cadre familial. Cet enfant ou adolescent est en péril et mérite de recevoir le soutien de membres de la communauté éducative, chacun selon son rôle et sa compétence.
Ainsi, la prévention des risques sectaires a-t-elle toutes les raisons de faire partie de l'éducation civique éducation à la citoyenneté, particulièrement dans l'enseignement secondaire.
Pour prémunir les élèves contre les entreprises sectaires, il faut à la fois les informer des dangers encourus et surtout leur donner les moyens intellectuels et moraux de réagir par eux-mêmes, spontanément.
Cette formation est moins destinée à prévenir des risques à court terme les sectes ont vu la plupart de leurs manuvres insidieuses contre l'enseignement public déjouées qu'à armer le futur citoyen envers toute tentative sectaire qu'il devra déjouer dans sa vie sociale ou professionnelle. En effet, l'emprise sectaire prospère souvent dans le domaine des formations en entreprise, dans les groupes de développement personnel ou certaines écoles psychothérapeutiques.
L'éducation à la citoyenneté et l'éducation civique à l'école ont ces dernières années beaucoup évolué, pour répondre aux attentes de la société et prendre en charge explicitement l'éducation aux valeurs universelles des droits de l'Homme, de la démocratie et de la République. Cette exigence implique que les élèves soient éduqués au sens des responsabilités individuelles et collectives, au jugement, par l'exercice de l'esprit critique et par la pratique de l'argumentation.
A l'opposé, l'embrigadement sectaire consiste à fermer au monde l'adepte, pour mieux le soumettre à l'autocratie des dirigeants et du gourou : dans le modelage de sa personnalité, les répétitions mécaniques des rituels, les veilles, les jeûnes, les horaires de travail concourent à son aliénation et à sa dépendance.
Contre ces pratiques, parce qu'elle est émancipatrice de l'individu, l'éducation à la citoyenneté contient évidemment des antidotes naturels.
Cependant, la mise en garde des élèves doit être explicite à l'instar de ce qui se fait désormais en matière de prévention des conduites à risques, dans laquelle les dangers sont nommément identifiés. La lutte contre les menées sectaires doit aussi s'intégrer dans une démarche d'ensemble de la communauté scolaire, profitant quand il existe dans l'établissement, du Comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté.
Dans le cadre de la réforme en cours des IUFM, le ministère a souhaité intégrer une sensibilisation au phénomène sectaire ayant un caractère obligatoire en 2° année. De même lextension de la formation aux IEN est progressivement prévue. Laction conjointe de lEducation nationale, de la MILS et de leurs partenaires externes constitue la meilleure prévention contre le caractère totalitaire dun fléau qui sest étendu aujourdhui à lensemble des États du monde.
Le but de ce chapitre est de rappeler les textes fondateurs, qui légitiment laction de fonctionnaires dans la prévention des risques sectaires. Il ne sagit pas pour chacun de refaire une démarche de questionnement : « dois-je, en droit, intervenir ou prévenir ? », mais de connaître les textes qui fondent une action de vigilance à légard de groupes dangereux.
Comme il a été vu précédemment, la préoccupation de lordre public, mais aussi la protection des plus faibles, que ce soient les enfants ou les adultes mis en « état de sujétion » (termes de la loi About-Picard), ont amené les gouvernements successifs à intervenir.
LEtat intervient autour de trois thèmes : la police administrative, les organismes spécialisés (Observatoire puis MILS), et en application de lois récentes (loi About-Picard )
On peut définir la police comme l'ensemble des règles encadrant les activités humaines en vue d'assurer le maintien de l'ordre public dans la société. Elle se manifeste par l'édiction de normes et par des activités matérielles, sur le terrain. La police administrative a pour but de concilier le respect des activités privées avec le respect de l'intérêt général. Elle a pour but de maintenir l'ordre public. Elle est exercée par les autorités publiques et a un caractère incessible[41].
Assurer la sécurité publique, c'est assurer qu'il n'y ait pas d'accidents ou de dommages aux personnes et aux biens, c'est la lutte contre les fléaux naturels (inondations, ) et contre les fléaux qui sont le fait des hommes (vol...).
Assurer la salubrité publique, c'est assurer la santé et l'hygiène des personnes et empêcher l'extension d'épidémies (vaccinations).
Assurer la tranquillité publique, c'est réduire au minimum les gênes que peuvent subir les particuliers dans leur vie quotidienne.
La question s'est posée de savoir si l'ordre moral entrait dans la définition de l'ordre public. La jurisprudence estime que l'ordre moral ne doit être pris en compte dans l'ordre public que si le désordre moral peut aboutir à un désordre matériel [42]. Dernièrement le Conseil d'Etat a affirmé que même en dehors de circonstances locales particulières, une activité pouvait être interdite si celle-ci portait atteinte à la dignité humaine[43].
Les autorités de police sont des autorités administratives compétentes pour prendre des mesures de police.
Au niveau national
Au niveau de l'Etat, c'est le Premier ministre qui détient les pouvoirs de police administrative générale[44].
Au niveau départemental
Le préfet est l'autorité de police générale au nom de l'Etat. Le préfet est compétent pour prendre des mesures de police intéressant l'ensemble du département. Le préfet est également compétent pour prendre des mesures de police dans le département lorsque celles-ci concernent deux ou plusieurs communes. En cas de carence du maire, le préfet est compétent pour prendre les mesures de police qui s'imposent en ses lieu et place après avoir mis ce dernier en demeure.
Au niveau communal
Au niveau de la commune, le maire (et non le conseil municipal) est l'autorité de police, en tant quofficier de police judiciaire. Toutefois les arrêtés du maire peuvent être approuvés ou suscités par le conseil municipal.
L'autorité de police inférieure doit prendre les mesures nécessaires pour faire appliquer les mesures prises par une autorité de police supérieure[45]. L'autorité de police compétente est obligée d'agir s'il se présente une menace à l'ordre public. Dans le cas où l'autorité compétente n'agirait pas, elle engage sa responsabilité[46]
.
Décret n° 98.890 du 7 octobre 1998 instituant une mission interministérielle de lutte contre les sectes (voir en annexe)
Loi du 30 mai 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales (consultable sur le site de lAssemblée Nationale : http://www.assemblee-nat.fr).
Même si, nous lavons vu, la plupart des groupes sectaires ne font quusurper le terme « religieux », cest cette règle déontologique qui doit être rappelée, puisquelle est devenue lun des principes généraux du droit, et quelle fonde la notion même de laïcité.
4.2.1.1
- La neutralité des enseignants
Sils restent libres dexprimer leurs convictions en dehors de leur service[48], ils doivent dans le cadre de celui-ci veiller à une stricte neutralité. Le Conseil dEtat a réaffirmé sa jurisprudence dans un arrêt de mai 2000[49]. Le commentaire du commissaire du gouvernement, Rémy Schwartz, est éclairant[50]. Il précise que si la liberté de conscience, proclamée dans larticle 10 de la Déclaration des droits de lHomme et du Citoyen du 26 août 1789, et constamment réaffirmée depuis, est un principe, elle a cependant des limites que lui fixe un autre principe, celui de la laïcité de la République, confirmée dans larticle 2 de la Constitution. « La laïcité est la neutralité, le respect de la liberté de conscience de chacun ». Il rappelle aussi que la neutralité ne doit pas seulement être de fait, mais aussi dapparence « afin quen au cun cas lusager ne puisse douter de celle-ci ». Il revient sur le devoir de réserve : « Ainsi, même hors service, lagent doit veiller à ce que son comportement ne retentisse pas sur son service », mais le limite aux fonctionnaires dautorité dans les critiques quils pourraient émettre à lencontre du pouvoir politique en place.
Ce respect dune neutralité stricte des fonctionnaires de lEtat peut aller jusquau refus daccès aux concours de recrutement : lexemple le plus célèbre est celui de lAbbé Bouteyre[51] : ce dernier sétait inscrit à lagrégation de philosophie, mais le ministre lavait exclu de la liste des candidats autorisés à concourir au motif que lagrégation constitue un concours de recrutement des enseignants publics et quun prêtre ne pouvait être admis dans le personnel de lenseignement public en raison du caractère laïc de ce dernier. Le Conseil dEtat rejeta le recours de labbé Bouteyre et consacra ainsi le principe de la laïcité du personnel dans lenseignement secondaire. Cependant, rappelle, R. Schwartz, les conceptions ont évolué : le refus du ministre devra se faire sous contrôle du juge administratif[52], et par ailleurs ne pourra être motivé que par une f aute ou des prises de position individuelles de lintéressé, et non à cause de son appartenance au clergé : « Cest donc, non pas telle ou telle catégorie de citoyens quil sagit de frapper de déchéance, mais un individu auquel on pourra refuser lentrée de certaines fonctions publiques si un acte accompli par lui ne permet pas au ministre de les lui confier... »[53]
Cette règle ne sapplique pas dans lenseignement supérieur en vertu de la traditionnelle liberté universitaire, reconnue comme une exigence constitutionnelle.[54]
La neutralité de lEtat est réaffirmée par le Conseil Constitutionnel et constitue « un des principes constitutionnels régissant le service public »[55]. La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de lHomme reconnaît cette notion française de neutralité stricte : elle admet que les services publics imposent des contraintes le cas échéant incompatibles avec les convictions religieuses des intéressés.[56]
Cette neutralité stricte sapplique aux agents, parce quelle garantit la libre expression de croyance des usagers. Elle est donc une contrainte absolue. Dans le cas de lEducation Nationale (« ceux qui ont la charge de lencadrement et de la formation des élèves »), le Conseil dEtat ne retient pas la distinction entre ceux qui sont en contact avec le public et les autres agents.
4.2.1.2
- La neutralité des élèves
Pour les élèves, la contrainte de neutralité est moindre, comme elle est amoindrie pour les usagers du service public. Les élèves ont en particulier la possibilité de « porter un signe par lequel ils entendent exprimer leurs convictions ». Mais la jurisprudence très nuancée du Conseil dEtat précise un certain nombre de conditions[57] :
- sont proscrits les actes de pression, les provocations et le prosélytisme, sous peine de sanction ou dexclusion
- proscrits aussi les atteintes à la dignité humaine, au pluralisme aux libertés des élèves ou de la communauté éducative, les comportements mettant en cause la santé ou la sécurité
- le trouble apporté à lordre de létablissement, au fonctionnement normal du service[58], au déroulement des activités denseignement, la perturbation du rôle éducatif de lenseignant sont interdits.
- sont exigés le respect strict du contenu des programmes[59] et de lobligation dassiduité[60].
Si cette jurisprudence a été mise en place essentiellement autour de la question du « foulard islamique », elle peut se traduire aussi en principes à opposer à toute forme de sectarisme. Le principe de stricte neutralité dans le service pour les agents de lEducation Nationale, en contact ou non avec les usagers, est impératif : « tout signe dexpression religieuse, quel quil soit, est normalement prohibé dans le cadre du service ».
Comme la rappelé le ministre de la fonction publique, de la réforme de lEtat et de la décentralisation, en réponse au député Jean-Pierre Brard attirant son attention sur les Témoins de Jéhovah[61], « ladministration reste vigilante quant au respect de lobligation de neutralité qui simpose à tout agent public. La violation de cette obligation, notamment par un fonctionnaire qui, dans le cadre de lexercice de ses fonctions, ferait du prosélytisme, entraînerait lapplication de sanctions disciplinaires. Enfin, il convient de signaler quen cas de faute grave, larticle 30 de la loi du 13 juillet 1983 susmentionnée prévoit que lagent concerné peut être immédiatement suspendu et cela jusquà lachèvement de la procédure disciplinaire».
Ce rappel est fait aussi dans la circulaire du ministre de lEducation nationale et de la Jeunesse et des Sports sur la laïcité, du 12 décembre 1989 : « Lenseignant qui contreviendrait à cette règle [de stricte neutralité] commettrait une faute grave. A raison du trouble apporté au fonctionnement de létablissement, il serait suspendu dans lattente dune action disciplinaire. »
Le contrôle de lobligation scolaire des établissements privés
hors contrat et de linstruction dans les familles ; lenseignement
à distance.
Loi n° 98.1165 du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire (voir en annexe) :
Cette loi, issue dune proposition sénatoriale (Nicolas About, DL) et refondue par les soins du ministère de lEducation nationale, permet de cerner mieux ce qui se passe au sein détablissements jusque là hors contrôle. Elle a permis en particulier linspection des écoles Waldorf-Steiner en 1999.[62]
Décret d'application n° 99.224 du 23 mars 1999 relatif au contenu des connaissances requis des enfants instruits dans la famille ou dans les établissements d'enseignement privés hors contrat (voir en annexe)
Pour protéger la santé publique, ladmission dun élève dans un établissement scolaire est subordonnée à la présentation de documents (carnet de vaccination ou certificat médical) prouvant leffectivité des vaccinations obligatoires[63] ou la contre-indication médicale à celles-ci.
Le fait de ne pas avoir effectué les vaccinations obligatoires peut justifier un refus dinscription, ou la décision de ne plus ladmettre tant que cet acte médical prescrit par la loi naura pas été effectué.
Le contrôle dun certificat douteux peut être demandé par le médecin scolaire auprès du médecin chargé des vaccinations à la DDASS.
Dans le cas détablissements préparant aux carrières sanitaires et sociales, les vaccinations obligatoires sont plus nombreuses (hépatite B), et la vaccination effective à linscription, faute de pouvoir faire les stages nécessaires pendant le laps de temps nécessaire à limmunisation.
Ces textes sont à rappeler quand dans les groupes sectaires le refus de vaccination, voire même le refus de soin, comme le montrent deux procès récents[64], est une violation de la loi et un possible risque pour les enfants non vaccinés. (Voir en annexe)
Il sagit ici de souligner limportance du contrôle a priori des intervenants dans le cadre du temps scolaire.
Quil sagisse dune conférence, dune exposition, ou a fortiori dun travail en atelier, le chef détablissement, ou le directeur décole élémentaire, doit sassurer du contenu pédagogique et du caractère laïc et républicain du discours.
Cest la raison pour laquelle lEducation nationale, de même que le ministère de la Jeunesse et des Sports, ont mis en place des règles dagrément. Lagrément « est une reconnaissance de la qualité et de lintérêt de laction menée par une association, en même temps que de la conformité de cette action aux principes régissant lenseignement public. »[65]
Lagrément, national ou départemental, est accordé par le ministre ou le recteur, en fonction de lassise territoriale de lassociation. Les conditions, outre la complémentarité avec les programmes de lEducation nationale, sont de navoir aucun but lucratif, des buts dintérêt général, et de respecter scrupuleusement les principes de laïcité et douverture à tous (principe dégalité).
Pour obtenir lagrément, il faut en outre présenter un dossier au bout dau moins deux ans dexistence (deux rapports dactivité montrant le rôle et les actions éducatives menées), montrant la transparence financière et de direction de lassociation.
Lagrément dure cinq ans et peut être renouvelé dans les mêmes conditions.
Pour tout intervenant d'une association non agréée, la plus grande vigilance des chefs détablissement est requise.
I. Rapports d'enquêtes parlementaires (disponibles
sur le site Internet de l'Assemblée nationale http://www.assemblee-nat.fr
ou au kiosque de l'Assemblée nationale)
Commission d'enquête de l'Assemblée nationale : Les
sectes en France, documents d'information de l'Assemblée nationale,
1996
Commission d'enquête de l'Assemblée nationale : Les sectes et l'argent, documents d'information de l'Assemblée nationale, 1999
Ces deux rapports sont utilisables par des élèves de lycée. Le premier donne les différents critères du sectarisme, ainsi que la liste des 172 mouvements connus en 1995. Le second fourmille d'exemples sur les méthodes discutables d'acquisition de patrimoine par les sectes.
et pour mémoire :
Vivien Alain, les sectes en France : expression de la liberté morale ou facteur de manipulation, Documentation française, 1985
Historique : le premier rapport officiel au monde sur le phénomène sectaire.
II
Rapports de la Mission interministérielle de lutte contre les
sectes (disponibles sur le site Internet de la documentation française
http://www.ladocfrancaise.gouv.fr)
Rapports de la MILS remis au Premier ministre :
1999, Une définition commentée de la notion de secte et un classement non linéaire des mouvements concernés(sectes absolues, mouvements à dérives sectaires, mouvements en voie d'études, etc.)
2000, Le point sur le sectarisme en France et dans le monde.
2001, Des études de cas sur des points cruciaux.
traduits en langue anglaise et allemande à partir du rapport 2000.
Monroy Michel et Fournier Anne, Les sectes, Toulouse, Ed. Milan, Les Essentiels, 1996
Un petit ouvrage (60 pages), pour élèves dès la troisième, ou lecteurs pressés.
Sur les mécanismes de transformation de la personnalité
Fournier Anne et Monroy Michel, La dérive sectaire, Paris, PUD, 1999
Abgrall Jean-Marie, La mécanique des sectes, Paris, Payot, 1996
Deux références. Le premier contient en outre une analyse psychosociale des défaillances de la société qui favorisent la croissance du sectarisme.
Sur les enfants
El Mountacir Hayat, Les enfants des sectes, Paris, Fayard, 1994
Paroles et actes de gourous, autour de l'enfant. Peut être lu par des élèves de lycée (attention à les prévenir des abus sexuels commis dans certains groupes).
IV
Pour aller plus loin (ouvrages théoriques qui ne concernent pas
directement les sectes)
Manipulation mentale
Beauvois Jean-Louis, Joule R.V., Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, Grenoble, PUG, 1987
Tout savoir sous un tout petit volume de la manipulation mentale : en publicité, en politique, etc.
Sur les abus
Durand G., Structure religieuse de la transgression, in Violence et transgression, Paris, Anthropos, 1979
Pourquoi le gourou est nécessairement transgresseur.
Douglas Mary, De la souillure, Etudes sur la notion de pollution et de tabou, Paris, Ed. La Découverte, Textes à l'appui, 1992
La quête éperdue de la pureté et de l'innocence, qui nous fait commettre le pire.
Doctrine
Lacroix Michel, L'idéologie du New Age, Dominos Flammarion, 1997
Sur la laïcité
Coq Guy, Laïcité et République, Paris, Ed. du Félin, 1999
Péña Ruiz Henri, Dieu et Marianne, Paris, PUF, 1999
Théorie politique
Arendt Hannah, Les origines du totalitarisme : le système totalitaire, Paris, Seuil, réed. Points Politiques, 1972
Arendt Hannah, La nature du totalitarisme, Paris, Payot, 1990
La mécanique totalitaire, vue dans des groupes ayant pris le pouvoir.
Sociologie ou philosophie de la religion
Weber Max, Sociologie religieuse, Paris, Gallimard, Bibliothèque des idées, dernière édition, 1996
Eliade Mircéa, Traité d'histoire des religions, Paris, Payot, réed., 1970
Trois références pour comprendre ce qui fait le religieux et donc comprendre que les sectes ne sont que du pseudo-religieux.
Des points utiles mais souvent dépassés.
Schlegel Jean-Louis, Religions à la carte, questions de société, Paris, Hachette Dominos, 1995
Revue Esprit, Des religions sans Dieu ?, Paris, Seuil, 1997
Hervieu-Léger Danielle, La religion en miettes, Paris, Seuil, 2001
Trois ouvrages qui montrent l'éclatement des doctrines religieuses, le choix des "consommateurs mondialistes" pour des croyances exotiques, branchées, nouvelles ou mélangées Quelques propositions à discuter, notamment en ce qui concerne la lutte à mener contre le sectarisme.
V
Parmi de nombreux témoignages
Sebbagh Isabelle, L'adepte, Le Comptoir, 1996
Huguenin Thierry, Le 54°, Press Pocket-Fixot, 1996
Darcondo Julia, Voyage au centre de la secte, Paris, Trident, 1987
Trois ouvrages qui rassemblent les témoignages les plus parlants, sur Iso-zen, l'Ordre du Temple Solaire et la Scientologie. Trop violent pour les élèves.
VI
Historique de quelques groupes sectaires
Pour tous ces mouvements, voir Sectes. Etat d'urgence, Paris, Albin Michel, Publication du Centre Roger Ikor, 1995.
Et aussi : Drogou Annick, Le dico des sectes, Toulouse, Ed. Milan, 1999
Sur l'AUCM : Boyer J.F., L'empire Moon, Paris, La Découverte, 1986
Sur la Scientologie : Miller R., Le gourou démasqué, Paris, Plon, 1993 - Ariès Paul, La Scientologie, laboratoire du futur ?, Golias, 1998
Sur les Témoins de Jéhovah : Blandre Bernard, Les Témoins de Jéhovah, un siècle d'histoire, Paris, Desclée de Brouwer, 1987
Sur les mouvements charismatiques : Baffoy Thierry, Les naufragés de l'esprit, Paris, Seuil, 1996
Sur l'Ordre du Temple solaire : Nicolas Bernard, Les chevaliers de la mort, Paris, TF1 Editions, 1996
Sur la galaxie anthroposophique : Ariès Paul, Anthroposophie : enquête sur un pouvoir occulte, Golias, 2001
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[1] Association internationale pour la conscience de Krishna
[2] Rapport janvier 2000, p.44
[5] voir Rapport de la MILS, décembre 2000
[6] Ainsi le "parti humaniste", qui prône la paix mondiale.
[7] Méditations, positions yogiques, incantations bras levés...
[8] «Touche le mur», action répétée à linfini dans certaines « auditions » scientologiques.
[9] Le divan du psychanalyste, le confessionnal traditionnel des catholiques...
[10] Chants, rituels, bougies, témoignages bouleversants phénomènes que lon retrouve aussi dans les grands concerts, ou certains matchs de foot.
[11] voire même les camps de travail, dans les programmes RPF de la Scientologie
[12] Relier (religare) est lune des étymologies classiquement données au mot «religion»
[13] Par exemple Moon ou Raël.
[14] interdiction de la transfusion sanguine par les Témoins de Jéhovah
[16] sectes néo-templières comme lOTS
[18] Que lon pense aux prescriptions de non-inscription sur les listes électorales des Témoins de Jéhovah...
[19] Les sectes en France, 1996 et Les sectes et largent, 1999, consultables sur le site de lAssemblée Nationale http://www.assemblee-nat.fr
[20] MILS, 66, Rue de Bellechasse 75007 Paris
[21] disponible sur le site de la Documentation française http://www.ladocfrancaise.gouv.fr
[22] UNADFI 130, rue de Clignancourt, 75018 Paris et http://www.unadfi.org
et CCMM 15, Rue Alexandre Dumas, 75011 Paris et http://www.ccmm.asso.fr
[23] ISSUE, BP 3019, 69394 Lyon Cedex 03 qui se préoccupe des étudiants
[24] Voir El Mountacir Hayat, Les enfants des sectes, Paris, Fayard, 1993
[25] Le conseil de lOrdre des médecins estime à plusieurs centaines les médecins affiliés à une secte. Les psychothérapeutes sans titre, qui exercent une profession sans aucun contrôle, sont aussi une voie de passage vers des groupes sectaires.
[28] Alain Vivien, Les sectes en France, expressions de la liberté morale ou facteurs de manipulation ?, Documentation Française, 1985
[29] Documents dinformation de lAssemblée Nationale, 1996, et sur le site Internet de lAssemblée nationale
[30] Observatoire interministériel sur les sectes, rapport annuel 1997, La Documentation française.
[31] Documents dinformation de lAssemblée Nationale, 1999, et sur le site Internet de lAssemblée.
[32] Rapports janvier 2000, et 21 décembre 2000, à la Documentation Française (en ligne sur le site de La Documentation Française)
La laïcité de l'enseignement public : Code de l'Education, partie législative : Art. L.141.1 à 141.6 Circulaires du 12 décembre 1989, n° 93.316 du 26 octobre 1993, n° 1649 du 20 septembre 1994.
L'obligation scolaire : Loi du 18 décembre 1998 et décret du 23 mars 1999 loi du 10 juillet 1989 : Art.10 Code de l'Education, partie législative : Art. L.122.1, L.131.12, partie réglementaire : Art. 6, alinéa 1 Circulaire n° 99.070 du 14 mai 1999.
Loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de lEtat
[34] Code de l'Education livre premier, titre IV Art L.141.1
[35] Code de l'Education - livre premier, titre I Art L.111.1
[36] Code de l'Education, livre V Art L.511-1
[37] Les éléments contestables sont actuellement revus par le ministère de la Santé.
[38] Circulaire Education nationale n°98.108 du 1er juillet 1998
- L'Education à la citoyenneté : Code de l'Education, partie législative : Art. L.111.1, L.122.1, L.421.8 Circulaires n° 98.108 du 1er juillet 1998 et n° 98.140 du 7 juillet 1998
[42]C.E. sect. 18 décembre 1959, Société les Films Lutétia, CE 19 avril 1963, Ville d'Avranches.
[43] C.E. Ass. 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge et
[44] Article 21 de la Constitution
[47] On ne fera référence ici quà ce qui concerne lapproche des risques sectaires.
[48] CE, 1938, Demoiselle Weiss : le Conseil dEtat a cassé les sanctions prises à lencontre dune élève institutrice qui avait assisté à des conférences religieuses pendant ses vacances. Voir aussi CE, 1948, Demoiselle Pasteau, et CE 1950, Demoiselle Jamet.
[49] Arrêt Marteaux : le licenciement dune surveillante dexternat portant foulard islamique dans lexercice de ses fonctions a été confirmé.
[51]CE, Abbé Bouteyre du 10 mai 1912
[53] Commentaire du Président Hellbronner sur larrêt Abbé Bouteyre
[54] CC, décision du 20 janvier 1984, CE 1992 « Association amicale des professeurs titulaires du Muséum dhistoire naturelle » ;
[55] CC, décision n° 96-380 DC du 23 juillet 1996, concernant lentreprise France Télécom.
[56] CEDH, 1996, Grandath c/RFA, à propos du service national; CEDH, 1982, Demessle c/Belgique, entérinant le rejet dun prêtre à un emploi public; CEDH, 1981, X. C/ Royaume Uni, précisant que le service public déducation nest pas tenu de se plier aux obligations religieuses de ses agents (dans le même esprit, CE, 1976, Demoiselle Coralie, autorisant les retenues sur le traitement dune enseignante absente pour ses obligations adventistes le samedi matin)
[57] CE, Assemblée générale, 27 novembre 1989; arrêt Kherouaa, 1992; arrêt Yilmaz, 1994.
[58] CE, 1996, Ligue islamique du Nord
[59] y compris lEPS : CE, 1995, époux Aoukili; 1999, époux Ait Ahmad
[60] CE, 1996, époux Wissaadane
[62] Voir rapport de la MILS, décembre 2000.
[63] vaccination antidiphtérique, antitétanique et antipoliomyélitique, et BCG. Articles L.6, L.7, L.7-1 et L.215
[64]Procès à Pau contre les parents dun enfant mort à 19 mois faute de traitements et appartenant au groupe sectaire Tabithas Place(mars 2001); procès à Lille pour injonction de soins à un jeune adulte leucémique et Témoin de Jéhovah. (Avril 2001)
[65] Guide juridique du chef détablissement, sous la direction de Martine Denis-Linton, édition 1999, Ministère de lEducation nationale, de la Recherche et de la technologie
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