Le Tribunal d'Instance d'un district de Moscou a débouté un « Comité pour la défense de la liberté de conscience » (dirigé par Gleb Yacounine, ancien prêtre orthodoxe défroqué, ancien député à la Douma) associé avec plusieurs « nouvelles sectes » (Scientologie, moonistes, Témoins de Jéhovah, dévots de Krishna, membres du « centre de la Mère de Dieu » - un cru local -etc.) de leur plainte en diffamation contre le Professeur Alexandre Dvorkine, directeur du Centre St Irénée de Lyon à Moscou. Celui-ci a publié en 1995 une brochure d'information intitulée : « Dix questions à un étranger importun, ou : Manuel pour ceux qui ne veulent pas être recrutés ». Les plaignants prétendaient être lésés dans « leur honneur, leur dignité et leur réputation commerciale ».
Le Centre St-Irénée s'efforce, avec de faibles moyens matériels, d'informer les Russes sur les organisations qui ont envahi la Russie (comme les autres pays ex-communistes) dès la chute de l'ancien régime. Venant de l'Occident, mais aussi du Japon et de l'Inde, elles avaient déjà acquis richesse et puissance dans leurs pays d'origine ; elles ont pu frapper vite et fort, aussi bien au sommet de l'État qu'à la base. Au milieu du grand bouleversement dans tous les domaines - matériel, intellectuel, spirituel - de la vie des citoyens, des sectes autochtones surgissaient aussi, comme la « Fraternité Blanche de Maria Devi Christos », condamnée à Kiev (Ukraine), ou le « Centre de la Mère de Dieu », entre autres.
L'Église orthodoxe, qui est loin d'être aussi riche et puissante qu'on le prétend souvent, a tout à construire : églises, certes, mais aussi et surtout structures humaines (clergé, laïcat responsable, enseignement, communication ...). Après 70 ans de persécutions souvent violentes, il s'agit moins de restauration que de re-création, dans une Russie et un monde qui n'ont plus grand chose de commun avec ceux de 1917.
Les principales phrases incriminées par les plaignants dans la brochure d'A. Dvorkine :
Les observateurs présents ont noté l'étroite collaboration entre les diverses « sectes ». Chacun des plaignants individuels s'était déclaré membre à la fois de toutes les organisations représentées. À la question posée par la défense : « Peut-on être à la fois membre de l'organisation Moon, de la Scientologie, de Krishna, des Témoins de Jéhovah etc... les professeurs Eileen Barker (Londres) et James Richardson (Reno-Nevada-USA) ont répondu : " oui ! ".
Autre au sujet d'étonnement : l'ambassade des États-Unis à Moscou s'est manifestée en la personne de son troisième secrétaire M. Benjamin Weber, venu plusieurs fois assister aux audiences. Il paraîssait bons termes avec M.Gleb Yakounine, son comité et les adeptes présents. On voudrait mettre cette attitude sur le compte de l'ignorance, mais c'est en même surprenant.
Le "consortium des sectes" a usé de tous les prétextes possibles pour faire traîner le procès en longueur. Il savait que beaucoup des témoins de la défense venaient de loin, certains même de l'étranger, et l'incertitude quant à la date de leur déposition était gênante (visa, billet d'avion, ou autres obligations). Cependant, tous ont pu témoigner. En plus des 35 témoins russes, ont témoigné en faveur du Professeur Dvorkine, le Professeur Johs Aagaart (Danemark), le Pasteur Thomas Gandow (Berlin), le Professeur Krippas (Grêce), Madame Claire Champollion (France). (NDLR : l'UNADFI précise que mme Champollion avait été citée comme témoin dans ce procès à titre personnel , en qualité d'expert, et non comme représentante de l'UNADFI.)
Les "sectes" avaient mobilisé leurs témoins habituels : outre Mme Barker et Mr Richardson, la liste des experts étrangers comportait, entre autres, MM Gordon Melton (Californie) et Massimo Introvigne (Italie) ; ces derniers se sont excusés mais ont envoyé des témoignages écrits en faveur des plaignants.
Après avoir rendu sa sentence en faveur du Professeur Dvorkine
et de Mgr Tikhon, le juge a déclaré qu'elle avait été
stupéfaite d'apprendre que de pareils problème existaient
dans son pays.
Le texte complet du jugement devait être disponibles en
juillet. Les "sectes associées" ont indiqué leur intention
de faire appel.
Aux départ, le plaignant était M.Gleb Yakounine, un ancien dissident, qui m'a accusé de diffamer des organisations religieuses légalement déclarées en Russie en les appelant "sectes totalitaires". La publication incriminée était ma brochure de 1995 : "dix questions à un étranger importun... " j'ai cherché, dans cette brochure, à définir les traits caractéristiques des sectes destructrices et de montrer en quoi elles diffèrent d'organisations de bonne foi et confessions traditionnelles. Le département de l'éducation religieuse et du catéchisme du patriarcat de Moscou, qui a publié ma brochure et en détient le copyright, a été désigné comme mon co-défenseur, ainsi que le conseil des publications de l'église orthodoxe.
Monsieur Yakounine est un ancien prêtre du Patriarcat de Moscou ; il a été chassé en 1994 pour violation flagrante et grave des canons de l'église. N'ayant pas été réélu à la Douma en 1996, il a fondé un " comité pour la défense de la liberté de conscience ", association privée sans but lucratif. Ce comité s'est aussitôt mis à solliciter des dons de diverses sectes, comprenant entre autres les Témoins de Jéhovah, l'église et de l'unification de Moon et la Scientologie. Quand le ministère de la santé a interdit la scientologie dans la médecine publique, Yakounine a écrit une série de protestation contre cet acte "discriminatoire", m'accusant d'en avoir été personnellement l'instigateur.
C'est ce comité qui a engagé une action contre moi, et Yakounine a signé la plainte en tant que président. Les avocats représentant les plaignants ont été M° Galina Krilova, qui avait auparavant défendu Aum Shinrikio, et défend actuellement CARP (Collegiate association for the research of principles), organisation mooniste en milieu universitaire dans un procès intenté par un groupe de parents à Saint Petersbourg. Tout récemment, M° Krylova et Lev Levinson figuraient sur la liste des membres du bureau de la Commission des Citoyens pour les Droits de l'Homme, international (une des innombrables associations scientologues) ; celle-là essaye de susciter une confusion avec la Ligue des droits de l'homme, et depuis longtemps. (NdT)
La "déclaration prétendant défendre l'honneur, la dignité et la réputation commerciale" déclare ma brochure insultante aussi bien dans son contenu que par son style envers des organisations religieuses enregistrées par le ministère de la justice, fonctionnant légalement sur le sol russe. Le plaignant note que j'appelle ces organisations légales "sectes totalitaires" et " sectes destructrices" et ce dans l'intention de nuire ; il en norme 5 :
Une campagne spontanée à commencé en notre faveur. Nous avons reçu des lettres de soutien de toute la Russie, avec des milliers de signatures ; elle a montré clairement où se situait l'opinion publique russe sur le sujet. Après le retrait de la majorité des plaignants, s'est de nouveau posée la question au sujet du comité Yakouninei, qui n'était pas mentionné dans la brochure, dans le procès. Il est intéressant de noter qu'aucun des groupes mentionnés dans la brochure n'avait donné au comité procuration pour agir en son nom. Les principaux dirigeants du comité, Lev Levinson et Mickhaïl Osadtchev, ont dit qu'ils représentaient " un nombre indéfini de personnes, membres de nouveaux mouvements religieux". Quand on leur a dit qu'en justice il n'existait pas de " nombre indéfini de personnes ", ils ont annoncé qu'ils étaient membres de toutes ces organisations, et agissaient donc en leur nom à toute. Levinson et Osadtchev ont déclaré qu'ils étaient personnellement offensés par ma brochure, et qu'en conséquence ils déposaient leur propre plainte individuelle, en plus des plaintes du comité. D'où la question posée à l'audience à Mme Eileen Barker comme à M.Richardson : " peut-on être membre à la fois de la secte Krishna, celle de Moon, la Scientologie ? " Question à laquelle, après s'être tortillés, ils ont répondu " oui "... (NdT)
Les organisations dont ils se disaient membres étaient : ISKCON, la Scientologie, l'Eglise de l'unification, le centre de la mère de dieu, les Eglises internationales du Christ, (mouvement de Boston), la "Famille", l'Eglise du dernier Testament, l'Eglise de Jésus Christ des saints des derniers jours (mormons), et la société Tour de garde de la bible et des tracts (Témoins de Jéhovah) - tous étant offensés par la brochure et déposant leurs propres plaintes. Cette bizarre démarche a immédiatement donné au procès une allure grotesque.
M. Levinson a annoncé qu'il avait conclu un accord préalable avec toutes ces personnes, et qu'après le début de la procédure, chacun d'eux avait été contacté individuellement et avait exprimé clairement son accord pour venir témoigner (la seule personne qui ait refusé de venir et qui ait exprimé sa stupéfaction de se voir inclure dans la liste a été Jean-François Meyer).
La Cour a trouvé excessif le nombre de témoins et a réduit la liste. Les témoins étrangers suivants ont été choisis : Eileen Barker, Hubert Zeivert, James richardson et Massimo Introvigne. Finalement, seuls, Eileen barker et James Richardson sont venus, Massimo Introvigne et Gordon Melton ont envoyé des déclarations écrites. De nombreux témoins sont venus à la barre, - plus de 20 pour les plaignants et plus de 25 pour la défense - Parmi les témoins des plaignants, il est venu des membres des sectes suivantes : ISKCON, Scientologie, Eglise de l'Unification, Témoins de Jéhovah. Il y avait aussi des membres de comités de parents formés par ISKCON et l'Eglise de l'unification, plus des experts étrangers et russes. A noter que tous ces experts, y compris Barker et Richardson, ont eu à répondre à la même question posée par les avocats des défendeurs : " Une personne peut-elle être à la fois de toutes les sectes ci-dessus mentionnées ? ". Tous deux ont été avertis que leur réponse serait publiée sur Internet, et chacun d'eux a essayé d'éviter une réponse directe. Pressés de répondre, ils ont dit tous les deux clairement : " oui ! " - une réponse plutôt inhabituelle pour des gens qui se prétendent experts des NMR.
D'anciens membres de sectes ont déposé pour les défendeurs, ainsi que des pères, mères et parents de victimes de sectes. Il a été discuté des sectes suivantes : ISKCON, Témoins de Jéhovah, Vissarion, le centre de la Mère de Dieu, la Scientologie, les églises internationales du Christ, l'Eglise de l'Unification, et un petit (mais très destructeur) culte russe appelé "les combattants de la vraie piété".
Parmi les experts étrangers, il y avait Georgas Krippas (Grèce), Johannes Aagaard (Danemark), Claire Champollion (France), et Thomas Gandov (Allemagne). Evidemment, aucun d'entre eux ne pensait qu'il fût le moins du monde concevable d'être membre de toutes les sectes à la fois ; la réponse la plus intéressante à cette question a été faite par le pasteur Thomas Gandow. Il a dit que si quelqu'un prétendait appartenir simultanément à toutes ces sectes à supposer qu'il ne mente pas, il n'y avait que trois hypothèses possibles :
Le 21 mai, le juge Lyudmila Saltykova. a annoncé son verdict : les assertions des plaignants étaient dénuées de fondement.
C'était la première fois que les sectes se livraient à une épreuve de force en Russie. Elles voulaient montrer qu'elles étaient un facteur nouveau de la réalité russe et qu'il fallait compter avec elles. Elles voulaient voir dans quelle mesure leurs adversaires étaient unis, et s'il était possible de les détruire un par un.
Ce qui était en jeu, c'était des valeurs démocratiques aussi importantes que la liberté d'expression et la liberté d'information en Russie. Nous avons le droit d'exprimer notre opinion sur les sectes et d'informer les citoyens de Russie sur leurs activités illégales et leurs tendances totalitaires, que ce soit dans leurs doctrines ou dans leurs pratiques - et les citoyens russes ont le droit de recevoir cette information. Les sectes, elles, considèrent ce droit comme un obstacle à leur recherche de pouvoir dans notre pays.
Si nous avions perdu, cela eût créé un précedent pour nous dénier, ainsi qu'à tous les citoyens russes, nos droits inaliénables.
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