LES SECTES ET L'ARGENT-  RAPPORT N° 1687 du 10 juin 1999

DEUXIEME PARTIE


-SOMMAIRE GENERAL DU RAPPORT N°1687
Partie I
- Introduction,
- L'organisation des sectes : des structures qui assurent l'opacité et la rentabilité d'un phénomène mouvant
Partie II
- L'influence des sectes : un indéniable poids économique et financier
Partie III
- Les pratiques sectaires : une fraude très répandue
- Conclusion
- Synthèse des propositions de la commission
- Explications de vote
Annexes



SOMMAIRE DE LA DEUXIEME PARTIE


 L'INFLUENCE DES SECTES : UN INDÉNIABLE POIDS ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

I.- UNE INFLUENCE ÉCONOMIQUE INQUIÉTANTE
A.- panorama des activités économiques des sectes

1.- Les secteurs de prédilection
2.- La pénétration des entreprises
3.- Une exploitation habile des techniques commerciales
a) Le démarchage personnalisé 106
b) La franchise 107
c) La vente pyramidale 108
d) Les techniques de commercialisation des doctrines 109
B.- le secteur de l'éducation 110
1.- Les enseignants recrutés 111
2.- Les méthodes éducatives commercialisées 112
3.- Les établissements contrôlés 113
4.-Les assistantes maternelles
C- le secteur de la santé 115
1.- L'ampleur du phénomène116
a) Le recrutement sectaire 117
b) Une industrie parallèle de soins 118
2.- Les mesures proposées 119
a) Accroître la vigilance du ministère chargé de la Santé120
b) Mieux établir les responsabilités des institutions ordinales des professions de Santé 121
c) Réfléchir à des aménagements législatifs et réglementaires122
D.- le marché de la formation professionnelle123
1.- Un marché propice au développement des pratiques sectaires124
a) Des enjeux financiers et commerciaux importants 125
b) Une réglementation minimale 126
c) Un contrôle limité dans sa définition et dans ses moyens 127
d) Un marché investi par plusieurs organisations sectaires 128
e) Des infractions nombreuses 129
2.- Une réforme nécessaire 130
a) Permettre un agrément et un contrôle efficaces 131
b) Des aménagements techniques utiles 132
c) Une plus forte implication de l'administration 133
d) Encourager les efforts en faveur de la déontologie 134
II.- UN POIDS FINANCIER INSOUPÇONNÉ 135
A. Une richesse inégale
1.- Les deux sectes les plus riches 137
2.- Les « grandes sectes » 138
3.- Les « sectes moyennes » 139
4.- Les « petites sectes » 140
5.- Les sectes inclassables 141
B.- des revenus d'origines comparables 142
1.- Les dons 143
a) L'appréciation du degré de spontanéité des dons 144
b) L'existence de contreparties aux offrandes 145
2.- Les revenus d'activités 146
a) L'importance des revenus tirés des activités sectaires147
b) L'exemple de la Scientologie 148
3.- Les financements publics 149
C.- une puissance financière utilisée à des fins convergentes150
1.- Asseoir l'influence du mouvement 151
a) L'acquisition d'un patrimoine souvent éloigné de l'objet des associations concernées 152
b) Le parc immobilier des sectes 153
c) Des investissements au service des pratiques sectaires154
2.- Enrichir les dirigeants du mouvement 155
3.- Financer l'organisation internationale 156

L'INFLUENCE DES SECTES :
UN INDÉNIABLE POIDS ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

Si l'on voulait retracer à grands traits l'histoire du mouvement sectaire, aussi bien en France qu'au plan international, il est indéniable que le caractère prédominant de l'évolution qu'il faudrait mettre en avant est celui de l'importance grandissante de l'argent, jusqu'à ce qu'un phénomène, d'abord identifié par sa dangerosité psychologique à l'égard de l'individu, le soit autant aujourd'hui par son poids économique et financier.

Les mouvements sectaires ont maintenant acquis une influence économique inquiétante et disposent d'un poids financier jusqu'ici encore insoupçonné.

I.- UNE INFLUENCE ÉCONOMIQUE INQUIÉTANTE

Après avoir dressé le panorama des activités économiques des sectes, on examinera successivement quelques-uns des points d'application principaux que sont devenus les secteurs de l'éducation, de la santé et de la formation professionnelle.

A.- PANORAMA DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DES SECTES

Dans la mouvance de la soixantaine d'organisations sectaires qu'elle a plus particulièrement examinées, la Commission a pu dénombrer près de 400 structures ayant une activité économique. La plupart sont des organismes contrôlés en droit ou en fait par la secte, les autres étant des structures économiques dans lesquelles un ou plusieurs adeptes occupent une position stratégique, comme gérant, directeur ou cadres dirigeants.

Ce panorama, présenté par secte en annexe, n'est qu'une illustration de l'influence économique des sectes : outre le fait qu'il ne porte que sur un nombre limité de mouvements, il ne regroupe que les informations, par définition non exhaustives, que la Commission a pu recueillir dans les délais qui lui étaient impartis.

En revanche, il permet de mettre à jour la stratégie économique des sectes. Il est clair en effet que leurs activités, quoique diversifiées, se déploient plus spécialement dans quelques secteurs de prédilection, visent la pénétration des entreprises et s'appuient sur l'exploitation habile des techniques commerciales.

1.- Les secteurs de prédilection

Le premier domaine d'activité des structures économiques sectaires réside dans le secteur du commerce et de la distribution, plus précisément dans la vente de produits alimentaires et diététiques, la vente de programmes aux entreprises (notamment publicitaires, comptables, de gestion et d'aide à la productivité), le commerce de produits agricoles, et la vente d'objets culturels et d'objets d'art et d'artisanat plus ou moins assimilables.

Elles sont également très présentes dans le secteur de la formation professionnelle et du conseil aux entreprises, le plus souvent dans les domaines des ressources humaines, de la stratégie générale et de la communication institutionnelle. Dans ce secteur, les mouvements sectaires peuvent en effet espérer créer des liens avec des dirigeants d'entreprise ou des cadres supérieurs et faciliter, par cet accès, une politique d'embauche ou de prise de pouvoir de leurs membres à des postes clés.

Les sectes s'intéressent à un troisième secteur : le développement personnel et les loisirs, généralement sous forme de cours et de conférences, de stages et de séminaires. On les retrouve également dans l'éducation et l'accueil des enfants, notamment sous la forme d'écoles privées couvrant les niveaux primaire et secondaire.

Certaines se sont spécialisées dans l'informatique, aussi bien au titre du conseil que de la vente et de la maintenance de matériels. Ce secteur présente des caractéristiques précieuses pour les mouvements sectaires. Le développement de logiciels permet de connaître des informations vitales sur des sociétés clientes et de constituer des banques de données sur les personnes, les marchés, les techniques commerciales et financières.

Enfin, d'autres sectes ont investi les domaines pharmaceutique et médico-social, le plus souvent en liaison avec la mouvance guérisseuse. Leurs cibles privilégiées sont les soins aux toxicomanes, les formations aux médecines nouvelles et les séminaires de guérison. Elles contrôlent également des laboratoires qui fabriquent des produits médicamenteux parallèles, généralement présentés comme des compléments nutritionnels.

2.- La pénétration des entreprises

La recherche de l'argent par les sectes ne saurait se limiter aux fonds des seules personnes physiques. Le principal gisement de richesses réside bien évidemment dans les entreprises.

Aussi bien, les mouvements sectaires se sont-ils efforcés de les infiltrer car ils peuvent en attendre trois sortes d'avantages :

- attirer des fonds, au premier rang desquels ceux de la formation professionnelle, à la fois, on le verra, très importants et peu contrôlés ;

- retirer une certaine notoriété de la collaboration avec des entreprises respectables, surtout s'il s'agit d'entreprises publiques ou de dimension nationale ;

- développer leur prosélytisme dans un cadre particulièrement favorable puisque les relations de travail entre les individus et les contacts avec une clientèle démultiplient considérablement les possibilités de propager un message ou une doctrine et de recruter ainsi de nouveaux adeptes.

La question de l'infiltration d'entreprises par des mouvements sectaires n'était guère apparue avant le début de la décennie 1990 au cours de laquelle plusieurs affaires d'importance ont été mises à jour.

C'est principalement la Scientologie et ses nombreuses filiales qui ont investi le monde de l'entreprise et obtenu quelques réussites rapides et spectaculaires.

Ainsi, la société Dialogic, spécialisée en ingénierie informatique et dont les dirigeants étaient adeptes de la Scientologie, avait obtenu que lui soit confiée par le RAID, service de la Police Nationale, la fabrication d'un logiciel d'aide à la décision permettant de gérer les situations de crise en temps réel.

Ainsi, le groupe INFI, composé de 7 sociétés spécialisées dans les services informatiques, avait réussi à établir, semble-t-il, des contacts avec des organismes relevant du ministère de la Défense, tels que la Direction technique de l'armement terrestre et le Groupement industriel des armes terrestres. Il avait également proposé ses services à plusieurs entreprises travaillant pour la Défense nationale, comme les Avions Marcel-Dasssault-Breguet Aviation, l'Aérospatiale et la SODETEG, filiale de Thomson.

Ainsi, la société Transylvanie, spécialisée dans la création et le conseil publicitaires, avait-elle passé un contrat avec le ministère de la Défense pour concevoir la maquette de l'encyclopédie de l'Armée de Terre.

Un des exemples les plus significatifs de tentatives d'emprise de la Scientologie sur les entreprises fut la prise de contrôle de la SOGETRAM (Société générale de travaux maritimes) suivie de sa cession en 1998 après que sa direction eut provoqué un conflit social en voulant introduire dans sa gestion des méthodes tirées des enseignements de la Scientologie.

Plus préoccupantes encore sont les tentatives scientologues pour effectuer une percée à l'intérieur d'EDF. En raison de son chiffre d'affaires conséquent (200 milliards de francs), de sa concentration de matière grise, de l'extrême sensibilité de son domaine d'activité et de l'importance de son budget consacré aux prestations de consultants et de bureaux d'étude, l'entreprise nationale paraît susciter le plus grand intérêt de la secte. Les tentatives d'infiltration se sont opérées directement par la présence de plusieurs cadres supérieurs scientologues - dont un ingénieur qui était affecté à un poste stratégique dans le secteur nucléaire - et indirectement par la collaboration avec des sociétés de conseil relevant de la mouvance scientologue.

La Commission, ayant connaissance de ces faits, a été d'abord troublée de la lenteur avec laquelle a réagi la direction générale d'EDF qui a paru, dans un premier temps, sous-estimer le problème. On est même en droit de se demander si, sans l'intervention de responsables syndicaux qui ont servi à la fois de révélateur et d'aiguillon, les tentatives de pénétration scientologues ne seraient pas restées secrètes. Mais l'attitude de l'entreprise a changé récemment. Elle s'efforce, désormais, de traiter le problème dans sa réalité et a engagé, à cet effet, une refonte de toute sa politique de sécurité.

Agissant en éclaireur, la Scientologie n'a pas gardé le monopole des tentatives d'infiltration d'entreprises par des sectes.

Il faut également citer les exemples :

- de la Soka Gakkaï, groupe d'origine japonaise que certains ont soupçonné, par le choix des implantations de ses centres, de rechercher des informations dans les secteurs du nucléaire et des nouvelles technologies ;

- de l'association Mieux être alpha, dispensatrice de la méthode Silva, qui avait mené une vigoureuse action de prosélytisme auprès des personnels de l'entreprise Eurocopter, société de haute technologie, placée elle aussi sous le contrôle du ministère de la Défense ;

- des cas de pénétration du mouvement Avatar auprès d'une partie de l'encadrement d'EDF, particulièrement des centrales nucléaires, par l'organisation de stages de formation professionnelle relevant de la méthode de la secte américaine et qui auraient touché environ 300 cadres. Un audit de l'inspection générale de l'entreprise, dont les conclusions ont été remises le 30 mars 1996, a permis de mettre fin à la collaboration d'EDF avec plusieurs entreprises relevant de ce réseau ;

- de la Méditation transcendantale ayant essayé d'acquérir l'entreprise SAPITEX, manufacture de vêtements, et d'imposer à son personnel des séances quotidiennes de méditation. Ici encore, c'est l'opposition des syndicats qui a pu faire échouer le projet.

Dans un autre registre, la Commission a eu connaissance de tentatives de mainmise des Témoins de Jéhovah sur des PME, réalisées par cooptation. Certains salariés adeptes de la secte ont cherché à imposer progressivement, au sein de l'entreprise, leur conception de la société, procédant ainsi à « l'infiltration douceâtre » (selon l'expression évocatrice employée devant la Commission) d'une structure économique.

Les exemples qui viennent d'être évoqués ont joué un rôle de signal d'alarme qui a engagé la Commission à procéder à une étude plus systématique et plus en profondeur des techniques commerciales, habilement exploitées par les mouvements sectaires.

3.- Une exploitation habile des techniques commerciales

Les techniques commerciales utilisées par les mouvements sectaires sont en rapport étroit avec le type de clientèle qu'il s'agit de conquérir, c'est-à-dire, d'abord, de séduire, ensuite, de persuader.

C'est pourquoi les mouvements sectaires privilégient trois séries d'approche commerciale et d'organisation consécutive des réseaux de vente :

- le démarchage personnalisé ;

- la franchise ;

- la vente pyramidale.

Ces méthodes, mises sous surveillance particulière de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en raison des dérives auxquelles elles peuvent prêter, favorisent effectivement ce qu'il est maintenant admis d'appeler, depuis que le ministère de l'Economie et des Finances a publié, le 16 octobre 1996, un livre blanc sur ce thème, « les arnaques de la consommation », filière dans laquelle plusieurs mouvements sectaires se sont engouffrés avec une habileté indiscutable, de même qu'ils ont considérablement perfectionné les techniques de commercialisation de leur doctrine.

a) Le démarchage personnalisé

Méthode qui n'est certes pas l'apanage des sectes, elle est dans la nature même de leurs activités puisqu'elle permet d'établir instantanément un lien individuel et convivial entre, d'une part, l'organisation qui offre produits et services et promet des bienfaits en retour, et, d'autre part, la cible isolée dont la vulnérabilité déjà repérée se trouve encore accentuée par la mise en contact direct de l'offreur et du candidat demandeur.

Cette technique consiste en effet à fournir un bien ou un service non conforme à l'attente primaire du consommateur mais conforme à son attente secondaire, artificiellement créée et confirmée dans un engagement obtenu par ruse ou mensonge, selon un plan organisé, exploité de façon massive et répétitive. Le consentement de la cible résulte donc de méthodes échappant aux règles courantes du marché et qui sont propres à faire miroiter un gain matériel, financier ou psychologique.

Le démarchage personnalisé permet à des prosélytes qui ont été recrutés pour se livrer à des activités de vente à domicile de recruter à leur tour de nouveaux adeptes parmi les clients potentiels. Les mouvements sectaires les mieux organisés, notamment ceux qui commercialisent des produits pseudo-médicaux, ne pratiquent pas le porte à porte mais un démarchage à domicile sélectif, en fonction du niveau et du motif de vulnérabilité de la personne. Les femmes au foyer, les personnes seules, les jeunes chômeurs, sont particulièrement visés par cette méthode qui s'apparente souvent à l'abus de faiblesse : les colis sont laissés à la disposition du consommateur, qui se sent alors obligé de les payer ; en face de personnes âgées ou en état de fragilité, le vendeur, qui a été formé pour cela, utilise des moyens de vente « à la dure » - selon l'opportune expression ayant cours dans les préceptes de la Scientologie - comme celle consistant à faire durer l'entretien pendant plusieurs heures : la personne démarchée finit par payer pour pouvoir se reposer ...

Mais le démarchage personnalisé, ou sélectif, est rarement utilisé en méthode isolée. Il est, le plus souvent, combiné avec des pratiques publicitaires qui l'accompagnent en amont : les publipostages, les petites annonces et les serveurs télématiques ou téléphoniques.

Ces techniques s'imbriquent les unes dans les autres : une petite annonce, insérée dans un journal gratuit ou un magazine de télévision - qui sont les supports privilégiés par les mouvements sectaires, en raison de la quasi absence de contrôle du contenu des publicités par les éditeurs - conduit au paiement, par exemple, d'une documentation thérapeutique ou de la communication des modalités d'un emploi proposé.

La personne qui a effectué un premier paiement, d'un montant généralement faible, mais ne débouchant sur aucun résultat concret, est ainsi entraînée dans un système où il lui sera demandé d'autres paiements, cette fois sans aucune intermédiation publicitaire. Les annonces auront d'ailleurs, du moins dans leur présentation initiale, disparu des supports. Le client est ainsi mis en contact direct avec l'organisation, qui va se montrer de plus en plus présente :

- par des relances de plus en plus régulières, notamment au moyen de publipostages à l'aspect attractif : imprimés nominatifs, graphismes soignés des attestations, garanties et avis officiels, promesses de remboursement, longues lettres d'argumentaire comportant un début de prosélytisme, mentions pseudo-manuscrites ...

- par l'invitation à se connecter à un serveur téléphonique, télématique ou, ce qui est de plus en plus fréquent, à un site Internet ;

- par l'élargissement continu de la gamme des services et des produits proposés.

Plus la cible est choisie de façon sélective, plus le discours sectaire est introduit rapidement et plus l'arnaque porte sur une somme importante. Ce fut, par exemple, le cas de démarchages effectués par Prima Verba auprès de personnes isolées pour leur vendre du ginseng à des tarifs exorbitants : jusqu'à 37 fois supérieurs aux prix du marché.

Un autre exemple instructif est fourni par le mouvement Tradition, Famille et Propriété (TFP). Cette secte d'origine brésilienne créée par M.P.C. de Oliviera et proche de mouvements d'extrême-droite, s'est enrichie en organisant une vaste chaîne de publipostage qui dénote une parfaite maîtrise des techniques commerciales. Cette chaîne repose sur la constitution de fichiers des personnes les plus réceptives aux messages réactionnaires et intégristes du mouvement, comme les actions destinées à lutter contre la « dégradation morale et culturelle de la télévision » ou l'utilisation du préservatif. L'opération consiste à rassembler un fichier d'adresses, cibler les envois sur les personnes qui ont déjà donné dans le passé et sont donc les plus susceptibles de donner à nouveau, multiplier les associations utilisant le même fichier pour accroître les possibilités de gains, enfin sélectionner les candidats aptes à devenir des donateurs mensuels de chaque association.

Cette chaîne a vocation à multiplier géométriquement le produit des dons. Pour la réaliser, la branche française de la secte s'appuie sur trois structures : deux associations (Tradition Famille Propriété et Avenir de la culture) et un groupement d'intérêt économique (L'européenne des médias) regroupés en réseau.

De son côté, la Scientologie considère ses adeptes à la fois comme des clients et comme des agents commerciaux. Elle se veut une excellente école de marketing et subordonne à celui-ci toutes ses activités, estimant que « dans toute organisation ou unité de gestion, la ligne la plus attaquée et la plus surpressée est celle de la promotion et du marketing ».

C'est pourquoi elle effectue, ou fait effectuer par des bureaux spécialisés, des études de marché très poussées permettant de définir la nature exacte des demandes sociales à satisfaire et de déterminer les « boutons-clés » qui peuvent transformer n'importe quelle personne en client potentiel. Quel que soit son besoin, la Scientologie veut être en mesure de lui proposer une réponse à la fois religieuse et personnalisée, satisfaisant toujours ou faisant naître un désir de type narcissique.

La secte créée par Ron Hubbard vend ainsi ses marchandises et ses services comme des substituts d'un fantasme de puissance, suffisamment standardisés pour trouver un marché substantiel mais suffisamment souples pour donner lieu à des applications individuelles. Des plans de marketing sont élaborés pour que les produits ne se concurrencent pas entre eux et pour que le corps de la doctrine ne soit pas livré en bloc, car le rendement économique en serait beaucoup trop faible. Un marketing très différencié permet, au contraire, de commercialiser une multitude de formules de résolution de questions personnelles, qui vont des difficultés familiales aux problèmes d'argent ou d'emploi.

Ainsi, Ron Hubbard a créé une véritable religion commerciale : la secte américaine commercialise en effet le c_ur de son activité dite religieuse puisqu'elle vend l'accès au « pont », c'est-à-dire ce qui est essentiel à ses yeux.

b) La franchise

La franchise est une technique commerciale déjà ancienne, importée, il y a une quarantaine d'années, des Etats-Unis. Le système consiste pour une entreprise qui souhaite procéder à une vaste expansion territoriale sans avoir à supporter les coûts d'installation et de gestion de nombreux établissements extérieurs, à autoriser des entreprises ou des particuliers à utiliser son nom et l'ensemble de sa signalétique pour vendre des produits sur lesquels elle conserve un certain contrôle.

Le franchisé bénéficie de la notoriété et du savoir-faire du franchiseur, en contrepartie de quoi il lui verse une redevance déterminée en proportion du volume des ventes ou du chiffre d'affaires réalisé.

Le système de la franchise s'est d'abord développé dans les secteurs de l'habillement et de l'alimentation. Il s'est ensuite étendu à un grand nombre de secteurs économiques et, depuis quelques années, aux activités de formation, de conseil et de recrutement.

Plusieurs organisations sectaires recourent à ce système et vendent à leurs adeptes des licences leur permettant d'exploiter les méthodes du mouvement, dans le cadre de stages et de séminaires, contre des royalties représentant de 5 à 25 % du prix du stage.

C'est à travers un dispositif de franchise que la Scientologie est présente dans une centaine de pays. Selon un article paru en décembre 1995, dans Scientology News, ce système aurait permis à plus de 55 000 entreprises dans le monde de bénéficier des méthodes de gestion préconisées par Ron Hubbard.

Le réseau d'entreprises franchisées par la Scientologie s'affiche clairement, dans le cadre de la fondation WISE (World Institute of Scientology Enterprises) créée en 1979. Cet organisme se présente comme une association de personnes utilisant et propageant la technologie et les méthodes de gestion administrative de Ron Hubbard.

WISE octroie deux types de licences aux entreprises :

- les entreprises dites « adhérentes » exploitent pour elles-mêmes la « technologie administrative » et versent pour cela une redevance ;

- les entreprises dites « associées » commercialisent les produits scientologiques et reversent des commissions.

Compte tenu de l'importance prise par le réseau, WISE a mis en place des comités d'arbitrage pour trancher d'éventuels litiges entre ses membres. Plus d'une centaine d'entreprises en France relèveraient de l'un des deux systèmes de franchise de la Scientologie.

La méthode de développement personnel Avatar fonctionne elle aussi sur le système de la franchise, en incorporant de surcroît une dose de vente pyramidale. Ainsi, un « master » formé à la méthode, délivre des cours, dont il rétrocède entre 30 et 40 % à la société Star's Edge International, qui conserve une partie de la redevance et verse l'autre partie à la cascade des parrains du « master ».

La Commission a relevé un système comparable notamment pour Landmark Education International et pour la méthode Silva.

Toutefois les adeptes franchisés ne font généralement pas état de l'identité de leur franchiseur, du moins dans un premier temps. Ainsi, dans le conflit qui opposa la société SOFIAC à l'organisme de formation DIACE Conseil, aucun document commercial ne mentionnait le rattachement à la Scientologie. Celui-ci a été découvert par une lettre de l'organisme de formation qui faisait référence à l'« ARC » scientologue (affinité, réalité et communication, soit les trois composantes de la compréhension selon Ron Hubbard).

L'usage détourné du mécanisme de la franchise permet ainsi à des organisations sectaires d'étendre de nombreuses ramifications sans être repérées, non seulement par le client final, mais parfois aussi par le franchisé lui-même qui a cru, de bonne foi, acquérir une méthode intéressante.

c) La vente pyramidale

La vente pyramidale est un système selon lequel plusieurs niveaux de vendeurs, du « parrain » à différents degrés de « filleuls » - les filleuls de chaque degré étant les parrains du degré inférieur - bénéficient d'un intéressement à progression géométrique.

Importée elle aussi des Etats-Unis, mais à une époque plus récente, cette méthode aboutit inévitablement à sa propre saturation puisqu'elle ne peut être alimentée que par le recrutement et les mises de fond d'un nombre toujours croissant de vendeurs du premier degré, pendant que les niveaux de parrains successifs ne correspondent plus à d'autre activité professionnelle que celle consistant à encaisser les dividendes prélevés sur l'activité des niveaux inférieurs.

Dans la pratique, le système cesse de fonctionner lorsque la progression géométrique du nombre de nouveaux vendeurs n'est plus quantitativement possible et que corrélativement un ou plusieurs niveaux de parrains ont encaissé le maximum de dividendes.

La vente à la boule de neige repose sur le même principe à la différence près que sa démultiplication est plus rapide et, surtout, s'exerce sur une zone beaucoup plus restreinte.

Ces techniques avaient été introduites en France il y a une dizaine d'années sous forme de jeu d'argent, avec le succès rapide et éphémère dans certains milieux « branchés » du mécanisme de « l'avion ». Quelques personnes se réunissaient dans une soirée et devaient remettre chacune une somme d'argent, plus ou moins importante selon les cercles, à l'une d'elles, désignée comme pilote. Après avoir empoché la totalité des fonds collectés, le pilote pouvait soit se retirer de l'avion, soit devenir, ou redevenir passager. Un copilote devenait pilote à son tour et encaissait l'argent d'un deuxième versement collectif. Bien évidemment, la mécanique s'arrêtait assez vite de fonctionner en raison de l'impossibilité d'attirer un nombre de passagers suffisant après quelques « décollages ». Les premiers sortaient largement gagnants du jeu alors que les suivants avaient dépensé, en pure perte, des sommes qui pouvaient être considérables.

Le système de vente pyramidale est prohibé en France, par l'article L. 122-6 du code de la consommation qui interdit de proposer des gains financiers en fonction d'une progression géométrique du nombre de personnes recrutées.

Cette interdiction ayant été détournée par l'existence de certaines formes déguisées, l'article 13 de la loi du 1er février 1995 a introduit deux dispositions supplémentaires :

- la première interdit l'intéressement des adhérents des réseaux de distribution dite « multiniveaux » (qui, en elle-même, est autorisée dès lors qu'elle consiste en la vente régulière de produits ou de services par la création progressive d'un vrai réseau de commercialisation) aux dépenses de recrutement de nouveaux adhérents, sous forme de reversement sur les droits d'entrée ou sur les frais de formation.

En d'autres termes, cette disposition prohibe toute source de profit fondée exclusivement sur la multiplication des adhérents.

- la deuxième rend obligatoire la garantie de reprise des stocks des marchandises invendues, car la vente multiniveaux peut connaître elle aussi une saturation à partir d'un certain stade de développement du réseau, qui, faute de cette garantie, pourrait nuire aux adhérents les plus récents.

Plusieurs cas de vente pyramidale ont été observés dans l'univers sectaire, dont les modes de fonctionnement, et notamment la pratique des « chaînes » de solidarité ou de propagation d'une doctrine, les manifestations de motivation et de récompense des adeptes dans un climat quasi-religieux, ne sont pas sans ressemblance avec cette technique commerciale qui exalte collectivement les performances des vendeurs.

Le plus marquant est celui de la société FAR (Fédération d'Agrément des Réseaux) qui a, en 1995, repris la force de vente du GEPM (Groupement européen des professionnels de marketing) en dépôt de bilan, lequel avait été auparavant verbalisé par une direction départementale de la consommation pour vente à la boule de neige, et constituait une organisation sectaire notoire. Par ailleurs, l'administration s'est penchée sur l'implication du GEPM dans des approvisionnements litigieux en provenance du Maroc et une fausse déclaration de valeur sur des exportations, enquêtes qui ont été classées sans suite après la mise en liquidation judiciaire du groupement.

L'attention de la Commission a également été appelée sur les activités de la société Herbalife, condamnée en 1994 pour vente à la boule de neige de produits substitutifs de repas. Cette société sur laquelle la précédente commission d'enquête s'était interrogée pratique une valorisation très poussée de son dirigeant et le système d'encouragement et de promotion des meilleurs vendeurs.

De même, il semble que la secte Raël ait été impliquée dans des ventes pyramidales par l'intermédiaire d'une SARL, NSA-France, spécialisée dans la vente par démarchage et à domicile.
 

d) Les techniques de commercialisation des doctrines

On connaît assez bien les techniques traditionnelles, inaugurées et développées par les Témoins de Jéhovah et faisant principalement appel au démarchage à domicile. Les adeptes de ce mouvement ont, depuis longtemps, l'obligation d'effectuer un minimum d'heures de démarchage, par semaine ou par mois, et de placer, dans ce cadre, un maximum de publications exposant et commentant leur doctrine. Cette obligation s'accompagne, pour en garantir l'efficacité, d'une obligation de compte rendu d'activité et de résultat. L'encadrement des adeptes en vue de les former à cette tâche, de les rappeler régulièrement à leurs devoirs et de les motiver pour obtenir des résultats encore supérieurs, est assuré au niveau central, à Louviers, par des sessions de formation régulières de prédicateurs ensuite missionnés sur le terrain.

Pour encadrer ses adeptes, la secte jéhoviste est indéniablement aidée par le caractère élitiste de sa doctrine. Leur zèle est très certainement attisé par cette conception du statut selon laquelle seuls les adeptes les plus méritants peuvent prétendre à être comptés parmi le très petit nombre d'Élus le jour du jugement dernier.

Mais la technique des Témoins de Jéhovah a été dépassée, dans sa sophistication, par des méthodes beaucoup plus élaborées mises au point par des mouvements plus récents.

Ces méthodes peuvent être classées en 4 catégories, que l'on illustrera, chaque fois, de l'exemple le plus significatif : la technique de « l'offrande participative » (Mahikari), celle de « la chaîne des tarifs d'excellence » (la Scientologie), celle de « la modélisation de la réussite du gourou » (Prima Verba), celle enfin de « la fraternisation financière » (l'Anthroposophie).

· La technique de « l'offrande participative »

Cette technique consiste à sophistiquer à l'extrême le discours sur l'argent sollicité des adeptes et à complexifier au maximum la qualification de leurs contributions.

Les membres de la secte font des offrandes dans lesquelles ils sont invités à participer à la réalisation de l'objet de chacune d'elles.

Les discours des « Doshi » (missionnaires de Mahikari) expliquent ainsi que « chaque situation de la vie correspond à une offrande : quand on est heureux, malheureux, reconnaissant... plus on fait d'offrandes, plus on compense ses impuretés par du travail au centre pour les autres, pour Dieu, pour ses ancêtres, plus on évite des problèmes à l'avenir ».

Les offrandes se divisent en deux grandes catégories : les horizontales qui servent à financer le fonctionnement des centres et les verticales, elles-mêmes divisées en :

- remerciements pour la lumière reçue ;

- offrande pour demander pardon des impuretés accumulées par les ancêtres ;

- offrande de fête mensuelle de remerciement à Dieu ;

- offrande de protection sociale, subdivisée elle-même en deux offrandes de demande et une de remerciement ;

- offrande pour le maintien du lien spirituel créé par l'intermédiaire du médaillon transmettant la lumière ;

- offrande pour bâtir et entretenir le sanctuaire et le musée du fondateur.

· La technique de « la chaîne des tarifs d'excellence »

Cette technique, qui repose sur un conditionnement intensif des adeptes, consiste à monnayer stages et formations visant à leur développement personnel, de façon à la fois :

- attractive : des tarifs d'appels sont proposés (l'achat à la Scientologie des dix premières heures « d'audition » ne coûte que 2.000 francs) ; des remises sont consenties, pour des achats groupés ou payés par avance (elles peuvent aller jusqu'à 80 % du prix annoncé) ; des ristournes sont offertes contre l'apport de nouveaux clients (dans des proportions comparables) ;

- progressive : les tarifs s'accroissent rapidement à chacun des stades, qui s'imbriquent les uns dans les autres. Les prix des premiers cours et des ouvrages s'échelonnent entre 1.500 et 20.000 francs. Ils montent ensuite jusqu'à 70.000 francs, la dépense nécessaire pour devenir « Clair » se situant dans une fourchette entre 500.000 et 700.000 francs. Pour passer aux niveaux supérieurs, les prix pratiqués par l'organisation de Copenhague seraient de l'ordre de 2.500 dollars pour devenir « OT I », 4.775 dollars pour passer à « OT II », 7.650 dollars pour passer à « OT III » comme à « OT IV », 8.370 dollars pour passer à « OT V »...

- coercitive : le non-franchissement d'une étape supplémentaire peut remettre en cause la totalité de l'acquis et le parcours est différent d'un adepte à l'autre, en fonction de ses « difficultés » ; c'est pourquoi les tarifs évoqués ci-dessus sont des ordres de grandeur ;

- rétroactive : les moyens nécessaires pour honorer les dettes nées de l'augmentation des tarifs doivent être trouvés par l'adepte en se faisant lui-même recruteur.

En fin de compte, l'adepte ne connaît sa dépense totale qu'au terme de sa traversée du « Pont ». En outre, cette traversée peut toujours être repoussée à une étape ultérieure. Le niveau suprême en Scientologie est aujourd'hui le niveau « OT VIII », mais des niveaux supplémentaires seraient en préparation.

Dans la Scientologie, les recruteurs sont d'autant plus invités à solliciter le « client » qu'a été mis en place un système de mesure statistique de leurs résultats.

Ron Hubbard expliquait ainsi qu'il s'agissait « d'avoir une production toujours à la hausse ; celui dont les statistiques sont en hausse a pour ainsi dire tous les droits, tandis que celui dont les statistiques sont à la baisse doit être surveillé de près ».

· La technique de la modélisation de la réussite du gourou

Cette technique, qui est la plus simpliste de toutes, n'est pas la moins efficace pour attirer l'argent des adeptes. Elle consiste à afficher de façon la plus spectaculaire et la plus illustrée possible la richesse du gourou, mais également de ses proches, en expliquant aux adeptes qu'ils peuvent emprunter la même voie et connaître la même réussite en investissant d'abord dans le suivi de ses cours et de ses stages, dans la lecture de ses ouvrages et le visionnage ou l'audition de ses cassettes.

Ce procédé s'accompagne généralement de séances collectives où le gourou, au moyen d'une mise en scène faisant appel à la magie, montre son pouvoir aux adeptes et les motive par des discours enflammés, combinant l'exaltation et les humiliations. Il fait étalage de ses signes extérieurs de richesse, cultivant à la fois envie et frustration de ses adeptes.

· La technique de « la fraternisation financière »

Cette technique consiste à convaincre les adeptes de placer leur argent dans un organisme spécialisé dans l'octroi des prêts à des projets ou pour des secours qui ne trouveraient pas leur financement dans le circuit bancaire normal.

Ainsi, il est promis à l'adepte, en situation de déposant, des taux d'intérêt supérieurs à ceux du marché et à l'adepte en situation d'emprunteur des concours qu'il ne pourrait obtenir autrement.

Naturellement, dans l'univers sectaire, le procédé s'intègre dans un discours qui se veut chaleureux et englobant, comme en témoignent les documents de présentation de la « Nouvelle Economie Fraternelle », société financière de l'Anthroposophie : « L'association a été créée par des pédagogues, des agriculteurs, des médecins, des artistes, des responsables d'entreprise qui ont voulu expérimenter entre eux et entre leurs institutions des formes nouvelles d'entraide financière et économique au-delà des frontières du mutualisme catégoriel... Avec l'argent provenant des dons qu'elle s'efforce de recueillir (cotisations et dons au fonds de solidarité), elle intervient pour aider et conseiller des initiatives qui peuvent ne relever ni du concours bancaire ni de prestations facturées ».

Fin 1994, le capital de la NEF s'élevait à 9.300.000 francs, son encours d'épargne était de 13 millions de francs pour les comptes à terme et de 10 millions de francs pour les livrets.

Cette dernière technique nous montre que certaines sectes dépassent les modes de fonctionnement traditionnels du phénomène : elle se situe bien plus dans le champ des institutions financières et des entreprises que dans celui des associations à prétention cultuelle.

Les sectes sont, en outre, sorties de leur cadre pseudo-religieux pour investir les secteurs économiques à leur portée : l'éducation, la santé et la formation professionnelle.

B.- LE SECTEUR DE L'ÉDUCATION

Il est dans la nature même des mouvements sectaires d'essayer d'intervenir dans le domaine éducatif puisque celui-ci offre au prosélytisme des possibilités d'expansion considérables.

L'embrigadement des enfants avait déjà été relevé par la précédente commission d'enquête, qui avait répertorié 28 organisations caractérisées par cette pratique.

Le phénomène paraît s'être encore accentué : il ressort des informations recueillies par la Commission qu'une soixantaine de mouvements sectaires interviennent auprès des enfants sous des formes multiples. On peut estimer aujourd'hui qu'environ 50.000 enfants subissent, à des titres et à des degrés divers, une influence sectaire, que 500 mineurs environ vivent dans des communautés fermées et qu'à peu près 6.000 enfants sont astreints à une scolarité hors normes.

Ainsi, plusieurs mouvements sectaires refusent la scolarisation des enfants et dispensent leur propre éducation, complétée parfois de cours par correspondance. C'est notamment le cas de La Famille (anciennement Les Enfants de Dieu), de la Fédération française pour la conscience de Krishna, de La Ferme (anciennement Tabitha's place), d'Horus et d'Ogyen Kunzang Chöling.

D'autres organisations s'efforcent d'infiltrer le monde de l'enfance par la formule des stages et des séminaires dans le domaine des loisirs mais aussi du soutien scolaire et du développement culturel. Il en va notamment ainsi d'Anthropos (stages « d'activation mentale »), de la méthode Silva (séminaires d'amélioration des performances scolaires), d'Invitation à la vie (pélerinages et activités artistiques pour enfants), du Mouvement du Graal (séminaires sur le thème de la sexualité et du spiritisme), de l'Office culturel de Cluny (nombreux séminaires et enseignements dans le domaine artistique) et de la Méditation transcendantale (qui a créé une structure pour « enfants-méditants » et propose des cours afin de « mieux connaître son intérieur »).

Dans la plupart des cas, le prosélytisme à destination des enfants et l'embrigadement précoce des futurs adeptes ne se traduisent pas de façon notable sur le plan économique et financier. C'est pourquoi la Commission n'a pas souhaité développer ce sujet à la hauteur de ce qu'il mériterait, compte tenu de la gravité des menaces et des atteintes, psychiques et physiques, que la mouvance sectaire fait subir aux mineurs. Elle tient toutefois à signaler son importance et à appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prolonger l'examen de la question, auquel a procédé, en décembre 1998, le ministère de l'Intérieur, par la définition d'une politique adaptée à la protection de l'enfance.

L'entrée des sectes dans l'éducation se fait selon trois voies principales :

- le recrutement d'enseignants ;

- la commercialisation de méthodes éducatives ;

- la prise de contrôle d'établissements.

Par ailleurs, le recrutement des assistantes maternelles peut poser problème.

1.- Les enseignants recrutés

Sans que l'on puisse disposer de statistiques précises, il semble, selon les études menées par l'Inspection générale de l'Éducation nationale, que les personnels enseignants, ainsi que les médecins scolaires, sont particulièrement visés par les mouvements sectaires. Leur recrutement permet en effet de démultiplier rapidement, par les relations avec leurs élèves, les actions de prosélytisme.

Le recrutement des enseignants fait coexister deux méthodes : l'approche collective, par les séminaires de formation professionnelle, et l'approche individuelle par le pouvoir de séduction des adeptes.

Plusieurs cas récents et significatifs ont été portés à la connaissance de la Commission.

Particulièrement sensible aux arguments de la formation de la personnalité et de l'épanouissement individuel, un nombre important d'enseignants ont suivi, dans une période récente, les cours de Landmark. Un séminaire de formation y coûte 2.300 francs pour trois jours et rassemble entre 85 et 250 personnes.

Au titre des exemples individuels, on peut relever que l'actuel responsable du Mandarom est chercheur au CNRS.

La secte Siderella a cherché, à travers des jurys de concours, à recruter de nouveaux adeptes parmi les professeurs d'université.

Un des plus importants responsables de la Scientologie en France est professeur de classes préparatoires scientifiques dans un lycée parisien réputé. Des témoignages de parents d'élèves, vérifiés par l'Inspection de l'Éducation nationale, ont montré qu'il utilisait, dans ses cours, des documents de la Scientologie. Mais l'administration n'a pas souhaité intervenir avant la fin de l'année scolaire, afin de ne pas perturber les élèves préparant des concours d'accès aux grandes écoles.

L'utilisation d'enseignants-adeptes comme vecteurs des préceptes de L.R. Hubbard dans les établissements scolaires semble d'ailleurs être systématiquement recherchée par la Scientologie, qui avait notamment lancé, en 1997, une campagne nationale à cet effet, censée viser l'éradication de l'illettrisme.

2.- Les méthodes éducatives commercialisées

L'Éducation nationale est continuellement l'objet de sollicitations de la part de méthodes dites de pédagogie nouvelle, domaine particulièrement prolifique. À plusieurs reprises, des mouvements sectaires ont essayé de pénétrer par cette voie, au surplus lucrative, le monde de l'enseignement. En effet, l'enjeu financier peut être conséquent.

Ainsi, la méthode « Éthique de Vie, guide pratique de l'enseignant », vendue un peu plus de 2.000 francs, introduisait directement aux doctrines de la secte Brahma Kumaris. Elle avait apposé, pour séduire des personnels et s'attirer la confiance de l'Éducation nationale, les références de l'UNICEF et de l'UNESCO. Alertée, l'UNICEF a fait interdire l'utilisation de son logo.

Une méthode « Clés pour l'Adolescence », présentée en 1989 et 1990 avec le parrainage du Lion's Club, avait été adoptée par plusieurs rectorats. Après enquête, il s'est avéré que cette méthode était inspirée des techniques scientologues. Elle a été interdite fin 1990.

Neuf ans plus tard, apparaissait une nouvelle méthode, extrêmement proche de la précédente, dénommée « Objectif grandir », facturée 1.500 francs la mallette. Trois rectorats avaient commencé à négocier un achat groupé, pour un total d'environ 500.000 francs. Son introduction se faisait par l'intermédiaire de médecins scolaires qui eux-mêmes l'auraient connue par des médecins de l'action sanitaire et sociale. L'enquête de l'Éducation nationale a montré que le démarcheur était le même que pour la méthode précédente. Elle avait également fait l'objet de tentatives d'introduction en Suisse où elle avait suscité les mêmes réserves de la part des autorités publiques.

3.- Les établissements contrôlés

Trois mouvements sectaires importants, l'Anthroposophie, la Scientologie et le Mouvement raëlien, se sont attachés à créer ou à prendre le contrôle d'établissements d'enseignement privés hors contrat, du primaire et du secondaire. Là encore, au-delà du prosélytisme, les enjeux financiers ne sont pas à négliger.

On compte en France une trentaine d'écoles se réclamant de la pédagogie de Rudolf Steiner, fondateur et inspirateur de l'Anthroposophie qui se veut l'héritière de sa doctrine.

S'il est clair que toutes ces écoles ne revêtent pas un caractère sectaire, plusieurs mériteraient cependant une investigation approfondie. La Commission a, en effet, eu connaissance de dérives. Les méthodes pédagogiques particulières à certaines écoles ont été critiquées notamment par l'Inspection de l'Education nationale. Ainsi, les apprentissages du langage structuré, de l'écrit et du calcul ne seraient pas engagés avant l'âge de 7 ans. En outre, les enfants inadaptés à la méthode Steiner seraient soumis à des sévices et beaucoup ne seraient pas à jour de leurs vaccinations.

Alors que les tarifs de la scolarité affichés peuvent être considérés, pour certaines familles, abordables (entre 14.000 et 18.000 francs par an), l'Inspection de l'Education nationale a repéré des établissements où les tarifs pratiqués étaient si élevés que des parents d'élèves, afin de pouvoir les honorer, s'étaient trouvés contraints de travailler pour l'Anthroposophie.

La Scientologie compte également, parmi ses filiales, cinq écoles privées. Les plus remarquables d'entre elles sont l'École de l'Éveil et l'Ecole du Rythme.

L'histoire de l'Ecole de l'Eveil est particulièrement éclairante quant aux méthodes employées. Cette école s'était déclarée agréée par l'Éducation nationale et avait été condamnée le 12 novembre 1997 par le Tribunal correctionnel de Paris, avec un autre établissement de la Scientologie, l'Ecole du Mont-Louis, pour publicité mensongère sur plainte du ministère, ce qui avait entraîné sa fermeture. La Scientologie l'a ensuite transposée en rachetant l'Institut Aubert, une école privée déjà ancienne de Vincennes, tout à fait traditionnelle mais qui connaissait de graves difficultés financières. Alerté par l'Education nationale, le propriétaire a contesté, en mars dernier, la validité du bail, au motif qu'il avait été trompé sur l'identité et les activités de son locataire. Cette école est, depuis novembre 1998, sous le coup d'une plainte de parents d'élève pour « présentation mensongère des objectifs suivis et des méthodes pratiquées par cette institution et application de principes sectaires à l'enfant ».

L'Ecole du Rythme est une école de musique qui a été ouverte en 1981 pour appliquer les découvertes de Ron Hubbard dans « les domaines de l'art, de la communication et de l'enseignement ». Ses dirigeants ont été condamnés le 15 mai 1997 à indemniser plusieurs élèves qui s'étaient estimés trompés en ignorant que derrière l'école se cachait la Scientologie, malgré les dénégations des intéressés.

La Scientologie contrôle également neuf organismes de soutien ou de rattrapage scolaire, ainsi que quelques structures d'accueil et de loisirs pour enfants.

Le Mouvement raëlien dispose lui aussi d'une école privée, installée à Villebon-sur-Yvette dans l'Essonne et appelée Enixia, où l'on sélectionne les élites, en facturant 500 francs des tests de quotient intellectuel, et où l'on enseigne la doctrine de la secte, composée essentiellement de méditation sensuelle et d'hostilité à la démocratie. Les Raëliens préconisent également l'initiation à la sexualité dès le plus jeune âge.

L'école accueille des enfants dont le QI est supérieur à 130 et flatte leurs parents d'avoir engendré la future élite de la société, ce qui justifie, là encore, des tarifs élevés, de 2.200 francs par mois pour un élève de classe maternelle à 3.000 francs par mois pour un élève de classe élémentaire. L'enseignement va jusqu'à la sixième. Jusqu'à ce jour, des enquêtes diligentées par l'Éducation nationale n'ont pas permis de faire la preuve de pratiques illégales. Les nouvelles dispositions de la loi du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire devraient faciliter son action. À cet effet, le décret du 23 mars 1999 prévoit en son article 4 :

« L'enfant doit acquérir les principes, notions et connaissances qu'exige l'exercice de la citoyenneté, dans le respect des droits de la personne humaine définis dans le Préambule de la Constitution de la République française, la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Convention internationale des droits de l'enfant, ce qui implique la formation du jugement par l'exercice de l'esprit critique et la pratique de l'argumentation ».

Le ministère de l'Éducation nationale estime qu'aujourd'hui, sur un total d'un peu plus de 1 000 établissements d'enseignement privés hors contrat, une cinquantaine environ pourrait abriter des pratiques ou des doctrines sectaires.

Les sectes ne sont pas non plus absentes de l'enseignement supérieur, même si leur pénétration y paraît, pour le moment, sensiblement plus limitée.

La Commission a été alertée par le fonctionnement de la Faculté privée des Sciences humaines de Paris. Plusieurs témoignages d'étudiants ont fait état de pratiques qui leur évoquaient les mouvements sectaires. On ne peut, bien sûr, se risquer à porter des accusations sans preuve. Il n'en demeure pas moins que l'absence de locaux fixes, le fait que les cours n'aient lieu que le week-end et que le droit d'entrée soit de 20.000 francs, mériteraient une investigation particulière.

La Commission a également eu connaissance d'universités privées, associations en sommeil depuis parfois des décennies, qui auraient été réactivées par certains mouvements sectaires. Des enquêtes étant en cours, il n'est pas possible, ici, d'exposer davantage les faits qui lui ont été communiqués.

4.- Les assistantes maternelles

La Commission a été informée du problème soulevé à plusieurs reprises et à différents endroits en France par des assistantes maternelles adeptes d'un mouvement sectaire, et notamment des Témoins de Jéhovah.

Aux termes des articles L. 773 du code du travail et L. 123-1 du code de la famille et de l'aide sociale, les assistantes maternelles doivent obtenir l'agrément du président du conseil général du département où elles résident, préalablement à l'exercice de leur profession.

La question a donc pu être soulevée du refus, ou du retrait, de l'agrément pour une assistante maternelle adepte d'un mouvement sectaire. L'agrément est, en effet, destiné à vérifier si les conditions d'accueil de l'enfant garantissent la santé, la sécurité et l'épanouissement de celui-ci.

Le Conseil d'Etat a posé comme principe que les décisions de refus ou de retrait d'agrément ne pouvaient être fondées sur l'appartenance de la personne à une association « dont la mission était la mise en _uvre de certaines méthodes d'éducation auprès d'enfants en difficultés », mais qu'elles pouvaient être justifiées si le comportement de l'assistante maternelle était de nature à compromettre « la santé, la sécurité et l'épanouissement » des enfants (CE. Canavesio - 22 février 1995), ce qui a été notamment établi par le juge pour les refus de transfusion sanguine.

S'appuyant sur cette jurisprudence, le Tribunal administratif de Versailles a jugé, le 9 février 1997, qu'une personne agréée comme assistante maternelle, appartenant à la « religion » aumiste, et faisant preuve de prosélytisme, ne présentait pas « les conditions de neutralité suffisantes pour l'accueil et l'épanouissement des mineurs ».

En mars 1999, le Tribunal administratif de Lyon a jugé bien fondé le retrait de l'agrément d'une assistante maternelle membre des Témoins de Jéhovah qui s'appuyait sur la doctrine de sa secte pour refuser de fêter Noël et les anniversaires. Le tribunal a considéré que cette attitude était de nature à générer une carence psychologique et affective chez les enfants dont elle avait la garde.

La confirmation de cette jurisprudence devrait permettre aux autorités départementales de veiller avec soin à ce que l'agrément des assistantes maternelles devienne désormais un obstacle important aux tentatives d'infiltration des mouvements sectaires dans les mécanismes d'accueil de la petite enfance.

C.- LE SECTEUR DE LA SANTÉ

La présence de mouvements sectaires dans le domaine de la santé est un phénomène déjà ancien. En effet, les activités guérisseuses, les médecines parallèles se déploient souvent dans une atmosphère de mystère et d'ésotérisme qui présente bien des analogies avec celle des sectes. Un gourou est toujours plus ou moins guérisseur. Les personnes fragilisées par de gros problèmes de santé constituent assez naturellement une clientèle potentielle.

Sont en revanche relativement nouveaux et représentatifs de la poussée sectaire dans l'économie, d'une part l'infiltration du milieu médical, d'autre part le développement de la fabrication et de la vente de produits paramédicaux.

Ce secteur et l'influence économique que les sectes y ont acquises, représentent des enjeux financiers de taille. La santé est en effet devenue un marché en plein essor, notamment grâce à l'augmentation de l'espérance de vie.

Après avoir pris la mesure du phénomène, la Commission s'est attachée à rechercher les moyens de le combattre plus efficacement.

1.- L'ampleur du phénomène

Le mouvement sectaire tend à parasiter l'offre de soins, en s'efforçant de pénétrer les réseaux de professionnels de la santé, avant tout des médecins, et en investissant les secteurs dont la clientèle est la plus vulnérable, comme celle des toxicomanes et des personnes atteintes de maladies graves et évolutives.

a) Le recrutement sectaire

Selon l'Ordre national des médecins, environ 3 000 praticiens auraient aujourd'hui en France des relations avec un mouvement sectaire, mais ce chiffre doit être interprété avec prudence. Les liens entretenus sont en effet extrêmement divers, allant du sympathisant occasionnel à l'adepte fortement impliqué.

Comme le relève à juste titre le Conseil de l'Ordre : « dans le processus général de recrutement des adeptes, l'entrée d'un médecin dans une secte n'a rien de particulier : personnalités fragilisées, stressées, parfois déprimées, affectées par l'impuissance ressentie de leur pratique face à la misère et à la mort, en l'absence d'idéal... ».

Une partie, bien sûr minoritaire mais cependant significative de la population médicale, paraît aujourd'hui en proie à des doutes, où se mèlent difficultés économiques et financières et difficultés psychologiques qui ne sont pas sans rapport avec des drames tels que ceux de la drogue ou du Sida. Les médecins sont d'abord séduits par la qualité d'écoute et la chaleur humaine des membres des sectes.

Après une phase d'observation, suivie d'une phase de persuasion, le médecin peut devenir adepte et lui-même agent recruteur, vis-à-vis de son entourage, mais surtout vis-à-vis de ses patients et de ses confrères ou des membres d'autres professions de santé.

Les complicités entre pratiques sectaires et exercice médical sont le plus souvent camouflées. L'Ordre national distingue les médecins « consultants » à qui sont adressés des adeptes potentiels pour confirmation et prescription d'un traitement, ou plus fréquemment d'une « méthode » dispensée par un mouvement sectaire, et les médecins « sympathisants » qui cautionnent discrètement mais activement des pratiques sectaires.

La participation des médecins consiste en effet, pour l'essentiel, à prescrire ou à utiliser directement des produits « thérapeutiques » présentés sous une forme nécessairement différente des médicaments, qui seuls ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). Cette prescription donnerait souvent lieu au versement de commissions aux médecins prescripteurs, pratique pourtant rigoureusement interdite par l'Ordre national.

L'intervention des sectes dans le domaine de la santé s'opère ainsi par deux voies distinctes mais qui, naturellement, peuvent être combinées :

- la voie directe est l'entrée dans une secte guérisseuse pour y bénéficier de ses « traitements » ;

- la voie indirecte est celle de l'intermédiation médicale qui conduit le patient vers des pratiques sectaires, de degrés très divers : du simple achat de substances consommées à titre individuel, au suivi, sur le conseil du médecin, de stages de bien-être et de remise en forme.

L'un comme l'autre exigent, en amont, la présence d'une sorte d'industrie parallèle de soins pseudo-médicaux et de fabrication de produits. Cette industrie paraît connaître aujourd'hui des développements non négligeables.

b) Une industrie parallèle de soins

Au cours de ses investigations, la Commission a repéré plusieurs mouvements ayant une activité pseudo-médicale particulièrement importante et disposant notamment de structures filiales servant à commercialiser des produits ou des services.

Ces mouvements ne sont pas nécessairement à classer dans la rubrique des sectes guérisseuses pour deux raisons :

- certaines sectes guérisseuses ne s'appuient pas sur une activité économique en dehors des séances qu'elles organisent pour leurs adeptes ;

- d'autres mouvements ont considérablement développé leur présence dans ce que l'on pourrait appeler le domaine « péri-médical », c'est-à-dire celui des thérapies non éprouvées et des méthodes diverses prétendant apporter un bien-être corporel, sans pour autant réduire la part de leur objet principal, qui ne se situe pas dans la mouvance guérisseuse.

Parmi les organisations sectaires que la Commission a examinées plus particulièrement, certaines ont des activités médico-sociales et pseudo-pharmaceutiques particulièrement importantes. D'autres, jusqu'alors moins structurées dans le domaine de la santé, s'efforcent d'acquérir, par ce secteur, une clientèle plus large.

 Les groupes les plus marquants

La Scientologie paraît s'être en partie spécialisée dans le traitement, l'accompagnement et la réinsertion des toxicomanes à travers ses centres Narconon.

Ces centres ont diffusé d'abondantes publicités auprès des médecins afin de promouvoir leurs actions de prévention et de réhabilitation des toxicomanes en utilisant les techniques préconisées par Ron Hubbard. L'association « Non à la drogue, oui à la vie » participe à cette démarche qui consiste essentiellement, après des phases de sevrage et d'élimination des « résidus », dans des cours et études comprenant des étapes successives, comparables au processus du parcours initiatique de la Scientologie : étape 6, éthique ; étape 7, changement des conditions dans la vie ; étape 8, le chemin du bonheur.

Des infiltrations de structures de santé dans le domaine de la psychiatrie, notamment des institutions de soins, ont été tentées par la Commission des citoyens pour les droits de l'homme, autre émanation de la Scientologie. L'activisme de la secte dans ce domaine a justifié une mise en garde officielle de la part de la Direction générale de la Santé, par note du 27 mai 1997.

Les pratiques médicales de la Scientologie et le rôle joué par certains médecins au sein de cette organisation ont retenu l'attention de la justice. Le tribunal correctionnel de Besançon a établi, dans un jugement du 7 mai 1997, qu'un médecin scientologue, le docteur Joseph Hélou, avait organisé une vaste escroquerie aux dépens des adeptes de la secte. Ce délit a été confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Besançon en date du 7 janvier 1998 :

(...) « profitant des problèmes de santé rencontrés par certains de ses patients fragiles en raison de troubles psychologiques, Joseph Hélou, soit à son cabinet, soit lors de visites à domicile indiquait à ses malades que la médecine traditionnelle ou homéopathique n'était pas adaptée à leur cas et proposait de la guérir par la « Dianétique », leur proposant des ouvrages sur cette doctrine et des stages payants organisés soit chez lui, soit à Paris, achats et prestations de services sur lesquels il percevait un pourcentage. ».

Les méthodes scientologues ont été particulièrement bien décrites par un autre attendu de cet arrêt :

« Joseph Hélou faisait naître des espoirs chimériques de guérison ou de bien être ce que les victimes ont qualifié de « nulle », les auditions consistant notamment à écouter et faire parler le patient pendant une heure ou au contraire à garder le silence, alors qu'il percevait des fonds lors de la vente des livres, des « auditions » réalisées soit dans son cabinet soit à son domicile et des rétrocessions versées par la scientologie parisienne lors de stage suivi par l'un de ses clients ».

Le docteur Hélou a été condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis, une amende de 150.000 francs et une interdiction de droits civiques, civils et de la famille pendant cinq ans. Il avait fait l'objet, en 1990, d'une interdiction temporaire d'exercice de la médecine pour trois ans, sanction prononcée par le Conseil de l'Ordre des médecins.

Par ailleurs, la Scientologie contrôle quelques activités de fabrication et de vente de « produits nutritionnels vitaminés », notamment à travers le laboratoire « Philippe de Garrigues et Family - Créateurs d'enthousiasmes ».

L'attention de la Commission a été attirée sur une saisie en 1993 de nombreuses substances médicamenteuses prohibées, introduites en France depuis l'Andorre par un homme d'affaires appartenant aux milieux scientologues. Ce dernier avait auparavant procédé à la liquidation d'une société spécialisée dans l'importation de poudre d'algues, et détenait des intérêts dans une autre société diffusant des produits parapharmaceutiques, diététiques et d'hygiène.

Au demeurant, les produits paramédicaux jouent un rôle très important dans les cures de purification proposées par la Scientologie. Outre les cours de dianétique, ces dernières comprennent en effet l'administration de doses importantes de vitamines, entrecoupées de séances intensives de sauna. Le caractère néfaste de ces pratiques a été établi par l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon. M. Jean-Jacques Mazier, dirigeant de l'Eglise de Scientologie de cette ville, a en effet admis que Patrice Vic avait pris des vitamines dont, selon l'expertise réalisée au cours de l'instruction et dont les conclusions sont reprises par la Cour dans ses attendus, « la consommation à doses excessives, conjuguée avec les autres techniques utilisées en Scientologie, était de nature à favoriser l'apparition de troubles mentaux confusionnels ».

La place occupée par ces produits dans les cures a incité la Scientologie à tisser des liens avec certaines pharmacies. La Commission a notamment eu connaissance d'un bon de commande émanant d'une officine implantée dans l'Est de la France qui proposait l'achat de vitamines et d'autres préparations spécifiques pour parcourir certaines procédures d'audition, élaborées selon les directives de la Scientologie.

Dianova, qui a succédé au Patriarche, continue d'entretenir des relations suivies avec le monde médical.

On sait que Le Patriarche gérait plusieurs maisons d'accueil pour toxicomanes et avait bénéficié, pendant plusieurs années, d'une reconnaissance officielle et de fonds publics. De nombreux médecins avaient adressé, en toute bonne foi, des malades dans ces établissements, avant que le caractère sectaire des activités de l'association soit avéré.

Les méthodes thérapeutiques du Patriarche et les conditions dans lesquelles il a acquis un important patrimoine ont été dénoncées par la Cour des Comptes qui lui a réservé plusieurs observations dans son rapport de juillet 1998 sur le dispositif de lutte contre la toxicomanie. La Cour a notamment relevé d'importantes infractions à la réglementation. Elle a noté, en premier lieu, la présence anormale et excessive de personnels sans qualification reconnue chargés de dispenser des soins et de distribuer des médicaments, tâches que les textes réservent aux seuls infirmiers diplômés d'Etat et aux préparateurs en pharmacie. Par ailleurs, les conditions de prise en charge des personnes accueillies n'étaient pas conformes, elles non plus, à la réglementation, puisque la gratuité des soins et l'anonymat n'étaient pas respectés et que les deux centres situés en Haute-Garonne sur lesquels les magistrats financiers ont centré leurs contrôles n'étaient pas inscrits comme établissements médico-sociaux.

En succédant au Patriarche, Dianova a hérité d'un patrimoine immobilier important (d'une valeur totale estimée à près de 100 millions de francs). Elle gère deux centres de soins aux toxicomanes, généralement jeunes et à faibles revenus (la secte continuerait à s'approprier les allocations de RMI que touche une partie des pensionnaires) et des centres de soins aux malades du Sida, regroupés dans l'Association des droits et devoirs des positifs et porteurs du virus du sida (ADDEPOS). Une autre émanation de Dianova, La main tendue, aurait contacté des médecins très récemment.

La mouvance Energo-Chromo-Kinèse (ECK)

Elle comporte deux branches depuis la séparation du gourou et de son épouse.

La première s'appuie sur un réseau d'une soixantaine de médecins, implantés sur l'ensemble du territoire français et pratiquant la méthode ECK. Ces médecins suivent une formation en cinq étapes (qui n'est pas sans rappeler le système de la Scientologie), chacune étant facturée entre 2.000 et 4.500 francs la session.

Les premiers stages restent à dominante pseudo-médicale. En revanche, au cour des stades ultérieurs du parcours, l'adepte est introduit dans les arcanes de l'Ordre templier où il apprend, entre autres initiations, à « voler en corps astral avec des extra-terrestres ». Par ailleurs, l'Energo-Chromo-Kinèse est propagée sous la forme d'une méthode de management auprès d'entreprises ou d'écoles.

Les médecins ECK prescrivent les oligo-éléments fabriqués par le laboratoire PHARAL, qui est directement contrôlé par la secte.

La deuxième branche issue d'ECK contrôle également un autre laboratoire de même nature : la société NEOM (Nutrition énergétique des organes et méridiens) qui vend aux médecins des collections de produits nutritionnels et énergétiques.

ECK comprend par ailleurs :

- une association offrant des prestations et vendant des produits visant à supprimer le stress et le tabac ;

- une association chargée d'assurer auprès des professions de santé la promotion des techniques médicales et d'hygiène alimentaire du mouvement.

le mouvement IVI (Invitation à la Vie) organise pour sa part des séminaires (facturés 3.000 francs le week-end) destinés principalement à des médecins, auxquels on inculque les techniques de séances vibratoires et d'harmonisation des énergies.

La secte a été fondée par Mme Yvonne Trubert qui prétend détenir un pouvoir de guérisseuse, et initie depuis plusieurs années à l'ésotérisme et à l'occultisme. Notamment, elle persuade ses patients que les métastases s'envoleront sous les doigts des adeptes initiés par ses soins. En 1994, un membre de la Faculté de médecine de Paris assurait la vice-présidence de l'association.

Un colloque, organisé à Séville en 1994 sous l'égide d'IVI sur le thème « L'Homme, la terre, la vie. L'harmonie retrouvée ? », a réuni plusieurs dizaines d'intervenants issus de différentes régions du monde. Parmi les Français, on a pu relever la présence de plusieurs personnes qui se présentaient comme médecins (gynécologue-obstétricien, chirurgien-plasticien, homéopathe, pédiatre), chirurgiens-dentistes, ou exerçant une activité scientifique (« géobiologue », biologiste). Un intervenant excipait de son titre de « Conseiller en éducation au Ministère de la Santé ».

l'Instinctothérapie

Créé par M. Guy Claude Burger, ce mouvement guérisseur diffusé par différentes structures prône une méthode alimentaire spécifique : manger cru, végétalien et seulement ce dont on a envie. Cette secte a accueilli dans son centre de Montramé plusieurs personnes souffrant d'affections graves et notamment de la sclérose en plaques.

M. Burger a été condamné, par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 21 janvier 1997, à 3 mois de prison avec sursis pour escroquerie et exercice illégal de la médecine. Son recours en cassation a été rejeté le 30 avril 1998.

les associations « Stop au Cancer » et AUBE, à laquelle a succédé « Joie de Vivre », assurent la promotion des théories médicales du Dr Hamer, médecin autrichien, qui préconisait de soigner le cancer en rompant avec toutes les thérapies expérimentées jusqu'ici et notamment la chimiothérapie. Le Dr Hamer a été condamné, en Allemagne, en 1997, à un an et sept mois de prison ferme.

Créée en 1995, l'association AUBE comptait un adepte, chirurgien à l'hôpital de Saint-Quentin, qui arrêta, au sein même de cet hôpital, les traitements anti-cancéreux pour les remplacer par des « fleurs de Bach » (1), produites par AUBE, et qu'il vendait à son profit, dans l'établissement.

Ce médecin avait parallèlement développé un réseau de psychothérapeutes sans aucun diplôme (l'un d'eux était responsable d'une entreprise de nettoyage) qui facturaient leurs consultations, elles-mêmes susceptibles de combattre le cancer, 600 francs et plus.

Le médecin a été suspendu d'activité par l'Ordre régional des médecins mais il reste, administrativement, personnel hospitalier, détaché auprès du ministère des Affaires étrangères et en poste dans un pays africain.

D'autres exemples de médecins adeptes de sectes ont été portés à la connaissance de la Commission. Ainsi, un ophtalmologiste, membre du Mouvement raëlien, était jusqu'en 1992 chef de service au centre hospitalier de Roanne. Il est en disponibilité depuis 1994.

· Des mouvements ayant des activités annexes dans le secteur de la santé

l'Institut et le Centre de Recherche HUE (Human Universal Energy) prônent, depuis 1994, une médecine nouvelle fondée sur les thérapies par l'énergie humaine et organise des stages d'initiation à la guérison, y compris des maladies incurables, comprenant, ici encore, plusieurs niveaux avec des tarifs progressifs. Une dizaine d'associations en France appartiennent à ce mouvement. Le mouvement Spiritual Human Yoga France (SHY) qui lui a succédé comporte deux structures à vocation thérapeutique, l'une fabriquant des produits pharmaceutiques (le laboratoire SEPORGA) et l'autre dispensant des stages de médecine énergétique (SEVA 17 Energie).

L'importance des activités exercées dans les Hautes-Pyrénées par un réseau lié à HUE a récemment attiré l'attention de la justice. Par l'intermédiaire d'une association, le Centre de recherche sur l'énergie humaine (CREHU), créée à l'instigation de M. Luong Minh Dang, fondateur du mouvement, ce réseau a dispensé l'enseignement de l'énergie universelle et, par l'intermédiaire d'un médecin inscrit au Conseil de l'Ordre, prescrit les soins prônés par la secte, dont certains ont été pris en charge par la Sécurité sociale, le praticien ayant une fâcheuse tendance à confondre ses activités professionnelles avec son action de prosélytisme. Les adeptes du CREHU étaient bien souvent des personnes malades du Sida, du cancer ou de la sclérose en plaques.

l'association « Au Coeur de la Communication » (ACC) prétend collaborer avec des chercheurs de haut niveau dans le domaine de la santé. Elle aussi guérit le cancer et le Sida, grâce à des séminaires où l'on apprend comment maîtriser sa vie et son corps, et à la commercialisation d'élixirs, comme le 714X vendu 1.000 francs la bouteille de 10 cc.

Ces séminaires rassemblent des malades et des professionnels de la santé.

ACC a par exemple organisé un stage de « psycho-neuro-immunologie » destiné notamment à des « médecins, thérapeutes et professionnels de la santé et de la relation d'aide ». Les enseignements étaient dispensés par Mme Claire Nuer, fondatrice du mouvement, qui se présentait comme thérapeute et par le docteur Carl Simonton, cancérologue, directeur médical du Simonton Cancer Center, en Californie. Créateur de la « méthode Simonton », ce dernier prétend prendre en charge psychologiquement les malades du cancer. Ce stage avait pour objectif d'« apprendre à maîtriser la dimension psychologique et émotionnelle, dans les relations soignants/malades, parents/enfants, les rapports hiérarchiques, les études, le domaine familial et professionnel (...et) favoriser ainsi des transformations en profondeur, notamment face aux difficultés, aux situations de crises, aux maladies ».

Prima Verba, et plus particulièrement ses satellites, ont très fortement investi le secteur de la santé, dans lequel ils offrent une large palette de services et de produits. La secte ne se présente pas comme un mouvement hostile à la médecine classique mais, de façon plus habile, comme une voie complémentaire pour guérir toutes sortes de maladies. Les adeptes sont conditionnés à croire que le gourou a déjà guéri plusieurs cas de cancer et de Sida.

Selon le discours des dirigeants de Prima Verba, seules les vibrations divines, que les initiés du mouvement font partager aux adeptes, ont le pouvoir d'élever le champ de conscience, dont dépendent la santé et le bonheur.

Pour exercer ses activités guérisseuses, Prima Verba dispose d'un réseau de structures réparties sur l'ensemble du territoire, qui disparaissent et renaissent fréquemment. On compte actuellement une dizaine d'organisations, animées chacune par deux initiés. Elles proposent des séminaires thérapeutiques, des consultations de psychothérapie et des ventes d'élixirs.

Les tarifs pratiqués sont particulièrement élevés :

- les stages et séminaires coûtent de 2.800 à 5.600 francs par personne, pour une ou deux journées ;

- les séances d'harmonie vibratoire sont facturées 3.000 francs les trois ;

- les produits curatifs de tous les maux, y compris le Sida, sont vendus 300 francs le sachet de « poudre alchimique » et 450 francs les 50 gr de « ginseng divinisé ».

L'ensemble des méthodes pseudo-médicales de Prima Verba a été consigné dans un manuel appelé « guérison spirituelle », écrit par le gourou. Toutes les affections possibles y sont recensées par ordre alphabétique, de l'acné au zona (totalisant 176 affections ou problèmes corporels), chacune assortie d'une phrase divine qu'il convient de prononcer trois fois par jour afin d'enclencher le processus de guérison.

L'Anthroposophie, déjà évoquée à travers les écoles Steiner, exerce, parallèlement à la pédagogie, d'importantes activités thérapeutiques.

Elle s'appuie, d'une part, sur un important réseau de praticiens, fédérés dans l'Association médicale anthroposophique de France (AMAF), d'autre part, sur plusieurs centres thérapeutiques qui accueillent notamment de jeunes handicapés, enfin sur les laboratoires Weleda, qui emploient environ 180 personnes à la fabrication de produits cosmétiques et diététiques mais aussi de préparations médicamenteuses.

Officiellement, la médecine anthroposophique n'implique pas l'abandon de la médecine traditionnelle. On cite cependant des cas de patients, atteints de leucémie, de troubles neuroleptiques ou de cancer du sein, dont on avait arrêté le traitement médical pour les soigner exclusivement avec des poudres ayant subi des « manipulations spirituelles », des massages, des tisanes et... le port de maillot de corps en soie (susceptible de guérir le cancer).

le mouvement du Graal, dont la doctrine est contenue dans l'ouvrage « L'homme malade de la civilisation » écrit par un collectif de médecins, proscrit l'allopathie, les vaccinations et les interventions chirurgicales.

Ses membres, des médecins prétendus homéopathes, animés de la foi en la réincarnation, soignent en effet leurs patients pour la vie future, plutôt que pour la vie actuelle, cette dernière pouvant être sacrifiée dans le but d'une existence meilleure après la mort.

Deux médecins adeptes de ce mouvement ont fait l'objet de sanctions : le premier a été suspendu d'enseignement à l'université de Lille, le second a été radié par le conseil départemental du Nord de l'Ordre des médecins.

la Fraternité blanche universelle (FBU) contrôle ou a contrôlé la société « Nature and Life », née en 1998 de la fusion des laboratoires Aqualab, qui fabrique et commercialise du « plasma marin isotonique », et Phytosun's Aroms, spécialisé dans la recherche, l'élaboration et la commercialisation d'huiles essentielles et de dérivés d'extraits de végétaux.

D'une façon plus générale, un assez grand nombre de sectes, sans exercer véritablement d'activités pseudo-thérapeutiques, intègrent dans l'élévation des adeptes l'objectif d'un mieux-être corporel. C'est notamment le cas de Sukyo Mahikari pour qui la purification de l'esprit - objectif principal du mouvement - va de pair avec celle du corps. À ce titre, des séances de transmission d'énergie concernant toutes les parties du corps sont très régulièrement proposées aux adeptes.

Dans un esprit comparable, les quelque 35 associations Sri Sathya Saï en France, qui pratiquent un culte orientaliste, intègrent des stages de jeûne et de cure, facturés 3.700 francs pour une semaine, et vendent des pendentifs « bio-électriques ». Une autre secte émanant de la même mouvance, Vital Harmony, propose des sessions de relaxation et de remise en forme. Sa fondatrice a créé à cet effet un important centre de soins dans le Loiret.

· Les chefs d'infractions

La plupart de ces pratiques sont susceptibles de tomber sous le coup d'incriminations telles que :

- non-assistance à personne en danger (art. 63 du code pénal) ;

- entrave aux mesures d'assistance et omission de porter secours (art. 223-6 du nouveau code pénal) ;

- exercice illégal de la médecine (art. L. 372 du code de la santé publique) ;

- exercice illégal de la pharmacie (art. L. 511 et L. 514 du code de la santé publique) ;

- publicité mensongère (art. L. 551 et L. 552 du code de la santé publique) ;

- distribution de médicaments sur la voie publique et dans les foires et marchés (art. L. 591 du code de la santé publique) ;

- escroquerie (art. 313-1 du nouveau code pénal).

On est cependant frappé du faible nombre de condamnations prononcées et de procédures judiciaires engagées. La section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins n'a prononcé, en 1997 et 1998, que trois condamnations « en rapport avec des pratiques favorisées par des appartenances sectaires ». L'Ordre indique par ailleurs qu'au cours de la même période, entre 4 et 6 condamnations auraient été prononcées au niveau régional pour le même motif.

Il faut, bien sûr, y voir le fruit de l'opacité des mouvements sectaires, de la peur ou de la honte des victimes, de la peine et de l'incompréhension des familles.

Quelques mesures pourraient peut-être aider à lutter contre les abus en abordant le problème en amont et en donnant aux organismes les mieux à même de piloter les contrôles et les sanctions nécessaires les moyens d'une action régulière et continue.

2.- Les mesures proposées

La Commission entend inciter le ministère chargé de la Santé à renforcer sa politique de vigilance.

Elle entend également que les instances ordinales des professions de santé, et notamment l'Ordre national des médecins, voient leurs responsabilités davantage reconnues.

Enfin, quelques pistes de réflexion sur la réglementation de la santé pourraient être utilement ouvertes.

a) Accroître la vigilance du ministère chargé de la Santé

Pour ce faire, devrait être rapidement mise à l'étude la diffusion, à l'ensemble des services publics et des professionnels de la santé, d'un guide pratique identifiant les points de vulnérabilité aux sectes dans le monde médico-social, décrivant les signes révélateurs de la présence d'une infiltration sectaire et fournissant les instruments d'alerte de l'autorité administrative.

b) Mieux établir les responsabilités des institutions ordinales des professions de Santé

La Commission juge nécessaire :

ù que soit mise en place un échange d'informations sur les sanctions disciplinaires et sur les procédures judiciaires en cours entre le ministère chargé de la Santé, le ministère de la Justice et les institutions ordinales des professions de Santé ;

ù que l'Ordre national des médecins désigne un représentant auprès de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes.

c) Réfléchir à des aménagements législatifs et réglementaires

La Commission souhaite que son travail d'investigation soit, à l'automne 1999, prolongé par une mission tripartite (Parlement, ministère chargé de la Santé, organismes représentant les professions médicales et paramédicales) en vue d'étudier une procédure d'agrément des dénominations des professions paramédicales et des auxiliaires médicaux, par une commission d'experts qui autorise l'utilisation de titres de thérapies et puisse proposer l'interdiction d'exercice de celles qui ne sont pas agréées.

Il serait également souhaitable de :

ù renforcer, dans les études médicales et paramédicales, l'enseignement sur :

· les méthodes d'accompagnement psychologique des malades ;

· la place, le rôle et les limites des professions paramédicales dans la société ;

ù développer, dès l'instruction primaire ou secondaire, des cours d'éducation pour la santé, l'hygiène de vie et la compréhension du schéma corporel ;

ù mettre en place une procédure d'agrément ou de labellisation pour les associations intervenant dans l'accompagnement et dans l'aide aux personnes hospitalisées ;

ù prévoir des modes de suivi thérapeutique destinés à être proposés aux anciens adeptes et les intégrer dans la formation continue des médecins ;

ù amplifier, notamment dans le cadre de l'éducation nationale, les campagnes de sensibilisation aux vaccins.

D.- LE MARCHÉ DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

La présence sur le marché de la formation professionnelle de multiples organismes émanant ou liés à un mouvement sectaire constitue une des principales manifestations du développement des activités économiques des sectes. Il s'agit en effet d'un secteur en pleine expansion qui draine des sommes très importantes et qui permet d'investir les points clés du monde de l'entreprise.

La Commission a pu constater à de nombreuses reprises combien l'extrême libéralisme, la candeur et le manque de vigilance qui président aux règles encadrant les activités de formation peuvent être propices au développement des pratiques sectaires. L'influence que certaines sectes ont acquise dans des réseaux de formation et les perturbations qu'elles ont apportées dans le fonctionnement de plusieurs entreprises sont suffisamment inquiétantes pour justifier la nécessité d'une réaction de l'ensemble des acteurs concernés.

1.- Un marché propice au développement des pratiques sectaires

a) Des enjeux financiers et commerciaux importants
En près de trente ans d'existence - la première loi relative à la formation professionnelle date de 1971 -, le marché de la formation professionnelle a acquis un poids financier considérable. La dépense totale en faveur de la formation professionnelle représentait en 1996 plus de 138 milliards de francs (soit 1,8 % du produit intérieur brut). Ce montant se ventilait de la manière suivante : la moitié a été consacrée à la rémunération des stagiaires, aux exonérations et aux frais d'accompagnement, tandis qu'un quart correspondait à l'offre privée de formation et que le quart restant couvrait les dépenses internes des entreprises et des organismes publics.

Le poids financier du marché de la formation professionnelle est d'autant plus important que les montants en cause sont renouvelables chaque année, les contributions financières supportées par les entreprises pour remplir leurs obligations en matière de formation étant calculées dans le cadre de chaque exercice d'activité. L'existence d'un marché en pleine expansion et dont le droit du travail assure la pérennité exerce indéniablement un effet d'appel devant lequel les sectes ne sont pas restées insensibles.

L'influence que les sectes ont pu acquérir sur ce marché est également révélatrice du rôle qu'elles entendent jouer dans le monde économique. L'obtention d'un contrat de formation peut permettre d'ouvrir les portes d'une société et d'avoir accès aux personnes qui y jouent un rôle central. Sur ce point, l'attitude adoptée par les sectes vis-à-vis des entreprises s'accorde parfaitement avec le prosélytisme qu'elles montrent dans leurs relations avec l'homme de la rue. Dispenser une formation devant les salariés d'une société est une forme de prosélytisme institutionnalisé et rémunérateur, le formateur intervenant dans un cadre reconnu par la direction de l'entreprise et par le dispositif public de prise en charge financière qui l'accompagne. Elle peut s'avérer une manière particulièrement efficace de susciter de nouveaux adeptes. C'est également un moyen d'avoir accès à des informations stratégiques sur les activités de telle ou telle société.

Le dispositif de formation continue est en outre une merveilleuse occasion de mettre en application, aux frais de la collectivité, les concepts et les programmes de manipulation mentale que les sectes ont mis au point. Comme on va le voir plus loin, la Commission a eu connaissance de plusieurs stages financés par la formation professionnelle dont le contenu s'apparente à un véritable canular. Ces exemples illustrent les excès auxquels notre système de formation continue peut aboutir. Ils sont également révélateurs de l'influence acquise par une conception de l'entreprise qui, sous prétexte de la recherche de la productivité, justifie des stages proches de la psychothérapie de groupe.

b) Une réglementation minimale

Dans le souci de respecter le principe de la libre concurrence, les textes qui régissent l'accès au marché de la formation professionnelle et l'exercice des activités des organismes de formation imposent des contraintes minimales. Toute personne physique ou morale peut se faire immatriculer en qualité de « formateur » et utiliser cette déclaration pour proposer ses services aux entreprises.

· Un marché défini de manière extensive

Le marché de la formation professionnelle est devenu le lieu d'expérimentation de nombreuses méthodes issues de la psychologie et des sciences de l'éducation. Il s'agit d'un domaine où les sectes, très imaginatives sur ce thème, ont trouvé un terrain particulièrement propice à leur développement.

Telle qu'elle est inscrite dans le code du travail, la définition de la formation professionnelle permet en effet d'accoler le label « formation professionnelle » à des stages très divers.

L'objet de la formation professionnelle est défini à l'article L.900-1 : il s'agit de permettre « l'adaptation des travailleurs au changement des techniques et des conditions de travail, de favoriser leur promotion sociale par l'accès aux différents niveaux de la culture et de la qualification professionnelle et leur contribution au développement culturel, économique et social ». L'article L.900-2 précise cet objet en énumérant les six types d'actions qui peuvent entrer dans le champ de la formation professionnelle : les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle, d'adaptation, de promotion, de prévention, de conversion, et enfin d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances.

Une telle définition permet de rattacher à la formation professionnelle la plupart des activités ayant, de près ou de loin, un rapport avec les actions énumérées. Quel est le stage dont on peut avec certitude montrer qu'il ne permet pas de favoriser la contribution des travailleurs au développement culturel, économique et social ? Sur ce point, le code du travail est indéniablement ambigu. De quel développement s'agit-il ? Du développement de l'individu, de l'entreprise dans laquelle il travaille ou de la société en général ? Cette ambiguïté explique la place que les stages de développement personnel ont acquise. Bien qu'ils utilisent des méthodes qui ne font pas l'unanimité, ces stages se multiplient, car la définition donnée par le code du travail ne permet pas de les exclure. Des séminaires faisant appel à la programmation neuro-linguistique, à l'analyse transactionnelle, à la sophrologie, au yoga ou à la bioénergie sont financés par la formation professionnelle. Ces méthodes, destinées à dégager les réactions psychologiques susceptibles de favoriser l'épanouissement de l'individu, permettraient aux intéressés de mieux se connaître, et par conséquent d'améliorer leur comportement au travail : elles trouveraient donc leur place au sein de la formation professionnelle.

La Commission n'a pas l'intention de prendre parti sur telle ou telle méthode. Ce n'est d'ailleurs pas l'objet de ses travaux. Elle souhaite en revanche attirer l'attention sur l'étendue des actions qui, à tort ou à raison, sont actuellement assimilées à des stages de la formation professionnelle. Elle y voit en effet, et les exemples qui seront examinés plus loin le montrent, une dérive particulièrement propice à la diffusion des pratiques sectaires.

· L'absence de contrôle à l'entrée du marché de la formation professionnelle

Pour accéder au marché de la formation, il suffit de procéder à une déclaration préalable auprès du service régional de contrôle (SRC) de la formation professionnelle de la Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Prévue par l'article L. 920-4 du code du travail, cette déclaration est une simple formalité qui n'implique aucun contrôle de la part de l'administration, ni sur les compétences des personnes déclarées, ni sur le projet pédagogique des formations envisagées. Cette déclaration permet à l'organisme de formation, ou au formateur lorsque le déclarant est une personne physique, de disposer du numéro d'immatriculation exigé pour que les stages dispensés puissent être pris en charge par le dispositif de gestion paritaire.

Le SRC ne peut refuser d'immatriculer un organisme qu'en cas de condamnation pénale prononcée contre une personne chargée de le diriger ou de l'administrer. Au demeurant, la recherche d'éventuels antécédents pénaux n'est pas systématique, mais laissée à l'appréciation de l'administration. En tout état de cause, il s'agit d'un moyen de contrôle qui peut facilement être contourné par le recours à des dirigeants prête-noms.

Exempte de tout contrôle, l'immatriculation n'équivaut en aucune manière à un agrément. Mais, de fait, elle est utilisée comme tel, de nombreux organismes faisant passer dans leurs documents commerciaux leur numéro d'immatriculation pour un numéro d'agrément.

Jusqu'en 1990, l'effet de la déclaration n'était pas limité dans le temps, et tout organisme dûment déclaré conservait indéfiniment le bénéfice de son numéro d'immatriculation. La loi n°90-579 du 4 juillet 1990 a instauré un dispositif de radiation inséré au deuxième alinéa de l'article L. 920-4 du code du travail. Désormais, toute déclaration devient caduque lorsque l'organisme n'a eu aucune activité pendant deux années consécutives ou n'a pas adressé au SRC, pendant la même période, les bilans pédagogiques et financiers qu'il est tenu de déposer chaque année.

Les SRC notifient donc à des milliers d'organismes des décisions de caducité de leur numéro d'immatriculation. Ce dispositif a cependant une efficacité limitée : les formateurs peuvent toujours présenter une nouvelle demande d'immatriculation, et rien ne permet de s'assurer qu'ils ne continuent pas à utiliser un numéro devenu caduc.

Le laxisme qui régit l'accès au marché de la formation professionnelle a abouti à une explosion du nombre des structures immatriculées qui constituent aujourd'hui un ensemble très disparate. Au 31 décembre 1997, on recensait 58.933 organismes déclarés sur lesquels 42.780 étaient considérés comme ayant une activité réelle. Leur chiffre d'affaires global était estimé à 36,7 milliards de francs, répartis de manière extrêmement dispersée puisque environ 600 organismes ont une activité supérieure à 10 millions de francs par an, 85% des structures se situant en dessous d'un million de francs. La dispersion du marché s'accompagne d'une grande hétérogénéité des statuts : travailleurs indépendants, associations, sociétés, organismes consulaires ou structures relevant du secteur public. En outre, seul un quart des structures se consacre exclusivement à la formation, les autres exerçant à titre accessoire. Enfin, le « turn-over » reste très important : en moyenne, l'administration immatricule chaque année 10.000 nouveaux organismes et radie environ 5.000 structures, soit pour caducité, soit pour fin d'activité.

La croissance du nombre d'organismes de formation n'est pas justifiée par les seuls besoins du marché. Elle est liée aux avantages offerts par leur statut et qui, indéniablement, exercent un effet d'appel non négligeable. L'immatriculation s'accompagne, on va le voir, d'une attestation ouvrant droit à une exonération de TVA. Elle permet également aux organismes d'utiliser des formateurs indépendants et de bénéficier ainsi d'un allégement de charges sociales. Beaucoup de déclarations de personnes physiques ont pour but de présenter comme formateurs indépendants des intervenants qui, en fait, fournissent une prestation pour le compte d'un organisme de formation.

L'explosion du nombre d'immatriculations a incité, à deux reprises, le législateur à remplacer le système déclaratif actuellement en vigueur par un dispositif d'agrément.

La loi n°90-579 du 4 juillet 1990 a mis en place une procédure de « labellisation » des formations financées par l'Etat. Cette procédure inscrite à l'article L.941-1-1 du code du travail prévoit que l'Etat ne financera que des projets ayant fait l'objet d'une habilitation par le préfet de région après avis du comité régional de la formation professionnelle. Bien qu'il ne porte que sur les stages financés par l'Etat, ce dispositif n'a jamais été appliqué, le décret n'ayant jamais été publié. À la suite des travaux de la commission d'enquête parlementaire sur la formation professionnelle et des recommandations contenues dans le rapport de M. Claude Goasguen, la loi n°95-116 du 4 février 1995 a prévu que, dans un délai de trois ans suivant la déclaration préalable, les personnes immatriculées doivent faire une demande d'agrément auprès du préfet de région. Cet agrément inscrit au quatrième alinéa de l'article L.920-4 du code du travail a notamment pour but de contrôler la qualité de la formation dispensée. Cet article a suivi le même sort que l'habilitation instaurée en 1990 puisqu'il n'a reçu aucune application.

L'échec des tentatives d'instauration d'un agrément s'explique par l'ampleur des difficultés matérielles que leur application soulève. Comme on va le voir, les services régionaux de contrôle n'ont pas les effectifs suffisants pour apprécier la qualité des formations dispensées par près de 59.000 personnes ou organismes déclarés. En outre, la mise en place d'un tel agrément crée une régulation de l'entrée sur un marché que certains jugent contraire au principe de la libre concurrence.

L'impossibilité d'appliquer les procédures d'agrément votées par le législateur laisse l'accès au marché à l'abri de tout contrôle de la qualité des formations dispensées. Ce libéralisme que la Commission considère excessif n'est pas étranger à l'influence que les sectes ont acquise dans ce domaine. De nombreux organismes de formation ont été immatriculés, et ont par conséquent accès aux sources de financement ouvertes par cette immatriculation, alors que les stages proposés ont pour objectif de diffuser des concepts et des méthodes sectaires, et restent très éloignés de l'objet de la formation professionnelle continue.

· L'automaticité de l'exonération de TVA

L'absence de formalité qui caractérise l'entrée sur le marché de la formation professionnelle se retrouve dans l'automaticité qui préside aux décisions d'exonération de TVA accordées aux organismes de formation.

L'article 261 du code général des impôts exonère de TVA « les prestations de services et les livraisons de biens effectuées dans le cadre (...) de la formation professionnelle continue assurée (...) par des personnes de droit privé titulaires d'une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente reconnaissant qu'elles remplissent les conditions fixées pour exercer leur activité dans le cadre de la formation professionnelle continue ».

Le retrait de l'exonération de TVA est exercé dans les deux cas de figure prévus aux articles 202 C et 202 D de l'annexe II du code général des impôts, à savoir la caducité de la déclaration préalable et l'exercice ultérieur du droit de contrôle de l'administration fiscale.

Ce dispositif est appliqué de manière libérale par les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle chargés de délivrer l'attestation prévue. En effet, ces services n'ont pas les moyens de contrôler a priori que l'activité de chaque demandeur entre bien dans le cadre de la formation professionnelle, et font donc automatiquement droit aux demandes émanant des personnes ou organismes dûment immatriculés et à jour de leur obligation de dépôt de bilans pédagogiques et financiers.

De fait, le bénéfice de l'exonération de TVA n'est lié qu'à une formalité déclarative préalable. Pour qu'une personne morale ou physique puisse être exonérée de TVA, il lui suffit de se déclarer formateur ou organisme de formation. Octroyée en dehors de tout contrôle, l'exonération sera appliquée automatiquement tant que la déclaration n'est pas devenue caduque et tant que la personne ou l'organisme n'a pas fait l'objet d'un contrôle fiscal démontrant que l'activité développée n'entre pas dans le cadre de la formation professionnelle.

Exclusivement fondé sur des formalités déclaratives, le bénéfice de l'exonération de TVA en matière de formation s'acquiert avec une facilité déconcertante. Comme on va le voir, cette facilité bénéficie à plusieurs personnes liées à des organisations sectaires qui, sous couvert d'une immatriculation auprès d'un service régional de contrôle, développent des activités de prosélytisme très éloignées du cadre de la formation professionnelle, qui échappent à la TVA.

L'exonération de TVA peut représenter un avantage financier non négligeable pour les associations sectaires chargées d'organiser des stages et des séminaires, ou chargées de développer des activités de conseil. Ces structures réalisent en effet peu d'investissements et sont par conséquent peu intéressées par la possibilité de récupérer la TVA qu'elles paient sur leurs achats.

· Des activités soumises à des obligations réduites et peu appliquées

Les organismes de formation sont soumis à des obligations comptables réduites. Le code du travail prévoit que les dispensateurs privés de formation établissent un bilan, un compte de résultat et une annexe (ce qui semble pour le moins normal s'agissant d'organismes ayant une activité économique qui, au total, représente chaque année un chiffre d'affaire supérieur à 36 milliards de francs), et qu'ils doivent recourir aux services d'un commissaire aux comptes au-dessus d'un certain seuil d'activité. Leurs documents comptables doivent normalement être transmis chaque année aux services régionaux de contrôle accompagnés d'un bilan pédagogique et financier retraçant notamment l'emploi des sommes reçues au titre des conventions de formation. L'envoi de ce bilan conditionne le maintien de l'immatriculation de l'organisme puisque, comme on l'a vu, l'absence de transmission peut déclencher la caducité de la déclaration. Les documents transmis ne constituent cependant pas des outils de contrôle de l'activité de l'organisme. Les informations qu'ils contiennent ont une fonction statistique destinée à reconstituer, au niveau national, le chiffre d'affaires global du secteur.

Les organismes de formation ne sont pas véritablement soumis à des obligations qui permettraient d'assurer un suivi pédagogique et un contrôle de la qualité des stages dispensés. Le bilan annuel contient peu d'informations sur les méthodes utilisées. Si l'ensemble des organismes sont tenus d'établir un règlement intérieur destiné à assurer le respect des règles d'hygiène, de sécurité et de discipline, ainsi que la représentation de stagiaires, seuls les stages faisant l'objet d'une convention avec l'Etat entraînent la constitution d'un conseil de perfectionnement consulté sur l'organisation et la mise en _uvre des formations.

Le code du travail est plus précis dans la fixation des règles qui portent sur les relations entre l'organisme et son client. Les articles L.920-5-3 et L.920-6 établissent la liste des documents que le formateur est tenu de communiquer à l'entreprise (programme, liste des intervenants mentionnant leurs titres ou qualités, modalités d'organisation de la formation, conditions financières). La Commission constate cependant qu'aucune information n'est prévue sur les méthodes ou théories utilisées. Une réelle information peut pourtant s'avérer de la première importance quand un organisme utilise, sous la forme de franchise, une méthode mise au point par un tiers, comme dans le cas des stages créés par trois organisations sectaires très présentes sur le marché de la formation professionnelle, à savoir la Scientologie, Landmark et Avatar.

La loi du 24 février 1984 interdit par ailleurs aux formateurs d'utiliser leur numéro d'immatriculation dans leurs documents publicitaires. Cette règle, destinée à empêcher que les organismes utilisent ce numéro comme un numéro d'agrément, ne semble pas appliquée avec succès, la Commission ayant eu connaissance de nombreux exemples d'infractions commises par des organisations sectaires.

En outre, bien qu'ils induisent directement ou indirectement un coût public, les prix des formations bénéficient d'une liberté complète. De fait, la Commission a pu constater combien les tarifs peuvent diverger, et combien les prix pratiqués par certaines sectes semblent disproportionnés par rapport à la prestation effectivement fournie. Elle regrette que, sur ce point, l'administration ne puisse utiliser qu'une disposition juridique particulièrement difficile à mettre en _uvre. L'article L.920-10 du code du travail prévoit en effet que les services de la formation professionnelle peuvent refuser une prestation si son prix est excessif. Cependant, ce refus ne peut être exercé qu'à l'occasion de contrôles qui, comme on va le voir, sont rarement diligentés. Il supposerait, pour être applicable, que l'administration établisse des barèmes fixant le coût normal de chaque type de stage, ce qui n'est pas prévu.

Enfin, l'existence d'un document contractuel conclu entre le formateur et son client n'est obligatoire que lorsque ce dernier est une personne physique qui entreprend une formation à titre individuel et à ses frais. La convention prévue à l'article L.920-1 pour les stages pris en charge par le dispositif paritaire n'est qu'une faculté.

On constate donc que l'exercice des activités de formation reste soumis à des obligations soit formelles, soit difficiles à contrôler.

c) Un contrôle limité dans sa définition et dans ses moyens

Les articles L.991-1 et L.991-2 du code du travail définissent le champ d'application du contrôle exercé par l'Etat sur la formation professionnelle. Sont, en premier lieu, soumis au contrôle administratif et financier de l'Etat les dépenses de formation exposées par les employeurs au titre de leur obligation de participation, ainsi que les activités conduites par les organismes paritaires agréés, les organismes de formation et les organismes chargés de réaliser des bilans de compétence. L'Etat est également chargé de contrôler les conditions d'exécution des actions de formation qu'il finance, afin de vérifier qu'elles sont assurées conformément aux stipulations des conventions conclues à cet effet.

Ainsi défini, le contrôle s'avère relativement limité. S'agissant de la vérification des conditions d'exécution des actions de formation, l'intervention de l'Etat est réservée aux stages au financement duquel il participe, ce qui a pour effet d'exclure de son contrôle les dépenses exclusivement financées par les collectivités locales. En outre, les formations entreprises par des personnes physiques à titre individuel et à leurs frais ne sont soumises qu'à un contrôle formel, limité à une vérification de l'existence d'un contrat et de la conformité de ce dernier avec les dispositions de l'article L.920-13.

Le contrôle de l'Etat porte sur les moyens financiers, techniques et pédagogiques, et sur leur adaptation aux objectifs visés par la formation ainsi que sur les modalités de suivi des stagiaires ou de validation des acquis. En revanche, le code du travail exclut explicitement toute vérification des qualités pédagogiques. Le contrôle est conçu de manière à permettre de vérifier l'imputabilité des dépenses engagées par les entreprises sur leur obligation de participation. Cette obligation est en effet remplie, chaque année, de manière déclarative, et le contrôle a pour but d'apprécier la réalité de cette déclaration en vérifiant que le formateur est dûment déclaré, que le stage a bien eu lieu et que la prestation entre bien dans le cadre d'une action de formation tel qu'il est défini à l'article L.900-2. Il s'agit donc de contrôler la réalité de l'exécution d'une prestation, y compris dans les moyens pédagogiques mis en _uvre, et non d'en vérifier la qualité.

Les vérifications peuvent se traduire par le rejet des dépenses en cause. L'inexécution d'une convention entraîne le remboursement par le formateur des frais qui n'ont pas été engagés, et, en cas de man_uvres frauduleuses, le versement d'une somme d'un montant égal au Trésor public. Si le contrôle a démontré que les dépenses ne peuvent, par leur nature, être rattachées à l'exécution d'une convention ou que les prix pratiqués sont excessifs, le formateur est tenu de verser au Trésor public une somme équivalente, recouvrée selon les mêmes modalités que celles applicables en matière de taxes sur le chiffre d'affaires. En outre, en cas de mauvaise foi ou de man_uvres frauduleuses, les sanctions pénales prévues par le code général des impôts sont applicables. En revanche, le code du travail ne précise pas les conséquences des contrôles sur la déclaration de l'organisme et le rejet des dépenses n'a donc aucun effet automatique sur l'immatriculation du formateur. On pourrait pourtant concevoir que la démonstration de l'inexécution d'une convention ou l'exécution de prestations extérieures au cadre de la formation professionnelle entraînent le retrait du numéro d'immatriculation des organismes responsables.

Défini de manière prudente, le contrôle de l'Etat sur la formation professionnelle est surtout considérablement limité dans ses moyens. Pour assurer le suivi administratif et le contrôle des quelques 59.000 organismes déclarés, les services régionaux de contrôle ne disposent que de 140 inspecteurs ou contrôleurs auxquels il faut ajouter les douze agents en poste au sein du groupe national de contrôle. Compte tenu de l'élargissement récent des missions des SRC, notamment en matière de taxe d'apprentissage, on estime qu'une centaine d'agents peuvent se consacrer au contrôle et que, globalement, environ 700 organismes sont vérifiés chaque année. A ce rythme, sauf à relever considérablement les effectifs des SRC, chaque organisme est contrôlé tous les 84 ans ...

L'insuffisance manifeste des moyens de contrôle mise en évidence à plusieurs reprises notamment par le rapport de la Commission d'enquête de 1994, est d'autant plus préjudiciable que, l'entrée sur le marché reposant sur un dispositif déclaratif très libéral, la qualité des stages dépend de l'efficacité et de la diligence des SRC. L'absence de véritable mobilisation de l'Etat sur ce point n'est pas étrangère à l'importance de l'influence que les sectes ont acquise dans ce secteur.

d) Un marché investi par plusieurs organisations sectaires

· Des organismes nombreux et parfois importants par leur chiffre d'affaires

Plusieurs dizaines d'organismes de formation professionnelle liés à des mouvements sectaires ont été portées à la connaissance de la Commission. Dans certains cas, l'association qui constitue la structure centrale de la secte peut s'immatriculer auprès d'un SRC et développer directement des activités de formation. Le plus souvent, les sectes créent des structures particulières, dédiées à la formation professionnelle, qui peuvent prendre des statuts juridiques divers.

Il est également fréquent que des adeptes créent leur propre organisme ou s'immatriculent eux-mêmes en qualité de personne physique pour appliquer la méthode mise au point par la secte moyennant parfois le versement à la structure mère des droits d'auteur correspondants, selon les systèmes de franchise décrits plus haut. L'existence de franchises peut aboutir au détournement de sources de financement public au profit de structures mères sectaires. Les stages franchisés peuvent être en effet financés à partir de fonds d'origine publique.

Les exemples qui vont être examinés ne donnent qu'un aperçu de l'influence que les sectes ont acquise dans ce secteur. En effet, l'extrême éparpillement des structures et le caractère le plus souvent occulté du lien sectaire ne permettent pas d'avoir une vision exhaustive du problème. En outre, il existe des organismes, par définition très difficiles à repérer, qui ne sont pas déclarés, soit qu'ils exercent en toute illégalité, soit qu'ils se cantonnent à des stages individuels qui ne requièrent pas obligatoirement une déclaration préalable du formateur. Les archives des SRC font disparaître les dossiers des organismes qui sont caducs depuis plus de cinq ans, ce qui interdit de reconstituer toutes les structures créées. Cette limite présente un inconvénient évident dans le cas de la présente enquête, les sectes ayant une propension à multiplier les organismes et à changer fréquemment leur dénomination sociale. L'organisation territoriale de l'administration de la formation professionnelle, fondée sur la compétence régionale des SRC, ne permet pas de disposer d'un fichier national des organismes de formation et se heurte par conséquent à la grande mobilité géographique des formateurs. Un organisme localisé dans telle région pour un stage organisé à une date donnée peut ne plus apparaître dans le fichier du SRC territorialement compétent, s'il a depuis déménagé ou décidé de s'immatriculer dans une autre région. Enfin, il ne faut pas oublier que les renseignements communiqués à la Commission, et notamment les montants de chiffres d'affaires, n'ont qu'une origine déclarative, et, sauf dans les rares cas de contrôle, ne reflètent que ce que les organismes ont bien voulu porter à la connaissance de l'administration.

C'est pourquoi la Commission, sans prétendre à l'exhaustivité étant donné l'abondance de la matière, a souhaité citer ci-après quelques cas précis significatifs.

· Les sectes les plus actives sur le marché de la formation professionnelle

_ La Scientologie

La Scientologie est certainement la secte la plus influente dans le domaine de la formation professionnelle. Il existe de nombreux exemples d'organismes créés par des scientologues afin de mettre en application les théories et les méthodes de Ron Hubbard à travers des stages qui s'adressent aux salariés d'entreprises plus ou moins importantes. La secte voit dans la diffusion de ces méthodes un moyen d'asseoir son influence au sein du monde économique. La référence à la Scientologie n'apparaît pas toujours clairement de prime abord, et nombreuses sont les entreprises qui se sont laissées séduire par le savoir-faire commercial des scientologues.

Les activités de M. Gilles Vallet, constituent un bon exemple de réseau d'entreprises scientologues. Ce polytechnicien est actuellement gérant de deux sociétés de conseil (Highware SARL au capital de 500.000 francs, implantée à Toulouse, et Highware à Paris, SARL au capital de 50.000 francs) et d'une société civile immobilière ayant une activité de marchand de biens (la SCI FORT domiciliée à Paris). Il est également président du conseil d'administration de Highware Productions SA, filiale de Highware SARL, spécialisée dans la gestion de projets d'ingénierie et d'informatique. Highware SARL était par ailleurs propriétaire de 150 parts sociales de BGP Consultants, SARL spécialisée dans la formation à l'utilisation de logiciels de gestion de projets, parts qu'elle a revendues le 17 juillet 1997 pour 17.000 francs. Toutes les sociétés anonymes qui viennent d'être mentionnées ont été déclarées comme organismes de formation, et continuent à bénéficier de leur immatriculation, à l'exception de Highware SARL qui a déclaré, au début de 1997, avoir cessé ses activités de formateur. Pour 1996, elle a pourtant déclaré un « chiffre d'affaires formation » (2) important (666.764 francs).

Les activités de formation dispensées par d'autres sociétés liées à la Scientologie peuvent atteindre des montants conséquents. La Commission a eu connaissance de deux sociétés dont la déclaration est aujourd'hui caduque bien que leur chiffre d'affaires dépassait au début des années 1990 le million de francs. Cinq organismes ont déclaré au titre des deux derniers exercices disponibles (1996 et 1997) des chiffres d'affaires non négligeables, et semblent avoir une activité récente et particulièrement florissante. Il s'agit des structures suivantes : Flying Trapèze (2,6 millions), Stratégique (3,5 millions), le Comptoir des langues anciennement dénommé Cybèle Langues (16,4 millions) et Présence 7 Informatique (22,7 millions). L'importance des montants déclarés doit être analysée en tenant compte du fait que la formation peut n'être qu'une activité annexe des sociétés concernées par ailleurs spécialisées, par exemple, dans le service informatique ou le conseil aux entreprises, et que leur chiffre d'affaires global peut donc être bien supérieur.

D'autres scientologues ont créé au cours des dix dernières années leur propre organisme, et bénéficié d'un numéro d'immatriculation aujourd'hui caduc, aucune activité n'ayant été déclarée au titre des deux derniers exercices. La Commission a notamment pu vérifier la déclaration du cabinet de conseil créé à Paris par M. Emmanuel de Brie, de la société Claryus dirigée par M. Michel Lollichon et de la société Leaders constituée par une autre scientologue, Mme Muriel Ebel, actionnaire dans d'autres sociétés commerciales aux côtés de son mari, M. Tristan Ebel.

On notera que, selon la technique bien connue, les pistes sont souvent brouillées auprès des entreprises clientes par des changements de dénomination sociale : des organismes devenus caducs pour absence d'activité sont remplacés par de nouvelles structures qui restent en fait aux mains des mêmes personnes adeptes de la secte.

Ainsi, MM. Jean-Marc et Dominique Dambrin, scientologues notoires, ont constitué plusieurs organismes qu'ils ont immatriculés auprès du SRC d'Ile-de-France. Deux sociétés (Efficom et SNC Dambrin) ont eu une activité au début des années 1990, la seconde déclarant des recettes de 490.000 francs pour 1996, mais semblent avoir depuis disparu du marché. Les frères Dambrin exercent aujourd'hui leurs activités de formateurs à travers deux organismes : Jean-Marc Dambrin Conseil et Cohérence.

M. Guy Bergeaud est un autre membre de la Scientologie qui a défrayé la chronique lorsque, directeur des ventes à VAG France, on lui a reproché d'avoir choisi un organisme scientologue pour la formation de ses collaborateurs. Après avoir dirigé la filiale de Renault en Angleterre, il a fondé deux sociétés immatriculées auprès du SRC d'Ile-de-France : Management Learning System pour laquelle il a déclaré un chiffre d'affaires de 540.000 francs au titre de 1994, puis Business Dynamic qui semble avoir une activité importante, le montant de 3.115.576 francs ayant été déclaré pour 1996.

Les tentatives d'infiltration de la Scientologie ne sont cependant pas toujours couronnées de succès, comme le démontrent les péripéties qu'ont connues les sociétés SOFIAC et Unicoolait.

La société Diace Conseil a été déclarée au SRC d'Ile-de-France Les activités de formation dispensées en 1991 par cet organisme au sein d'un établissement de la société SOFIAC implanté en Normandie ont fait l'objet d'un contentieux devant les tribunaux. La direction de la SOFIAC a accusé M. Cassan d'effectuer du démarchage au profit de la Scientologie. Le Tribunal correctionnel de Paris a estimé en 1993 que le prosélytisme était avéré, le formateur ayant proposé la vente des écrits de Ron Hubbard et invité des stagiaires à se soumettre au test scientologue. Cette décision a été confirmée en appel, et Diace Conseil a été condamnée à rembourser à la SOFIAC le coût de la formation.

Une autre société de formation scientologue a été mêlée à une affaire de licenciement abusif. Il s'agit de Ciborg, à l'époque dirigée par un membre de la secte, M. Eric Ianna, et déclarée auprès du SRC d'Ile-de-France. Cette société a dispensé en 1991 une formation au sein d'une coopérative laitière implantée en Moselle, la société Unicoolait, au terme de laquelle un salarié a été licencié pour faute grave pour avoir mis sur la place publique les liens entre Ciborg et la Scientologie. En 1992, le Conseil des prud'hommes a estimé que ce lien était suffisamment établi pour déclarer le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Autre exemple : en 1993, un salarié de la direction de Paris Est de la SNCF a demandé le bénéfice d'un congé individuel de formation pour suivre un stage auprès d'Aframeurop, organisme de formation immatriculé à Paris. Il s'agissait d'un stage de développement personnel de deux ans à raison de 12 heures hebdomadaires sur 75 semaines, soit 900 heures au total, pour un coût de 129.274 francs. Ce stage a été accepté par l'AGECIF SNCF. La plaquette de l'organisme ne mentionnait aucune référence à une méthode particulière. Elle indiquait simplement permettre au stagiaire de « dominer ses réactions émotionnelles, retrouver son potentiel vital et sa joie de vivre », en utilisant « une méthode générale cognitive appliquée aux mécanismes de la communication (...) le participant vérifiant par lui-même les différents flux dans la communication et par applications successives découvrira l'agencement de ces flux et leur organisation ». Par ailleurs, le même organisme proposait au salarié de suivre au cours de ses congés un autre stage d'un coût de 8.000 francs destiné à « soulager toutes les douleurs ». Lors de ses contacts avec Aframeurop, ce salarié s'est rendu compte, avant de s'engager définitivement, qu'il s'agissait d'une émanation de la Scientologie.

En sens inverse, on relèvera la mésaventure d'une ANPE qui, en 1994, avait retenu la société Quest consulting pour procéder à des évaluations de demandeurs d'emplois. Cette société immatriculée en Ile-de-France bénéficie toujours d'un numéro d'immatriculation valide.

_ Landmark Education International

Landmark est une secte que certains considèrent comme une dissidence de la Scientologie, spécialisée dans la formation. Elle s'appuie sur des cours conçus par un Américain, Werner Erhard, qui, dans les années 1960, a conçu les premiers stages de développement personnel. Elle propose un parcours en plusieurs étapes, le stagiaire commençant par suivre un stage intitulé le Forum, puis un cours avancé et une session baptisée « expression de soi et leadership ». Mis au point par Erhrard, le Forum est vendu sous forme de licence aux initiés par l'intermédiaire de la société de droit étranger, Landmark education international (LEI). Le Forum est en effet une marque déposée aux Etats-Unis dont l'utilisation exclusive en France est attribuée à LEI.

Cette société est immatriculée au SRC d'Ile-de-France. Sa déclaration est aujourd'hui caduque. Elle reste gérée par M. Alain Roth et Mme Irène Johnson, le premier étant lui-même immatriculé comme formateur.

Les premiers stages ont lieu dans les salons d'hôtels parisiens, et peuvent se poursuivre aux Etats-Unis. Les méthodes employées révèlent des techniques psychologiques autoritaires et intensives, les pratiques utilisées étant plus proches de la confession publique que du stage de formation. Les sessions se poursuivent tard en soirée, moyennant des pauses rares et un seul repas. Les stagiaires sont sollicités pour travailler bénévolement à l'organisation des formations. L'inscription aux sessions ultérieures s'effectue à l'issue de chaque stage, selon une pratique commerciale bien connue des sectes et notamment de la Scientologie qui consiste à obtenir, au moyen de ristournes habilement mises en avant, l'engagement des stagiaires sans leur laisser la possibilité de réfléchir.

Un séminaire de trois jours coûte 2.300 francs. Il regroupe entre 80 et 250 personnes. Le gain net tiré d'une session peut donc représenter plus de 500.000 francs. Les frais de formation semblent peu importants : une seule personne intervient au cours du stage dont l'organisation matérielle est souvent assurée de manière bénévole. Pour autant, la société Landmark education international ne semble pas déclarer au SRC un chiffre d'affaires formation à la hauteur de ses tarifs : elle a par exemple déclaré 228.591 francs au titre de 1996.

Landmark a eu pour principal client la société IBM-France au sein de laquelle elle a organisé, à partir de 1992, plusieurs sessions de formation qui ont déclenché au sein du groupe une vaste polémique, et seraient à l'origine du suicide d'un des salariés. La secte aurait été introduite dans IBM-France par l'intermédiaire d'un club de réflexion intitulé le Forum des rives de Seine - Club Toast masters. Créé et financé par le comité d'entreprise de la société, ce club s'adresse à ses cadres en dehors des heures de travail. Il est animé par un ingénieur qui aurait fait du démarchage auprès des adhérents en faveur de Landmark. Les méthodes de la secte ont suscité une réaction de la direction d'IBM qui a dénoncé les dangers des techniques employées, et a mis en évidence les risques de prosélytisme.

M. Roth s'est imposé au sein d'IBM de deux manières. Il est tout d'abord intervenu en 1991 lors d'un séminaire intitulé « Leader pour réussir », animé en majeure partie en interne, mais pour lequel le groupe faisait appel à des intervenants extérieurs. Parallèlement, de mi-1991 au début de 1993, il a dispensé « le Forum » à seize salariés dans le cadre d'un programme intitulé « participation aux frais d'études » qui consistait à financer à 75 ou 100 % dans un plafond de 2000 francs les demandes de formation individuelle présentées par le personnel. Alertée par plusieurs stagiaires, la direction a décidé d'y mettre fin le 30 mars 1993. Cette décision a d'ailleurs provoqué des protestations véhémentes de plusieurs salariés. La direction reste convaincue que le Forum a continué à être dispensé au sein d'IBM après le 30 mars 1993 par le canal d'initiatives personnelles. Il semble que ce soit la branche « banque » du groupe qui ait été la plus touchée.

Pour faire face à cette tentative d'infiltration, la Direction générale d'IBM a décidé de centraliser les décisions en matière de formation professionnelle et d'internaliser les prestations réalisées dans ce domaine.

_ La méthode Avatar

Conçue par l'américain Harry Palmer, Avatar est une méthode de développement personnel destinée à apprendre à connaître et à modifier les « programmes » qui déterminent les réactions de chacun. Déclinée en plusieurs cours, cette méthode est franchisée : les « masters », c'est-à-dire les initiés au stage Avatar, reçoivent une licence leur permettant d'enseigner. Cette franchise déclenche le versement de droits prélevés sur le produit des formations au bénéfice de la société Star's edge international qui constitue le centre de la secte.

L'association Otium est une des structures françaises utilisant la méthode Avatar. Implantée en Gironde où elle est immatriculée comme organisme de formation, Otium était jusqu'à une date récente dirigée par Mme Carole Hannequin, ancien cadre d'EDF, « master » et représentante de Star's edge pour ce département, elle-même déclarée comme formateur auprès du SRC. Cette association dispense deux prestations. La première intitulée « objectif but » se déroule sur deux jours et a pour objet de permettre aux participants «  de se reconnecter avec la source intarissable de vitalité de courage et d'énergie (...) de trouver des aides et des soutiens (...) pour favoriser leurs réalisations (...) et, se sachant engagés sur un chemin qui a du c_ur, d'être plus tranquilles, plus efficaces et plus heureux ». Le deuxième stage dure dix jours et il est destiné à permettre aux stagiaires « à travers l'exploration et la transformation de leur représentation du monde et d'eux-mêmes » de conduire plus efficacement leur vie. Ces cours sont facturés 18.000 francs. Ils s'adressent en général à des salariés, sont imputés sur le plan de formation de l'entreprise et font systématiquement l'objet d'une convention conclue entre l'employeur et Otium. EDF et la société Thomson CSF figurent parmi les clients d'Otium. L'association a déclaré à la Commission avoir cessé toute activité depuis mars 1996.

Star's edge était représentée dans la région Languedoc-Roussillon par le Centre d'épanouissement personnel (CEDEPE). Aujourd'hui en liquidation judiciaire, cette société immatriculée comme organisme de formation a été choisie par l'ANPE de Céret pour assurer des stages destinés à des chômeurs, et notamment des accompagnements personnalisés pour l'emploi ou des sessions de techniques de recherche d'emploi. Elle a également signé des conventions avec la direction départementale du travail et de l'emploi des Pyrénées-orientales pour dispenser plusieurs stages d'insertion et de formation à l'emploi. Les méthodes utilisés par le CEDEPE ont été dénoncées par les stagiaires qui ont critiqué le contenu pédagogique du programme. Ces formations réalisées en 1994 et 1995 ont été financées par les organismes publics concernés moyennant un coût total de 2.013.449 francs. Il s'agit là, on le voit, d'un exemple de financement public massif d'une méthode de formation sectaire. Une partie des recettes étant reversée à Star's edge, c'est également un exemple de financement public de la structure mère d'une secte internationale.

La centrale EDF de Bugey dans l'Ain a également été victime d'Avatar par l'intermédiaire de son représentant local, M. Alain Coudeyras, dirigeant de la société CPV conseil. Cette société inscrite au SRC a dispensé en 1992 le séminaire auprès de salariés de cette centrale qui ont dénoncé le stage comme un lavage de cerveau. Quelques années plus tard, on retrouvera des encarts publicitaires dans des journaux locaux annonçant l'organisation par M. Coudeyras, de stages d'hypnose, sophrologie, relaxation, etc.

L'attention de la Commission a également été attirée sur les activités du centre Synthésis dirigé par Mme Claire Deleve, master Avatar, et immatriculé dans le Nord-Pas-de-Calais.

_ Au coeur de la communication

Au coeur de la communication (ACC) est une organisation, non répertoriée dans le rapport de la précédente commission d'enquête, qui s'est développée en dispensant des formations, montrant ainsi l'importance que revêt ce secteur dans l'expansion du phénomène sectaire. Elle a attiré l'attention de la Commission d'enquête du Parlement belge.

ACC a été fondée par Mme Claire Nuer, récemment décédée, qui prétendait avoir été guérie d'un glaucome par la méthode d'un cancérologue américain, le docteur Simonton. Mme Nuer avait créé en 1989 une association « Clarté et confusion », rebaptisée en 1991 « Au coeur de la communication », afin de développer des actions de prévention et de développement personnel. L'association organise des conférences, des séminaires et des formations, notamment auprès de médecins et de professionnels de la santé. Immatriculée comme organisme de formation depuis 1990, elle est dirigée depuis 1991 par Mme Dominique Maillard, l'époux de Claire Nuer, M. Samy Cohen, étant désigné comme responsable sur les bilans pédagogiques et financiers adressés au SRC d'Ile-de-France. ACC bénéficie d'une exonération de TVA depuis 1992. Elle n'a cependant déclaré aucune activité depuis 1997.

L'association a expérimenté ses méthodes au sein de la société Essor dont M. Samy Cohen est le directeur général. Cette société implantée à Villeneuve la Garenne est spécialisé dans la production de verres optiques. Plusieurs séminaires animés par Mme Claire Nuer ont été suivis par des salariés d'Essor, en France et à l'étranger. Ils utilisaient les techniques de développement personnel pour inciter les stagiaires à procéder à une véritable confession publique. Ces formations ont provoqué un litige entre les salariés et la direction d'Essor. Le refus de suivre les stages, opposé par plusieurs cadres, aurait provoqué le licenciement de ces derniers. Ce litige a été jugé suffisamment important pour que le Groupe national de contrôle de la formation professionnelle demande une enquête au SRC d'Ile-de-France.

_ La méthode Silva

La méthode Silva a été conçue par un Américain dénommé José Silva. Fondée sur une comparaison des réactions du cerveau humain entre l'état de veille et l'état de sommeil, elle a pour objet de permettre une plus grande utilisation des capacités mentales.

Cette méthode est appliquée par des instructeurs moyennant une licence d'exploitation qui entraîne le versement de droits représentant entre 10 et 25 % du produit des stages. Ces droits sont versés aux responsables locaux qui en reversent eux-mêmes une partie à la structure mère installée aux Etats-Unis.

La méthode Silva dispose en France d'un réseau national parfaitement organisé. Le programme pour 1998 fait apparaître 25 villes où des stages sont dispensés. Chaque ville dispose d'un instructeur. M. Edouard Philippe, instructeur dans plusieurs villes du sud-est, est présenté comme le principal dirigeant. Il est inscrit auprès du SRC de la région PACA, dispense ainsi lui-même des formations, et reverse 10 % de ses gains à la société américaine dépositaire de la méthode. Il a également formé d'autres personnes qui, immatriculées à leur tour, diffusent les techniques de la secte dans d'autres régions sous un statut de profession libérale.

Organisés la plupart du temps dans des hôtels, les stages sont généralement facturés 2.500 francs pour les personnes inscrites à titre individuel. Des séminaires destinés à des enfants de 7 à 14 ans sont également prévus, au prix de 1.000 francs par enfant.

C'est au tarif de 2.500 francs que, par exemple, M. Edouard Philippe a formé, en 1996, 192 stagiaires dont 180 étaient des particuliers issus du milieu enseignant ou des professions libérales exerçant dans le secteur du droit ou de la santé, et dont 8 étaient inscrits à l'initiative de leur entreprise pour un prix global de 44.000 francs, soit 5.500 francs par stagiaire. Les stages avaient lieu le week-end ou en dehors des horaires de travail. Une seule formation a été organisée pendant les heures de travail : il s'agit d'une session destinée à des agents du Secrétariat d'Etat aux anciens combattants.

Le stage de contrôle mental comprend deux modules. Le premier, intitulé « maîtrise de l'esprit et gestion du stress », est un tronc commun exposant les « techniques de relaxation dynamique (écran mental, miroir de l'esprit ...) et de mémorisation-concentration » destinées à éliminer les conséquences du stress, améliorer les capacités professionnelles et développer son capital santé. Il est suivi d'un module spécifique qui peut s'adresser à tout public comme le cours intitulé « maîtrise de l'esprit et optimisation professionnelle », ou être réservé à certains stagiaires comme « maîtrise de l'esprit de santé » spécialement conçu en direction des professionnels de la santé. Le module « maîtrise de l'esprit et optimisation professionnelle » consiste à acquérir le contrôle de ses rythmes cérébraux afin d'accroître ses moyens dans la gestion d'une équipe ou l'utilisation des techniques de vente. Le module relatif aux métiers de la santé permet de détecter et de traiter les « pathologies » afin de contrôler le réveil, les rêves et la douleur.

Dûment immatriculé auprès du SRC de la région PACA, M. Edouard Philippe a obtenu des services fiscaux une exonération de TVA, ses activités étant considérées comme relevant de la formation professionnelle.

_ Innergy

Innergy est une secte fondée aux Etats- Unis par Roger Delano Hinkins. Décrite comme la « science secrète du voyage de l'âme », ce mouvement a mis au point un séminaire, dénommé Insight training seminar, destiné à guider les gens dans leur vie quotidienne afin de « créer plus d'amour, de joie et de bonheur », notamment en donnant la clé de la félicité qui est enfoui en chacun.

Lancé aux Etats-Unis à la fin des années 1970, l'Insight training seminar est enseigné en France quelques années plus tard, la maison mère ayant décidé d'y attribuer des licences d'exploitation qui fixent à 10 % le taux de reversement du produit des stages.

Plusieurs personnes implantées en Ile-de-France ou en PACA ont enseigné le séminaire dans le cadre de la formation professionnelle. La presse s'est fait l'écho de stages organisés pour la RATP, EDF ou IBM et d'un contrat signé avec l'association de lutte contre le Sida, AIDES.

La Commission a eu connaissance d'une association, Phylaë SDP, dépositaire d'une licence d'exploitation de l'Insight training seminar et immatriculée comme organisme de formation auprès du SRC de la région PACA. Dirigée par Mme Patricia Malissart, cette association n'a pas déclaré d'activité au cours des deux derniers exercices, et son numéro d'immatriculation a été déclaré caduc.

Les stages organisés par Phylaë SDP proposent des « expériences éducationnelles qui éveillent les participants à la sagesse de leur c_ur », en couvrant des « aspects fondamentaux de la relation à soi et aux autres ». Ils mettent les participants dans des situations proches de la vie quotidienne notamment par des exercices de  « relaxation et d'imagination guidée ». Ces stages d'une durée de 8 heures étaient facturés, en 1996, 4.560 francs par personne. Ils ont été financés par plusieurs entreprises qui les ont imputés sur leur contribution à la formation professionnelle.

· Les sectes reconverties dans la formation professionnelle

Plusieurs mouvements sectaires, connus pour des pratiques extérieures au monde de l'entreprise, se sont reconvertis dans la formation professionnelle.

Anthropos fait partie des sectes répertoriées parmi les mouvements issus du Nouvel-âge. Fondée sur le holisme, c'est-à-dire sur une conception épistémologique qui relie chaque énoncé scientifique au domaine dans lequel il voit le jour, cette secte cherche à « développer l'homme dans son corps et dans son esprit ». Créée par Bernard Alexandre, Anthropos a trouvé un débouché dans la formation par la conception d'un séminaire d'activation mentale mélangeant des techniques sophrologiques et de la programmation neuro-linguistique. Ce stage a été introduit sur le marché par plusieurs organismes immatriculés auprès de l'administration de la formation professionnelle. Il est actuellement proposé aux entreprises par le Centre Michel Odoul, du nom du successeur de Bernard Alexandre décédé en 1996, qui a déclaré régulièrement son activité au SRC d'Ile-de-France, et semble constituer la structure la plus active.

L'Institut des sciences holistiques de l'Ouest appartient à la même mouvance. Fondée dans la région de Nantes, cette secte a connu une expansion importante à partir du début des années 1980 avec la création de plusieurs structures de vente de produits diététiques, ésotériques ou biologiques. Elle s'est plus récemment investie sur le marché de la formation professionnelle, ses deux dirigeants, MM. Jean-Pierre Le Gouguec et Gilles Pagé s'étant immatriculés auprès du SRC de Bretagne comme formateurs individuels. A ce titre, ils ont dispensé, sous le couvert de leur numéro d'immatriculation, des stages intitulés « soins du corps énergétique » destinés à former des thérapeutes capables d'appliquer les techniques de la secte et de traiter ses thèmes favoris, comme le reiki, le karma et la réincarnation, la cristallo-thérapie ou les élixirs floraux. D'une durée totale de 130 heures réparties sur une ou deux années, ces stages ont été suivis par des personnes à titre individuel et à leurs frais. Une autre convention de formation fait état d'une prestation intitulée « psychologie holistique » qui se déroule sur trois ans afin d'initier des psychothérapeutes spécialisés dans les relations humaines et les phénomènes d'émergence spirituelle. Le produit annuel tiré de ces formations, tel qu'il ressort des déclarations faites par les deux formateurs, se situe selon l'exercice entre 354.237 et 664.162 francs par an et par personne. On notera également qu'une attestation justifiant l'exonération de TVA a été fournie aux deux formateurs.

Mme Claude Bardin a fondé Vital Harmony au château de Vaux dans le Loiret afin de créer un centre spirituel de guérison appliquant les préceptes qu'elle a appris dans l'ashram de Saï Baba en Inde. Ce centre est devenu un important complexe proposant des cures et des séjours de remise en forme physique et de ressourcement spirituel. La Commission a eu connaissance de deux organismes de formation professionnelle liés à cette secte : Excellence international, en activité dans le Nord-Pas-de-Calais et qui a fait l'objet de plusieurs plaintes émanant d'entreprises ; et Agorh conseil SARL, immatriculée dans la région centre.

Vital Harmony est surtout présente sur le marché de la formation professionnelle à travers M. Jacques Michel Sordes, proche de Mme Claude Bardin, mêlé à plusieurs affaires d'escroquerie en tout genre portées devant les tribunaux et dont le cabinet a été enregistré à Paris comme organisme de formation. Cette immatriculation a permis à M.  Sordes de proposer des cures anti-stress ou d'amaigrissement, chèrement payées et assorties de la vente de produits nutritionnels. Le « formateur » a même tenté de mettre en place un réseau d'instructeurs sous licence.

M. Sordes exerce actuellement dans le centre « Jacques M. Sordes- Forme autrement » à Tonneins, dans le Lot-et-Garonne, où il propose, en sa qualité de formateur, différentes prestations, comme le stage Exsanli (excellence sans limite) d'une durée de 7 sept jours vendu pour 7.700 francs, ou des cures de « physio-neuro-énergie » (PNE) de 8 jours coûtant 14.285 francs. Les documents publicitaires précisent les méthodes utilisées pour ces cures, et citent notamment le recours à des « outils de détoxination que sont le jeûne, une diète végétarienne, une mono-diète, des irrigations côloniques, des bains bouillonnants à l'ozone, des séances de sudation ... ». Un séjour « ressourcement » à Tonneins comprend des séances de méditation, des marches collectives ou des excursions, et, éventuellement, des « soins » (drainage lymphatique, pressothérapie, cryothérapie...), suivis d'un « partage du vécu de la journée », la soirée pouvant être consacrée à des entretiens privés avec l'un des responsables du centre, et le tout étant entrecoupé de repas constitués d'un bouillon de légumes, la diète étant une des composantes essentielles de la PNE.

Cette « arnaque » est vendue à l'aide d'un bordereau d'inscription sur lequel, en en-tête, figure la mention « Jacques M. Sordes (...) Organisme de formation déclaré à Paris sous le n° 11-75-181134-75 ». Les prestations dispensées par M. Sordes ont en outre une forte connotation paramédicale : même s'il indique avec prudence que sa méthode ne soigne pas les maladies, il prétend que les cures permettent « une meilleure efficacité du système immunitaire face aux agressions microbiennes et virales » et « une meilleure et plus rapide récupération post-opératoire ». En outre, plusieurs produits sont proposés pour accompagner les cures : en dehors des traditionnels livres, cassettes et films vendus entre 150 et 2.400 francs et intitulés, entre autres exemples, « créez votre sanctuaire intérieur » ou « l'argent et vivre l'abondance », on trouve des compléments alimentaires (« chlorella », « creen basic », « test Ph urinaire » ou « plaques pôle énergie ») proposés entre 48 et 950 francs.

Les sectes guérisseuses se reconvertissent volontiers dans la formation professionnelle. Fondatrice du mouvement intitulé « Energie et création », Mme Marie-France O'Leary prétend disposer de dons de guérisseuse et de magnétiseuse. Elle a créé dans la Nièvre l'entreprise « Energie et créativité », rebaptisée récemment « Mon corps parle », qu'elle a immatriculée auprès du SRC de la région Bourgogne. Grâce à cette immatriculation, elle exerce ses activité de « formatrice » auprès de particuliers pour des montants non négligeables (329.740 francs en 1998) pour lesquels elle bénéficie de l'exonération de TVA. On peut s'interroger sur le degré de rattachement de ses activités à la formation professionnelle. Dans la bilan pédagogique de 1998, on lit en effet les intitulés de stage suivants : « créer : les mot et l'image », «  je rêve et je réalise mon rêve », « mon corps parle », « le magnétisme » ...

Le Corps miroir est une autre secte appartenant à la mouvance Nouvel-âge guérisseuse qui considère qu'il faut aller chercher la guérison dans sa propre conscience. Pour guérir, il faut en effet changer sa manière d'être et sa conscience en faisant appel aux membres de la secte, seuls détenteurs des énergies nécessaires. Plusieurs structures ont été créées en France pour diffuser les méthodes du Corps miroir, et notamment l'association « Système corps miroir », remplacée par « Savoir changer maintenant » et immatriculée comme organisme de formation auprès du SRC de la région PACA. Cette dernière structure, gérée par Mme France Scaltritti, a déclaré avoir disposé en 1996 d'un produit de 96.800 francs tirés de recettes émanant de la formation professionnelle.

L'association « Savoir changer maintenant » a formé plusieurs instructeurs, notamment une personne dénommée Xanalt Lichy, enregistrée comme formateur individuel en Ile-de-France. Ce formateur apparaît dans une plaquette commerciale comme l'organisateur d'un stage dispensé par la société Kevala. Il s'agit d'une SARL ayant pour objet la conception, la fabrication et le négoce de produits diététiques, minéralogiques et cosmétologiques qui, dûment enregistrée au SRC de la région PACA, s'est spécialisée dans l'angélisme. Sous couvert de son numéro d'immatriculation auprès de l'administration de la formation professionnelle, numéro qu'elle présente comme un agrément, elle organise des stages de communication avec les anges, facturés 17.200 francs par personne hors hébergement. Les 152 stagiaires figurant au bilan pédagogique et financier viennent de France, de Suisse et du Canada. Kevala a déclaré en 1997 un chiffre d'affaires de 2.137.000 francs dont 890.000 francs apparaissent au bilan pédagogique et financier au titre de l'activité de formation. Cette société qui prétend communiquer avec les anges n'a pas, pour autant, renoncé à demander, et à obtenir de l'administration fiscale une exonération de TVA. Son immatriculation au registre du SRC a été considérée comme une preuve suffisante de son appartenance au champ de la formation professionnelle.

· Les sectes ayant une activité de formation annexe

Plusieurs sectes, parfois importantes par le nombre de leurs adeptes ou leur poids financier, et souvent connues du grand public pour leur prosélytisme exercé à l'extérieur de l'entreprise, ont décidé de créer des organismes de formation. Il s'agit d'une branche d'activité particulière, parfois située au sein d'une organisation aux ramifications complexes et pluri-sectorielles, destinée à asseoir l'influence de la secte dans la sphère économique.

Très active dans le secteur de l'éducation, l'Anthroposophie a logiquement constitué des organismes de formation, et notamment le Foyer Michaël, centre pour adultes spécialisé dans le développement personnel, qui a déclaré avoir atteint un chiffre d'affaires de 551.576 francs pour l'exercice 1997-1998, dont une partie a été financée par un FONGECIF et par l'Etat. Dans la même mouvance, NEF conseil SARL et l'Ecole libre Rudolph Steiner bénéficient ou ont bénéficié d'une immatriculation auprès d'un SRC.

La présence de l'Office culturel de Cluny sur le marché de la formation professionnelle est attestée par l'Association Sainte Espérance, immatriculée auprès du SRC de Rhône-Alpes et installée dans le château de Machy, principal centre d'activité de la secte. Cette dernière est surtout représentée par la SARL MK Conseils, déclarée en 1996 dans la région Centre par le président de l'Office, M. de Kiss. Cette société déploie une activité de formation importante, son chiffre d'affaires ayant atteint 2,7 millions de francs au cours de l'exercice 1997-1998. Elle a dispensé des formations auprès de salariés du Bazar de l'Hôtel de Ville à Paris, de Cap Gemini et de Philips.

Le Mouvement du Graal a une activité de formation à travers le Groupe d'enseignement en acupuncture nouvelle et traditionnelle (GEANT), immatriculé depuis 1988 dans le Nord-Pas-de-Calais. Ce groupe a déclaré avoir formé quatre sages-femmes à l'acupuncture et trente-et-un médecins dans le cadre de leur formation professionnelle continue. Ces stages sont révélateurs de l'influence du mouvement dans les milieux médicaux. La Commission ne cache pas son inquiétude devant leur existence. Il s'agit en effet de stages dispensés par une secte dont plusieurs membres sont médecins et ont été sanctionnés par leurs instances ordinales.

La Nouvelle acropole a disposé d'un organisme de formation à travers la société Hermès consultants dirigée par Mme Isabelle Ludwig, présidente de l'association mère de la secte. Immatriculée au SRC d'Ile-de-France, cette société, aujourd'hui radiée du registre du commerce, a notamment formé des salariés de la FNSEA.

Le Mandarom a également constitué une branche formation professionnelle avec l'Ecole des arts et des sciences de la vie, dénommé Hamsah Institut. Il s'agit d'une association installée à Aubagne dans les Bouches-du-Rhône. Disposant d'un numéro d'immatriculation qu'elle présente dans sa plaquette publicitaire comme un numéro d'agrément, elle propose notamment une formation intitulée « la santé par la maîtrise des lois naturelles régissant l'homme et son environnement » qui comprend plusieurs cycles destinés à rendre le stagiaire apte à exercer les soins et les bilans de santé, puis à se spécialiser dans une des techniques enseignées par l'école (nutrithérapie, médecine énergétique ou aryuvédique, aromathérapie, herboristerie ...).

C'est également le cas de la Fraternité blanche universelle au sein de laquelle Mme Danièle Kieffer, une des responsables de la secte, a fondé l'association Cenatho, immatriculée comme organisme de formation depuis 1990, dont l'activité de formation semble particulièrement dynamique, le bilan pédagogique et financier de 1997 faisant apparaître un chiffre d'affaires de 1.957.595 francs.

Par ailleurs, la Méditation transcendantale, pourtant a priori peu présente dans le monde de l'entreprise, a immatriculé auprès de l'administration de la formation professionnelle une de ses implantations, le Centre de formation pour l'optimisation des ressources humaines (FOREH). Installé à Mirande dans le Gers, ce centre propose des itinéraires pédagogiques destinés notamment à connaître « les sources de la créativité » par l'utilisation de la technique de la méditation transcendantale. D'une durée de 20 heures, ce stage était facturé 5.000 francs en 1995.

Enfin, la Maison de Jean, mouvement mêlé à plusieurs affaires judiciaires, s'appuie sur la société Exoforma, structure gérée par le dirigeant de la secte, M. Claude André, et immatriculée en Ile-de-France comme organisme de formation. Exoforma a conclu plusieurs conventions de formation avec l'ANFA , organisme de formation et de mutualisation du secteur automobile, au sein duquel M. André était, au moment de la signature de ces conventions, responsable des affaires générales et sociales. Ainsi, dans le cadre du plan de formation du personnel de l'ANFA, Exoforma a réalisé une initiation à des logiciels de bureautique pour 27.500 francs. La société a également reçu de l'ANFA 24.000 francs pour un module destiné à des jeunes sous contrat d'orientation à l'emploi. Elle a enfin été retenue par le même organisme pour l'exécution d'un marché de 450.000 francs comprenant la réalisation d'une opération de diffusion de supports d'information destinés à promouvoir les métiers de la profession de la branche automobile. L'ensemble de ces conventions a été conclu au début des années 1990. Pour autant, Exoforma semble avoir déclaré au SRC une activité qui ne reflète pas l'importance des prestations réalisées.

e) Des infractions nombreuses

Très présentes sur le marché de la formation professionnelle, les sectes agissent souvent en enfreignant la loi. Malgré leur manque de moyens, les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle ont mis à jours plusieurs cas d'infraction au code du travail qui sont un indice de l'ampleur de la fraude déployée.

· La transgression des règles de déclaration des formateurs

Les formateurs liés à des organisations sectaires, qu'il s'agisse de personnes physiques, de sociétés ou d'associations, ne respectent pas toujours les règles prévues par le code du travail en matière de déclaration et d'utilisation du numéro d'immatriculation.

Certains formateurs ne sont pas enregistrés. C'est, par exemple, le cas de Mme Jacqueline Moreau, « master » licencié par Star's Edge international, qui a diffusé auprès d'entreprises de la région PACA un document publicitaire proposant des stages Avatar, dans lequel elle se prétend « agréée par la formation permanente » alors qu'elle n'était même pas déclarée auprès du SRC de sa région.

Les exemples d'utilisation d'un numéro d'immatriculation déclaré caduc par l'administration sont assez fréquents, et montrent la limite du dispositif de radiation mis en place en 1990. Récemment installé au 11 boulevard Montmartre à Paris, Landmark education international continue à proposer des stages alors que l'administration lui a notifié la caducité de sa déclaration. De même, M. Jacques Michel Sordes continue à se prévaloir de son numéro d'immatriculation en Ile-de-France en le mentionnant sur les documents publicitaires de formations qu'il organise actuellement dans son centre du Lot-et-Garonne. Il déploie également une activité, sous le même numéro, en Martinique et en Guadeloupe. L'Institut des sciences holistiques de l'Ouest utilise encore les numéros d'immatriculation de M. Pagé et de Mme Le Gouguec, alors que, comme on va le voir ci-dessous, le préfet de la Région Pays-de-Loire leur a interdit une telle utilisation.

L'infraction la plus fréquente consiste à faire passer un numéro d'immatriculation pour un numéro d'agrément, et à en faire état dans des documents publicitaires, contrairement aux dispositions de l'article L. 920-6 du code du travail. Un tel détournement est notamment utilisé par l'Ecole des arts et des sciences de la vie liée au Mandarom, par Mme Carole Hannequin (« master » avatar) et par M.  Sordes. Il s'agit en effet d'une pratique difficilement contrôlable, et un seul exemple de poursuite engagée sur de tels faits a été porté à la connaissance de la Commission. Il porte sur l'Institut de sciences holistiques de l'ouest qui a été condamné en 1996 pour utilisation d'un numéro d'immatriculation comme un label public attestant sa qualité de formateur.

· Le financement d'actions ne relevant pas de la formation professionnelle

Les services régionaux de contrôle ont pu démontrer que certaines formations dispensées par des organismes sectaires n'entraient pas dans le champ de la formation professionnelle. Ces exemples apportent la preuve que les sectes détournent l'obligation de contribution des entreprises pour financer leurs actions de prosélytisme.

Les contrôles des SRC s'appuient sur une décision du Tribunal administratif de Strasbourg rendue au sujet d'un stage de développement dispensé par un organisme non lié à une secte, mais dont le contenu se rapprochait des techniques employées par ces dernières. Le tribunal a en effet considéré que « les actions dont la finalité est la prise de conscience de soi et des autres ou les actions qui sont utilisées comme démarche de développement personnel des participants ne relèvent pas directement de la formation professionnelle continue telle que définie par le législateur ».

À la suite de contrôles, plusieurs stages dispensés par les organismes ou les personnes mentionnées plus haut ont ainsi fait l'objet d'une décision de rejet de la part de l'administration de la formation professionnelle, au motif qu'ils ne pouvaient pas être rattachés aux catégories des actions définies à l'article L.900-2 du code du travail. Les séminaires Avatar organisés par Otium ont été par exemple assimilés à « une démarche strictement personnelle » et exclus à ce titre du champ de la formation professionnelle. De même, les caractéristiques des stages de développement personnel organisés par l'Institut des sciences holistiques de l'Ouest ont poussé l'administration à considérer les dépenses correspondantes comme extérieures à ce champ. C'est également le traitement qui a été réservé aux séminaires développés par Innergy qui ont été apparentés à une simple « démarche de développement personnel visant à l'amélioration du bien-être de l'individu », et à la méthode Silva dont le contrôle a démontré qu'elle reste centrée sur « le mieux-être personnel (...) au moyen de méthodes relevant de la psychologie ou de la thérapie individuelles ».

Le contrôle réalisé sur les stages Avatar organisés par le Centre d'épanouissement personnel de Céret dans les Pyrénées-orientales a montré que la secte a utilisé le dispositif de la formation professionnelle pour financer non seulement son action de prosélytisme, mais aussi les frais individuels de ses dirigeants. Le contrôleur a en effet mis en évidence que ces derniers ont imputé sur les frais du stage d'importantes et nombreuses dépenses personnelles ou directement liées à la préparation d'activités extérieures. Une partie des fonds publics estimée à 229.223 francs a donc servi à financer des voyages et de séjours en France et à l'étranger, des achats d'ouvrages et des frais de publicité.

Bien qu'elles soient encore trop rares, les décisions prises par l'administration sur le fondement de la jurisprudence administrative permettent de remettre à leur juste place les stages de développement personnel conçus par les sectes. Elles montrent qu'il s'agit de simples actions de sensibilisation à une méthode particulière, parfois accessible à des enfants c'est-à-dire à un public non professionnel, et ne permettant pas la transmission d'un acquis mesurable. Une telle mise au point a le mérite de tenter d'endiguer le développement de techniques souvent caricaturales - les exemples examinés plus haut en sont l'illustration - préjudiciables aux conséquences positives que les travaux menés dans le domaine du développement personnel peuvent apporter à la vie de l'entreprise en améliorant les compétences professionnelles.

Pour autant, les conséquences juridiques de telles décisions ne sont pas clairement définies par le code du travail. Le rejet de dépenses de formation entraîne le remboursement par l'organisme des sommes correspondantes. S'il démontre que l'activité n'entre pas dans le champ de la formation professionnelle, le SRC peut retirer le bénéfice de l'exonération de TVA et en avertir les services fiscaux. Ce retrait ne semble cependant pas systématique. La Commission n'a par exemple retrouvé aucune trace des effets du contrôle du Centre d'épanouissement personnel sur son assujettissement à la TVA. Au demeurant, ni le code général de impôts ni l'instruction fiscale publiée sur ce point n'indiquent la marche à suivre. De même, les conséquences des contrôles sur la validité des déclarations des organismes ne sont pas précisées par le code du travail. Dans le cas de l'Institut des sciences holistiques de l'ouest, le préfet a interdit aux formateurs d'utiliser à l'avenir leur numéro d'immatriculation. Une telle décision fait cependant figure d'exception, et la législation mériterait d'être plus précise sur ce point. Enfin, les possibilités d'amendes semblent peu utilisées. Le détournement de fonds publics mis en évidence par l'affaire du Centre d'épanouissement personnel n'a, à la connaissance de la Commission, entraîné le paiement d'aucune amende au Trésor. De telles dispositions sont pourtant prévues aux articles L.920-9 et L.920-10 du code du travail.

Les possibilités de poursuites pénales ne semblent pas, elles non plus, être utilisées. La Commission n'a eu connaissance d'aucun exemple de procédure pénale engagée par l'administration de la formation professionnelle à l'encontre de personnes liées à des organisations sectaires pour des faits entrant dans le cadre de leurs activités de formation, bien que ces poursuites soient prévues par le code du travail.

Ce constat s'explique, non par la rareté des infractions, mais plutôt parce que l'administration semble peu encline à saisir le parquet des affaires qu'elle découvre lors de ses contrôles. Il est par exemple symptomatique qu'aucune poursuite n'ait été engagée dans l'affaire du Centre d'épanouissement personnel de Céret.

2.- Une réforme nécessaire

L'influence que les sectes ont acquise sur le marché de la formation professionnelle est révélatrice de l'état d'un secteur qui, en se développant très rapidement, a donné naissance au meilleur comme au pire. La Commission souhaite proposer des modifications de la réglementation qui permettent au dispositif d'agrément voté en 1995 d'être enfin appliqué. Elle suggère également des aménagements techniques susceptibles de freiner le développement des pratiques sectaires. Enfin, elle compte sur une plus grande mobilisation des acteurs concernés grâce à un programme de sensibilisation et l'utilisation de toutes les dispositions offertes par le code du travail.

a) Permettre un agrément et un contrôle efficaces

L'obstacle avancé pour expliquer la non-application de la loi du 4 février 1995 repose sur un manque de moyens : l'Etat ne dispose pas, ou ne veut pas affecter, des effectifs suffisants pour organiser l'agrément des organismes de formation. Le même argument est utilisé pour justifier l'extrême faiblesse du nombre de contrôles.

Afin de trouver une solution aux insuffisances chroniques de moyens mises en avant par l'administration, la Commission propose de confier l'agrément et le contrôle des organismes de formation à un établissement public administratif auquel une part de la contribution annuelle des employeurs serait affectée.

Cette « agence d'agrément et de contrôle » assurerait le rôle actuellement joué par le Groupe national et les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle. En s'inspirant des pouvoirs donnés à certains organismes comme l'Agence du médicament, elle disposerait d'inspecteurs et, de manière plus générale, de moyens conséquents, directement financés sur les fonds de la formation.

Sur ce point, la fusion en cours d'achèvement du corps des inspecteurs du travail et de celui des inspecteurs de la formation professionnelle risque d'avoir un effet contreproductif qui renforce la nécessité de la réforme proposée par la Commission. On peut craindre en effet que cette fusion se traduise par une marginalisation du contrôle des activités de formation, les agents de ce corps unifié privilégiant les compétences traditionnelles de l'inspection du travail.

Le montant du prélèvement sur la contribution des employeurs au financement de la formation professionnelle serait affecté à cette agence dans une proportion fixée en fonction de ses besoins. Cette recette ne se traduirait par aucune augmentation des charges des entreprises, puisqu'elle serait prélevée sur le montant de la contribution à enveloppe constante.

b) Des aménagements techniques utiles

La réglementation de la formation professionnelle mériterait d'être aménagée sur deux points : l'automaticité de l'exonération de TVA, et les conséquences des contrôles sur l'immatriculation des organismes.

L'octroi d'un avantage fiscal fondé sur une simple déclaration d'activité semble constituer un facteur de multiplication des structures, et susciter un effet d'appel préjudiciable à l'homogénéité du marché et à la qualité des formations. La Commission suggère de réserver l'exonération aux organismes dûment agréés.

Le code du travail ne fixe pas les conséquences des contrôles sur l'immatriculation des formateurs. Tout organisme dont un contrôle a révélé qu'il ne rentrait pas dans le cadre de la formation professionnelle ou qu'il s'est prêté à des man_uvres frauduleuses ne perd donc pas automatiquement le bénéfice de sa déclaration préalable, et peut continuer à utiliser son numéro d'immatriculation. Il conviendrait par conséquent de donner explicitement à l'administration, parallèlement au dispositif de caducité actuellement en place, le pouvoir de retirer l'immatriculation aux organismes contrôlés. De telles décisions devraient être motivées et resteraient soumises au contrôle du juge.

c) Une plus forte implication de l'administration

La distorsion grandissante entre le nombre d'organismes de formation et les moyens mis en _uvre par l'Etat montre combien il est urgent de mobiliser l'administration.

Sur ce point, la Commission soutient la disposition du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui étend les compétences de la Cour des comptes aux organismes recevant des « cotisations légalement obligatoires » ou « des versements libératoires d'une obligation légale de faire ». Par cette disposition, la juridiction financière trouverait dans la formation professionnelle un terrain particulièrement propice à son contrôle. Cette mesure contribuerait à combler une partie de l'actuelle insuffisance des moyens de contrôle.

Le code du travail prévoit plusieurs dispositions que l'administration n'utilise pas ou peu. Les man_uvres frauduleuses qui ont été examinées plus haut n'ont, par exemple, pas donné lieu à l'assujettissement à l'amende payable au Trésor public prévue à l'article L.920-9, ni aux poursuites pénales prévues à l'article L.993-2. Le rejet de dépenses pour le caractère excessif de leurs prix semble être peu appliqué. De même, les contrôles portés à la connaissance de la Commission montrent que les règles relatives à la publicité et au démarchage sont peu sanctionnées, bien qu'elles soient fréquemment tournées par les formateurs. Il est donc important que l'Etat utilise davantage toutes les dispositions que le code du travail lui offre.

La lutte contre le renforcement des réseaux sectaires dans la formation professionnelle passe également par une action de sensibilisation et de circulation des informations. Sur ce point, l'organisation régionale constitue un frein à leur diffusion. Un organisme de formation dont le lien avec un mouvement sectaire est connu d'un SRC peut s'implanter dans une autre région sans que l'information suive. La Commission suggère que, par voie de circulaire, une sensibilisation nationale à l'influence des sectes dans la formation professionnelle soit organisée au sein de toutes les administrations concernées, afin de décrire les méthodes de démarchage utilisées et les principales caractéristiques du contenu de stages dispensés et de présenter les infractions qui peuvent être retenues contre les formateurs concernés. Il est enfin indispensable que les entreprises soient alertées sur l'influence des sectes dans la formation par une campagne de sensibilisation organisée conjointement par l'Etat et les organisations professionnelles.

d) Encourager les efforts en faveur de la déontologie

La Commission considère que les efforts d'amélioration de la formation professionnelle, par le développement des labels de qualité, représentent un des meilleurs moyens de lutter contre l'influence des sectes.

Les travaux menés sous l'égide de l'AFNOR ont abouti à une certification « NF » des organismes de formation. Depuis 1990, un organisme professionnel de qualification (OPFQ) accorde un label en fonction de la pérennité, du professionnalisme et des références clients de la structure. Par ailleurs, certains secteurs ont mis en place leur propre label, comme le réseau des GRETA au sein de l'éducation nationale ou celui des chambres de commerce et d'industrie.

Ces expériences restent aujourd'hui embryonnaires. La qualification OPFQ ne concerne par exemple actuellement que 485 organismes. L'Etat a certainement un rôle d'incitation à jouer : il pourrait organiser avec la profession, et notamment la Fédération de la formation professionnelle, un programme de « labellisation » qui mettrait tout particulièrement l'accent sur les dangers que représentent les sectes pour la formation professionnelle.

II.- UN POIDS FINANCIER INSOUPÇONNÉ

Mesurer la richesse des sectes n'est pas une tâche aisée. Les mouvements sectaires, à quelques exceptions près, entretiennent le mystère sur le montant des sommes qu'ils brassent. Dans ses investigations, la Commission s'est souvent heurtée à l'opacité des organisations et à la clandestinité des mouvements financiers. Les annexes au rapport font la synthèse des principales informations qui lui ont été communiquées sur trente sectes considérées comme financièrement les plus puissantes.

Un rapide examen de ces documents conduit à remarquer la présence de trop nombreuses rubriques non renseignées. Ainsi, la Commission n'a pas été en mesure d'apporter des informations chiffrées sur les revenus de plusieurs sectes, comme la Fraternité blanche universelle, l'Eglise universelle du royaume de Dieu ou Energo-chromo-kinèse. L'émergence de Prima Verba, Avatar ou Landmark, c'est-à-dire de mouvements éclatés en une multitude de personnes physiques ou morales chargées de propager la méthode ou le message sectaires, interdit toute globalisation des mouvements financiers en cause, bien que de nombreux indices montrent l'importance de la circulation d'argent. Ces lacunes s'expliquent souvent par l'absence d'enquêtes administratives et surtout par la fin de non recevoir que les mouvements concernés ont opposée au dialogue que la Commission a tenté d'instaurer en leur adressant un questionnaire. Sur ce point, l'attitude de la Scientologie est révélatrice : neuf des quatorze associations scientologues interrogées ont refusé de communiquer les résultats de leur comptabilité. Leurs réponses, rédigées sur un modèle unique, ne peuvent, aux yeux de la Commission, que renforcer la clandestinité qui entoure les pratiques de cette secte. L'attitude d'organisations comme Le Mandarom, le Mouvement raëlien et Tradition Famille Propriété, justifie la même appréciation: au-delà des protestations et des demandes d'audition, la Commission n'a reçu de leur part aucune réponse à ses questions.

Malgré leur insuffisance, les éléments réunis permettent de faire un constat d'ensemble : beaucoup de sectes ont acquis un véritable poids financier, et l'argent qui circule dans la mouvance sectaire atteint un niveau que la Commission ne soupçonnait pas. Ce constat est d'autant plus inquiétant que les chiffres qui vont être commentés et ceux qui figurent dans les documents annexés au rapport se situent, la Commission en a la certitude, en-dessous de la réalité. Les informations recueillies concernent les structures les plus apparentes et ne couvrent pas l'intégralité du réseau associatif sectaire, notamment les sommes rassemblées par les établissements locaux sur lesquels, faute de temps, la Commission n'a pas été en mesure d'enquêter de manière approfondie, à quelques exceptions près.

L'enquête a également permis de dégager des points communs dans l'origine et la finalité des biens détenus par les sectes. Malgré leurs différences d'inspiration, les sectes ont les mêmes sources de revenu et les mêmes manières de les utiliser. En d'autres termes, si toutes les sectes n'ont pas la même richesse, elles recourent à des méthodes comparables et montrent le même intérêt pour l'argent.

A.- UNE RICHESSE INÉGALE

Tout d'abord, un constat d'évidence qui mérite néanmoins d'être rappelé : toutes les sectes ne sont pas riches dans la même proportion. Cette inégalité devant l'argent s'explique par l'ancienneté du mouvement, les organisations les plus anciennes disposant généralement des fortunes les plus solides. Le degré d'audience joue également dans l'importance de leurs revenus. Cette influence est d'autant plus grande que les adeptes constituent, la plupart du temps, la principale source de financement des sectes par les dons qu'ils lui apportent et les prestations ou produits qu'ils lui achètent. La richesse d'une secte dépend aussi de son aptitude à recueillir de l'argent, et il existe sur ce point, on va le voir, des mouvements plus ou moins efficaces.

La Commission n'est pas en mesure d'établir un palmarès précis des plus grandes fortunes sectaires françaises. Ce n'est au demeurant ni son souhait, ni son objet. Elle souhaite en revanche faire la distinction entre plusieurs niveaux de richesse. Ces niveaux découlent des informations qu'elle a recueillies sur les trente mouvements considérés comme financièrement les plus puissants. Deux critères ont été pris en considération : d'une part le « chiffre d'affaires » de la secte, c'est-à-dire le montant des revenus annuels de l'organisation (le terme de chiffre d'affaires devant être pris dans une acception plus large que son sens comptable strict) ; d'autre part le patrimoine de la secte tel qu'il peut être appréhendé à travers le montant de l'actif qui figure dans les comptes de ses structures, et à partir de l'évaluation de ses biens immobiliers. Mesurées selon ces deux étalons, les sectes peuvent être réparties en cinq catégories.

1.- Les deux sectes les plus riches

Deux organisations sortent incontestablement du lot par le poids financier qu'elles représentent. Il s'agit des Témoins de Jéhovah et de la Scientologie.

Les responsables des instances dirigeantes de l'organisation jéhoviste ont accepté de répondre à la plupart des questions de la Commission. La consolidation des éléments qu'ils ont transmis permet d'évaluer le chiffre d'affaires de la secte à 200 millions de francs par an (soit 130 millions de francs provenant des associations nationales et 70 millions de francs des associations locales) et son actif net comptable à un milliard de francs répartis entre 400 millions de francs détenus au niveau central et le patrimoine immobilier des implantations territoriales estimé à 600 millions de francs. Cette évaluation n'inclut cependant pas le portefeuille financier que les associations locales détiendraient.

Faute d'éléments précis communiqués par les associations scientologues, le poids financier de la secte créée par Ron Hubbard est plus difficile à évaluer. La Commission dispose cependant de l'estimation réalisée au moment du procès de l'Eglise de scientologie de Lyon. À partir de cette enquête dont le détail est exposé plus loin, le chiffre d'affaires de la Scientologie en Europe peut être estimé à plus de 300 millions de francs par an, sur lesquels, selon des informations extra-judiciaires présentées ci-dessous, 60 millions de francs au moins viendraient de France.

   2.- Les « grandes sectes »

On peut regrouper sous cette appellation huit des trente sectes présentées en annexe. Il s'agit de mouvements qui, sans atteindre les montants recueillis par les Témoins de Jéhovah et la Scientologie, drainent plusieurs dizaines de millions de francs chaque année. La Soka Gakkaï est, par sa richesse, la troisième secte implantée en France : son patrimoine, acquis en partie grâce aux apports venant de l'organisation mère, représente 240 millions de francs, et son budget annuel atteint, certains exercices, une vingtaine de millions de francs. Viennent ensuite l'AMORC avec un actif net comptable de 140 millions de francs et une trentaine de millions de recettes annuelles, puis Mahikari avec respectivement 60 et 15 millions de francs. On trouve également l'Eglise néo-apostolique dont les recettes sont estimées, certaines années, à près de 20 millions de francs, et qui dispose d'un patrimoine immobilier estimé à plus de 130 millions de francs.

Bien que la Commission ne dispose pas d'éléments directement issus de leur comptabilité, le Mandarom et l'Anthroposophie disposent indiscutablement d'une « grosse fortune ». Les mouvements de fonds réalisés par la première atteignent en effet plusieurs dizaines de millions de francs, et les immeubles de la seconde sont estimés à plus de 33 millions de francs.

Par ailleurs, deux mouvements détiennent encore une indéniable puissance financière assise sur des investissements anciens, bien que, pour des raisons différentes, leur influence en France soit remise en question. Dianova dispose toujours d'un parc immobilier évalué à plus de 100 millions de francs, issu des achats réalisés par les structures créées par M. L.J. Engelmajer. La branche française de la secte Moon est également à la tête d'un patrimoine parfois prestigieux qui, d'après les éléments transmis à la Commission, dépasse 40 millions de francs.

3.- Les « sectes moyennes »

Plusieurs mouvements atteignent chaque année un chiffre d'affaires allant de 5 à 20 millions de francs, et entrent ainsi dans la moyenne des revenus sectaires. Huit des trente groupes faisant l'objet d'une annexe se situent dans cette moyenne.

On y trouve Ogyen Kunzang Chöling dont les recettes annuelles sont estimées à 25 millions de francs, l'Eglise du Christ (entre 7 et 9 millions de francs), Invitation à la vie et l'Office culturel de Cluny (6 millions de francs certaines années). De même, avant la fin de ses activités, le budget d'Au coeur de la Communication (ACC) dépassait 5 millions de francs. L'ensemble de ces mouvements, à l'exception de l'Eglise du Christ et d'ACC, dispose par ailleurs d'un patrimoine honorable qui oscille entre 4 et 10 millions de francs.

Trois sectes n'ont pas communiqué le montant de leur budget, mais l'importance des biens immobiliers qu'elles possèdent ou qu'elles utilisent permet de les situer dans la moyenne de leur « congénères ». Il s'agit de Krishna, de Tradition famille propriété et du Mouvement du Graal qui contrôlent un patrimoine supérieur à 10 millions de francs.

4.- Les « petites sectes »

Les autres organisations sectaires semblent, si l'on en croit les montants qu'elles ont déclarés, disposer d'un poids financier moindre. Comme le montrent les annexes, c'est apparemment le cas de quatre sectes sur lesquelles la Commission a recueilli des informations relativement précises qui montrent que leurs budgets varient entre 1 et 3 millions de francs. Il s'agit souvent d'organisations dont l'audience est plus réduite. Elles n'en sont pas pour autant dénuées de moyens financiers, comme le montrent les exemples des Roses Croix d'or et de la Pentecôte de Besançon dont le parc immobilier est évalué à une quinzaine de millions de francs.

S'agissant des mouvements qui, bien que répertoriés dans le rapport de 1995, ne font pas l'objet d'une analyse spécifique en annexe, la Commission n'a pas eu connaissance d'informations montrant l'existence d'une puissance financière particulière. Elle aurait tendance à ne leur attribuer qu'un poids financier moindre, tout en gardant une certaine prudence devant les possibilités d'activités clandestines et d'investissements par personnes interposées que recèle toute activité sectaire.

5.- Les sectes inclassables

Sept sectes ne peuvent être rattachées à aucun des groupes précédemment décrits. Aucune information suffisamment précise n'a en effet été communiquée à leur sujet, soit que les organisations concernées aient refusé de répondre aux questions de la Commission, soit que leur adresse et l'identité de leurs dirigeants n'aient pas pu être établies, soit enfin que leurs structures soient trop dispersées pour autoriser toute tentative de globalisation. Il s'agit du Mouvement raëlien, de la Fraternité blanche universelle, d'Orkos, de Landmark, de la méthode Avatar, d'Energo-Chromo-Kinèse et de la Fédération d'agrément des réseaux (FAR).

Même si une évaluation de leur poids financier est impossible, les éléments relatifs au patrimoine immobilier utilisé par ces sectes, ainsi que les résultats des contrôles fiscaux réalisés sur certaines d'entre elles, permettent, on y reviendra, de constater qu'elles sont loin d'être guidées par des mobiles parfaitement désintéressés.

B.- DES REVENUS D'ORIGINES COMPARABLES

La richesse des sectes trouve son origine dans deux principales sources : les dons et le produit de leurs activités. S'y ajoutent des possibilités de financements publics qui représentent des montants moindres, mais montrent la capacité des organisations sectaires à détourner des aides mises en place dans une finalité parfaitement extérieure à leurs pratiques. Ces trois modes de financement ne sont pas incompatibles entre eux : une même organisation peut les cumuler, même si, en règle générale, sa richesse est fondée sur une source dominante.

1.- Les dons

Les dons restent le fondement essentiel de la richesse des sectes. Les mouvements les plus riches ont acquis leur fortune à partir des « offrandes » de leurs adeptes. La plupart des organisations demandent à leurs membres de donner pour leurs associations, dans des proportions et selon des méthodes de collecte différentes. Cette pratique est au demeurant conforme à la loi de 1901 qui autorise les dons manuels.

Les sommes qui, chaque année, passent des membres à l'organisation peuvent atteindre des montants très importants. Les instances nationales des Témoins de Jéhovah ont déclaré avoir recueilli, au cours de l'exercice 1997-1998, un total de dons représentant 85,6 millions de francs, auxquels s'ajoutent les offrandes consenties aux associations locales qui sont estimées à 70 millions de francs par an. On peut donc considérer que les sommes versées chaque année par les Témoins de Jéhovah dépassent 150 millions de francs, en précisant que ce montant n'inclut ni les dons consentis sous forme de prêts, ni les offrandes remises en échange des publications de la secte.

On relève le versement, par les adeptes, de contributions importantes chez la plupart des sectes disposant d'une « grosse fortune », même si, compte tenu de l'audience des organisations concernées, les montants en cause n'atteignent jamais les sommes drainées par le mouvement jéhoviste. L'AMORC a reçu de ses membres, au cours des derniers exercices, entre 21 et 24 millions de francs par an. La fourchette se situe à des valeurs comparables pour les mouvements suivants : Soka Gakkaï (entre 13 et 18 millions de francs) et Mahikari (9,7 millions de francs en 1996). De même, l'essentiel des 5 à 9 millions de recettes annuelles de la branche française de l'Eglise internationale du Christ provient de dons. Ce constat est également valable pour Ogyen Kunzang Chöling, l'Eglise néo-apostolique et la Pentecôte de Besançon. Enfin, le rappel d'impôt de 8,6 millions de francs, hors pénalités, prononcé par application des droits d'enregistrement aux dons manuels perçus par le Mandarom montre que les offrandes versées à cette secte atteignent, chaque année, plusieurs millions de francs, voire plusieurs dizaines de millions de francs. Cette conclusion est confirmée par l'importance des montants brassés par les adeptes et par les sommes placées hors de France. En 1996 notamment, le Mandarom disposait de 14,7 millions de francs en liquidités qu'il a déposés en Italie dans des circonstances sur lesquelles on reviendra. Une telle somme pouvait difficilement provenir de la seule vente des prestations et produits proposés sur le site de Castellane, et devait donc inclure des dons versés en espèces.

L'importance des sommes qui viennent d'être citées pose la question de l'origine réelle des dons versés en espèces, et incite parfois à rattacher certaines pratiques sectaires à des activités de blanchiment d'argent sale. L'encaissement de sommes présentées comme des dons peut effectivement servir à blanchir des fonds d'origine douteuse.

Avant d'être abandonnée, une procédure pour blanchiment d'argent a été envisagée sur le Mandarom. Il a en effet été établi qu'en 1995 un adepte de la secte a déposé sur son compte 610.000 francs en espèces alors qu'il n'avait aucune ressource connue ni aucune activité professionnelle. Cette somme a permis l'acquisition d'une maison d'habitation pour 970.000 francs dont près de la moitié à été réglée en espèces. L'affaire a cependant été classée sans suite le 3 novembre 1997.

En tout état de cause, justifiés par les rites « cultuels » créés par la secte ou par l'aspect religieux dont elle a habillé la diffusion de son message, les dons sont devenus partie intégrante du sectarisme. Dans toutes les salles du royaume des Témoins de Jéhovah, a été installé un tronc par association destinataire de la générosité des adeptes, rappelant ainsi l'importance que l'argent joue au sein de la secte. Certains mouvements ont établi une périodicité de versement : ils sollicitent leurs membres tous les mois, voire, dans le cas de Sahaja Yoga, toutes les semaines. Les sectes considèrent que les dons constituent un acte naturel dans la vie de leurs adeptes. Sahaja Yoga et Invitation à la vie les assimilent même à une action utile à la société toute entière puisque, d'après leur réponse au questionnaire de la Commission, ces deux associations remettent en toute illégalité à chaque donateur un reçu ouvrant droit déduction fiscale.

L'importance acquise par les dons dans le financement du sectarisme pose le problème de la spontanéité des versements et la question des services qui peuvent être consentis en contrepartie. Apparemment légaux, les dons, compte tenu de leur montant, soulèvent deux interrogations : sont-ils réellement des offrandes volontaires ou s'assimilent-ils à des prélèvements obligatoires ? S'agit-il de véritables dons ou d'une facturation déguisée des prestations ou des produits distribués par la secte de manière à cacher le caractère lucratif de son activité ?

a) L'appréciation du degré de spontanéité des dons

Le degré de spontanéité des dons versés aux sectes est une question particulièrement délicate. La Commission n'a pas été en mesure de le mesurer. Elle n'en a pas eu le temps, et quand bien même les délais qui lui étaient impartis auraient été plus longs, elle n'y serait probablement pas parvenue. Le caractère spontané d'un don est avant tout une question d'appréciation subjective qui ressort de témoignages difficilement exploitables, soit qu'ils proviennent d'adeptes convaincus par le message de l'organisation à laquelle ils appartiennent, soit qu'ils émanent d'anciens adeptes dont on peut craindre qu'ils cherchent à régler leurs comptes, sans souci d'objectivité.

Il n'en reste pas moins que la Commission a recueilli des informations qui mettent sérieusement en doute la spontanéité des dons. Il est connu que plusieurs sectes fixent le montant des offrandes en fonction des revenus des adeptes, et les assimilent ainsi à une véritable dîme. Le coût de l'adhésion au Mouvement raëlien français représenterait par exemple 7 % du revenu des membres, l'appartenance au « gouvernement mondial géniocrate », instance supérieure de la secte, atteignant même 10 %. Interrogés sur ce point, les dirigeants de Raël n'ont pas accepté de répondre, et entretiennent par conséquent la suspicion qui pèse sur leurs pratiques. De même, la Commission n'a obtenu aucune réponse de l'Eglise universelle du royaume de Dieu ni de l'Eglise internationale du Christ auxquelles on attribue un prélèvement de, respectivement, 20% et 10%.

Les méthodes utilisées pour augmenter le rendement des dons font incontestablement planer le doute sur la réalité de leur spontanéité. Mahikari dispose, par exemple, d'une comptabilité permettant un suivi très précis des rentrées. Chaque implantation de la secte fait l'objet d'un compte particulier qui mesure en temps réel le résultat de la générosité de ses adeptes. Les offrandes sont organisées selon un classement qui comprend plusieurs degrés déterminant l'importance du versement. Lorsqu'un membre quitte la secte, il serait invité à trouver une personne susceptible de compenser le manque à gagner.

On retrouve une organisation similaire au sein de l'Eglise du Christ. La Commission a eu accès à des comptes internes du mouvement qui n'ont pas été démentis par la secte, cette dernière n'ayant pas accepté de répondre aux questions qui lui étaient posées. Ces documents ventilent les dons entre des « collectes hebdomadaires » versées en application d'un pourcentage du revenu des adeptes, et des « collectes de missions » organisées une à deux fois par an et dont le montant est fixé par avance. Les comptes de dépenses laissent apparaître des frais de location importants (1,4 million de francs en 1996) qui correspondent à la réservation des salles utilisées pour organiser ces collectes, la secte ayant l'habitude de réunir ses adeptes dans plusieurs lieux prestigieux de la capitale, comme la salle Gaveau ou la Mutualité. En outre, chaque membre serait invité à ouvrir un compte d'épargne dédié au dépôt des économies qu'il destine à la secte.

Les Témoins de Jéhovah ont adopté une stratégie d'incitation plus habile. Leurs publications prônent l'abnégation, tout en encourageant, souvent à l'aide de références bibliques, la générosité. Le caractère apocalyptique de la secte, et cette observation est vraie pour toutes les organisations de la même mouvance, est un atout de taille : la référence à imminence de l'apocalypse est souvent utilisée comme la justification de la nécessité des dons. L'existence d'incitation aux legs par la distribution de testaments pré-établis a été portée à la connaissance de la Commission qui n'a pas été en mesure d'en vérifier la réalité. En revanche, la force de persuasion des témoins chargés du prosélytisme est bien connue, de même que, on l'a vu, leur maîtrise des techniques de démarchage.

b) L'existence de contreparties aux offrandes

La spontanéité des dons versés aux sectes est également ternie par les prestations qui peuvent être fournies en contrepartie. Lorsqu'ils font du porte-à-porte pour proposer leurs publications, les Témoins de Jéhovah utilisent fréquemment la phrase suivante : « c'est gratuit, mais vous pouvez faire un don ». Ils ont en fait recours au procédé de la réciprocité, bien connu des spécialistes de la vente : en recevant un cadeau, on s'estime redevable vis-à-vis du donateur dans une proportion beaucoup plus importante que dans un rapport d'achat-vente direct. Ce procédé a notamment été utilisé au début des années 1980 par les adeptes de Krishna pour tenter de vendre des fleurs dans les aéroports américains. Ils avaient parfaitement compris que proposer un cadeau et laisser ouverte la possibilité de faire un don en contrepartie est une méthode beaucoup plus rentable que celle consistant à les vendre directement. L'essentiel des techniques de vente sectaires repose sur ce procédé.

Ce procédé présente en outre un intérêt fiscal : en déguisant sous la forme d'offrandes la vente de leurs prestations ou produits, les sectes ôtent à leurs activités leur caractère commercial le plus voyant. Il ne s'agit en effet pas de vente au sens strict du terme, mais de dons ouvrant droit à des contreparties. Cette tactique entraîne des conséquences fiscales directes, la présence d'un prix étant normalement exigée pour établir le caractère lucratif d'une activité.

Il est fréquent que les sectes offrent, en contrepartie des dons qu'elles reçoivent, des objets ou des services. Les rites auxquels certaines d'entre elles se livrent mêlent souvent le versement d'offrandes et la distribution d'objets cultuels. Dans leurs réponses au questionnaire de la Commission, plusieurs associations scientologues ont déclaré offrir à leurs généreux donateurs les services proposés par la dianétique. Il a été précisé par des représentants de la secte que la Scientologie pratique un système de « donations fixes » qui montre clairement qu'elle a recours à la vente déguisée. De même, les Brahma Kumaris mettent en avant la gratuité des cours ou conférences qu'ils organisent, mais ont en fait systématiquement recours aux dons qui se substituent à toute autre forme de participation financière.

Les Témoins de Jéhovah utilisent, avec une indéniable habileté, la fragilité de la frontière séparant ce qui relève du don et ce qui ressort de la vente. Ils expliquent que leur considérable production de publications est écoulée sous la forme d'offrandes. Il est vrai qu'aucun prix ne figure sur les brochures depuis une décision de la Cour suprême américaine, rendue en 1990 pour affaire extérieure à la secte, concluant à la taxation des revenus tirés des revues à caractère religieux. En France, le prix de 2 francs qui était traditionnellement mentionné sur les publications jéhovistes a disparu en 1991, et les revues sont écoulées en échange de dons qui atteignent en moyenne 10 francs par numéro, et dégagent ainsi un produit supérieur aux recettes perçues dans le dispositif antérieur. Le recours à la vente déguisée permet à la secte d'échapper aux impôts commerciaux. Le contrôle fiscal réalisé sur l'Association Les Témoins de Jéhovah, support juridique des opérations éditoriales de la secte, n'a pas pu établir le caractère lucratif de ses activités, faute de pouvoir rassembler le faisceau d'indices exigé par la jurisprudence, et notamment faute de prix clairement affiché.

S'agissant des dons versés par les Témoins de Jéhovah, la Commission a relevé un second phénomène d'évasion fiscale qui montre, une nouvelle fois, la capacité de la secte à adapter ses pratiques aux règles imposées par le droit. En effet, si les activités éditoriales de l'Association Les Témoins de Jéhovah n'ont pas été taxées, les dons qu'elle a reçus ont été assujettis aux droits d'enregistrement. Depuis cette taxation sur laquelle on reviendra, on constate que les offrandes sont de plus en plus versées sous forme de prêts de trois ans renouvelables. Les instances nationales de la secte ont reconnu l'existence de ces prêts. La Commission a ainsi eu connaissance de plusieurs centaines de déclarations relatives à des prêts consentis par des particuliers dont le montant unitaire se situe entre 30.000 et 900.000 francs. Elle est cependant incapable d'en mesurer l'encours au niveau national. L'importance de certains prêts laisse à penser que ce procédé d'évasion fiscale peut aussi s'analyser comme un moyen de contourner l'impossibilité juridique de bénéficier de dons et de legs.

Cette pratique pose le problème du suivi des créances, et du sort qui leur est réservé en cas de décès du donateur. L'extrême dispersion des donateurs (les Témoins de Jéhovah revendiquent 250.000 adeptes, fidèles et sympathisants) et le nombre très important de débiteurs (il existe au total plus de 1.500 associations jéhovistes susceptibles de recevoir des prêts) réduisent les possibilités de contrôler la réalité du remboursement de ces dettes qui, prises séparément, atteignent la plupart du temps des montants peu significatifs. Les dons sous forme de prêts constituent donc l'exemple d'une évasion fiscale caractérisée et particulièrement efficace.

2- Les revenus d'activités
Les sectes ne sont pas toujours exclusivement financées par les dons de leurs adeptes, mais exercent des activités qui peuvent leur apporter des revenus souvent importants. Ces revenus peuvent même parfois représenter la principale source de financement de l'organisation. Ils proviennent de prestations directement dispensées par les associations sectaires, indépendamment du réseau économique qui les accompagne. Ces prestations ne revêtent pas forcément un caractère lucratif, la notion de lucrativité étant, on l'a vu, définie selon des critères précis que les sectes s'évertuent à ne pas remplir pour échapper à l'impôt.

a) L'importance des revenus tirés des activités sectaires

L'activité sectaire type consiste à vendre, selon des modalités de paiement sur lesquelles on reviendra, des prestations de services comprenant généralement des cours, stages ou séminaires, souvent accompagnées par la vente d'ouvrages, de supports « pédagogiques » et de produits cultuels ou paramédicaux. Ces prestations et ces produits sont écoulés auprès des adeptes ou sympathisants qui forment une clientèle captive, essentielle à la santé financière de l'organisation.

Les activités sectaires peuvent représenter des « chiffres d'affaires » importants. Sur ce point, la Commission dispose de deux types d'informations : les résultats comptables de certaines associations sectaires lorsqu'ils lui ont été communiqués, et les redressements fiscaux pour activité lucrative non déclarée.

L'activité sectaire type constitue le fonds de commerce de la plupart des « petites » sectes auxquelles elle apporte le moyen d'équilibrer leur budget, les cotisations et les dons n'y parvenant généralement pas, faute d'un nombre suffisant d'adeptes. Invitation à la vie gagne par exemple plusieurs centaines de milliers de francs chaque année (1,1 million de francs en 1995) en vendant notamment des séminaires de « vibrations », des cassettes et des bulletins. La recette tirée des produits et des activités proposés par la Nouvelle Acropole (revues, reproductions, livres, manuels, conférences, séminaires, voyages) représente, selon l'exercice, entre 1 et 1,3 million de francs. L'Office culturel de Cluny vend également une gamme de produits, et notamment des produits écologiques, qui lui apportent chaque année entre 2,8 et 4 millions de francs. La vente des écrits de M. Georges de Nantes, fondateur de la Contre-réforme catholique, et les abonnements aux publications de la secte produisent de leur côté entre 0,8 et 1,4 million de francs. Enfin, les séminaires d'Au c_ur de la communication représentaient, pour les exercices où l'association était en pleine activité, entre 3 et 5,5 millions de francs par an.

Ces montants peuvent paraître anodins. Ils doivent cependant être considérés en gardant à l'esprit l'audience parfois réduite des sectes qui viennent d'être citées. Certaines d'entre elles ne comptent que plusieurs centaines d'adeptes, et le montant de leurs recettes montre l'importance des sommes qu'elles peuvent soutirer à leurs membres.

S'agissant de mouvements plus puissants, le rapporteur a disposé d'informations tirées des résultats des contrôles fiscaux. Plusieurs vérifications ont en effet établi le caractère lucratif des activités sectaires, et le montant des redressements prononcés apporte des précisions précieuses sur l'ampleur de ces activités. Le rapporteur n'a cependant pas été en mesure de rétablir, comme il l'aurait souhaité, le montant exact de l'assiette ayant servi de base aux redressements, l'administration fiscale ne lui ayant pas, à deux exceptions près, transmis une telle information.

L'importance des rappels d'impôts (3) prononcés en raison d'une gestion lucrative est révélatrice de l'étendue des activités exercées par cinq sectes. Même si certains de ces rappels portent sur des exercices anciens, ils constituent toujours une bonne illustration du poids financier que les pratiques sectaires représentent. Les ventes de livres, conférences et formations réalisées par le Mouvement raëlien ont été redressées pour 503.000 francs au titre des exercices 1987 et 1989, redressement confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris qui a démontré le caractère commercial des méthodes utilisées. Un rappel d'impôts de 7,1 millions de francs a également été prononcé, pour poursuite d'activités lucratives entre 1990 et 1992 (éditions de livres, location de fichiers, démarchage), à l'encontre des associations Tradition famille propriété et Avenir de la culture. Dans le cas de Krishna, le rappel représentait 14 millions de francs et couvrait les années 1982 et 1983. Pour sa part, la Soka Gakkaï a fait l'objet d'un redressement de 16,8 millions de francs pour les ventes de stages, de cours et d'objets qu'elle a réalisées entre 1987 et 1990. Enfin, l'AMORC a été contrôlée pour sa gestion allant de 1989 à 1990, puis de 1992 à 1994, et le total des rappels prononcés à son encontre atteint la coquette somme de 60,8 millions de francs, dont le recouvrement a été, on l'a vu, en partie abandonné sur décision de la Direction générale des impôts. L'importance de ce redressement se justifie par l'ampleur de l'activité de la secte : la base utilisée pour le calcul atteignait, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, 61 millions de francs en 1988, 23 millions de francs en 1989 et 22 millions de francs en 1990.

Le Mandarom a également fait l'objet d'un contrôle fiscal portant sur les exercices 1992 à 1995, qui a établi le caractère lucratif de la gestion de la secte, et s'est soldé par un rappel d'impôt sur les sociétés et de TVA de 1,8 million de francs. Si ce montant n'atteint pas les sommes citées pour les sectes examinées plus haut (ce qui, compte tenu de l'ampleur des mouvements en espèces par définition peu contrôlables, ne veut pas dire que l'organisation fondée par Gilbert Bourdin dispose de revenus peu conséquents), l'ordonnance prononcée, le 21 février 1995, par le Tribunal de grande instance de Créteil est en revanche riche d'enseignements sur les activités de la secte. Cette ordonnance a été rendue afin de permettre l'exercice, par l'administration fiscale, du droit de visite prévu à l'article L.16B du livre des procédures fiscales. Plusieurs attendus précisent la nature des activités organisées sur le site de Castellane. D'après le tribunal, il s'agit de prestations générant des recettes de nature commerciale, et en particulier de l'hébergement et de la restauration des membres, des ventes de livres, de cassettes et d'objets religieux, du prix des visites du site et du produit des conférences. Les titres vendus étaient notamment tirés à plusieurs milliers d'exemplaires, parfois expédiés dans un pays étranger comme le Canada, et dégageaient une marge commerciale importante, le coefficient multiplicateur se situant entre 5,7 et 13,2 selon l'ouvrage.

Les Témoins de Jéhovah tirent, eux aussi, une partie de leurs revenus de leurs opérations d'impression et de diffusion d'ouvrages. Si l'administration fiscale n'a pas pu démontrer son caractère lucratif, cette activité revêt bien une nature économique. Le complexe de Louviers comprend une imprimerie dont la capacité de tirage est considérable et des locaux de stockage qui forment des installations industrielles comparables à celles d'une entreprise. Au demeurant, bien que les Témoins prétendent que l'ensemble de leurs publications sont écoulées sous forme de dons, les produits tirés de l'imprimerie de Louviers ont toujours été comptabilisés à part, dans un compte distinct du poste enregistrant l'entrée des offrandes et intitulé « produits des activités courantes ». Il s'agit donc bien d'une activité spécifique qu'on peut qualifier d'économique. Elle procurait à la secte des revenus très importants : de 1992 à 1997, c'est-à-dire avant la décision de mettre fin à son activité, l'imprimerie représentait une recette variant, selon l'exercice, entre 83,3 et 42,4 millions de francs.

b) L'exemple de la Scientologie

La Scientologie est certainement le meilleur exemple de secte qui a bâti sa fortune sur la vente. Cette organisation n'est qu'une machine à produire de l'argent et tout scientologue est avant tout un vendeur, comme le montrent, on l'a vu, les écrits de Ron Hubbard et les techniques commerciales enseignées aux adeptes.

L'évaluation du revenu des activités scientologues est particulièrement difficile à établir. La secte maintient dans une totale opacité la réalité des fonds qu'elle brasse, et son organisation a été conçue pour garantir la clandestinité de ses activités. Les responsables de la branche française ont sciemment entretenu cette opacité devant la Commission. Interrogés par l'intermédiaire d'un questionnaire, les présidents des associations scientologues chargées de vendre les cours de dianétique ont refusé de préciser le montant de leurs revenus. Les seules réponses chiffrées que la Commission a pu obtenir proviennent des églises de Scientologie, qui se sont abritées derrière le statut cultuel qu'elles revendiquent pour déclarer ne disposer d'aucun revenu, n'engager aucune dépense et n'être propriétaires d'aucun actif. La présidente de l'Eglise de scientologie d'Ile-de-France a, en outre, déclaré devant la Commission ne pas savoir selon quelles modalités le matériel et le local que son association utilise ont été mis à sa disposition, ni à qui ils appartiennent. La même personne, bien qu'elle préside, à côté de l'église d'Ile-de-France, l'Union des églises de France, c'est-à-dire une des plus hautes instances de la secte, a également déclaré ne détenir aucune information sur les prix des prestations offertes par le mouvement.

La Commission dispose, à travers l'instruction du procès de l'Eglise de scientologie de Lyon, d'une source d'informations de nature à rafraîchir la mémoire des scientologues, et à lever une partie du voile dont la secte recouvre pudiquement les sommes qu'elle draine. Cette instruction a en effet permis d'enquêter pendant plusieurs mois sur les circuits de financement de l'organisation créée par Ron Hubbard. A partir de plusieurs commissions rogatoires internationales et de quelque 400 procès-verbaux, l'enquête a pu reconstituer le montant des sommes versées par la Scientologie européenne et africaine à l'organisation mère située aux Etats-Unis. Ces sommes constituent un denier du culte, et correspondent à un pourcentage prélevé sur le chiffre d'affaires de chaque mission scientologue dont le montant varie entre 5 et 15 %, voire davantage. Avant d'être transférées aux Etats-Unis, elles transitaient sur un compte ouvert à la Krédit Bank de Luxembourg, dénommé « compte Lucas », du nom de code de son gestionnaire, et destiné à recueillir le denier versé par la zone Europe et Afrique de la secte. Ce compte a été clôturé à la suite de l'instruction. Les autorités judiciaires luxembourgeoises ont cependant transmis ses relevés au juge d'instruction français. Le compte Lucas était divisé en quinze sous-comptes correspondant chacun à une devise. Du 1er janvier 1988 au 31 mai 1990, 9.105.298 francs français ont par exemple été crédités. En se fondant sur le cours moyen de chaque devise utilisée, le total des sommes créditées a atteint, toutes devises confondues et pour la même période, 943.545.652 francs. On peut donc estimer que le denier du culte versé de janvier 1988 à mai 1990 par les églises de Scientologie européennes et africaines représente environ 1 milliard de francs. En retenant comme taux de prélèvement fixant le montant de ce dernier un pourcentage moyen de 10 %, on peut déduire que le chiffre d'affaires réalisé par ces églises a représenté environ 10 milliards de francs en un peu moins de trois ans et demi, soit 300 millions de francs par an.

Cette somme inclut les revenus tirés des implantations africaines de la secte dont on peut penser qu'ils n'en représentent qu'une part minime. Il est impossible de la ventiler entre les différents pays européens où la Scientologie est implantée, la devise utilisée sur le compte Lucas n'apportant pas de preuve de l'origine des fonds, une mission française pouvant très bien payer avec une monnaie étrangère. L'instruction a revanche parfaitement démontré que le compte Lucas ne représentait qu'une partie des revenus de la Scientologie. Les adeptes européens paient en effet fréquemment leurs cours au centre européen de la secte implanté à Copenhague, ou directement à l'organisation mère américaine, voire au responsable local de la secte. M. Jean-Jacques Mazier, quand il dirigeait l'Eglise de scientologie de Lyon, a par exemple reçu des adeptes 3,2 millions de francs de 1988 à 1990. L'ensemble de ces versements dont le total est impossible à évaluer, ne sont pas comptabilisés dans les résultats des missions, et n'entrent donc pas en compte dans le pourcentage versé sur le compte Lucas. L'évaluation établie par l'instruction réalisée pour le procès de Lyon est donc une estimation a minima.

Au bout du compte, la Commission retient que le chiffre d'affaires tiré de la vente des prestations et produits scientologues en Europe atteint au moins 300 millions de francs par an, et que la branche française, longtemps considérée comme le fleuron de la secte sur le continent, en représente une large part. Cette estimation est cohérente avec les montants que certaines personnes ont déclaré avoir déboursés pour atteindre les niveaux supérieurs du parcours scientologue, soit plusieurs centaines de milliers de francs.

L'évaluation réalisée lors du procès de Lyon est également confirmée par des calculs communiqués à la Commission. Sur le fondement de documents internes à la secte, on estime qu'un adepte rapporte en moyenne 15.000 francs à l'organisation, ce qui donne, pour la France, un chiffre d'affaires annuel de 60 millions de francs. La Scientologie déclare compter 6 millions de membres dans le monde. Ses revenus annuels s'établiraient donc à 60 milliards de francs. L'audience de la secte étant cependant volontairement surestimée par ses dirigeants, on peut raisonnablement penser que ses revenus se situent entre 10 à 20 milliards de francs par an.

L'ensemble des exemples qui viennent d'être décrits permet de démontrer l'importance, dans le poids financier global des sectes, des revenus directement tirés de leurs activités. Les organisations concernées passent sous silence cet aspect de leurs pratiques. Elles mettent généralement en avant la particularité des modalités de paiement offertes à leurs adeptes pour tenter d'occulter le bénéfice qu'elles en tirent. On a déjà évoqué le recours à la vente déguisée qui consiste à transformer la facturation en donation. Certaines sectes présentent les prestations qu'elles fournissent comme la contrepartie des cotisations qu'elles perçoivent. L'AMORC, par exemple, déclare ne pas pratiquer de prix de vente, mais recevoir un dédommagement des services qu'elle rend à ses membres par des cotisations élevées. Ces dernières atteignent en effet chaque année plus de 20 millions de francs et représentent l'essentiel des revenus de l'association. Ce mode de facturation n'a cependant pas empêché l'administration fiscale d'assujettir les activités de l'association aux impôts commerciaux, redressement sur lequel elle n'est que partiellement revenue.

En outre, les sectes utilisent, pour camoufler le caractère commercial de leur démarche, un dernier procédé, de loin le plus inquiétant, qui consiste à demander à leurs adeptes de travailler pour l'organisation afin de financer leurs stages, séminaires ou autres prestations. Un ministre du culte scientologue a notamment déclaré à la Commission avoir payé l'essentiel de ses cours en offrant ses services à la secte. Cette dernière a en effet institutionnalisé ce procédé en ouvrant des centres où les adeptes les moins fortunés travaillent gratuitement, dans des conditions extrêmement précaires, pour financer leur parcours scientologue. On a là un exemple caractérisé d'une vente déguisée en faux bénévolat. Cette pratique soulève le problème juridique déjà évoqué de l'utilisation de la notion de bénévolat, mais aussi la question morale de l'apparition d'une forme d'esclavagisme fondé sur la manipulation mentale.

3.- Les financements publics

Les sectes bénéficient de financements publics qui, dans quelques cas, peuvent représenter leur troisième source de financement. Les montants en cause n'ont heureusement pas de commune mesure avec les revenus tirés des dons et des activités sectaires. Ils constituent cependant une bonne illustration de la capacité des sectes à agir sous couvert de structures écrans ou de prête-noms, et la grande vulnérabilité de l'administration souvent incapable de contrôler l'identité et la réalité des pratiques des organismes qu'elle subventionne.

Le Patriarche est certainement le meilleur exemple de secte subventionnée par l'Etat. C'est également le plus connu depuis la publication des observations formulées sur cette organisation par la Cour des comptes dans son rapport sur le dispositif de lutte contre la toxicomanie. La Cour a établi que les associations créées ou contrôlées par M. L.J. Engelmajer ont reçu de l'Etat, entre 1992 et 1995, un total de 24,4 millions de francs. Elles ont également bénéficié d'aides de collectivités locales dont le chiffrage n'a, à la connaissance de la Commission, jamais été réalisé. Pour recevoir de telles sommes, la secte a indéniablement profité des hésitations de l'administration de la santé et de la communauté médicale face aux méthodes de sevrage des toxicomanes et à l'expansion de l'épidémie de sida. Les principales subventions ont en effet été versées aux structures créées par la secte sous le nom d'Association des droits et devoirs des positifs et porteurs du sida (ADDEPOS) auxquelles certains médecins ont, en toute bonne foi, adressé leurs patients, faute de thérapeutiques alternatives.

Le Patriarche est actuellement en pleine restructuration. On a vu qu'il _uvre sous le sigle DIANOVA qui lui sert de nouvelle appellation sociale. D'après les informations communiquées à la Commission, il ne bénéficierait plus de financements publics. Cependant, en proie à d'importantes difficultés financières, il a lancé plusieurs appels de fonds auprès d'organismes privés spécialisés dans l'aide d'urgence (comme par exemple la banque alimentaire de Clermont-Ferrand) et auprès de particuliers sollicités par des quêtes, des collectes ou des braderies. La Commission ne peut qu'inviter à la plus grande circonspection dans l'octroi de ces aides. Il importe en effet de vérifier au préalable la réalité de la restructuration des activités de Dianova et de l'apurement du passif que M. Engelmajer a laissé derrière lui.

L'Office culturel de Cluny continue à bénéficier d'aides financières publiques. À la suite du rapport de la précédente commission d'enquête, l'agrément d'association nationale d'éducation populaire lui a été retiré par un arrêté du ministre de la jeunesse et des sports en date du 28 octobre 1996. Cet arrêté a été annulé, le 5 mars 1998, par le Tribunal administratif de Paris. Le juge s'est cependant fondé sur un vice de procédure, et n'a pas pris position sur le fond de l'affaire. En effet, le Tribunal a motivé sa décision par le fait que le Conseil de la jeunesse, de l'éducation populaire et des sports, compétent en la matière, « n'était pas, à la date où il s'est prononcé, saisi de l'ensemble des pièces du dossier lui permettant de se prononcer sur la question qu'il lui appartenait d'examiner ». Par ailleurs, l'association culturelle du café des arts, « filiale » de l'Office implantée dans l'Isère, reçoit toujours une subvention de 40.000 francs du Conseil général de ce département, et une aide de 50.000 francs de la ville de Grenoble. En contrepartie de son soutien, cette dernière a demandé à l'association de se conformer au droit du travail en procédant à la déclaration des bénévoles dont elle bénéficie.

La Commission a eu également connaissance de subventions versées par la ville de Chatou, le conseil général des Yvelines et le conseil régional d'Ile-de-France à l'Ecole Perceval. Cette dernière appartient au réseau des établissements d'enseignement contrôlés par la société d'Anthroposophie.

Il existe par ailleurs plusieurs cas de financement public indirect. Certaines sectes ont bénéficié des soutiens prévus dans différents dispositifs d'aide à l'emploi. L'Office culturel de Cluny a notamment déclaré avoir employé en 1998 une personne en contrat emploi solidarité (CES), de même que l'association Azur mieux être, une des principales structures chargées de propager les pratiques de la secte Siderella. Au c_ur de la communication a bénéficié d'une subvention de 7.000 francs pour l'emploi d'un salarié en contrat de qualification. Ce sont là les seuls exemples portés à la connaissance de la Commission. Il est cependant clair que ces types de contrats peuvent être utilisés dans une proportion beaucoup plus importante.

Un membre d'une secte, par ailleurs agent de l'Etat ou d'une collectivité locale, peut également mettre à la disposition de son organisation les moyens matériels que lui offre son administration. C'est une pratique qui a été, par exemple, utilisée par le Mandarom dont l'actuelle dirigeante, Mme Christine Amory-Mazaudier, est agent du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et affectée au Centre d'étude des environnements terrestres et planétaires. Il a été établi qu'elle a utilisé les moyens de communication de son laboratoire (fax, e-mail, courrier) pour ses activités sectaires.

Les sectes ont recours à un autre procédé de détournement de fonds publics, plus pernicieux, qui consiste à exiger de leurs adeptes le bénéfice des allocations ou revenus de remplacement qu'ils reçoivent de la collectivité. Le Patriarche a demandé à certains de ses pensionnaires de lui reverser leur revenu minimum d'insertion. Tabitha's Place est une secte financièrement peu importante, connue pour les mauvais traitements qu'elle réserve aux enfants, qui vit en partie grâce à la collecte des allocations familiales perçues par les familles de la communauté, et dont le montant était estimé pour 1994 à près de 500.000 francs. De tels détournements ont tendance à se développer de manière inquiétante, les sectes s'intéressant de plus en plus à un public disposant de revenus de remplacement, et notamment aux chômeurs. La Commission a relevé par exemple l'existence de campagnes de prosélytisme sectaire auprès de demandeurs d'emploi.

C.- UNE PUISSANCE FINANCIÈRE UTILISÉE À DES FINS CONVERGENTES

Les sectes utilisent leur argent selon des modalités convergentes qui illustrent, au-delà des disparités de fortune, la véritable communauté d'objectifs qui les anime. On retrouve en effet dans la plupart des sectes trois attitudes dominantes qui ne sont pas incompatibles entre elles : l'argent est utilisé comme un moyen d'asseoir la puissance du mouvement ; il peut également être employé à l'enrichissement de ses responsables ; il sert enfin à financer l'organisation internationale sur laquelle la secte s'appuie, soit de manière publique lorsque cette dernière veut mettre en avant une vocation humanitaire, soit de manière clandestine lorsqu'elle prend garde à ne laisser apparaître aucun signe extérieur de richesse.

1.- Asseoir l'influence du mouvement

La plupart des sectes utilisent leurs revenus pour acquérir un patrimoine, essentiellement immobilier. Cet investissement constitue la face apparente de la richesse sectaire, choisie dans l'intérêt matériel de l'organisation mais aussi parfois destinée à lui servir de « vitrine ».

a) L'acquisition d'un patrimoine souvent éloigné de l'objet des associations concernées

De fait, le patrimoine des sectes atteint une importance quantitative inquiétante. L'actif détenu par certaines associations, au but religieux, spirituel ou cultuel apparent, peut présenter une nature et des montants disproportionnés par rapport à leur objet social.

Les associations françaises de Témoins de Jéhovah sont, rappelons-le, à la tête d'un capital d'un milliard de francs. Le capital associatif de la branche française de la Soka Gakkaï s'établit à plus de 240 millions de francs, à près de 140 millions de francs pour l'AMORC, et à 60 millions de francs pour Mahikari France.

Il peut s'agir d'un capital industriel ou commercial. Les Témoins de Jéhovah ont investi dans une imprimerie industrielle comportant des installations d'impression, des locaux de stockage et du matériel de transport. D'autres associations sectaires sont propriétaires de participations dans des sociétés commerciales, comme le montrent les exemples des sociétés de restauration détenues par le Patriarche, de la société Diffusion rosicrucienne contrôlée par l'AMORC, ou de l'entreprise LH France, possédée par Mahikari.

Le patrimoine des associations sectaires est souvent constitué d'un portefeuille financier dont l'importance varie selon les mouvements. Au-delà du rôle spirituel qu'ils s'attribuent, certains dirigeants de secte se révèlent être des financiers avisés, si l'on en juge par les actifs financiers figurant au bilan de leurs associations et les revenus qu'elles en tirent.

Les associations françaises de la Soka Gakkaï disposent d'un portefeuille en SICAV dont la valeur nette comptable au 31 décembre 1997 s'établissait à 64 millions de francs. Les immobilisations financières et les valeurs mobilières de placement détenues par les instances nationales des Témoins de Jéhovah atteignaient, au 31 août 1998, 62,9 millions de francs. Les associations locales de la même secte auraient également procédé à des placements financiers qui, d'après les informations transmises à la Commission, auraient représenté près de 500 millions de francs déposés sur le réseau d'une seule banque. Cette information ne correspond pas aux estimations des responsables nationaux de l'organisation jéhoviste qui ont déclaré devant la Commission que l'actif des associations locales atteignait un total de 600 millions de francs, essentiellement constitué par leurs investissements immobiliers.

Les placements financiers réalisés par l'AMORC atteignaient, au 31 décembre 1998, 16 millions de francs qui ont apporté, pour les derniers exercices clos, une rémunération annuelle d'environ 1,3 million de francs. Mahikari n'a pas accepté de communiquer le montant de ses actifs, jugeant cette information « confidentielle », jugement qui semble signifier que sa fortune boursière est suffisamment importante pour mériter d'être gardée secrète. En tout état de cause, ces actifs doivent représenter plusieurs dizaines de millions de francs. Il a en effet été précisé dans les réponses au questionnaire de la Commission que cette association tire de ses placements financiers des revenus annuels variant entre 1,1 et 1,6 million de francs. Le rendement est encore nettement plus élevé s'agissant de l'organisation jéhoviste : les produits financiers de l'Association Les Témoins de Jéhovah ont par exemple atteint, en 1992-1993, 16,6 millions de francs.

La Commission ne dispose pas d'une évaluation des actifs financiers détenus par le Mandarom. Cette secte semble préférer le maniement d'espèces à la détention d'un portefeuille. Le contrôle fiscal réalisé en 1995 sur l'Association des chevaliers du lotus d'or qui formait à l'époque l'instance nationale du mouvement, a néanmoins révélé l'existence de deux investissements : l'association a procédé au début des années 1990 à la souscription d'un certificat de dépôt pour un montant de 511.584 francs et au placement de 690.100 francs sur un compte à terme.

La Commission a par ailleurs relevé la trace de revenus financiers dans les comptes d'Au c_ur de la communication, de la Pentecôte de Besançon et de Spiritual Human Yoga France, nouvelle appellation de la branche française de la secte créée par M. Luong Minh Dang et plus connue sous le nom de Human Universal Energy (HUE).

L'existence de ces placements pose le problème des relations entre les sectes et les établissements financiers. Il est clair que le monde de la finance ne reste pas insensible à la puissance financière de certaines organisations sectaires. La Commission a pris connaissance d'un protocole d'accord qui aurait été passé entre les Témoins de Jéhovah et une banque importante afin de mettre en place un partenariat permettant aux associations de la secte de bénéficier de conditions privilégiées auprès de ses agences. Ces conditions porteraient sur le fonctionnement des comptes, la rémunération des ressources et l'octroi de prêts immobiliers à des taux avantageux et selon des modalités de remboursement modulables.

On peut légitimement s'interroger sur l'influence exercée par certains établissements bancaires dans les mécanismes d'extorsion de fonds utilisés par les sectes. L'instruction relative à l'Eglise de scientologie de Lyon a montré le rôle joué par les agences qui ont accepté de prêter à Patrice Vic, alors que ce dernier était manifestement manipulé par le dirigeant de l'association. Elle a même établi que ce dernier proposait à certains adeptes, afin d'appuyer leurs demandes de prêt, d'emprunter auprès de l'agence du Crédit lyonnais où il disposait de son propre compte.

La Commission tient à appeler les banques à la plus grande vigilance dans leurs relations avec les milieux sectaires. Elle les incite à prendre l'habitude de consulter la Mission interministérielle de lutte contre les sectes chaque fois qu'elles ont un doute. Un expert pourrait utilement être détaché auprès de la mission à cet effet.

b) Le parc immobilier des sectes

L'immobilier reste l'investissement préféré des sectes. Réalisé soit directement par les associations, soit par l'intermédiaire de sociétés civiles immobilières, il leur permet de disposer des locaux utiles aux différents rites ou séances qui ponctuent la vie de la secte. Mais ce type d'investissement est aussi un moyen d'écouler, et parfois de blanchir, les sommes versées en espèces que les sectes reçoivent de leurs adeptes.

Chacun connaît des exemples de « châteaux » acquis par une secte. Il est indéniable que les mouvements sectaires disposent de la puissance financière suffisante pour procéder à de telles acquisitions, mais aussi, grâce à leurs adeptes, de la main-d'_uvre gratuite susceptible de les entretenir. L'intérêt des sectes pour les demeures historiques a été jugé suffisamment inquiétant pour que la Direction du patrimoine s'en alarme, et attire l'attention sur les exemples de spoliation de sites classés ou inscrits, à la suite de leur occupation par des associations sectaires.

Le goût des sectes pour les vieilles pierres n'est pas une fausse réputation. Les exemples sont multiples. Citons Krishna installé au château de Bellevue dans le Jura et au domaine d'Oublaisse dans l'Indre ; Tradition famille propriété disposant à travers l'association Avenir de la culture du château de Jaglu dans l'Eure et Loir ; la Nouvelle Acropole propriétaire de la Cour Pétral, ancien monastère situé dans le même département ; l'Office culturel de Cluny qui dispose du château de Machy dans le Rhône ; Orkos installé au château de Montramé en Seine-et-Marne...

L'intérêt des sectes peut également se porter vers des bâtiments commerciaux et des immeubles industriels, comme des entrepôts, ou, dans le cas du Patriarche, une filature, une conserverie ou une station service.

L'évaluation du parc immobilier des sectes est difficile à réaliser. La multiplicité des mouvements, l'éparpillement des investissements et la diversité des montages juridiques demanderaient plusieurs mois d'enquête. Les annexes du rapport donnent une estimation des immeubles appartenant aux principales sectes ou mis à leur disposition. Il s'agit toujours d'une valeur a minima qui indique le plancher au-dessus duquel ce patrimoine se situe. De nombreuses implantations n'ont en effet pas pu être valorisées, faute de temps ou en raison de la difficulté à déterminer la valeur marchande de certains investissements très importants ou particulièrement prestigieux.

En tout état de cause, ces évaluations permettent de situer la fortune immobilière des sectes. Plusieurs organisations sortent du lot et sont à la tête d'un parc supérieur à une centaine de millions de francs. Outre les Témoins de Jéhovah, il s'agit de la Soka Gakkaï qui a procédé à des acquisitions de prestige, l'Eglise néo-apostolique qui s'est offert un parc immobilier afin d'accueillir ses fidèles dans les meilleures conditions et Dianova dont les investissements immobiliers ont été dénoncés par la Cour des comptes. Viennent ensuite l'AMORC, l'Anthroposophie, Moon, Mahikari et la Fraternité blanche universelle dont le patrimoine se chiffre en dizaine de millions de francs. Pour leur part, Krishna, Tradition Famille Propriété, le Mouvement du Graal, l'Office culturel de Cluny, les Roses Croix d'or et la Pentecôte de Besançon se situent entre 10 et 15 millions de francs, les autres sectes se trouvant en deçà.

Le mouvement des Témoins de Jéhovah est certainement la secte qui montre le plus d'intérêt pour les investissements immobiliers. Cet intérêt répond à une volonté d'affirmer la présence de l'organisation sur l'ensemble du territoire à travers le millier de salles du royaume qui ont vu le jour aux quatre coins de la France, parfois acquises, souvent construites en des temps records par des escouades de Témoins mobilisés à cet effet. La secte évalue, on l'a vu, ce patrimoine immobilier à 600 millions de francs. Les acquisitions réalisées par les instances nationales correspondaient davantage à un souci de gérer la fortune de la secte « en bon père de famille », et de placer ses économies dans la pierre afin de loger des adeptes. Ainsi, la secte possédait plusieurs immeubles dans l'Aisne et dans l'Eure, et surtout un nombre très important d'appartements à Boulogne-Billancourt, principalement des studios qui devaient probablement être utilisés à l'hébergement des membres. Le transfert du siège à Louviers a entraîné une concentration du patrimoine dans cette ville. La secte s'est en effet séparée des terrains qu'elle possédait dans l'Aisne, de maisons situées à Incarville et d'immeubles à Boulogne, dont son ancien siège cédé le 17 novembre 1998 pour 8,1 millions de francs. De 1993 à 1998, ces ventes ont représenté au total une recette d'une trentaine de millions de francs. Elles se sont accompagnées de la construction à Louviers, dans un quartier entièrement possédé par la secte, d'un complexe administratif et d'hébergement devenu le centre européen de l'organisation. Le mouvement détient par ailleurs, sur un autre site de la ville, des installations d'imprimerie ainsi que d'importants ateliers (blanchissage, couture...). Au total, les bâtiments administratifs et d'habitation s'étendent sur 4,5 hectares, tandis que les locaux d'activité et de stockage représentent une surface de 19.500 mètres carrés. La secte évalue ce patrimoine à 240 millions de francs. Les différents biens que les associations nationales possèdent toujours dans d'autres villes de l'Eure, à Boulogne ou dans le sud-est de la France portent le patrimoine total des Témoins de Jéhovah à plus de 860 millions de francs, salles du royaume incluses.

c) Des investissements au service des pratiques sectaires

Quelle que soit sa forme, le patrimoine acquis par les sectes représente un investissement destiné à accroître son influence.

Il a, en premier lieu, pour objectif de mettre l'organisation à l'abri du besoin, notamment en lui procurant des revenus réguliers tirés, par exemple, de placements financiers. Certains mouvements disposent même de propriétés agricoles qui peuvent faire vivre la communauté installée sur place. C'est le cas de Dianova et de Krishna. Les comptes de la Soka Gakkaï font également apparaître des revenus agricoles tirés de la propriété que la secte possède à Trets dans les Bouches-du-Rhône.

Les investissements sont surtout utilisés pour les activités sectaires proprement dites. Animés et mis en valeur par les adeptes invités à offrir bénévolement leurs services, les immeubles acquis par la secte sont autant de lieux de propagation de son message.

Les mouvements sectaires achètent principalement des lieux de réunion. Deux cas d'acquisition de salles de cinéma ont été portés à la connaissance de la Commission. En dehors de l'exemple des Témoins de Jéhovah, la fortune immobilière de mouvements comme Mahikari ou la Pentecôte de Besançon s'appuie sur la propriété de lieux de cultes répartis dans les départements où la secte bénéficie d'une audience. L'Eglise néo-apostolique dispose à Metz d'une « église » de 1.600 m2, construite sur un terrain de 60 ares, capable d'accueillir 1.300 personnes et offrant des installations techniques très modernes. Le Mandarom vient de déposer un permis de construire pour l'édification de la sépulture de Gilbert Bourdin dont le coût est estimé à 50 millions de francs.

Les différents châteaux acquis par les sectes sont souvent destinés à servir de local pour les conférences, les cours ou les séminaires qu'elles dispensent. Par exemple, les Roses Croix d'or utilisent à cette fin leur château de Tourtel en Meurthe-et-Moselle ou le domaine de Rieusselat dans l'Hérault. L'AMORC a récupéré à Orléans les anciens entrepôts de Dunlop pour y réunir les « initiés » de la région. Elle est surtout propriétaire, par l'intermédiaire d'une société commerciale, de l'Espace AMORC sis 199 Rue Saint Martin à Paris, qui forme un complexe de 2.500 m2 modulables, composé de 10 salles réparties sur trois niveaux, d'un auditorium de 400 places, d'une librairie et d'une galerie d'art. On peut enfin citer l'exemple de la Société anthroposophique qui dispose, outre 24 propriétés utilisées comme établissements scolaires ou préscolaires, de plusieurs lieux de culte et de différentes structures d'hébergement.

Le patrimoine sectaire peut également être parfois utilisé comme une vitrine de la secte qui, en montrant sa richesse, cherche à prouver son honorabilité et à assurer sa respectabilité. La Soka Gakkaï est le mouvement le plus représentatif de cette attitude. La secte japonaise a acquis, moyennant l'aide de l'association mère, plusieurs lieux prestigieux susceptibles d'asseoir la réputation culturelle qu'elle revendique. Elle est en effet propriétaire du Château des Roches, ancienne demeure de Victor Hugo située dans la vallée de la Bièvre où elle a installé un « centre cuturel ». Ce lieu a été inauguré par le dirigeant international de la secte, M. Ikeda, en présence de représentants de milieux culturels et politiques français, et des manifestations y sont régulièrement organisées. La secte Moon est également soucieuse de son image et possède des adresses de prestige. Après avoir contrôlé le Trianon Palace à Versailles, elle détient, par l'intermédiaire de deux sociétés de droit étranger, l'hôtel et le restaurant du Château de Bellinglise dans l'Oise. L'AMORC est propriétaire du château d'Omonville dans l'Eure, propriété classée monument historique. L'impeccable façade classique de ce monument orne le bas des courriers officiels de la secte. Dans un registre plus sobre sinon plus modeste, d'autres mouvements utilisent leur siège social comme la vitrine de leur organisation. Le site de Louviers, avec les dizaines de chambres construites sur le même modèle pour l'hébergement des adeptes, joue par exemple ce rôle pour les Témoins de Jéhovah qui y organisent régulièrement des journées portes ouvertes.

2. Enrichir les dirigeants du mouvement

L'image du gourou enrichi sur le dos des adeptes est une des représentations du phénomène sectaire les plus souvent véhiculées. Elle traduit la part de fantasmes qu'il suscite et que les sectes elles-mêmes entretiennent en maintenant l'opacité de leurs pratiques.

La Commission a eu, sur ce point, communication d'informations précises. Il en ressort que l'enrichissement personnel n'est pas l'objectif de toutes les organisations sectaires. Les dirigeants des Témoins de Jéhovah ne tirent probablement aucun profit financier personnel significatif de leurs activités. Une telle attitude est en effet très éloignée de l'état d'esprit qui prévaut au sein de cette secte, trop soucieuse de reconnaissance officielle et trop jalouse de l'influence de son organisation pour consentir des avantages particuliers à ses adeptes. Il existe cependant des cas incontestables de sommes directement versées aux responsables d'organisations sectaires qui montrent que l'enrichissement personnel de certains membres constitue une motivation commune à plusieurs sectes.

L'administration fiscale a établi que les recettes de plusieurs structures sectaires ont été utilisées pour verser des revenus à leurs dirigeants. Le contrôle fiscal réalisé sur Au c_ur de la communication pour une période allant de 1993 à 1996 a par exemple révélé que cette association a versé, sans les déclarer, des revenus à Mme Claire Nuer, fondatrice de la secte, et à son époux pour un montant de 197.000 francs. La SARL Prima Verba a distribué de manière occulte 233.000 francs à sa gérante, Mme Valérie Haffray. On a là des exemples caractérisés de détournement de l'argent des sectes et, dans certains cas, de dons de leurs adeptes, pour le profit des personnes qui les ont créées, président leurs instances ou, le plus souvent, les dirigent de fait.

Dans d'autres cas, la distribution de revenus est avérée sans que l'identité du bénéficiaire, à supposer qu'elle soit établie, ait été communiquée à la Commission. Les montants en cause montrent les possibilités d'enrichissement offertes par les sectes : les revenus distribués de manière occulte atteignent 586.000 francs dans le cas de l'association Tradition famille propriété (période allant de 1990 à 1992) ; 2,7 millions de francs pour Avenir de la culture (même période) ; 748.000 francs pour le Mouvement raëlien (entre 1987 et 1989) ; 6,4 millions de francs pour l'Eglise de Scientologie de Paris (entre 1981 et 1985) et même 32 millions de francs dans le cas de Krishna selon les résultats d'un contrôle ancien portant sur les années 1982 et 1983. Avant la constitution de la SARL Prima Verba, les différentes structures créées par M. Serge Marjollet, fondateur de la secte du même nom, ont pratiqué la distribution occulte de revenus pour des montants représentant plusieurs centaines de milliers de francs.

Les contrôles réalisés sur les personnes physiques fondatrices ou responsables d'une secte sont également riches d'enseignements sur leur niveau de revenus. M. L.J. Engelmajer a fait l'objet d'une taxation d'office qui s'est traduite par un redressement d'1,1 million de francs, hors pénalités, portant sur une période allant de 1994 à 1996. M. Guy Claude Burger, fondateur d'ORKOS et de l'instinctothérapie, incarcéré en 1997, a subi un redressement de 469.000 francs (toujours hors pénalités) au titre des revenus d'origine indéterminée, du produit de ses activités commerciales et de formation qu'il a reçus en 1994 et 1995. Gilbert Bourdin a également été redressé pour des activités similaires et le rappel d'impôts se chiffrait à 297.000 francs pour trois années (1992 à 1994). M. Serge Marjollet et son épouse Mme Valérie Haffray ont été taxés à hauteur de 385.000 francs pour absence de déclaration de bénéfices non commerciaux, revenus d'origine indéterminée et revenus distribués de manière occulte. Enfin, M. Jean-Jacques Mazier, ancien dirigeant de l'Eglise de Scientologie de Lyon, a fait l'objet, avant sa condamnation pour escroquerie en 1997, d'un redressement de 761.000 francs pour disproportion entre les sommes créditées sur ses comptes bancaires et celles figurant sur ses déclarations de revenus pour 1989 et 1990.

D'autres sectes ne cachent pas l'importance des revenus qu'elles procurent à leurs dirigeants. Dans sa réponse au questionnaire de la Commission, l'association Spiritual Human Yoga a déclaré avoir versé, de 1995 à 1998, 3.203.225 francs à M. Luong Minh Dang, fondateur de cette secte plus connue sous le nom de Human Universal Energy (HUE), incarcéré récemment en Belgique. Cet exemple donne la mesure des revenus que des personnes peuvent tirer d'une organisation sectaire en facturant leurs « services » soit sous la forme d'honoraires qui peuvent figurer dans les comptes des associations concernées, soit par l'encaissement d'espèces issues des liquidités brassées par la secte alimentée par la générosité des membres. Le charisme personnel acquis par les fondateurs de certains mouvements et l'ascendant qu'ils exercent sur leurs adeptes dont la manipulation mentale n'est plus à prouver, constituent autant de moyens de pression qui peuvent être utilisés pour un enrichissement personnel. Il est en effet utile de rappeler que certaines sectes sont réputées pratiquer la facturation des rites, cérémonies ou sacrements administrés par le gourou. D'après les informations communiquées à la Commission, ce serait notamment le cas de l'Eglise universelle du royaume de Dieu qui monnayerait les guérisons miraculeuses et autres délivrances spirituelles qu'elle organise, ou de l'Association orthodoxe du Christ Roi dont le dirigeant ferait payer ses talents de guérisseur et d'exorciste.

Le train de vie des responsables sectaires est également révélateur des revenus qu'ils peuvent tirer de leurs activités. Les informations dont la Commission dispose sur ce point, et dont plusieurs ont été portées sur la place publique, étaient particulièrement difficiles à vérifier dans les délais qui lui étaient impartis. Elle s'en fait par conséquent l'écho avec toutes les précautions qu'exigent la nature de ce type d'informations et l'opacité qui entoure les sectes. La Commission a par exemple eu connaissance de l'existence d'une flotte de bateaux de plaisance et d'une péniche de 38,5 mètres de long utilisés par le fondateur de Siderella. Lui ont également été rapportés le goût de M. Patrick Vorilhon, dirigeant du mouvement raëlien français, pour la course automobile, la propension de ce dernier à multiplier les voyages à travers le monde, et l'habitude des époux Marjollet d'afficher des signes extérieurs de richesse, et notamment des véhicules de luxe.

3.- Financer l'organisation internationale

Les sectes implantées en France ne forment, dans la grande majorité des cas, qu'une des ramifications d'une organisation présente dans plusieurs régions du monde. On peut parler de multinationales sectaires dont chaque branche est un instrument de prosélytisme mis à la disposition d'un mouvement qui traverse les frontières, mais aussi une source de financement pour la maison mère installée à l'étranger.

La Commission a eu confirmation de l'existence de transferts vers l'étranger de revenus perçus par les implantations françaises de plusieurs sectes. Il s'agit bien d'une autre utilisation de la richesse sectaire, pratiquée par un nombre suffisant de mouvements pour être considérée comme un trait dominant du phénomène. C'est aussi une manière de détourner les sommes soutirées aux adeptes.

Comme dans d'autres activités sectaires, le financement de l'organisation internationale revêt deux visages apparemment contradictoires, mais qui, en fait, peuvent être réunis au sein d'un même mouvement. Non seulement certaines sectes ne cachent pas l'existence de transferts de fonds vers l'étranger, mais elles les revendiquent en les présentant sous un habillage humanitaire. C'est en quelque sorte la face « transparente » du financement de l'organisation internationale. Reste, à côté, une version clandestine qui passe par des circuits de financement interne complexes, destinés à enrichir la structure mère.

Les sectes semblent de plus en plus attirées par l'aide humanitaire. On a vu comment le droit international les y incite, et les liens souvent étroits que plusieurs mouvements ont noués avec des organisations non gouvernementales. Ces liens peuvent se traduire par des transferts de fonds importants qui permettent de financer la multinationale sectaire.

Plusieurs sectes utilisent la puissance financière qu'elles ont acquise en France pour soutenir, sous un affichage humanitaire, leurs implantations à l'étranger. Il faut reconnaître que la richesse de certaines autorise ce type de générosité. Ainsi, les associations françaises de Témoins de Jéhovah versent chaque année plusieurs dizaines de millions de francs à leurs frères étrangers. En agrégeant les subventions, les dons de matériaux consentis pour la construction de lieux de culte et les aides versées aux missionnaires envoyés sur place, ce sont, de 1993 à 1998, quelque 150 millions de francs qui sont sortis des caisses des instances nationales de la secte à l'intention des missions étrangères. Ce montant n'inclut pas les sommes qui peuvent être versées par les associations locales sur lesquelles la Commission ne dispose pas d'informations. Les Témoins de Jéhovah présentent ces transferts comme un soutien humanitaire aux pays du tiers monde, et principalement d'Afrique. Ils revendiquent notamment une part de l'aide internationale déployée lors de la dernière crise du Rwanda au cours de laquelle les soutiens financiers versés aux missions locales auraient permis à la secte de jouer un rôle important. La question est bien évidemment de savoir si les fonds restent dans les pays où ils sont acheminés (4), et de connaître la façon dont l'aide financière est mise à profit sur place. Le soutien humanitaire peut en effet facilement être utilisé pour faire du prosélytisme. La Commission se contentera donc de constater que les transferts de fonds réalisés par les associations françaises de Témoins de Jéhovah servent à financer les missions implantées à l'étranger, et donc à renforcer l'influence de l'organisation jéhoviste internationale.

Les mouvements financiers observés au sein de l'Eglise internationale du Christ reproduisent le schéma mis en place par les Témoins de Jéhovah. Cette structure dont le siège international est à Boston comprend 280 implantations présentes dans plus de 120 pays différents. La branche française verse chaque année des soutiens financiers aux missions installées à travers le monde. Ces soutiens atteignent 1,5 million par an. Comme on l'a vu précédemment, elle finance également Hope World Wide, organisation non gouvernementale contrôlée par la secte.

Il est intéressant de noter que les implantations françaises de certaines sectes, difficilement capables de dégager des fonds transférables à l'étranger, sont davantage financées par leur organisation mère. En effet, le sens des transferts dépend logiquement de la répartition géographique de l'audience de la secte. Si l'évasion de la France vers l'étranger est dominante, l'inverse existe. La Soka Gakkaï en est le meilleur exemple : la branche française est largement financée par la structure mère japonaise qui lui a notamment versé les apports nécessaires aux acquisitions immobilières décidées sur le sol français. Il est également établi que le siège international de Moon renfloue régulièrement les associations françaises de la secte d'origine coréenne, qui semblent être quelque peu en perte de vitesse.

Par ailleurs, Humana, secte aujourd'hui dissoute en France, on l'a vu, avait organisé des collectes de vêtements qu'elle revendait afin de financer l'organisation internationale dénommée Tvind sur laquelle elle s'appuyait, et de conforter ainsi ses investissements à l'étranger. Moon a procédé au même type d'activité en organisant, notamment lors de la crise du Rwanda décidément propice à une mobilisation des mouvements sectaires, des braderies et des collectes de vêtements.

Au-delà des transferts présentés sous une forme humanitaire, existent les circuits de financement occulte. Il est frappant de constater que, dans la description des deux premières finalités de l'utilisation de la richesse sectaire, à savoir la mise en avant de la puissance du mouvement et l'enrichissement de leurs dirigeants, certaines organisations, pourtant très riches, n'apparaissent guère ou pas du tout. La Scientologie, le Mandarom, l'Eglise universelle de Dieu ou ORKOS ont rarement été cités. Ces sectes ne semblent pas disposer en France d'un patrimoine à la hauteur de leurs revenus. Même si elle est consciente que ses informations sont loin d'être complètes, la Commission n'a pas non plus eu connaissance d'exemple d'enrichissements massifs de leurs dirigeants. Ces constatations soulèvent logiquement la question suivante : où va l'argent ?

La réponse à cette question se situe très probablement à l'étranger. Le contraste entre l'opulence affichée à l'étranger par certaines sectes et l'apparente pauvreté de leur patrimoine en France ne peut qu'inciter à suivre cette piste. Si elle ne semble pas posséder sur le sol français un parc immobilier conséquent, il est de notoriété publique que la Scientologie a pignon sur rue dans d'autres pays, peut-être jugés par la secte moins regardants sur ses pratiques. Elle est notamment à la tête d'un empire immobilier à Copenhague où elle possède plusieurs hôtels et un centre de réhabilitation, de propriétés en Angleterre, sans parler des considérables installations qu'elle utilise en Californie et en Floride, ni du trop fameux Freewinds, navire de 135 mètres de long qui abrite l'organisation « maritime » de la secte dans les eaux internationales.

L'ampleur des transferts clandestins de fonds est, par définition, impossible à chiffrer. Le financement des organisations sectaires internationales rejoint en effet le problème plus général de la fraude internationale. Il passe par l'utilisation de circuits frauduleux qui seront examinés plus loin. Après l'analyse quantitative de l'influence économique des sectes et la mesure de leur poids financier, la dernière partie du rapport aborde le phénomène dans une approche plus qualitative afin d'examiner les dérives et les fraudes qu'il comporte.
 
 

() élixirs fabriqués à partir de fleurs trempées dans de l'eau de source, séchées au soleil puis incorporées dans une solution d'alcool.

() Il s'agit du chiffre d'affaires au sens des SRC, c'est-à-dire, pour l'essentiel, le montant des produits perçus dans le cadre :

- de conventions de formation professionnelle conclues avec des employeurs, l'Etat, des collectivités locales ou tout autre organisme ;

- d'actions de formation dispensées pour le compte d'un autre organisme ou d'une structure paritaire ou de mutualisation ;

- d'actions de formation dispensées pour des personnes physiques à titre individuel.
 

() les montants qui suivent représentent les rappels d'impôts prononcés à la suite de contrôles fiscaux, à l'exclusion des éventuels pénalités, majorations ou intérêts de retard.
 

() les dirigeants des Témoins de Jéhovah ont transmis à la Commission plusieurs déclarations émanant des autorités des pays africains à destination desquels les transferts ont été versés, et attestant que ces derniers n'ont pas été reversés aux Etats-Unis.

La Commission prend acte de ces déclarations et observe qu'elles n'apportent pas de précisions sur l'utilisation des fonds.
 
 
 

Bien que la Commission ne dispose pas d'éléments directement issus de leur comptabilité, le Mandarom et l'Anthroposophie disposent indiscutablement d'une « grosse fortune ». Les mouvements de fonds réalisés par la première atteignent en effet plusieurs dizaines de millions de francs, et les immeubles de la seconde sont estimés à plus de 33 millions de francs.


 

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Sectes = danger !