(Brigitte McCann et Chantal Poirier, Journal de Montréal, 9 octobre 2003)
MARICOURT « Déshabillez-vous. » Quoi ? Chantal et moi nen croyons pas nos oreilles. Mais la soixantaine de raëliens qui nous entourent obéissent à lanimateur. Tous ensemble, ils iront jusquà se regarder le croupion (!) avec un miroir.
Lexercice obligatoire pour tous les nouveaux stagiaires devait être la « méditation ultime », lien direct avec « linfini », selon notre animateur, Jean Gary.
Pour nous, ce fut lun des plus pénibles du stage. Pourtant, lactivité commence bien. Notre groupe est installé sur des couvertures, au soleil, dans une jolie clairière du terrain de camping de léglise raëlienne, à Maricourt.
Sans rien expliquer, des animateurs distribuent des petits miroirs à chacun. Avoir su
Jean Gary a pris le micro. Sans aucun avertissement, il nous demande de nous dévêtir complètement.
Tous. Immédiatement.
- On va être les seules à ne pas être nues, me murmure Chantal, inquiète.
- On sen fout.
Mais Jean Gary, lui, ne sen fout pas. « Ceux qui narrivent pas à surmonter la barrière de leur éducation, forcez-vous ! », commande-t-il.
Pour notre bien
Il dit que cest moins difficile que lon pense. Que ça va « accélérer » notre évolution. Que cest « pour notre bien ».
Dautres récalcitrants cèdent et se déshabillent. Va-t-on nous renvoyer si nous nobéissons pas ? Au bout du compte, cinq ou six participants ne cèdent pas : Chantal, moi, deux filles et Benoît, un travesti qui a gardé son soutien-gorge retenant ses faux seins et sa petite culotte de dentelle. Lanimateur est visiblement déçu, mais il ninsiste plus. La méditation commence. Elle portera sur les cinq sens. Tout le monde se couche sur le dos, en silence. La voix enregistrée de Raël retentit dans les haut-parleurs.
Il nous demande de nous toucher les bras et les épaules avant de passer aux seins. « Caressez bien vos seins, dit la voix de Raël. Sentez les muscles sous la peau, la pointe de vos seins »
Mais quest-ce que cest que ça ? Je suis très mal à laise. Mais tout le monde sexécute, alors moi aussi. La voix nous demande de nous asseoir. « Pétrissez bien vos fesses. Cest votre corps à vous. » Il faut ensuite se toucher les pieds, les genoux, les cuisses le sexe et lanus !
Jespère que ça ne tournera pas en masturbation collective ! Jentrouvre les yeux. Tous obéissent. Je nen reviens pas. Quitte à me faire repérer par les animateurs, je ne bouge pas. Chantal non plus.
Un peu à lécart, Jean Gary discute tranquillement avec dautres animateurs.
Je veux mourir !
Vient ensuite le goûter. Nous devons nous sucer et nous lécher la peau pendant de longues secondes.
Ça va trop loin pour moi. Mais je veux tenir le coup. Rater cet exercice obligatoire pourrait compromettre mes chances dobtenir un « niveau » dans la structure du mouvement. Au tour de lodorat. Il faut sentir nos aisselles. « Sentez lodeur très forte qui se dégage de sous vos bras. Cest votre odeur à vous. »
Nous devons ensuite frotter notre cuir chevelu et sentir nos doigts. Et puis, encore le sexe. « Maintenant, caressez très légèrement votre sexe [ ]. Là aussi des glandes exhalent certaines odeurs. Frottez longuement et portez vos doigts à votre nez. »
Limage me donne mal au cur tellement je suis mal à laise, mais je ne peux pas protester : personne ne dit rien.
Le pire sen vient avec la vue.
Raël nous demande de prendre le miroir distribué au début et de nous regarder lanus !
Je veux mourir ! Je ne mexécute pas. Chantal non plus.
La tension à son comble
« Regardez sous votre sexe de manière à voir votre anus. [ ] Votre anus par où la vie passe. Par où les matières qui étaient à lintérieur de vous-même ont circulé, ont laissé en vous le meilleur delles-mêmes. Cette partie est très importante. Pour être totalement en harmonie, il faut aimer toutes les parties de son corps, y compris celle-là. Le dessin de votre anus est magnifique »
La tension est à son comble. Le travesti devant moi écarte sa petite culotte dune main et tient son petit miroir de lautre. Lair grave, mes voisins sécartent aussi les jambes solennellement. Ils donnent limpression daccomplir quelque chose dimportant, qui pourrait les marquer à jamais.
Des animateurs prennent des notes en pointant certains participants. Pourquoi ? Mystère. Prête à tout, tendue au possible, je reste complètement immobile, préparée à bondir au moindre geste déplacé à mon égard ou celui de Chantal. Jespère quelle tient le coup.
Mais la méditation est terminée. Jean Gary nous explique que nous venons de franchir une étape importante dans notre développement personnel. Que nous sommes dorénavant des « privilégiés » sur cette planète remplie de cons.
Et tout le monde le croit.
L'OPINION DES EXPERTS
ALAIN BOUCHARD :
«Je suis toujours surpris de voir tout ce que les gens peuvent faire dans
un contexte religieux. Il y a quelque chose qui sapparente aux sports
extrêmes. «La méditation sert à démontrer lefficacité
des raëliens de briser les tabous... Dans le lot, il y a sûrement
des gens fragiles» qui peuvent être bouleversés par lexercice.
Le mouvement récupère bon nombre de mésadaptés sociaux qui ne réussissent jamais à sintégrer dans un groupe. Même Raël la avoué demblée, durant le dernier « stage déveil » de deux semaines, à Maricourt, le 25 juillet.
« Vous avez toujours été différents des autres depuis votre enfance et on vous la reproché, a-t-il dit devant une foule. En faisant rien comme les autres, ici, vous faites comme tout le monde. »
Exemple : Yvon, raëlien depuis deux ans. Le vendeur de 36 ans sentend mal avec ses parents, na pas de blonde et a toujours eu du mal à se faire des amis, raconte-t-il candidement. Il est venu au « stage déveil » pour échapper à sa solitude.
« Ça ne me tentait pas de partir en char tout seul en vacances aux États-Unis, raconte le gars de Québec. Ici, cest facile de venir tout seul. »
Une poignée dhommes profitent aussi du mouvement pour shabiller en femme ou cruiser des hommes, loin des regards extérieurs. Nous en avons croisé quelques-uns au sein du mouvement.
Cest le cas de Louis, journaliste dans un quotidien du Québec. Il profite des rencontres du mouvement pour être « Maryline », vêtu dun jeans hyper serré, dune camisole décolletée à bretelles spaghetti et dun soutien-gorge grande taille !
Le sexe abondant, à deux ou à trois, semble attirer et retenir plusieurs nouveaux membres dans le mouvement.
Caissière dans un dépanneur, « Manon », début vingtaine, a essayé toutes sortes de mouvements avant daboutir dans des lits raëliens.
« Pour linstant, je ne couche quavec des raëliens, raconte la jeune femme aux multiples tatouages. Ils sont tellement doux ! Tellement attentionnés ! »
Les yeux cernés jusquaux oreilles, plusieurs raëliens ont profité du stage de deux semaines à Maricourt pour jouer à la tente musicale, changeant de partenaire sexuel à chaque soir. Un comportement encouragé par les enseignements du gourou.
La raëlienne, qui sest improvisée bisexuelle du jour au lendemain, a été ravie lorsque Raël a demandé à voir TOUS ses tatouages, en avril. « Moi, si je peux aller faire plaisir au Prophète, anytime ! », assure-t-elle.
Hommes mariés
Des hommes mariés sen donnent aussi à cur joie. Bruno, 28 ans, a trompé allègrement sa conjointe non raëlienne tout au long du stage à Maricourt. Il portait le bracelet rouge désignant les amateurs de « plaisirs multiples avec des partenaires différents ».
Il assure que sa blonde est au courant. « Elle ma dit : tu peux y aller, mais cest dix jours sans sexe », explique-t-il, le plus sérieusement du monde.
L'OPINION DES EXPERTS
DIANNE CASONI :
Le mouvement regroupe des gens «en quête d'approbation, qui deviennent
prêts à servir le Prophète. Chose certaine, le besoin d'appartenance
de l'individu va être exploité.»
ALAIN BOUCHARD :
«Le sexe est sûrement la dimension la plus importante du mouvement
raëlien.»Après avoir étudié le mouvement pendant
un an, il en conclut que près 25% des raëliens sont là pour
les extra-terrestres, 25% sont là exclusivement pour la sexualité
et 50% sont entre les deux. «La possibilité est forte» que
Raël se serve du sexe pour garder ses membres.
MIKE KROPVELD :
«Raël aime le sexe et c'est important pour lui, alors c'est transmis
dans le groupe.» «Il y a des personnes comme vous et moi parmi les
raëliens. Ce ne sont pas de mauvaises personnes. C'est comme tomber en
amour: c'est émotionnel.»
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