LE DELIT DE MANIPULATION MENTALE: - UNE LOI NECESSAIRE

(Source : J.Trouslard - Le délit de manipulation mentale - Avec l'aimable autorisation de l'auteur.)


L' étude de nombreux procès relatifs aux sectes révèle les insuffisances du dispositif législatif avant et après le Nouveau Code Pénal (1994), pour réprimer les délits des sectes, démontrant ainsi la nécessité d'instituer le délit de manipulation mentale.

I - LE DISPOSITIF LEGISLATIF ANCIEN ETAIT INSUFFISANT

COMMENT ET POURQUOI ECHOUENT TANT DE PLAINTES CONTRE LES SECTES ? Quelques exemples

L'escroquerie
Attentats aux moeurs
Séquestration de personnes
Dons ou prêts d'argent
Divorces, droit de garde, de visite et d'hébergement
Infractions à la législation sociale
Législation fiscale
Dissolution

A LA RECHERCHE D'UNE LEGISLATION APPROPRIEE

Le problème du consentement

ON NE PEUT EN RESTER LA

II - LE DISPOSITIF LEGISLATIF ACTUEL EST INSUFFISANT

L'AVIS DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME
A TITRE D'EXEMPLE DEUX PROCES

Le procès Laugier
Le procès de l'association propriétaire de La Brulaire

LES ADEPTES DES SECTES SONT SOUVENT DES COUPABLES NON RESPONSABLES
COUPABLES MAIS PAS RESPONSABLES

LE DELIT DE MANIPULATION MENTALE NE MENACE PAS LES LIBERTES RELIGIEUSES

LE CODE DE DROIT CANONIQUE PROTEGE LES LIBERTES

L'admission dans un ordre religieux
Les étapes de l'admission
L'élection des supérieurs et la durée de leur mandat
Le contrôle et l'autorité de l'évêque
La suppression d'une communauté religieuse

COMMUNIQUE DE Mgr HERRRIOT EVEQUE DE SOISSONS

LA MANIPULATION MENTALE? MYTHE MEDIATIQUE OU REALITE PSYCHIATRIQUE

LE DELIT DE MANIPULATION MENTALE : UNE LOI NECESSAIRE QUI NE PORTE PAS ATTEINTE AUX LIBERTES.


I. LE DISPOSITIF LEGISLATIF ANCIEN (avant 1994) ETAIT INSUFFISANT

Le 11 mars 1991, le député Jean-Pierre Foucher avait, dans une question écrite, attiré l'attention du Premier ministre sur le danger des associations sectaires qui se développent en France et lui avait demandé "quelles mesures il envisage(ait) de prendre pour limiter les effets pervers de tels mouvements ".

"Les pouvoirs publics, avait répondu le Premier ministre, suivent avec beaucoup d'attention les activités des associations pseudo-religieuses qui n'ont connu aucun développement notable depuis quelques années ", ce dont on peut douter statistiques en mam.

En conclusion, ajoutait le Premier ministre, l'action concertée des différentes administrations et la vigilance dont elles font preuve en la matière constituent un frein considérable au développement des sectes et de leurs agissements illicites, "sans qu il soit nécessaire d'envisager des dispositions particulières, plus ou moins exorbitantes du droit commun, et peu compatibles avec le principe de liberté d'opinion qu il convient de préserver absolument ". (Journal officiel - 19 août 1991 - p.1254).

Déjà, en 1985, le député Alain Vivien, dans son rapport au Premier ministre avait posé la même question " Les dispositions législatives et réglementaires sont-elles suffisantes pour cerner et réprimer les agissements de certaines sectes ?" (Les sectes en France, p. 90).

La recrudescence et l'impunité des sectes dangereuses et perverses - non pour leurs doctrines mais pour leurs agissements - semblent, à elles seules, apporter une réponse négative. L'expérience douloureuse des familles ou des ex adeptes qui ont porté ou voulu porter plainte ou auraient dû porter plainte contre la secte dont ils ont été les victimes, s'est souvent soldée par un échec.

M. Alain Vivien indiquait que " de 1975 à 1982, sur quatre-vingt-quatre plaintes adressées aux parquets, seules quatre d'entre elles ont sanctionné des délits d'une indéniable gravité (escroquerie, injure raciale, discrimination, non représentation d'enfant) ". S'il convient de remarquer qu'une incontestable évolution s'est produite en ce domaine, il n'en demeure pas moins que l'on peut s'interroger sur ce "vide juridique" et chercher, avec prudence, à élaborer une éventuelle législation spécifique pour les sectes.

COMMENT ET POURQUOI ECHOUENT TANT DE PLAINTES CONTRE LES SECTES ? QUELQUES EXEMPLES

1 - L'escroquerie

Art. 405 du Code pénal: "Quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités (...) se sera fait remettre ou délivrer des fonds (...) sera puni d un emprisonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus, et d'une amende de 3 600 francs au moins et de 2 500 000 francs au plus "

Un ex-adepte de la secte du Fréchou, fort de sa compétence juridique, avait porté plainte, en 1987, devant le tribunal correctionnel d'Agen, contre les "pères" du Fréchou, pour escroquerie. Il savait fort bien et en rapportait la preuve que ceux-ci usaient de la fausse qualité de prêtres et d'évêques et que cette usurpation de titres avait été la cause déterminante de la remise de fonds de la part des adeptes.

Première étape: le 23 février 1988, l'ensemble des adeptes de la secte du Fréchou, totalement manipulés, sont persuadés et déclarent devant le juge d'instruction que les dits pères sont des vrais prêtres, des vrais évêques, membres de l'Eglise catholique romaine et ne peuvent être ex-communiés.

A cette époque, les "pères" avait jugé qu'il était nécessaire de ne pas déclarer ouvertement que leur ordination n'était ni ne serait jamais reconnue par Rome. Et que, de plus, ils étaient ex-communiés.

Deuxième étape: Pour préparer le procès, en 1990, les "pères" se rendent compte qu'ils ne pourront échapper à l'accusation d'usage de fausse qualité et donc seront condamnés. Alors, on change de tactique et leurs témoins, manipulés une seconde fois mais en sens inverse, viendront dire à la barre lors de l'audience du 29 mai le contraire de ce qu'ils avaient déclaré en 1988 : " Oui, comme la presse l'a si souvent relaté, la nature des ordinations et des consécrations des pères ne nous a pas été cachée, pas plus que la rupture de ban avec l'Eglise romaine. C'est donc en pleine connaissance de cause et en toute liberté que nous avons apporté notre soutien à la communauté ".

Troisième étape: Le jugement rendu le 27 juin 1990. D'une part, "le tribunal constate que les inculpés ne peuvent se prévaloir du titre de " prêtres " ou "d'évêques" de la religion catholique romaine ". Mais d'autre part, le tribunal s'appuyant sur les nouvelles déclarations des témoins de la défense qui affirment être parfaitement au courant de la situation canonique des pères estime qu'ils n'ont pas été trompés. Par conséquent, le délit d'escroquerie n'étant pas constitué, le tribunal a relaxé les inculpés de la poursuite d'escroquerie. (Notons que la défense avait fait citer une dizaine de témoins, tous bien sûr, farouches partisans du Fréchou, alors que les témoins de la partie civile, par peur, s'étaient tous désistés à l'exception d'un seul).

Certes, le parquet interjettera appel, requalifiera le délit et condamnera les "intimés" pour abus de confiance. (Arrêt de la Cour d'appel d'Agen du 10 mai 1991 confirmé par la Cour de cassation le 19 décembre 1991). Il n'empêche que des adeptes, sous l'effet d'une manipulation mentale, ont pu ainsi abuser un tribunal.

2 - Attentats aux mœurs

L'article 332 du Code pénal stipule: " Tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'a utrui par violence, contrainte ou surprise, constitue un viol. Le viol sera puni de la réclusion criminelle à temps de cinq à dix ans ".

Certains ex-adeptes d'une secte qui avaient accepté de déclarer, dans leur attestation judiciaire, avoir été victimes de pratiques sexuelles inadmissibles, avaient pensé porter plainte au titre de l'article 332.

Ils en ont été dissuadés par des experts juridiques qui leur ont démontré que leur plainte avait peu de chances d'aboutir

1 - Vous étiez majeurs ?- Oui
2 - Y a-t-il eu violence ? - Non
3 - Donc, vous étiez consentants ?

Il faut bien avouer que, faute de connaître et de reconnaître le processus de la manipulation mentale, il semble difficile de croire que la présumée victime n'ait pas accordé hier son libre consentement aux pratiques qu'aujourd'hui elle dénonce.

3 - Séquestration de personnes

Article 341 du Code pénal: " Ceux qui, sans ordre des autorités constituées et hors les cas où la loi ordonne de saisir des prévenus, auront (arrêté, détenu) séquestré des personnes quelconques, seront punis:

1) de la réclusion criminelle à perpétuité si la détention ou la séquestration a duré plus d'un mois;
2) de la réclusion criminelle à temps de dix à vingt ans si la détention ou la séquestration n a pas duré plus d'un mois;
3) d'un emprisonnement de deux à cinq ans s'ils ont rendu la liberté à la personne arrêtée, détenue ou séquestrée avant le cinquième jour accompli depuis celui de i arrêt, de la détention ou de la séquestration ".

David venait de terminer ses études universitaires de technologie. Il tombe sur une annonce publiée par une communauté écologique. Une secte. Il y passe un week-end et décide subitement de tout abandonner, sa famille, son amie, son futur emploi, pour aller vivre dans la secte. Las de voir son fils totalement manipulé et enfermé, le père se rend à la communauté. Là, il est agressé et frappé par un adepte : dix jours d'invalidité. Le père porte plainte pour coups et blessures volontaires mais aussi pour séquestration de son fils pendant plus d'un mois.

Evidemment, le fils, lors de l'enquête de la gendarmerie, déclare: " Je suis dans la communauté de mon plein gré. Je ne suis pas manipulé, je ne fais pas partie d'une secte, il n a pas de gourou ou de chef de secte". Le juge d'instruction estime qu'il ne résulte pas de l'information des charges suffisantes pour retenir le délit de séquestration et prononce un non-lieu. Par contre, il renvoie l'inculpé devant le tribunal correctionnel pour coups et blessures.

Si la violence physique peut aisément se prouver, il n'en va pas de même pour la violence psychique, surtout lorsqu'il s'agit d'un adulte majeur qui s'affirme libre et responsable de ses choix.

4 - Dons ou prêts d'argent

Un adepte d'une petite secte, totalement séduit, comme la plupart des adeptes, par son gourou à qui il avait fait entière confiance, contracte des prêts- étudiants de manière à pouvoir aider financièrement sa secte. Il verse 60 000 F à titre de prêt et donne 60 000 F à son gourou de la main à la main. On lui avait fait miroiter qu'il pourrait rembourser son prêt grâce à la situation professionnelle mirobolante que la secte lui obtiendrait.

Quelques temps plus tard, il découvre l'odieuse manipulation dont il a été victime, lui et sa famille. Il quitte la secte mais se retrouve face à ses créanciers. Il doit rembourser 120 000 F. Il se retourne contre le gourou qui sous la menace d'un procès accepte de lui rembourser le prêt de 60 000 F mais refuse de lui rendre les 60 000 F qui lui ont été donnés. L'ex-adepte, sommé par sa banque de terminer son remboursement, met son espoir dans la justice et porte plainte auprès du tribunal de grande instance de .... Or, voici le jugement du tribunal:

" Le tribunal n ayant pas reconnu la qualification de prêt pour les différentes remises de fonds effectuées entre les mains de X (le gourou), le tribunal n est pas à même d apprécier dans ces conditions la véracité des différents témoignages des demandeurs à I' appui de leur instance et qui justifieraient de la contrainte morale qu'auraient exercé sur eux les défendeurs. En conséquence, le tribunal déboute la partie civile de sa plainte et la condamne aux dépens ".

Non seulement le tribunal refusait de reconnaître la contrainte morale mais dans un attendu plutôt ... inattendu, justifiait ainsi la remise de fonds du demandeur: "Compte tenu du fonctionnement de la communauté religieuse ou de la " secte ", suivant les convictions de chacun, le principe d'une participation à la vie communautaire impliquait notamment une remise de fonds au profit de celle-ci ". Monsieur le président du tribunal et ses assesseurs n'étaient évidemment pas censés savoir que le demandeur vivait à l'extérieur de la secte, était marié et avait plusieurs enfants.

Ainsi, il ne faut pas croire qu'il soit si simple pour un ex-adepte de récupérer son argent. L'éternelle objection lui est adressée: 1) Vous étiez majeur ? 2) Vous dites avoir subi des pressions, des violences. Lesquelles?

Tout le monde sait que grâce à une habile et sournoise manipulation mentale, le " gourou " n'a pas besoin de " demander ", encore moins d'exiger des dons d'argent de la part de ses adeptes. Un gourou qui se respecte n'impose jamais rien. C'est l'adepte qui, d'un mouvement spontané, librement ( ?), parce qu'il lui doit tout, propose de devenir un donateur généreux, prêt à tout donner, à tout vendre au profit de sa secte.

5 -Divorces, droit de garde, de visite et d'hébergement

Il y a plus de dix ans, une jeune mère, découvrant que son mari n'était ni plus ni moins que le fondateur d'une secte, avait introduit une procédure en divorce. A l'époque, le juge des affaires matrimoniales avait confié la garde de l'enfant à la mère et avait accordé juste un droit de visite au père, un dimanche par mois, de dix heures à midi chez les grands-parents maternels. Pendant plus d'un an, ce père n'honora aucunement son droit de visite pas plus d'ailleurs qu'il ne s'acquittait de la pension alimentaire fixée par le tribunal. Mais, devant sauver la face aux yeux de ses adeptes qui s'étaient enfuis avec lui dans un lieu où ils seraient protégés d'un cataclysme mondial, il interjeta appel. La Cour d'appel modifia le jugement de première instance en étendant le droit de visite, le premier dimanche du mois, de 10 heures à 18 heures et autorisant le père à prendre l'enfant chez lui. Or, plusieurs témoins ayant certifié que le père avait projeté d'emmener sa fille à l'étranger pour la former à sa future mission, comparable à celle de Jeanne d'Arc, la mère hésita à confier l'enfant à son père. Le père attaqua son ex-épouse en correctionnelle pour non représentation d'enfant. La mère attaqua le père en correctionnelle pour non versement de la pension.

Le tribunal condamna la mère à 3 000 F d'amende et le père à 3 000 F d'amende et à quinze jours de prison avec sursis. Les journaux qualifièrent cette décision de "jugement de Salomon ", laissant redouter le pire pour la sécurité de l'enfant.

Le tribunal avait rendu son jugement sans tenir compte le moins du monde du facteur "secte" comme dans un banale affaire de divorce. Peuton accorder, dans de tels cas, le même droit de visite et d'hébergement qu a n importe quel autre père? Le danger de trouble psychologique pour l'enfant ne devrait-il pas être pris, lui aussi, en considération?

Des grands-parents avaient demandé d'obtenir le droit de visite et d'hébergement de leur petit-fils qui était dans la secte de Sri Mataji (Sahaja Yoga) avec ses parents. Le tribunal a rejeté leur demande invoquant l'intérêt de l'enfant "angoissé et perturbé selon les enquêtes sociales, par les nombreuses interventions dont il a été l'objet ". Pourtant, c'était grâce aux démarches des grands-parents que l'enfant qui était scolarisé dans la secte, en Inde, coupé de ses parents, était revenu en France et vivait de nouveau avec eux dans la secte. Jugement du 13 février 1992 : "Pour légitime qu'elle soit, la demande des grands-parents sera, dans l'intérêt de l'enfant, rejetée en l'état ". Les grands- parents ont interjeté appel.

A l'inverse, il était facile ici aux parents de l'enfant, adeptes inconditionnels de la secte, de le manipuler, de le monter contre ses grandsparents, de conditionner ainsi son témoignage et, en invoquant l'équilibre de leur fils de huit ans, de tromper les enquêteurs sociaux, les psychologues et le juge.

6 - Infractions à la législation sociale

Art. L 311-2 du Code de sécurité sociale " Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur t2ge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme et la nature de leur contrat ".

Les sectes échappent, la plupart du temps, à toute poursuite pour non application de la législation sociale, au motif que leurs adeptes sont des bénévoles et non des salariés. C'est ainsi que certains bénévoles, taillables et corvéables à merci, peuvent travailler 15 ou 18 heures sur 24 et ne bénéficier d'aucune couverture sociale.

7 - Législation fiscale

Le rapport d'Alain Vivien sur "Les sectes en France" citait les différents articles de la législation fiscale (Code général des impôts et Code des douanes) qui pouvaient être appliqués aux sectes.

Plusieurs sectes sont propriétaires de petits ateliers ou d'entreprises de production dont les effectifs peuvent aller de quelques artisans à une usine de 250 ouvriers. Pour qu'il n'y ait pas acte commercial, les produits sont distribués gratuitement en échange de dons. La secte échappe ainsi à l'impôt sur les bénéfices, la T.V.A., les cotisations à I'U.R.S.S.A.F. Quant aux adeptes, travailleurs clandestins puisque non déclarés par la secte, rien n'empêche qu'ils bénéficient, au profit de leur "employeur de l'ombre" des allocations de chômage ou du R.M.I. Les services compétents du ministère du budget ont effectué des enquêtes sérieuses qui ont abouti, pour certaines sectes, à d'importants redressements fiscaux mais nul ne s'étonnera que bien des poissons passent encore à travers les mailles du filet.

Dissolution

Outre les condamnations pour infractions aux lois civiles et pénales auxquelles les sectes sont soumises, les autorités judiciaires ou administratives peuvent en dernier recours utiliser une arme suprême, les articles 3 et 7 de la loi de 1901, pour prononcer la dissolution de l'association " lorsque l'association est fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite ou est contraire aux lois et aux bonnes moeurs ou encore aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement ".

A notre connaissance, depuis quatorze ans, une telle procédure n'a été mise en oeuvre en France qu'une seule fois, pour les Enfants de Dieu, pour racolage et prostitution (Journal officiel du 29 décembre 1978) mais le fondateur de la secte avait pris de vitesse le pouvoir judiciaire en s'auto-dissolvant. Ce qui n'a pas empêché la secte de renaître et de continuer ses activités illégales sous une autre forme et d'autres noms, en France et ailleurs.

Par contre, si les sectes expertes en procédure savent habillement échapper à la décision de dissolution, elle veulent aujourd'hui utiliser cette procédure à leur profit pour demander la dissolution des associations qui luttent contre les sectes. On a vu la Scientologie assigner l'A.D.F.I. en dissolution devant le tribunal de grande instance de Paris pour violation des articles 3 et 7 de la loi de 1901, de la loi du 9 décembre 1905 et de l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales! (Dommages et intérêts demandés i million de F.)

A LA RECHERCHE D'UNE LEGISLATION APPROPRIEE

Les quelques exemples que nous avons cités, choisis parmi tant d'autres, font toucher du doigt le réel et délicat problème d'un certain vide juridique concernant les sectes.

Le problème du consentement

En effet, on ne parvient pas à prouver, au regard de la loi, que des sujets majeurs ont pu être dépossédés de certains de leurs droits publics individuels fondamentaux, parce que d'abord et avant tout, ils avaient été dépossédés de leur faculté de libre examen et de libre débat, en d'autres termes parce qu'ils avaient été les victimes d'une manipulation mentale. Les adeptes semblent adhérer librement, donner un consentement libre, mais en fait, ils ne sont que des " victimes ", on pourrait même dire < victimes innocentes ", car il ne s'agit pas d'une " soumission librement consentie ".

"La liberté de conscience peut se trouver inhibée et aliénée à l'intérieur de certains groupements. Peut-on encore se référer à la liberté de conscience lorsqu'un individu n'est plus "maître de manœuvre de sa vie psychique et morale ?" (Claude Goyard, professeur à l'Université de droit, d'économie et de sciences sociales de Paris Il).

Pour pallier cette carence, tout en restant dans un cadre légal, certains proposent de recourir à l'article 488 du Code Civil qui protège tout majeur, victime d'une altération de ses facultés personnelles, devenu inapte à pourvoir seul à ses intérêts.

Il serait pour le moins inconvenant de s'appuyer sur cet article de loi, ce qui reviendrait à assimiler l'adepte d'une secte nocive à une personne faible d'esprit, victime d'un trouble mental.

A plus forte raison, on ne pourra invoquer l'article 64 du Code pénal qui concerne la démence. En effet, l'état de démence est constitué par le défaut des facultés mentales tels que les crétinisme, l'idiotie, la débilité, la faiblesse d'esprit ou la folie.

Or, il faut savoir et faire savoir que les facultés mentales des adeptes des sectes sont loin d'être toutes altérées et que la cause de l'altération n'est imputable ni à une maladie, ni à un affaiblissement dû à l'âge, comme le stipule l'article 490 du Code civil mais à un conditionnement systématique.

Toutefois, ne pourrait-on s'inspirer de l'esprit qui a présidé à la rédaction de ces lois pour envisager des effets complémentaires au droit positif actuel. En effet, la manipulation mentale crée un affaiblissement ou une surexcitation de certaines facultés intellectuelles et affectives.

Dès lors, sans en méconnaître la difficulté et même l'apparente impossibilité, est-il vraiment exclu de légiférer en la matière. De même qu'un prévenu peut être relaxé du délit de diffamation s'il rapporte la preuve de la vérité des faits diffamatoires, de même ne pourrait-on reconnaître qu'un délit de " manipulation" est constitué à condition de pourvoir rapporter la preuve la vérité des faits manipulatoires?.

Pour ce faire, il ne serait pas forcément nécessaire de recourir à des expertises psychiatriques (des psychiatres peuvent aujourd'hui encore ignorer le processus de la manipulation mentale pratiquée dans les sectes). Il semble qu'il soit possible d'apporter la preuve de la manipulation vécue dans une secte, à partir de critères vérifiés dans des faits précis, parfaitement démontrables, d'autant plus probants qu'ils ne sont pas individuels ou isolés mais collectifs et répétitifs. Ces faits permettraient de prouver que les adeptes ont perdu, en ce qui concerne les pratiques perverses de la secte, leur esprit critique et leur libre arbitre et sont devenus parfois des inconditionnels fanatisés, prêts à croire, dire et faire tout et n importe quoi.

On conviendra aisément qu'une telle entreprise est périlleuse et qu'elle ne doit ni ne peut en aucun cas aboutir à une restriction ou à une violation des libertés individuelles auxquelles nous sommes attachés.


ON NE PEUT EN RESTER LÀ


En définitive, il ne semble pas que l'on puisse accepter l'autosatisfaction et l'optimisme du Premier ministre dans sa réponse à la question de M. Jean Pierre Foucher que nous citions plus haut.

L'action concertée des différentes administrations et la vigilance dont elles font preuve ne constituent pas un frein suffisant pour endiguer les agissements illégitimes des sectes.

De même, on ne peut se contenter de dire que des lois existent et qu'il suffit de les appliquer.

Brandir l'épouvantail de l'atteinte au principe de liberté d'opinion n'est ni satisfaisant ni honnête.

Plus actuelle que jamais demeure la remarque de M. Alain Vivien pour introduire ses neuf propositions "Le phénomène sectaire interpelle les pouvoirs publics au plus haut niveau de leurs responsabilités. Aucune société civile ne peut tolérer ni des transgressions permanentes aux lois qui la régissent, ni que les individus, déconcertés par le laxisme des autorités, en soient réduits à se faire justice eux-mêmes ".

Une recherche s'avère nécessaire et urgente. Une telle recherche, selon le professeur Claude Goyard, " témoignerait d'un légitime effort de lucidité et de courage, de la part d'une société qui paraît se résigner à abandonner à leur sort des milliers d'individus très probablement privés de leurs droits essentiels. La complaisance à l'égard de n importe quelle croyance ne saurait favoriser des pratiques qui portent atteinte à l'intégrité de l'individu et qui sont destructrices de sa liberté et de sa volonté ".

Il. LE DISPOSITIF LEGISLATIF ACTUEL EST INSUFFISANT

S'il est vrai que les dispositions du Nouveau Code Pénal (1994), en particulier les articles 313.1.4 - 225.13.14, apportent de nouveaux moyens juridiques pour réprimer certains délits commis par les sectes, force est de reconnaître que ce nouveau dispositif législatif ne réaménage pas suffisamment le régime juridique permettant de circonscrire et de maîtriser le problème si particulier et désormais connu du processus de la manipulation mentale pratiquée par les sectes.

L'article 313-1 concerne le délit d'escroquerie. Or l'adepte d'une secte n'est pas, immédiatement du moins, amené à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque ou à fournir un service, à son propre préjudice ou au préjudice d'un tiers.

L'article 313-4 concerne l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne majeure en état de particulière vulnérabilité. Tous les adeptes qui s'engagent dans une secte ne sont pas nécessairement, au moment de leur engagement, atteints d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique, (ni dans un état de grossesse): seules circonstances choisies et définies comme constitutives de le vulnérabilité. D'où l'intérêt primordial de reconnaître la manipulation mentale comme une atteinte à la santé psychique.

L'article 225-13 concerne le "fait d'obtenir d'une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance, la fourniture de services non rétribués ou d'une rétribution manifestement sans rapport avec l'importance du travail accompli". La prestation de services n'est pas toujours ni forcément obligatoire pour chaque adepte.

L'article 225-14: là encore, l'adepte d'une secte n'est pas obligatoirement soumis à des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine. Beaucoup d'adeptes ne travaillent pas ni n'habitent dans la secte.

Il apparaît donc que notre législation actuelle est insuffisante et qu'elle gagnerait à instituer un délit de manipulation mentale, dans l'intérêt général de la société comme dans l'intérêt subjectivement considéré des personnes tombées dans le champ de recrutement des sectes.

L'AVIS DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME

Le 24 juillet 2000, Madame la Garde des Sceaux a sollicité l'avis de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme sur la proposition de loi instituant un délit de manipulation mentale, au regard des libertés individuelles.

La Commission consultative, tout en reconnaissant la nécessité de réprimer les abus provoqués par l'ignorance ou la situation de faiblesse caractéristiques de l'état dans lequel se trouvent les victimes des pratiques sectaires,(article 313-4), a estimé néanmoins que la création d'un délit spécifique de manipulation mentale n'était pas opportune, les dispositions de l'article 313-4 lui paraissant suffisantes.

La Commission suggère de "déplacer cet article 313-4 dans le Code Pénal pour ne pas concerner uniquement les actes pre~udiciables concernant les biens et d aggraver la répression lorsque le ou les auteurs du délit sont des responsables, de droit ou de fait, d'un groupement sectaire au sein duquel l'infraction a été commise... "

Il est regrettable que la Commission Consultative n'ait pas été informée du volume des contentieux et des solutions judiciaires apportées à l'issue des actions intentées dans toutes les affaires de sectes. Ainsi s'est-elle contentée de rappeler l'avis qu'elle avait émis le 10 décembre 1993.

A TITRE D'EXEMPLES : DEUX PROCES

1) Le procès Laugier

En 1964, Claude LAUGIER fait la connaissance d'Olivier FENOY, lequel avait fondé, en 1963, une communauté, dite " L'Office Culturel de Cluny", qui pendra la forme dénaturée d'une secte. En 1970, Claude Laugier hérite, de sa grand mère paternelle, du domaine du Claux, sis à Entrevaux (Alpes de Haute Provence). En septembre 1977, Claude Laugier entre dans la communauté de l'Office Culturel de Cluny. En mars 1978, sous l'emprise d'une manipulation mentale, il est convoqué devant les dirigeants de I'O.C.C. qui parviennent à lui extorquer sa signature sur un bail emphytéotique trentenaire, rédigé par Monsieur Olivier FENOY, directeur général de l'Office Culturel de Cluny, et antidaté au 1er juin 1977.

Conscient de la manipulation dont il avait été victime, Claude Laugier parvient à quitter l'O.C.C. et recourt à la Justice pour récupérer sa propriété. Il perd son procès en première instance au Tribunal de Digne (19 novembre 1986), en Cour d'Appel, à Aix-en-Provence (19 septembre 1989), devant la Cour de Cassation (3 mars 1993). A nouveau, il porte plainte contre l'OCC pour obtenir la résiliation du bail, au T.G.I de Digne, le 18 janvier 1995. Débouté, il interjette appel. La Cour d'Appel d'Aix-en-Provence confirme le premier jugement. Toutefois, elle reconnaît, dans l'attendu suivant: "l'emprise morale dont a été victime Claude Laugier": .l'emprise foncière initiale n'étant que l'expression d'une autre emprise, celle-ci morale, dont toutes les conséquences juridiques n'ont pas été exploitées à ce jour pour rendre raison de la SPOLIATION dont a été victime Claude LAUGIER, considération que la Cour exprime ici, pour rejeter, en équité tout autant que pour des raisons économiques, l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile que réclame l'Office Culturel de Cluny."

Finalement, Claude Laugier introduit un pourvoi en Cassation. Le 2 juin 1999, la Cour de Cassation casse et annule l'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence et renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Nîmes. (La Cour d Appel d Aix-en-Provence avait déclaré irrecevables les conclusions déposées par Claude Laugier le 26 août 1996, à quelques jours de l'ordonnance de clôture en date du 4 septembre 1996. La Cour de Cassation a estimé "qu'en statuant ainsi, sans caractériser les circonstances particulières qui auraient empêché 1 Office Culturel de Cluny de répondre à ces conclusions, la Cour d Appel n a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés").

2) le procès de l'association propriétaire de La Brulaire

L'association propriétaire de La Brulaire engage un procès pour nullité et résiliation du Bail emphytéotique consenti à l'Office Culturel de Cluny. Dans un premier temps le propriétaire de ce domaine, le Père Bertania, voulant louer sa propriété à une oeuvre religieuse de jeunes, a été littéralement trompé par l'O.C.C. qui s'est présenté comme une communauté religieuse de jeunes. Revenu de son erreur, le Père Bertania a légué sa propriété à l'Association des Enfants de Notre Dame de la Salette et de Grignon de Montfort. Quelques années plus tard, la nouvelle association propriétaire découvrant la manipulation dont avait victime le Père Bertania, et elle-même, par voie de conséquence, porte plainte. Elle sera déboutée, au T.G.I. de Cholet, le 7 juillet 1995 et en Cour d'Appel d'Angers, le 10 mars 1997.

Ces deux procès illustrent de façon exemplaire la nécessité de pouvoir recourir à une loi reconnaissant et réprimant le délit de manipulation mentale.

LES ADEPTES DES SECTES SONT SOUVENT DES "COUPABLES " "NON RESPONSABLES"

Faute de reconnaître la manipulation mentale, la Justice n'en vient-elle pas parfois à déclarer " coupables " des personnes " non responsables".

En effet, le propre de la manipulation mentale pratiquée par les sectes est d'utiliser une triple technique cognitive, comportementale et affective à des fins perverses de conditionnement, d'emprise, de contrainte morale, d'embrigadement. Ce mécanisme qui se développe en trois temps: séduction- destruction- reconstruction et qui fonctionne en s'articulant sur trois pivots: un gourou- un message- un groupe, parvient à priver l'adepte de son esprit critique et de son libre arbitre, de manière partielle, sectorielle. C'est-à-dire que l'adepte est privé de ses facultés de discernement et de libre décision uniquement en ce qui concerne les théories et les pratiques de sa secte. Mais pour le reste de sa vie, l'adepte peut rester entièrement libre et jouir et faire preuve de toutes ses facultés.

C'est ainsi que l'adepte pourra tromper les juges, et même les psychiatres qui ne découvriront en lui aucun symptôme délirant, se présentant comme une personne douée d'une remarquable intelligence, occupant des postes importants dans les divers domaines de la vie professionnelle, culturelle, sociale, politique, religieuse, et ne laissant apparaître aucun caractère de vulnérabilité ou de faiblesse.

Or, ces mêmes personnes peuvent très bien s'être rendues coupables d'infractions plus ou moins graves, commises dans un état d'emprise ou de contrainte morale induit par la secte, victimes d'une manipulation mentale. Fn soi, les actes délictueux sont répréhensibles et leurs auteurs seront déclarés coupables. Mais en fait, privés de liberté, souvent ils ne sont pas responsables:

COUPABLES MAIS PAS RESPONSABLES.

Ici s'impose l'étude sérieuse du processus de la manipulation mentale spécifique pratiquée par les sectes. Il est en effet mal aisé de reconnaître que des adeptes de sectes, des personnes normalement constituées, puissent ainsi perdre leur liberté. En ce cas, il serait faux de parler de "soumission librement consentie ". Aussi difficile que ce soit à admettre, ces personnes devraient être considérées parfois, non pas comme des "victimes consentantes", mais comme des "victimes innocentes".

Le Tribunal et la Cour d'Appel de Lyon ont ouvert une brèche dans cette voie en relaxant plusieurs prévenus, adeptes de la Scientologie, au motif qu'ils avaient été victimes "de manipulation dans un but d'aliénation du sujet..., de procédés frauduleux, de manoeuvres frauduleuses, d'une manipulation mentale, de pressions ... entrant dans le champ de la contrainte morale... " (p.25)

"Plusieurs d'entre eux ont fait soutenir qu'imprégnés d'une sincère et profonde croyance scientologique ils n avaient pu agir de mauvaise foi et qu'en conséquence: 1' élément moral de l'infraction n'était pas caractérisé". (p.25)

" Un certain nombre d'autres prévenus sollicitent leur relaxe en contestant l'existence, en ce qui les concerne, de l'élément moral de l'infraction ." (p.28) (Cour d'Appel de Lyon. 28 juillet1997)

La spécificité de la manipulation mentale pratiquée par les sectes consiste essentiellement en ce qu'elle est une manipulation initiale, c'est-à-dire que l'adepte, avant d'entrer dans une secte, n'est pas forcément dans un état de faiblesse ou de vulnérabilité. Il poursuit une recherche respectable (humanitaire, sociale, spirituelle, médicale, psychologique, etc...) et va être littéralement trompé sur la vraie nature de l'association dans laquelle il entre et dont il va devenir, à son insu et progressivement, un membre fidèle, voire un inconditionnel, un fanatique.

Ici apparaît la nécessité de la proposition de loi qui institue le délit de manipulation mentale et la grande différence entre les articles 313.4 - 225.13.14 qui visaient une personne en état de faiblesse ou de vulnérabilité et le futur article 225.16-4 qui vise l'infraction qui a pour but ou pour effet de créer l'état de dépendance.

Il semble donc qu'il soit possible et nécessaire de déclarer une personne physique ou une personne morale coupable du délit de manipulation mentale, à condition de pouvoir en rapporter la preuve, non pas forcément à partir d'expertises psychiatriques, mais simplement à partir de faits précis, répétitifs, collectifs et coercitifs.

LE DELIT DE MANIPULATION MENTALE NE MENACE PAS LES LIBERTES RELIGIEUSES

La loi instituant le délit de manipulation mentale, votée à l'unanimité à l'Assemblée Nationale le 22 juin 2000, a déclenché les plus vives réactions, entre autres, des grands religions monothéistes.

Le président du Consistoire Central de France redoute qu'une telle loi "puisse s'appliquer à des religions ".

Le Président du Conseil Nationnal des Musulmans de France estime que l'on " peut mettre tout ce qu'on veut dans une loi antisectes ".

Le porte-parole des Evêques de France subodore "le risque que des groupes non sectaires soient suspectés " et avant même le vote de la loi, le Père Jean Vernette avait exprimé, le 20 juin 2000, la peur de l'Eglise catholique de voir cette "légitime législation antisectes devenir un jour la fusée porteuse de la lutte antireligieuse ", et que ce délit puisse viser " des congrégations, la vie en noviciat, la clôture définitive, les pratiques d'ascèse,... les vœux d'obéissance et de pauvreté, la direction spirituelle... ". Bref, la peur que l'on assimile "secte" et " congrégation religieuse ", "secte et religion ".

C'est ignorer la différence fondamentale qui existe entre une secte et une religion, et pour prendre un exemple, entre une secte et l'Eglise catholique. La secte est par nature liberticide. La foi, l'appartenance à l'Eglise ne peuvent et ne doivent être qu'une adhésion libre et volontaire.

Monsieur Alain VIVIEN, auteur du Rapport sur " les Sectes en France ", avait déjà répondu, en 1985, avec pertinence à cette objection dans une émission télévisée sur la secte de Saint-Erme :

" la grande différence qu il ne faut pas négliger, c est celle qui prévaut entre les religions et les sectes. Si vous entrez dans un ordre, mettons un ordre religieux catholique, même parmi les plus fermés, vous avez une longue période de probation. Dans la secte, pas! Lorsque vous avez décidé de confirmer votre adhésion, de prononcer vos vœux, vous ne rompez pas nécessairement tout lien avec votre milieu ni même avec votre famille. Dans la secte, c est le contraire! On a lu tout à l'heure des lettres qui étaient tout à fait caractéristiques de la nature des liens qui subsistent, si je puis dire, entre la famille et l'adepte. Il y a donc un certain nombre de grandes différences que les sectes masquent en se présentant comme des religions ". (FR3, 5janvier, 7 mai 1985).

LE CODE DE DROIT CANONIQUE PROTEGE LES LIBERTES

Pour que les membres de Congrégations Religieuses puissent discerner et assumer leur vocation en toute liberté, l'Eglise a fixé des normes juridiques extrêmement précises qui sont consignées dans le CODE DE DROIT CANONIQUE, au livre Il, dans la 3 ème partie consacrée aux Congrégations Religieuses, canons 573 à 730.

Voici les dispositifs de sécurité, établis pas l'Eglise Catholique concernant:

1) l'admission dans un ordre religieux
Les supérieurs ne peuvent admettre dans leur Congrégation des candidats qui n'auraient pas " en plus de l'âge requis, la santé, le tempérament adapté et les qualités de maturité suffisantes pour assumer la vie propre de 1 Institut. Santé, caractère et maturité seront vérifiés en recourant, même si nécessaire, à des experts ". (Canon 642).
" Ainsi ne peut être admis validement un candidat qui n aurait pas 17 ans accomplis et qui entrerait sous l'influence de la violence, de la crainte... ". (Canon 643).

2) Les étapes de l'admission
Le postulat : (bien que cette pratique ne soit pas codifiée dans le Droit Canon le jeune homme ou la jeune fille qui demande à entrer dans une Congrégation, sont généralement invités à vivre un temps de probation, en poursuivant leurs activités ordinaires, hors de la Congrégation, puis un temps de probation au sein de la congrégation de manière "à vér fier si leur démarche est effectuée librement, s ils possèdent les qualités requises, s ils sont animés d'une intention droite ". (Canon 597).

Le Noviciat:
" Pour être valide, le noviciat doit comprendre 12 mois à passer dans la communauté même du noviciat.., auxquels on pourra ajouter une ou plusieurs périodes d activités apostoliques passées hors de la communauté du noviciat. Le Noviciat ne dépassera pas 2 ans " (Canon 648).
Il appartient aux responsables du Noviciat " de discerner et d' éprouver la vocation des novices " (Canon 652).
"Le novice peut quitter librement l'institut et l'autorité compétente peut le renvoyer. S'il subsiste un doute sur 1 idonéité du candidat, le Responsable pourra prolonger le temps de probation... ". (Canon 653).

La Profession Religieuse
Son Noviciat achevé, le novice, s'il est jugé idoine, sera admis à la profession (Canon 653).

La Profession temporaire, sera " émise pour une durée qui ne sera pas inférieure à 3 ans, ni supérieure à 6 ans " (Canon 655).

Pour la validité de cette profession temporaire, il est requis

- que la personne qui l'émettra ait au moins 18 ans accomplis,
- que le noviciat ait été validement accompli,
- qu'ait eu lieu l'admission par le Responsable compétent avec vote de son Conseil (ou de la Communauté) faire librement...,
- qu'elle soit expresse et émise en dehors de toute violence, crainte grave ou vol (Canon 565).

La Profession perpétuelle : " une fois achevé le temps de la profession temporaire, le religieux qui en fait spontanément la demande et est jugé idoine, sera admis au renouvellement de la profession ou à la profession perpétuelle. Sinon il s en ira ". (Canon 657). Pour la validité de la profession perpétuelle il est requis que le religieux " ait au moins 21 ans accomplis et qu elle ait précédé d'un temps de profession temporaire d'au moins 3 ans ". (Canon 658).

3) L'Election des Supérieurs et la durée de leur mandat
" Le supérieur général d'une Congrégation est désigné par une élection canonique, présidée par I Evêque ". (Canon 625)." Les supérieurs sont élus pour un temps déterminé afin de ne pas demeurer trop longtemps et sans interruption dans leur charge. Ils peuvent d'ailleurs, pour des raisons déterminées (par le droit propre) être révoqués de leur office ". (Canon 624).

Le Droit Canon précise différentes normes pour que les Supérieurs de Congrégation exercent leurs responsabilités " dans le respect de la personne humaine" (Canon 618) et " reconnaissent aux membres de leur communauté la liberté qui leur est due" en différents domaines. (Canon 630).

4) Le contrôle et l'autorité de l'évêque
L'Evêque du Diocèse a le droit et le devoir de faire la visite des monastères et des communautés religieuses de droit diocésain (Canon 628). Aucun institut religieux ne peut être érigé sans le consentement préalable de l'Evêque diocésain, donné par écrit et pour ériger un monastère de moniales l'autorisation du Siège Apostolique est requise (Canon 609).

Le Monastère autonome qui ne dépend que d'un seul supérieur est confié à la vigilance particulière de l'Evêque diocésain (Canon 615).

5) La suppression d'une communauté religieuse
Enfin, lorsqu'une Communauté Religieuse ne permet plus à ses membres de mener normalement leur vie religieuse selon les buts propres et l'esprit de l'Institut, " elle peut être supprimée par le Supérieur Général, après consultation de l'Evêque diocesain... ". (Canon 616).

Ainsi, à la différence des sectes où les adeptes entrent du jour au lendemain, sans connaître la nature ni les buts exacts du groupe, I'Eglise Catholique a tenu à établir des normes juridiques extrêmement rigoureuses en vue d'assurer la liberté pleine et entière de la vie religieuse. On aura remarqué en particulier les principales règles que l'Eglise a fixées pour protéger la liberté des candidats à la vie religieuse avant leur entrée dans une congrégation en leur imposant "une longue période de formation et de probation " (Règle et Constitution du Carmel). On assure ainsi une double sécurité: permettre à la communauté d'examiner la vocation des postulants, leurs aptitudes et leurs intentions, et offrir aux candidats le moyen, par une expérience concrète, de connaître le but et l'esprit de leur future congrégation et de choisir librement d'y entrer.

Quelles menaces peuvent donc craindre les communautés religieuses si elles restent fidèles à leur vocation ! Loin de vouloir "créer ou exploiter une dépendance psychologique des personnes ", loin d'exercer sur elles "des pressions graves et réitérées ou d'utiliser des techniques propres à altérer leur jugement, afin de les conduire, contre leur gré ou non, à des actes qui leur seraient gravement préjudiciables , les communautés religieuses, à la différence des sectes liberticides, protègent, développent et épanouissent les libertés de leurs ressortissants.

Le Code de Droit Canonique protège et défend les libertés.

LE DELIT DE MANIPULATION MENTALE: une loi nécessaire qui ne porte pas atteinte aux libertés

Le développement des sectes liberticides constitue un phénomène de société suffisamment grave pour que le législateur et le Gouvernement, qui ont mission d'assurer la protection des personnes et des biens, se soucient d'édicter les dispositions législatives et réglementaires les plus adaptées, pour défendre les victimes des sectes et protéger la société.

C'est donc à juste titre que les Parlementaires, sénateurs et députés, conscients que l'état du dispositif législatif actuel ne permet pas suffisamment de faire obstacle concrètement aux manœuvres frauduleuses des sectes, ont cherché à renforcer les dispositions législatives "en vue de protéger / exercice normal des libertés".

Une proposition de loi sénatoriale a été adoptée, en première lecture, le 16 décembre 1999. Ce texte, lors de son examen à l'Assemblée Nationale, a été aménagé par les députés qui ont notamment introduit et adopté à l'unanimité "le délit de manipulation mentale", le 22 juin 2000.

Ce délit consiste à "exercer sur une personne des pressions graves et réitérées afin de créer ou d'exploiter un tel état de dépendance et de la conduire, contre son gré ou non, à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable".

Cette proposition de loi, actuellement soumise à l'approbation du Sénat, loin de porter atteinte aux libertés fondamentales liberté de conscience, liberté de pensée, liberté religieuse, liberté d'association, viendrait au contraire, si elle était définitivement adoptée, assurer la protection juridique des individus, des familles et de la société civile, victimes des sectes qui portent gravement atteinte à la dignité et à la liberté de la personne humaine, qui bafouent et violent les Droits de l'Homme.



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