Il existe, en France, une législation concerant les mineurs
Il existe en France une législation qui devrait permettre indirectement
de réprimer les infractions, les délits ou les crimes commis
contre les enfants par les sectes. De manière non exhaustive, on
peut citer quelques dispositions de lois ou règlements administratifs
:
Code pénal
Non assistance à personne en danger (223.6).
Outrages aux bonnes mours. Attentats aux mineurs.
Viols et agressions sexuelles. (222.22623 ).
Incitation de mineurs à la débauche, corruption de mineurs,
prostitution (227.22-225.5).
Violence, tortures, coups et blessures, voies de fait, homicide (22.1-7).
Détournement de mineurs. Enlèvement et séquestration
de personnes (224. 1).
Abus de l'état d'ignorance, de la situation de faiblesse ou de vulnérabilité.
Situation de dépendance de personnes mineures (313.4-225.13, 14)
Contrainte morale ou physique.
Non représentation d'enfants.
Législation sur les Associations.
Code civil
Protection des mineurs dont la santé, la sécurité
ou la moralité sont en danger ou si les conditions de leur éducation
sont gravement compromises (375 et sq).
Manquement grave des époux à leurs devoirs (212 ; 220).
Délaissement, abandon de mineurs entraînant mise en péril
de mineurs (227.1).
Le droit de visite et d'hébergement des grands parents (371).
Code de la Santé publique
Exercice illégal de la Médecine (356-372-376).
Dispositions relatives aux vaccinations obligatoires.
Actes réglementant le régime des quêtes sur la voie
publique
(Circulaire n°308 du 9/9/1950 et n° 82-83 du 7/6/1982).
Code du Travail
Réglementation de l'âge et des conditions de travail
concernant les mineurs.
Loi sur l'obligation scolaire (28 mars 1882, ordonnance du 2 janvier
1959)
Décret 66-104 du 18 février 1966 sur l'obligation scolaire.
Dispositions relatives à l'ouverture et au fonctionnement des établissements
privés.
Ces mesures législatives ou réglementaires concernant les
mineurs paraissent nombreuses et importantes. Elles ont été
renforcées par la Convention Euro-péenne de sauvegarde des
Droits de l'Homme et des libertés fondamentales (art. 9) ainsi que
par la Convention Internationale des Droits de l'Enfant (1989). Et pourtant
elles ne permettent pas d'atteindre directement et de front les activi-tés
perverses, dangereuses et nocives des sectes à l'encontre des enfants.
Une législation insuffisamment appliquée
Cet arsenal juridique important pourrait laisser croire que l'État
et la société dis-posent des moyens légaux pour contenir,
voire réprimer les abus des sectes contre les enfants. Force est
de constater que les divers éléments de cette législation
ne sont pas mis en oeuvre dans tous les cas où des débordements
graves sont signalés, ni dans toutes les affaires ou instances où
les autorités publiques auraient matière à intervenir.
Quatre textes suffisent à en rapporter la preuve :
a) La Commission Consultative des Droits de l'Homme
avait attiré, en décembre 1993, l'attention des autorités
judiciaires " pour que soient appliqués !es textes, tant
en matière pénale que civile, concernant les personnes particulièrement
vulnérables, notamment les mineurs ", ainsi que " !es textes
concernant le régime des associations". Et la Commission de demander
une " application vigilante ", " une appréciation rigoureuse", un
" contrôle strict ", une " application effective " et d'insister
pour que " la réglementation soit effectivement appliquée
".
b) Le Rapport de la Commission
Parlementaire d'Enquête sur " Les Sectes en France ", publié
le 10 janvier 1996, notait dans le même sens : " On ne reviendra
pas sur l'arsenal juridique permettant de lutter contre les dangers des
sectes, dont on a vu qu'il était diversifié et suffisant
pour couvrir l'ensemble des agissements des mouvements sectaires... Mais
les travaux de la Commission l'ont très vite conduite à avoir
l'impression - devenue certitude au terme de sa réflexion - que
les possibilités offertes par les dispositions existantes ne sont
pas toujours - loin s'en faut - pleinement utilisées... Votre Commission
est donc convaincue que le développement des sectes pourrait être
efficacement freiné par une meilleure application du droit
".
c) La Circulaire du Garde des Sceaux, relative
aux mouvements sectaires (29 février 1996) prenant acte de " certaines
doléances de la Commission d'Enquête de l'Assemblée
Nationale quant à la réponse apportée par l'autorité
judiciaire à la dénonciation de faits imputés à
des organisations sectaires qui n'auraient pas été poursuivis
ou auraient été instruits trop lentement ", rappelait que
" la lutte contre les dangers liés à ce phénomène
doit reposer sur une application plus stricte du droit existant
", en matière pénale et civile." Il est indispensable, poursuivait
le Ministre de la Justice : que toute plainte ou dénonciation soit
étudiée avec vigilance, que les infractions fassent l'objet
d'une attention toute particulière, que l'opportunité des
poursuites soit examinée dans un esprit de particulière sévérité,
que soit tenu compte du principe de responsabilité des personnes
morales (1er mars 1994),-qu'une attention privilégiée soit
apportée à la situation des mineurs, ... "
d) La Circulaire du Ministre de l'Intérieur
du 7 novembre 1997, rappelle avec insistance aux Préfets (Métropole
et Outre-mer) que " l'efficacité de la lutte contre les agissements
répréhensibles qui accompagnent le développement du
phénomène sectaire suppose la pleine utilisation du dispositif
juridique existant et la mobilisation de tous les services de l'État
".
Si le dispositif juridique était suffisant pour réprimer
les exactions commises par les sectes, ces rappels sont la meilleur preuve
que la législation est insuffisamment appliquée.
Comment expliquer ces carences ?
a) Les affaires dans lesquelles sont impliquées des sectes ont
longtemps été traitées comme des problèmes
de deuxième ou troisième urgence par comparaison à
des fléaux majeurs qui monopolisent les énergies et les capacités
de réaction de la police, de la gendarmerie, des magistrats.
b) La circulaire du Garde des Sceaux faisait remarquer très justement
que la mise en oeuvre des dispositions juridiques pour la protection des
mineurs embrigadés dans une secte était rendue particulièrement
délicate " lorsque leurs parents sont tous deux membres de la secte
". Dans ce cas, il est suggéré que le Juge d'Instruction
veille à faire respecter le droit des grands parents.
c) Mais les grands-parents, et on les comprend, vont hésiter
à se constituer partie civile et à porter plainte contre
leurs propres enfants pour non représentation d'enfants (art. 371.4),
par peur des représailles de la secte ou de leurs enfants alors
qu'ils essaient de sauvegarder le contact avec eux, envers et contre tout.
Ceci, sans compter avec la peur de déclencher des procédures
judiciaires et administratives, interminables et très onéreuses.
d) On a pu observer, également, une certaine réticence
de la part de certains magistrats à tenir compte de l'appartenance
sectaire de la partie civile ou de la défense, en particulier dans
les cas de divorce et de droits de garde ou de droits de visite et d'hébergement
Une législation insuffisante
Insuffisamment appliquée, notre législation se révèle
insuffisante. Certes, on comprend la prudence avec laquelle il convient
de traiter le problème de sectes pour éviter de porter atteinte
aux libertés fondamentales. C'est la raison pour laquelle le Rapport
Parlementaire n'avait pas jugé " souhaitable de préconiser
l'élaboration d'un régime juridique spécifique aux
sectes ".
Les insuffisances de notre législation en matière de
sectes sont manifestes :
a) Le Rapport parlementaire
a bien conscience des insuffisances de notre législation puisqu'il
propose en effet " de compléter ou de modifier l'arsenal juridique
sur quelques points de façon à rendre plus efficace la riposte
contre les dérives sectaires " :
Étudier l'opportunité d'aggraver les sanctions encourues
par les sectes (p. 116).
Revoir le régime de la diffamation (p. 117).
Renforcer la protection des experts mandatés auprès des tribunaux
(p. 118).
Permettre aux associations de défense des victimes des sectes de
se porter partie civile (p. 119).
Transmettre à la préfecture le budget annuel supérieur
à 500 000F et les comptes rendus d'assemblée générale.
b) Diverses propositions de lois ont été
présentées par des députés et sénateurs
de diverses appartenances :
Permettre aux maires de refuser un permis de construire (JP Brard).
Permettre aux maires de refuser un local municipal (JP Brard).
Définir clairement et rapidement le mot " secte ", empêcher
le prosélytisme et le financement des sectes par les campagnes législatives
(Souvet).
Accorder aux associations de défense le droit de se porter partie
civile (J Guyard et PS).
Améliorer la loi de 1901 (A Gest).
Assimiler les sectes à des groupes de combat et à des milices
privées et renforcer les modalités de dissolution des associations
loi 1901 et les sanctions pénales en cas de maintien ou de reconstitution
(N About et UDF), renforcer les modalités de dissolution.
Regrouper les plaintes au sein d'une juridiction privilégiée
(JP Brard).
c) Le Rapport de la Commission des Affaires culturelles,
familiales et sociales sur la proposition de JP Brard de créer
une commission d'enquête relative à la situation sanitaire
et éducative des enfants hébergés ou scolarisés
dans des sectes (12/11/97).
Cette proposition s'appuyait sur l'actualité récente montrant
que " les enfants qui sont passés sous la coupe des sectes courent
à la fois des dangers pour leur santé phy-sique et mentale,
parfois même pour leur vie, et sont soumis à une propagande
intensive leur inculquant le rejet, voire la haine, pour tout ce qui n'est
pas de la secte... Les en-fants sont souvent victimes d'actes de violence,
de brimades, d'attouchements, d'in-suffisance ou de privation de soins
médicaux. La nature et la qualité des enseignements qui peuvent
leur être dispensés dans les sectes handicapent lourdement
leur avenir pro-fessionnel et leur insertion sociale " L'objectif de cette
Commission était de faire " un bilan de la situation actuelle des
enfants concernés pour dégager les modifications législatives
nécessaires à la protection de ces victimes sans défense
". Plusieurs informations judiciaires concernant des victimes mineures
étant actuellement en cours sur les activités de mouvements
sectaires, cette proposition a été jugée irrecevable.
Il n'empêche que, au-delà de cette question de procédure,
le Rapport reconnaît l'opportunité du problème soulevé.
Sur le plan de la scolarité, le Rapport consacre une importante
réflexion sur les insuffisances de notre législation (p.
8 et 9) et souhaite que l'on procède à une réforme
du dispositif du contrôle de l'instruction des enfants scolarisés
à domicile ou dans les établissements privés hors
contrat.
Une même observation s'impose sur le plan des conditions sanitaires
auxquelles sont soumis les enfants des sectes.