(voir aussi Les journalistes américains
rendent hommage à Paulette Cooper et Richard Behar).
Les apparences montraient que Noah Lottick de Kingtson, Pennsylvanie, avait été un garçon normal de 24 ans, heureux de vivre et cherchant sa place au soleil. Le dernier jour de juin dernier, ses parents étaient effondrés d'un chagrin quasiment catatonique en venant chercher le corps de leur fils à New York.
Ce jeune universitaire engagé dans des études de russe avait sauté par la fenêtre du 10è étage de l'Hôtel Milford Plaza ; il avait rebondi sur le toit de tissus d'une limousine. Lorsque la police arriva, ses doigts se recroquevillaient sur 171 dollars, le seul argent qu'il n'ait pas encore donné à l'église de Scientologie, ce groupe philosophique destiné à "s'aider soi-même" qu'il avait rencontré quelques sept mois auparavant.
Sa mort a poussé son père Edward, médecin, à entamer ses propres enquêtes sur l'église. "Nous pensions que la Scientologie était une genre d'Institut Carnegie", a-t'il dit, "mais je crois désormais qu'il s'agit d'une école pour psychopathes. Leurs prétendues thérapies sont des manipulations. Ils prennent les meilleurs et les plus brillants, puis les détruisent." Les Lottick veulent porter plainte contre l'église qui a contribué à la mort de leur fils, mais cette idée les a effrayés. Depuis près de quarante ans, la grosse affaire scientologue se fait un bouclier du Premier Amendement (1) et se cache derrière une batterie d'avocats criminels excessivement bien payés ou de détectives fuyants.
L'Eglise de Scientologie est l'oeuvre de l'écrivain de science-fiction L. Ron Hubbard ; elle a pour but de "rendre clair" les gens - leur ôter leurs malheurs - et se définit elle-même comme une religion. L'église est en fait un énorme racket extrêmement profitable qui survit en intimidant ses adeptes et ses critiques d'après un modèle assez maffieux.
Au cours de la décade précédente, les poursuites engagées contre la Scientologie semblaient parfois faire reculer la menace. Onze scientologues du sommet de la pyramide, dont la femme de Hubbard, furent expédiés en prison au début des années 80 pour cambriolage, infiltration et écoutes téléphoniques de plus d'une centaine d'agences privées ou gouvernementales visant à interrompre les enquêtes sur la secte. Au cours des dernières années, des centaines d'anciens adhérents à la Scientologie ont quitté l'église et l'ont critiquée ; certains ont porté plainte pour violences physiques ou mentales. Certains ont gagné leurs procès ; d'autres ont accepté des compromis pour des montants supérieurs à 500.000 dollars. Dans certains cas, les juges ont estimé l'église "paranoïaque et schizophrène", ou encore "corrompue, cynique et dangereuse".
L'outrage et les poursuites n'ont cependant pas réussi à écraser la Scientologie. Ce groupe, qui prétend avoir 700 centres dans 65 pays, menace plus que jamais insidieusement et hypocritement. La Scientologie tente de prendre le courant, une stratégie qui a mis le feu à une nouvelle campagne de poursuites contre elle, visant à lui faire respecter la loi. De nombreux adeptes ont été accusés de commettre des escroqueries financières, alors que l'église continue d'attirer de nouvelles proies grâce à un vaste réseau d'organisations écran (sociétés, publicité, soins ou éducation).
A Hollywood, la Scientologie a amassé une liste d'adeptes de choix, les stars étalons, par un recrutement agressif qui les envoie se faire chouchouter dans les "Centres de Célébrités" de l'église, une sorte de chaîne de clubs offrant un entraînement et des conseils coûteux, auxquels s'ajoutent des conseils de carrière. Parmi ces adeptes on trouve des idoles de l'écran comme John Travolta, Tom Cruise, les actrices Kristie Alley, Mimi Rogers et Anne Archer, le Maire de Palm Springs et l'acteur Sonny Bono, le jazzman Chick Corea et même Nancy Cartwright ou la célèbre voix de dessins animés Bart Simpson. Les membres ordinaires n'ont néanmoins pas droit à une Scientologie aussi reluisante.
Le Réseau de Prise de Conscience des Sectes (CAN, Cult Awarness Network) dont les 23 divisions dénoncent quelques 200 sectes pratiquant les "manipulations mentales" affirme qu'aucune autre secte ne provoque autant d'appels à l'aide que la Scientologie. Cynthia Kisser, directrice du réseau dont le QG est à Chicago, déclare ceci: "La Scientologie est sans nul doute le plus brutal, le plus classiquement terroriste, le plus lucratif et le plus procédurier de tous les groupes sectaires qu'ait jamais vu ce pays. Aucune secte ne tire plus d'argent à ses membres." Vicky Aznaran, l'un des six personnages clé de la Scientologie jusqu'à ce qu'elle s'en échappe en 1987, ajoute: "C'est une organisation criminelle, d'un bout de l'année à l'autre; des tueurs en série comme Jim et Tammy Bakker font figure de gamins de maternelle, par comparaison."
Pour comprendre l'étendue du phénomène, le Time a mené plus de 150 interviews et lu des centaines de pages d'attendus de jugements et de documents internes de la secte. Les officiels de l'église ont refusé de répondre. L'enquête révèle le profil d'un business dépravé mais cupide. La plupart des sectes n'ont pas réussi à passer le cap de la mort de leur fondateur, mais la Scientologie a réussi à prospérer depuis la disparition d'Hubbard en 1986. Dans les pièces jointes à un dossier de justice, l'une des multiples entités légales de la secte (le RTC, ou Centre de Technologie Religieuse) révélait 503 millions de dollars de revenus pour 1987. Les repentis de très haut niveau signalent que l'organisation apparentée aurait détourné environ 400 millions de dollars dans des comptes en banque du Liechtenstein, de Suisse ou de Chypre. La Scientologie dispose probablement d'environ 50.000 membres actifs, bien moins que les prétendus 8 millions ; leur chiffre gonflé sonne pourtant vrai, car on peut estimer que des millions de gens ont été influencés d'une façon ou d'une autre par ses activités.
La Scientologie est sous la coupe de David Miscavige, 31 ans,
éjecté du lycée, et scientologue de seconde génération.
Les repentis le décrivent sournois, brutal, et si paranoïaque
qu'il garde toujours un plastique tendu sur ses verres d'eau. Son obsession
est de parvenir à rendre la Scientologie crédible avant l'an
2000. Quelques exemple de tactiques utilisées par le groupe:
Hubbard a écrit un "texte sacré" de Scientologie en 1950: Dianétique, la science moderne de la santé mentale [renommé Dianétique, la Puissance de la Pensée sur le Corps, ndt]. Il introduisait alors une technique psychothérapeutique brute qu'il appela "l'auditing" (aussi appelée audition en français). Il créa par ailleurs un détecteur de mensonge simplifié (l'électromètre ou E-meter) destiné à mesurer les changements électriques de résistance de la peau pendant la discussion de détails intimes du passé avec le patient. Hubbard disait que les misères proviennent des aberrations mentales enregistrées dans le passé, des sortes de traumatismes (qu'il nomme engrammes). Les séances de conseils avec l'E-meter (électromètre), disait-il, pouvaient éliminer les engrammes, soigner la cécité, et même améliorer l'intelligence et la beauté.
Hubbard n'a jamais cessé de mettre en place des étapes de plus en plus coûteuses que ses adeptes devaient emprunter. En 1960, le gourou décréta que les humains sont en réalité constitués de "conglomérats d'esprits" (qu'il appelle des thétans) qui auraient été exilés sur terre par un cruel empereur galactique nommé Xenu. Bien entendu, il fallait aussi auditer ces thétans (supplémentaires!).
Une décision interne de l'IRS (Internal Revenue Service, le fisc américain) a privé l'église de son exemption d'impôts. Une cour fédérale a décrété en 1971 que les prétentions médicales d'Hubbard étaient inacceptables et que l'audition avec électromètre ne pouvait mériter l'appellation de traitement scientifique. Hubbard a réagi en fabriquant du tout-religieux, tentant d'obtenir la protection du Premier Amendement pour les rites étranges de la Scientologie. Ses "conseillers" ont commencé à porter des habits cléricaux; on a construit des "chapelles", les Franchises [accordées par la secte contre espèces et pourcentages] sont devenues des "Missions", les honoraires des "Donations fixées", et la comique mythologie intergalactique de Hubbard fut rebaptisée "écrits sacrés".
Au début des années 1970, l'IRS a mené ses propres séances d'audit des comptes et prouvé qu' Hubbard écumait des millions de dollars provenant de l'église, et les envoyait par diverses sociétés fictives à Panama ou dans des comptes en Suisse. Les scientologues ont en outre volé des documents à l'IRS, expédié de fausses déclarations au fisc et harcelé les fonctionnaires du centre des impôts. Fin 1985, des repentis de haute volée ont accusé Hubbard d'avoir volé plus de 200 millions de dollars à l'église: l'IRS a entrepris des poursuites contre Hubbard pour fraude fiscale. Les membres de la secte ont travaillé jour et nuit pour mettre en lambeaux les documents que recherchait l'IRS, comme l'a dénoncé le repenti Aznaran qui faisait alors partie de l'opération. Hubbard, qui se cachait depuis 5 ans, est mort avant que la poursuite criminelle ait pu être exécutée.
Désormais, l'église invente de nouveaux services coûteux; elle y met le même zèle que son fondateur. La doctrine scientologique prône le fait qu'il y a de graves risques, même pour une personne devenue "claire et libérée de ses engrammes", de ne pas aller sur les niveaux supérieurs encore plus chers. D'après la dernière tarification de l'église, les "recrues" (Hubbard les appelle des "viandes crues") prennent des séances pouvant atteindre 1.000 dollars de l'heure, soit 12.500 $ pour une "intensive" de 12h30 (soit en francs de l'époque, 6.000 F de l'heure).
Les psychiatres disent que ces séances peuvent provoquer une euphorie contrôlant le mental, qui poussera les gens à en demander davantage. Pour payer ces honoraires, les arrivants peuvent gagner des "commissions" en recrutant de nouveaux membres, en devenant eux-mêmes auditeurs (Miscavige l'est devenu à douze ans) ou en rejoignant le staff (le personnel) de l'église, ce qui permet de recevoir de l'audition "gratuite"... en échange de contrats d'un milliard d'années de labeur! "Assurez-vous que des quantités de corps entrent dans la boutique", implorait Hubbard dans un de ses bulletins au staff. "Faites de l'argent, faites davantage d'argent... peu importe comment vous les amenez, ou pourquoi ils viennent, faites-le, tout simplement."
Harriet Baker a appris les techniques de vente à la dure de la religion scientologue. Lorsqu'elle perdit son mari d'un cancer, à 73 ans, un scientologue s'amena chez elle à Los Angeles pour lui fourguer un "pack" d'un montant de 1.300 dollars "pour la guérir de son chagrin". Quelques 15.000 dollars plus tard, les scientologues apprirent que la maison n'était pas hypothéquée. Ils arrangèrent un prêt hypothécaire de 45.000 dollars, et la forcèrent à consentir à ce prêt pour acheter davantage d'audition; cela dura jusqu'au moment où les enfants de Madame Baker la fassent resurgir de son brouillard. Fin Juin, elle a exigé le remboursement de 27.000 dollars de services non reçus: deux scientologues armés d'un électromètre sont aussitôt arrivés sans rendez-vous chez elle pour l'interroger. Mme Baker n'a jamais récupéré son argent et a dû vendre sa maison en septembre.
Avant que Noah Lottick ne se donne la mort, il avait versé plus de 5.000 dollars pour acheter des services à l'église. Son comportement devenait bizarre. Il a dit une fois à ses parents que les scientologues pouvaient lire dans la tête des autres. Lorsque son père souffrit d'un gros infarctus, il insista sur le fait que c'était psychosomatique. Cinq jours avant de sauter dans le vide, Noah fit irruption chez ses parents en leur demandant pour quoi "ils répandaient des rumeurs mensongères sur son compte" - une illusion qui poussa son père à appeler un psychiatre.
C'était déjà trop tard. Sur un bouquet de fleurs offert à ses funérailles, on pouvait lire "De la part des amis de Noah en Dianétique"; mais aucun des membres de la secte n'a pointé le nez. Une semaine plus tard, les officiels du centre déroulaient le tapis rouge de leur centre aux parents de Noah. Un des patrons de l'affaire leur a dit que Noah était encore au centre quelques heures avant sa mort, mais cette version a été niée après l'identification du corps. Pire encore, la secte a même rechigné à rendre aux parents les 3.000 $ que Noah avait encore sur son compte dans l'affaire: ils insistaient sur le fait qu'il "s'agissait d'une donation" de leur fils.
L'église a inventé des centaines de services et de marchandises pour lesquelles elle exige des "donations". Avez-vous des difficultés à avancer sur leur "Pont", c'est-à-dire, sur leur échelle d'illumination ? Alors, on peut "revoir" votre cas pour un petit 1.250 $. Voulez-vous savoir pourquoi les "thétans" sont coincés dans l'univers physique ? Essayez donc les 52 cassettes du "Philadelphia Doctorate's Course" enregistrées en 1952, pour 5.225 $ (environ 30.000 F, soit 600 F la cassette de conférence, ndt). Vous avez aussi, pour les collectionneurs, la série de 22 livres reliés cuir portant sur des sujets allant des radiations à l'éthique scientologue, pour seulement 10.000 F.
Afin de leurrer des adeptes plus riches et sophistiqués, la Scientologie fait appel à une vaste série d'escroqueries financières et de groupes de façade, parmi lesquels on trouvera:
De nombreux dentistes ont été attirés
dans la secte contre leur gré, et ont porté plainte ou menacent
de le faire. Le dentiste Robert Geary de Medina (Ohio), qui a acheté
un séminaire à Sterling en 1988 a subi "les tactiques de
pressions les plus extrêmes qu'il ait jamais rencontré". Les
officiels de Sterling ont dit à Geary qu'ils n'avaient aucun rapport
avec la Scientologie, dit-il, mais Geary affirme qu'ils l'ont convaincu,
lui et sa femme Dorothée, que leurs problèmes nécessitaient
l'audition. En cinq mois, Geary a dépensé 130.000 $ pour
des services, plus 50.000 $ pour des "livres avec reliures en or, ayant
valeur de placement", autographés d'Hubbard.
Geary dit que non seulement les scientologues ont appelé sa banque pour augmenter le crédit de sa carte bancaire, mais qu'ils ont de surcroît imité sa signature pour faire un retrait de 20.000 $. "C'était dingue, se souvient-il, je ne pouvais même pas obtenir une quelconque preuve de leur part sur ce que je payais!". A une époque, Geary dit que les scientologues ont gardé sa femme en otage dans une cabane de montagne, après une hospitalisation suite à une crise nerveuse.
En octobre dernier, Sterling annonçait une mauvaise nouvelle
à un autre dentiste, M. Gower Rowe de Gasden, Alaska, et à
sa femme Dee. Les tests montraient que s'ils n'achetaient pas d'audition,
leur cabinet pérécliterait, et Dee violerait un jour leurs
enfants. Le mois suivant, les Dee s'envolèrent pour Glendale, en
Californie, où ils faisaient l'aller-retour entre leur hôtel
et le centre de Dianétique. "Nous avions l'impression de gens
brillants, tellement ils semblaient savoir de choses sur notre compte",
se souvient Dee; "puis nous avons alors remarqué que notre chambre
était sur micro"... S'étant enfuis du centre après
être délestés de 23.000 dollars, les Rowes ont dit
qu'ils avaient été pourchassés par des scientologues
à pied et en voiture. Les dentistes ne sont pas seuls exposés
à ces risques: la Scientologie s'attaque aussi aux pédiatres,
aux chiropracteurs et aux vétérinaires.
Un autre groupe lié à la Scientologie
est "l'Association des Hommes d'Affaires
Américains Inquiets". Il organise des rassemblements anti-drogues
et donne des récompenses de 5.000 $ aux écoles comme méthode
pour y recruter des étudiants et y acquérir les faveurs de
l'enseignement. En Virgine, en 1987, le sénateur John D. Rockfeller
IV a par mégarde recommandé cette association au Sénat.
En Août dernier, l'auteur Alex Haley donnait le ton des conférences
successives lors du banquet annuel de ce groupe à Los Angeles; comme
il l'a dit ensuite: "Je ne savais pas grand chose de ce groupe: je suis
Méthodiste de religion." L'ignorance sur la Scientologie peut
devenir embarrassante: il y a deux mois, le gouverneur de l'Illinois Jim
Edgar a fait la remarque que "le fondateur de la Scientologie ayant résolu
le problème de l'aberration humaine, le 13 mars serait décrété
Jour
de L. Ron Hubbard". Il s'en est excusé peu après, quand
il a appris qui était Hubbard.
Le Professeur de Chirurgie C. Everett Coop a qualifié
l'oeuvre de "torchon" et la FDA (Administration des Aliments et
Drogues, ndt) a publié une note expliquant que Steinmann avait triché
sur ce que la FDA avait écrit. "HealthMed est une passerelle
vers la Scientologie, et le livre de Steinman un mécanisme d'appel",
a dit le Docteur William Jarvis, président du Conseil National contre
les Fraudes Médicales". Steinmann, qui décrit Hubbard comme
un "chercheur", nie tout lien avec l'église et prétend que
"HealthMed n'a aucune affiliation avec l'église".
Dans le "Stock Market", la pratique "à court" implique
l'emprunt sur des actions cotées en bourse, dans l'espoir que le
prix descende avant que les stocks ne soient remis sur le marché
et rendus au prêteur. Les Frères Feschbach (Kurt, Joseph et
Matthew) de Palo-Alto, Californie, sont devenus les meilleurs vendeurs
"à court" des USA, ayant plus de 500 millions de dollars en activité;
ils ont 60 employés et disent avoir obtenu une rentabilité
supérieure au Dow Jones pendant l'essentiel des années 80.
Et, disent-ils, ils le doivent aux enseignements de la Scientologie, dont
le fonds "guerre au coude à coude" a reçu 1 million de dollars
de leur part.
Les Feschbach embrassent de plus les tactiques de l'église; ils sont la terreur des stocks exchanges. Lors des interrogations au Congrès en 1989, les patrons de plusieurs sociétés ont dit que les opérateurs des Feschbach avaient répandu de fausses informations auprès de diverses agences gouvernementales et sous divers déguisements -- par exemple, faire comme s'ils faisaient partie de la Commission Officielle des Garanties et Echanges -- afin de discréditer les sociétés et faire baisser le prix du stock. Michael Russell, qui dirigeait une chaîne de journaux d'affaires, a témoigné que les Feschbach appelaient ses banquiers et intervenaient dans ses prêts bancaires. Les Feschbach ont aussi envoyé des détectives à la recherche d'informations compromettantes sur les sociétés, informations qu'ils donnaient ensuite en pâture aux reporters d'affaires, aux Brokers et aux dirigeants de société de Capitaux (Funds).
Les Feschbach, qui arborent des vestes portant le slogan "Démolisseurs de Stock" insistent sur le fait que leur affaire est nette. Il se trouve pourtant que dans les preuves possibles d'espionnage du commerce des stocks, des officiels au niveau fédéral sont en train d'enquêter pour savoir si les Feschbach ont reçu des informations confidentielles d'employés de la FDA (Administration des Aliments et Médicaments). Les frères semblent s'être alignés sur la manie scientologue de s'en prendre à la psychiatrie et à la médecine : nombre de leurs cibles sont des sociétés bio-technologiques ou du domaine de la santé. "Si la vente légitime au "court" accomplit un service utile en diminuant des stocks excessifs", dit Robert Flaherty, éditeur du Magazine Equités, qui critique les frères, "les Feschbach ont toutefois brisé de bonnes mises en train (d'affaires par leur méthode)."
De temps à autre, les singeries en affaires envoient un scientologue derrière les barreaux. En août dernier, un ex-adepte dénommé Steven Fishman commence à purger ses cinq années de prison en Floride. Son crime: avoir volé à son employeur (gros courtier) des confirmations en blanc pour des stocks, dont il se servait ensuite comme preuve qu'il possédait les stocks afin de pouvoir engager ensuite des poursuites groupées. Fishman a fait environ 1 million de dollars entre 83 et 88 et en a dépensé plus de 30 % en livres et cassettes scientologues.
La Scientologie nie toute participation à l'escroquerie
de Fishman, prétention tout à fait contestée par Fishman
et par Uwe Geertz, son psychiatre depuis fort longtemps, hypnologue renommé
en Floride. Tous deux disent que lorsqu'il a été arrêté,
l'église a ordonné à Fishman de tuer son psychiatre,
puis de se suicider (ce que la secte nomme dans son jargon faire un "EOC",
qui signifie une Fin de Cycle).
Les critiques qualifient d'illisibles la plupart des oeuvres
d'Hubbard, et certains adeptes repentis affirment que ce sont des gens
de l'église qui les ont écrit. Même si c'est le cas,
l'église a envoyé des armées d'adeptes acheter les
livres du groupe chez des distributeurs tels que D. Walton et Waldenbooks,
afin de soutenir l'illusion des ventes 'best-seller' de leur auteur préféré.
Un ancien dirigeant de chez Dalton's a révélé que
certains livres arrivaient chez lui avec les anciennes étiquettes
de la chaîne pas décollées. La Scientologie prétend
qu'elle a vendu 90 millions d'ouvrages d'Hubbard de par le monde. Ce schéma
qui consiste à élaborer des chiffres pour les convertir en
crédibilité est attisé par une campagne sans précédent
dans les magazines et radios, dans l'histoire de l'édition.
Après que le Time de Los Angeles ait publié une série d'articles critiques de l'église l'été dernier, les scientologues ont dépensé environ 1 million de dollars à placarder les noms des journalistes sur des centaines de panneaux d'affichage et de bus partout en ville. Au-dessus de leurs noms, on trouvait des citations hors de contexte qui pouvaient faire penser que les articles étaient positifs pour l'église.
La pire des craintes qu'inspire l'église vient de ses avocats. Hubbard a prévenu ses adeptes: "Méfiez-vous des avocats qui vous disent de ne pas porter plainte... le but du procès est de harceler et de décourager plutôt que gagner..." Résultats: la Scientologie a fait des centaines de procès contre ceux qu'elle considère comme ses ennemis, et dépense chaque année environ 20 millions de dollars en frais d'avocats.
L'un des objectifs de l'abus du système légal est d'enterrer l'opposition sous les paperasses ou de la mettre en faillite. L'église a 71 dossiers de justice en cours, rien que contre l'IRS. L'un d'eux, (Miscavige contre IRS), a forcé à établir un index pour les 52.000 pages de documents. L'avocat Bostonien Michael Flynn, qui s'est occupé de victimes de la Scientologie de 1979 à 1987, a dû subir personnellement 14 procès frivoles (sans fondement), tous abandonnés ensuite. Un autre avocat, Joseph Yanny, estime que "l'église a tellement perverti la justice et le système judiciaire qu'on devrait l'empêcher de chercher quelque justice que ce soit devant les tribunaux." Il est bien placé pour le savoir: il a représenté la secte jusqu'en 1987, quand on lui a demandé d'aider l'église à voler des dossier médicaux de la partie adverse et de faire chanter leur avocat (qui aurait été rossé, en définitive). Puisque Yanny a cessé de représenter l'église, il a été l'objet de menaces de mort, des cambriolages, des poursuites au tribunal et autres harcèlements.
Les critiques de la Scientologie soutiennent que le gouvernement doit tomber sur le dos de l'affaire de façon globale et organisée. "Je me demande vraiment où est le gouvernement", dit Toby Plevin, un avocat de Los Angeles qui manie les victimes. "On ne devrait pas laisser cette affaire à des avocats privés; car Dieu sait combien d'entre nous craignent de s'engager". "Mais même les agents chargés de faire respecter la loi sont prudents; ils marchent sur des oeufs dès qu'il s'agit d'affaires de l'église", dit un détective privé de Floride qui traque la secte depuis 1988. "Nous avons besoin d'un effort fédéral considérable, et de beaucoup d'argent et de personnel."
Jusque là, c'est l'IRS qui a donné le plus de fil à retordre à la secte, qui croit que les successeurs d'Hubbard peuvent avoir conservé les clés du coffre de l'église et se servir. Depuis 1988, lorsque la Cour Suprême a tranché définitivement sur la révocation des statuts non-lucratifs accordés antérieurement à l'église, un gros effort est entrepris sur les comptes de chaque centre de l'église dans le pays. Un agent de l'IRS, Marc Owen, a estimé que des milliers d'employés de l'IRS y étaient impliqués. Un autre, dans un mémorandum interne, espère vraiment "la désintégration finale" de l'église.
Une petite lueur d'espoir est apparue en juin dernier, lorsque une cour d'appel a jugé que deux cassettes contenant des conversations entre des officiels de l'église et leurs avocats servait de preuve d'un plan destiné à "commettre des fraudes fiscales dans le futur".
L'IRS et le FBI ont interviewé des scientologues repentis au cours des trois dernières années, dans le but de trouver les preuves d'un cas de racket énorme apparu l'été dernier. Les agents fédéraux se plaignent que le Département de la Justice ne veuille pas accorder plus de crédits au soutien des opérations de guerre à couteaux tirés contre la Scientologie, ou pour en finir avec les djihads notoires de l'église contre les agents, pris individuellement. "Mon opinion est que l'église dispose d'un service de renseignements excessivement efficace, qu'on peut même comparer à celui du FBI", dit Ted Gunderson, un ancien dirigeant du bureau du FBI à Los Angeles.
Les gouvernements étrangers ont frappé plus fort que nous sur l'organisation. Au Canada, l'église et neuf de ses membres seront jugés en juin pour vols de documents d'état, (dont bon nombre ont été retrouvés lors du gigantesque raid de police contre les quartiers généraux de l'église à Toronto.) L'église a proposé de donner 1 million de dollars aux pauvres si on abandonnait la poursuite, mais le Canada a repoussé l'offre. Depuis 1986, les autorités françaises, espagnoles et italiennes ont effectué des raids dans plus de 50 groupements scientologues. En cours, des procès à l'encontre de plus de 100 membres outre-Atlantique, incluant des causes telles que : escroquerie, extorsion, fuite, coercition, exercice illégal de la médecine et extorsion envers des personnes diminuées mentalement. En Allemagne, le mois dernier, des politiciens très en vue ont accusé la secte d'infiltrer un des partis importants et de lancer une gigantesque campagne de recrutement dans les pays de l'est.
Parfois, même les plus fidèles zélotes ne peuvent compter sur une vraie protection. John Travolta, la star, 37 ans, a servi de porte-parole officieux à l'église, bien qu'il ait dit en 83 qu'il était opposé à sa direction. Les renégats de haut niveau ont dévoilé qu'il avait longtemps craint qu'en cas de départ, les détails de sa vie sexuelle ne soient rendus publics. "Il a eu bien du mal à l'avouer, se souvient William Franks, ancien directeur du Conseil de l'église. Aucune menace directe n'était faite, mais c'était implicite. Si vous partez, ils commencent aussitôt à fouiller dans tout ce qui est possible." Franks a été mis dehors en 1981, après avoir tenté de réformer l'église.
L'ancien patron de la sécurité de l'église, Richard Aznaran, se souvient de l'actuel couronné, Miscavige, répétant aux staffs des blagues à propos du comportement soi-disant promiscue de Travolta. A l'heure qu'il est, toute menace de dénoncer Travolta semble inutile: en mai dernier, un acteur porno mâle a obtenu 100.000 dollars pour un article racontant sa prétendue liaison deux ans durant avec la star. Travolta refuse tout commentaire, et en décembre, son avocat a repoussé des questions à ce propos, disant qu'elles étaient "bizarres". Deux semaines plus tard, Travolta annonçait son mariage avec l'actrice Kelly Preston, une autre scientologue.
Peu après la mort d'Hubbard, l'église a eu recours
aux services d'une société respectée dans le domaine
du Conseil en Marketing, la Cie Trout and Ries, basée dans le Connecticut,
afin de redorer son blason auprès du public. "Nous avons été
extrêmement honnêtes," a dit Jack Trout, "en leur conseillant
de nettoyer leurs activités, d'en finir avec la controverse et même,
de renoncer à leur identité d'église. Ce n'est pas
ce qu'ils voulaient entendre." Ils sont allés se servir auprès
d'une autre société, l'une des plus importantes du pays pour
ses annonces, Hill et Knowlton, dont les cadres refusent de discuter les
questions financières engagées. "Je suppose que Hill et
Knowlton doivent croire que ces gars ne sont pas tout à fait des
martiens", dit Trout - "à moins que ce ne soit que pour l'argent?".
L'une des stratégies principales qu'use la Scientologie consiste
à se prétendre persécutée par d'intolérants
anti-religieux. Elle est assistée en cela par l'Union des Libertés
Civiles américaine et par le Conseil National des Eglises. Mais
en fin de compte, il n'y a que l'argent qui compte en Scientologie. Aussi
longtemps que les opposants seront muselés, les dirigeants et avocats
de Scientologie continueront à encaisser des millions de dollars.
(1): le Premier amendement de la constitution américaine garantit la liberté de religion et la non-interférence du gouvernement dans les religions.
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