Actualités sur les sectes en février 1999

 

Eglise du Christ Internationale Des amis contre de l'argent
Eglise du Christ Internationale Manifestation contre l'installation d'une secte à Montreuil
Garum et Khnoum Les taupes de l'Apocalypse
Secte Aum Aum continue de se refaire une santé
Académie Gérard Godin Accusé de viols sur mineurs, le sculpteur avait créé une secte
Ordre du Temple Solaire Nouvelles recherches sur le carnage du Vercors


  Belgique : Eglise du Christ Internationale

Des amis contre de l'argent

Le Vif l'Express, 2 février 1999, par Valérie Colin.

[Texte intégral]

Marché de dupes:  l'Eglise du Christ offre à ses jeunes recrues t'illusion d'une vie d'amour. En échange de sacrifices écrasants. Des sourires sur tous les visages.  Des accolades, des rires qui  fusent, des baisers claquants, comme si tous ces jeunes  d'origines très diverses, qui attendent avec fièvre l'ouverture des portes du temple protestant de la rue Lepage, à Bruxelles, s'apprêtaient à fêter un extraordinaire événement. Rien d'autre pourtant que « le rassemblement de ceux qui se sont laissé toucher par Jésus-Christ », la célébration du service dominical de l'Église du Christ de Bruxelles. Filiale belge de l'Église du Christ de Boston - secte internationale à forte connotation évangélique et dotée d'une façade humanitaire : l'ONG « Hope Worldwide » - Le mouvement compte chez nous une
petite centaine de fidèles : jeunes intellectuels BCBG, demoiselles  romantiques » un brin idéalistes, en majorité issus de familles chrétiennes.

A 10 h 30, la foule pénètre dans l'édifice, joyeuse jusqu'à l'hystérie. Bras dessus bras dessous, des dizaines d'enthousiastes, incroyablement cordiaux et fervents, prennent place sur les bancs de bois. L'office « à l'américaine » débute dans la liesse : des gospels chantés en français et en flamand. Des canons, des prières, des choeurs a cappella, entrecoupés de prêches et d'homélies. « Vas-y, Denis ! Amen ! » lance une voix dans l'assistance. Debout devant son pupitre, le pasteur poursuit, cabotin :

 J'ai des amis à l'extérieur, mais les meilleurs sont ici gais, sincères, honnêtes... » « C'est vrai ! » crie une fidèle, radieuse. Tout commandement (« Humilie-toi »), tout appel à catéchiser (« quels que soient votre âge, votre responsabilité sociale, le nombre de vos enfants ») recueillent l'approbation du public : une sorte de grondement continu, en écho du sermon. Passe ensuite un plateau couvert de biscuits et de verres minuscules, remplis de jus de cerise. Puis c'est le tour de la sébile.

Chaque semaine, des dizaines de milliers de francs s'y amoncellent. « Donnez avec foi, donnez avec joie », recommandent les leaders de l'Église du Christ. Pas de doute : la collecte de fonds est sa principale raison de vivre.

Dans un manuel destiné aux novices et intitulé « Nos finances : une question de coeur », le ton est donné d'emblée : chacun y apprend qu'il n'est pas propriétaire de son argent, mais seulement « gérant ». En vertu de quoi, un plan (en deux semaines) de gestion des biens terrestres est proposé.
Quatorze « moments avec Dieu » (un pour chaque jour) rappellent, par paraboles interposées, que le Seigneur n'accepte pas de sacrifices au rabais. Dans des espaces laissés en blanc, l'adepte est invité à vider sa mauvaise conscience, en même temps que son portefeuille : « Suis-je un joyeux donneur ? », « Que suis-je prêt à vendre pour la collecte des missions ? », « Ai-je des dettes stupides ou résultant du péché ? Si oui, pourquoi ? »... Viennent ensuite les tableaux de dons : si le fidèle gagne 90 000 francs (brut) par mois, alors il doit créditer l'Église (il suffit de lire la ligne correspondant au salaire) de 2 077 francs par semaine (10 % de ses revenus) augmentés de 41 538 francs à titre de contribution à la collecte exceptionnelle de juillet. « Cette secte perverse, véritable fléau, ruine les jeunes et les transforme en zombies », explique Mathieu Cossu, bénévole à l'Association de défense de la famille et de l'individu (Adfi-France). Qualifié de « vieux fou déprogrammeur » par les dirigeants de l'Église du Christ, l'homme a pourtant recueilli, depuis 1994, 400 témoignages d'anciennes victimes et de proches d'adeptes - essentiellement des parents « désenfantés » (1). Tous rapportent
que l'obéissance des jeunes s'obtient à l'Église du Christ par une culpabilisation poussée à l'extrême et par la peur de la damnation
éternelle. « Tu t'es attardé au resto au lieu d'étudier la Bible ? Tu as dépensé sur un coup de tête ? Repens-toi devant tout le monde, ordonnent les responsables locaux de l'Église Et comme punition, signe un chèque... »

Des recruteurs attentionnés

Policier, le mode de fonctionnement pyramidal de la secte permet à chaque gradé de surveiller un ou plusieurs subordonnés. Au départ, les envoyés racolent dans les rues piétonnes ou sur les campus universitaires. Leurs cibles privilégiées : des jeunes de 20 à 30 ans qui leur paraissent solitaires ou « fragiles ». S'il s'agit d'un(e) célibataire, de préférence provenant de province ou de l'étranger, isolé(e) dans la grande ville ou relevant d'une déception amoureuse, la proie se révèle idéale. On va l'entourer. L'inviter à des barbecues, à des joggings  en forêt. Puis aux offices religieux et en vacances. Ensuite, lui suggérer de partager le même logement que deux ou trois autres fidèles. Le « love bombing » (stratégie de bombardement amoureux) se mue alors en flicage permanent. Car chaque adepte est placé sous le contrôle d'un tuteur à qui il doit une totale transparence (c'est-à-dire le compte rendu hebdomadaire et détaillé de ses sorties, rencontres et achats).

Et chaque formateur dépend à son tour d'un plus ancien, auquel il se confesse également. « Ici, on s'embrasse, on s'aime, on se prend sans cesse dans les bras. Mais dès qu'un adepte quitte le groupe, on ne le connaît plus », assure Cossu. Alors, c'est
la pire des souffrances : la disparition brutale de cet amour dont l'adepte a été cyniquement abreuvé. « Ces jeunes ne sont plus dans la réalité, poursuit-il. Il y a chez eux une incroyable dureté de coeur. En même temps, ils se révèlent allergiques à tout raisonnement logique. » Sexualité sous bonne garde « Notre enfant avait perdu tout sens critique, confirme un couple belge dont la fille, juriste, a commencé à fréquenter l'Église du Christ à 28 ans.

Un jour, elle nous a dit qu'elle avait rencontré Jésus et des amis, et qu'elle était parfaitement heureuse. Nous l'étions aussi car sa dépression ne semblait plus qu'un lointain souvenir. Puis son langage a changé. Il est devenu celui d'une convertie : stéréotypé, récité. Son appartement a vite été occupé par des "amies". Aujourd'hui, nous n'avons plus aucun moyen de la joindre : quand nous téléphonons, c'est le répondeur, ou quelqu'un qui nous la passe un bref instant. Elle donne l'impression d'être séquestrée. En fait, notre fille ne fait que "dégringoler", du point de vue professionnel et financier. Côté vestimentaire, elle donne encore le change... » Trilogie habituelle du pouvoir, de l'argent et du sexe. « Mais ici, on n'entre pas pour draguer, note Cossu.

C'est la privation - aussi fascinante que le débridement - qui caractérise la sexualité du groupe. Ainsi, on suggère aux jeunes de "se réserver" pour le mariage. La secte joue le rôle d'agence matrimoniale. » C'est encore elle qui autorise les « sorties régulières » des couples (toujours chaperonnés) et qui en définit la fréquence. « Ce système plaît, affirme un parent d'adepte : il séduit des jeunes gens qui ne sont pas vierges d'expériences, mais qui acceptent un "cadre" qu'ils n'arrivaient pas à se donner, du temps de leur indépendance. » Pour autant, ces « abstinents » ne sont pas ringards : leurs soirées musicales, leurs activités sportives sont plutôt sympathiques. Les
filles sont stimulées à surveiller leur ligne, pour se donner un look moderne et attirant.

Tous ces jeunes professent en outre de belles valeurs : le partage, le respect d'autrui, le rejet des drogues. « Dans ce groupe, il y a 90 % de positif, estime un pasteur anglais qui s'est occupé des victimes. Mais aussi 10 % d'intolérable. »  V., une infirmière de 24 ans, qui a témoigné à huis clos devant la commission d'enquête parlementaire sur les sectes, n'a fréquenté l'Église du Christ que six mois. Assez pour en subir des formes d'exploitation : afin de consacrer pleinement ses journées au recrutement de nouveaux adeptes, elle avait choisi de travailler uniquement la nuit, aux soins intensifs. « Elle était épuisée, raconte sa mère. En plus, elle faisait les courses et du baby-sitting pour son formateur. » Ce sont les frères et soeurs de V. qui lui ont ouvert les yeux. Ainsi qu'un diktat particulièrement inique de l'Église : quand l'infirmière a demandé à ses supérieurs religieux l'autorisation d'aller soigner des malades dans un pays du tiers-monde, ce fut non.

A moins qu'elle y fonde une nouvelle mission.

 Valérie Colin

(1) Créée par des parents belges
d'enfants (ex-)membres de l'Église du Christ, une « association de soutien
aux familles victimes des sectes »
organise régulièrement des réunions d'entraide, « qui se veulent plus une
forme de thérapie que de l'activisme anti- secte ».
 


  France : Eglise du Christ Internationale

Manifestation contre l'installation d'une secte à Montreuil

AFP, 5 février 1999.

[Résumé]

Près de 300 personnes ont participé à Montreuil (Seine-Saint-Denis), à un rassemblement, organisé par la mairie, contre la récente installation dans le centre ville de l'Eglise internationale du Christ.
 

Le député-maire Jean-Pierre Brard, a appelé chacun à " la vigilance " et à la défense des valeurs de laïcité et de liberté de la République.


  France : Garum et Khnoum

Les taupes de l'Apocalypse

L'Express, 7 février 1999, par Claire Chartier et Jérôme Dupuis.

Secte ou doux dingues ? En Bretagne, les adeptes de Garum et de Khnoum ont creusé un véritable bunker en prévision du grand big bang.

[Résumé]

La police judiciaire parisienne est inquiète des possibles tendances apocalyptique des associations Garum et Khnoum censées effectuer "depuis vingt ans des "recherches urbaines et maritimes" sur leur terrain de 14 hectares dans le bourg de Locoal-Mendon, près de Lorient (Morbihan)." En effet, des témoignages d'anciens membres de ces associations indiquent "qu'une centaine de personnes - avocats, médecins ou employés - creusent depuis des années en pleine illégalité une sorte de bunker au sous-sol pour échapper au big-bang attendu en 2006." [L'Express publie une photo de l'entrée du souterrain].

Le président de l'association Garum (un condiment à base de poisson séché utilisé dans l'Antiquité), Marc Alibert, médecin du Samu à Vannes, qui a refusé de répondre aux journalistes, a été entendu par les enquêteurs le 21 janvier, dans le cadre de l'enquête sur les infractions du groupe à la législation sur les sols. Lors de la perquisition, "les policiers de l'unité antisecte (5ème division de la DCPJ) et du SRPJ de Rennes n'en ont pas cru leurs yeux" : un dolmen et deux menhirs étaient posés au centre d'une pièce de 300 m2 creusée à 5 mètres sous terre sous une chappe de béton. L'ancien corps de ferme, au dessus des galeries, contient des pièces décorées de fresques égyptiennes, des ateliers, etc...

Le maire du bourg, qui avait à plusieurs reprises alerté les pouvoirs publics, rappelle : "Le week-end, on voyait débarquer des dizaines de voitures de toute la France. Puis ils ont voulu construire un grand ensemble immobilier avec un bâtiment central et des logements autour. J'ai dit non". Deux membres des associations eux refusent le label de secte, alors qu'ils ne font que se réunir pour, entre autres, pratiquer les enseignements du célèbre gourou des années 20, Gurdjieff : "Les gens croient qu'on leur cache des choses, et leur imaginaire prend le dessus : les alignements de Carnac sont tout proches. On nous voit enterrant nos morts et organisant des messes noires dns notre sous sol, alors que nous voulons seulement agrandir nos locaux", dit l'un. Une autre ajoute : "Notre philosophie prône l'observation de soi au travers du geste, et le partage de nos expériences". Les journalises commentent : "Questions gestes, les adhérents sont servies : pour 70 francs par jour, ils manient pioche et truelle sur le domaine du matin au soir, entre deux repas frugaux mais "énergétiques". Un parcours précisément balisé, depuis les baraques à outils jusqu'aux douches collectives.

Méditation, danses et exposés sur la fabrication du pain en Egypte, ou sur la symbolique des astres, complètent
la formule."
 

 

  France : Académie Gérard Godin

Accusé de viols sur mineurs, le sculpteur avait créé une secte

AFP, 12 février 1999.

[Résumé]

La Cour d'assises de Riom (Puy-de-Dôme) condamne Gérard Godin, 52 ans, à quinze ans de réclusion criminelle et 10 ans de privation des droits civiques, pour des viols et des agressions sexuelles sur sept de ses élèves.

Les faits qui lui étaient reprochés s'étaient pour l'essentiel déroulés avant 1992 au Mans (Sarthe), où cet ancien employé de banque devenu éducateur avait fini par ouvrir un atelier de sculpture. Les victimes ont été décrites par l'accusation comme des adolescents particulièrement vulnérables, jeunes en conflit avec leurs parents ou enfants de divorcés. Les faits avait été dénoncé en 1997 par deux entre eux, qui s'étaient adressés à une association de protection de l'enfance.

Ses accusateurs l'avaient présenté comme le " roi " d'une structure organisée de façon pyramidale baptisée " Royaume ", régnant sur des membres titulaires de grades allant du " page " au " prince ". Les relations sexuelles avec le " roi " constituaient la condition pour accéder au grade de " page ", ajoutaient-ils, en dénonçant " l'emprise psychologique " qu'exerçait sur eux le sculpteur.

L'accusation relevait aussi les ambiguïtés de l'enseignement dispensé par le sculpteur et ses amis, où il était beaucoup question, à côté de la sculpture et de cours de rattrapage, de la place de l'homosexualité dans la mythologie grecque.

L'avocat des deux seules victimes qui se sont portées partie civile a dénoncé dans son intervention le travail de " destruction psychologique " entrepris par Godin sur ses élèves. Les avocats de deux associations de défense de l'enfance maltraitée, également parties civiles, ont de leur côté insisté sur la " dangerosité " de Godin, que l'un d'eux a qualifié de " prédateur ".


  Japon : Secte Aum

Aum continue de se refaire une santé

AFP, 13 février 1999.

[Résumé]

La secte Aum Shinrikyo recrute toujours des adeptes via Internet et par la distribution de tracts.

Le Bureau des enquêtes s'inquiète particulièrement de l'installation en masse d'adeptes autour de la prison de Tokyo où est détenu le gourou Chizuo Matsumoto, alias Shoko Asahara, 43 ans. Ses alentours sont désormais considérés comme un " lieu saint " où les disciples sont invités à " prier ", expliquent les enquêteurs.

Le procès suite à l'attentat au gaz sarin dans le métro de Tockyo a dépassé la centaine d'audiences et pourrait durer encore de nombreuses années. Sur les 428 adeptes interpellés, 368 ont purgé leurs peines ou n'ont pas été condamnés, réintégrant, pour près de la moitié d'entre eux, Aum. Ses adeptes rencontrent plus que jamais l'hostilité de la population, qui mène des campagnes de protestation, parfois violentes, autour de seize de ses 34 centres.

Selon un rapport du Bureau des enquêtes sur la sécurité publique du ministère de la Justice japonais, la secte retrouve également une aisance financière grâce à la vente d'ordinateurs bon marché dans 6 magasins à Tokyo et Nagoya. Leur chiffre d'affaires aurait atteint 7 milliards de yens (53 millions d'euros) en 1998. Le commerce est d'autant plus rentable qu'Aum importe des pièces détachées des Etats-Unis et de Taïwan, qui sont ensuite assemblées à bas prix par les disciples, lui permettant d'offrir des prix inférieurs à la concurrence. Elle lèverait également des fonds dans l'imprimerie, l'édition, la construction ou l'organisation de séminaires.

La secte a répondu au rapport en réaffirmant qu'elle ne représentait " aucun danger " : " par conséquent, le Bureau de la sécurité publique n'a pas à s'immiscer illégalement dans nos activités religieuses ".

 

  France : Ordre du Temple Solaire

Nouvelles recherches sur le carnage du Vercors

Le Parisien, 19 février 1999.

[Résumé]

A la demande des parties civiles, le juge Fontaine a accepté d'ordonner un supplément d'enquête sur des points qui pourraient accréditer la thèse d'une intervention extérieure. Deux témoins affirment en effet avoir croisé 3 voitures de grosse cylindrée immatriculées à l'étranger, au cours de la nuit du massacre dans le Vercors, entre minuit et demi et 1 heure du matin. Le problème est que, dans la neige, aucune trace de pas n'indiquait que des personnes avait cheminé dans le sens opposé à l'emplacement où furent trouvés les corps.

Autre point qui intrigue les parties civiles : les bidons d'une contenance totale de 6 litres retrouvés sur les lieux, qui selon eux n'auraient pas pu suffire à assurer toute cette combustion. D'où l'hypothèse d'un apport extérieur. Une expertise conduite sur des animaux de boucherie n'a pas permis d'apporter des résultats concluants. Cependant, pour Maître Joelle Vernay, avocat au barreau de Grenoble, le doute demeure : " On n'a pas réussi à expliquer comment les corps avait ainsi pu être carbonisés sur les deux faces, ni comment certains était couverts de cendres ".

D'autre part, le chef d'orchestre et compositeur franco-suisse, Michel Tabachnik, devrait être encore entendu prochainement. Il lui est reproché d'avoir profité de sa réputation pour attirer de nouveaux adeptes qui alimentaient les caisses de l'OTS.