Conseil national Consiglio nazionale Cussegl naziunal |
« Si la Confédération veut
se préoccuper des gens de ce pays et être portée par
eux, elle doit savoir que pour beaucoup, l'engagement religieux passe avant
tout et quel qu'en soit le prix. Il faut garder cette dimension à
l'esprit, car elle fait partie de l'homme de notre époque. D'un
autre côté, l'Etat doit montrer que, tout en prenant les groupements
religieux au sérieux, il garde une attitude critique : l'Etat doit
également savoir dire non ! »
(Citation tirée des auditions |
Commission de gestion
CH-3003 Berne
I Mandat, organisation et procédure
I.1 Situation initialeII Problématique actuelle
I.2 Mandat de la Commission de gestion et limites
I.3 Organisation et procédure
I.4 Constatations de l'OPCA
II.1 «Secte» : une notion floueIII Conclusions de la commission et mesures possibles
II.2 «Sectes» : réalité et phénomène de marché d'une société pluraliste
II.3 Un état de la situation
II.4 Analyse de la commissionII.4.1 Remarque préliminaire
II.4.2 Aperçu des structures et des caractéristiquesII.4.2.1 Composante dynamiqueII.4.3 Problèmes généraux
II.4.2.2 Visions de l'univers et l'homme et leur « communication »
II.4.2.3 Endoctrinement en tant que critère essentielII.4.3.1 Information insuffisanteII.4.4. Problèmes spécifiques des personnes directement concernées
II.4.3.2 Recherche et collaboration lacunaires
II.4.3.3 Problèmes liés à l'application des lois en vigueur
II.4.3.4 Limites du pouvoir de l'Etat
II.4.3.5 Prétendu « plein gré »
II.4.3.6 Responsabilité peu claire
II.4.3.7 Peur et dépendance financièreII.4.4.1 ExploitationII.4.5 Attitude des autorités
II.4.4.2 Attachement excessif
II.4.4.3 Mise en danger de la santé
II.4.4.4 Mise en danger du bien de l'enfant
II.4.4.5 Autres dangers, altération du libre-arbitre
III.1 Le travail de la commission en tant que processus de prise de conscienceIV Recommandations
III.2 Nécessité de mesures politiques et chemin en direction d'une politique en matière de « sectes »III.2.1 Coordination : une tâche centrale de la Confédération
III.2.2 Mise sur pied d'un service suisse d'information et de consultation
III.2.3 Encouragement de la recherche et de la collaboration
III.2.4 Mesures de protectionIII.2.4.1 Protection de l'enfantIII.2.5 Autres mesures
III.2.4.2 Protection des consommateurs : réglementation de l'assistance spirituelle à but lucratif
III.2.4.3 Législation sanitaire
Liste des groupes entendus et de leurs représentants
La Commission de gestion (CdG) du Conseil national s'est attelée à la question de savoir si les « sectes » et les mouvements endoctrinants peuvent représenter un danger pour les individus, pour l'Etat et pour la société. Elle s'est également demandée si, aujourd'hui, des organismes publics et/ou privés se préoccupent des personnes involontairement sujettes à des dépendances. Enfin, il s'agissait de répondre à la question cruciale de savoir si l'Etat doit intervenir et, le cas échéant, quelles sont les mesures qu'il doit prendre ou examiner.Résumé
La commission a répondu positivement à la question relative à l'intervention de l'Etat. En même temps, elle constate que, d'une manière générale, les lois en vigueur sont suffisantespour lutter contre les dérives sectaires. Bien qu'elles présentent quelques lacunes dans un certain nombre de domaines isolés, il est surtout nécessaire d'agir au niveau de leur application.
Pour cette raison, la commission invite le Conseil fédéral à formuler une politique en matière de « sectes », à instituer un service suisse d'information et de consultation, à lancer une campagne d'information, à encourager une recherche interdisciplinaire et à coordonner la collaboration entre les milieux de la recherche et les organes d'information et de consultation.
Elle demande au Conseil fédéral d'harmoniser et de coordonner les activités entre divers services administratifs, entre cantons (projets cantonaux), entre la Confédération et les cantons et de s'engager en faveur d'une collaboration transfrontalière. De plus, le Conseil fédéral doit également coordonner les législations cantonales qui s'appliquent dans le domaine des mouvements endoctrinants, notamment les législations sanitaires. Pour ce qui est de l'exécution des lois, la commission invite le Conseil fédéral à s'engager tout particulièrement en faveur de la protection de l'enfant. Elle a également identifié des lacunes en matièrede protection des consommateurs qui nécessitent une action de la part de l'Etat.
Les entités communément appelées « sectes », « nouveaux mouvements à caractère religieux» ou «communautés d'esprit » [Psychogruppen] sont une réalité qui se manifeste au-delà des barrières nationales et sociales, indépendamment des classes d'âge, sociales, de revenu, de formation ou autres et qui se manifeste dans le monde entier. Elles apparaissent dans les pays industrialisés comme dans ceux dit en voie de développement. Elles peuvent prendre des visages différents - en partie de manière consciente - et leurs apparences et facettes diverses rendent la reconnaissance de leurs formes plus difficile : il peut s'agir de communautés chrétiennes fondamentalistes, de nouvelles religions au Japon, de cultes afro-brésiliens en Amérique du Sud, d'Eglises africaines indépendantes, de communautés spirites, de divers phénomènes « cultiques », de croyances extraterrestres, de cercles sataniques etc., mais également d'entités peu organisées, sans structure, qui se rassemblent autour d'un « gourou » ou qui prennent une apparence religieuse pour offrir leurs promesses de guérison et de salut sur l'immense marché de l'ésotérisme qui est en pleine expansion. Lorsqu'elles se trouvent en butte à la critique, elles se réclament de la liberté de conscience et de croyance constitutionnellement garantie dans les sociétés libérales et les Etats démocratiques.
Pour ce qui est du phénomène discuté par la Commission de gestion, il s'agit en général de la naissance de groupements religieux (et pseudo-religieux) en marge ou à l'écart des grandes traditions religieuses. Lorsque les médias, nationaux et internationaux, traitent des sujets concernant ces mouvements ou leurs adhérents, c'est presque toujours de manière négative, soit à cause d'événements spectaculaires et tragiques tels que meurtres et/ou suicides collectifs soit en abordant le destin tout aussi émouvant de certains anciens adhérents. Manipulations psychologiques, dépendance du groupe, structures internes totalitaires constituent la toile de fond de ces récits qui relatent des préjudices concrets, de nature financière, sociale et psychologique, des abus en matière d'emploi, de mise sous tutelle intellectuelle de certaines victimes et, souvent, d'éloignement de la famille. Les récits d'anciens adeptes (et des membres de leur entourage), les rapports d'expertises psychologiques, les rapports d'enquêtes gouvernementales et parlementaires conduites à l'étranger prouvent depuis longtemps l'existence de telles pratiques. Alors que l'on déplore des victimes, certains pères spirituels de tels mouvements gèrent de véritables empires financiers érigés grâce à un savant dosage mélangeant philosophies orientalistes et science des bénéfices. Pour cette rai son, la présente étude ne s'intéresse expressément pas à certains groupements particuliers ou aux contenus religieux, mais bien aux méthodes qui portent atteinte aux libertés constitutionnelles et publiques. Cependant, il n'est pas toujours possible de faire une séparation entre contenu et méthodes, par exemple dans le cas de groupements dont les idées sont expressément ou de façon latente racistes, antisémites, d'extrême droite ou fascisants, lesquelles sont, en vertu de la norme pénale sur l'antiracisme, punissables.
Au cours de ses travaux, la commission a vécu un processus de
prise de conscience. Durant ses investigations historiques et ses examens
du contexte actuel, elle a été confrontée à
une réalité importante : la Suisse est une société
multi-culturelle, multi-religieuse et imprégnée d'un très
large pluralisme religieux. Les convictions et les communautés religieuses
qui ne correspondent pas à l'image chrétienne relayée
par les Eglises nationales et les écoles ont toujours fait partie
de notre culture et ont largement participé à l'édification
de notre pays, et pour certaines depuis plusieurs siècles. En font
partie les grandes religions du monde comme les mouvements chrétiens
de nature catholique et protestante, le judaïsme, l'islam, les églises
libres, traditionnelles et modernes, ou les convictions religieuses décriées
(de temps à autre exclues) souvent qualifiées de «
dévotion populaire ». Leurs adeptes ont ces convictions pour
appartenance religieuse et, du point de vue émotionnel et politique,
ils ont la
Suisse pour patrie. Ils paient des impôts, effectuent leur service
militaire, acquièrent une formation et, en tant qu'employeurs et
employés, prennent une part active à notre économie
et aux affaires de la Confédération et des cantons. Ils aspirent
à la reconnaissance de leur identité religieuse qui doit
être prise au sérieux. Pour cette raison l'Etat ne parviendra
pas à éviter de devoir aborder ces questions.
Au cours de ces dernières années, les politiciens étrangers (principalement en Allemagne) ont entamé la discussion, ils ont pris clairement position et, parfois, des décisions peu agréables. La France, la Suède et le Parlement européen ont publié des rapports sur les « sectes ». Des campagnes d'information ont été lancées en Autriche et en Allemagne. En revanche, la Suisse n'a pas révélé sa position en matière de pratiques et de dérives sectaires, de nouveaux mouvements à caractère religieux et de communautés d'esprit. Dans ce domaine, le Conseil fédéral renvoie à la Constitution (liberté de conscience et de croyance), au fédéralisme (les questions de croyance sont du ressort des cantons) et à l'initiative privée.
Par conséquent, les autorités politiques et judiciaires font preuve de retenue. A l'inverse, une partie de la presse, principalement en Suisse alémanique, se préoccupe depuis des années de ce phénomène de manière engagée, critique, parfois émotionnelle et agressive. Pour ce qui est de la presse romande, elle est devenue consciente du caractère explosif de ce sujet, au plus tard au moment des drames de l'Ordre du Temple Solaire (OTS) d'octobre 1994, date à partir de laquelle elle lui accorde une plus grande place. Depuis lors, différentes choses ont également eu lieu au niveau politique de certains cantons. Suite à une initiative du canton de Genève, un groupe de travail intercantonal a entamé la mise sur pied d'un service d'information et de documentation. Les cantons de Bâle-Ville et de Genève ont élaboré des dispositions légales, voire les ont déjà mises en vigueur et les cantons de Genève et du Tessin ont publié leurs propres rapports sur les « sectes ». Le canton de Vaud prévoit de donner aux gymnasiens de 3è année la possibilité de suivre un cours à options en « histoire et science des religions ».
La nécessité de trouver des réponses ne découle pas exclusivement des efforts qui sont consentis à l'étranger et de l'activité de certains cantons. Elle trouve également sa justification dans l'une des caractéristiques de la société contemporaine : ce qui est marquant pour le pluralisme religieux de cette fin de XXè siècle, c'est le fait que le paysage religieux (comme le paysage suisse) est non seulement très large et extrêmement morcelé, mais qu'il est également soumis à une évolution très rapide. A cela s'ajoute le fait que le passage à un autre millénaire entraîne une atmosphère de fin du monde et rend les gens encore plus enclins à succomber à des offres de salut et de guérison de toutes sortes. De l'avis de la commission, la problématique qui en découle a des effets sociaux et politiques importants qui - contrairement à la pratique actuelle qui trouve ses origines dans l'histoire - obligent l'Etat à prendre clairement position : il reconnaît les grandes religions du monde comme les plus petites communautés spirituelles tant qu'elles demeurent dans les limites acceptables par la société et l'Etat et les traite en partenaires égaux. Il veille notamment à ce qu'elles puissent profiter de la liberté de conscience et de croyance. Il n'agit pas lorsque ces libertés fondamentales l'en empêchent mais intervient lorsque ces mêmes libertés fondamentales de l'article 15, 4è alinéa de la nouvelle Constitution leur interdit d'utiliser la contrainte : lorsque les droits de groupes, de membres du groupe ou d'individus étrangers au groupe sont menacés ou lésés, l'Etat doit intervenir de manière décidée.
Dans le cadre du pluralisme religieux qui imprègne la Suisse, l'Etat doit entamer le débat social et indiquer clairement que les droits, universels, de l'homme constituent le dénominateur commun et déterminant du bon fonctionnement de notre société (et de l'action de l'Etat).
C'est en assumant cette fonction que l'Etat demeure le véritable gardien de la tolérance et qu'il joue le rôle clé qui est le sien dans l'évolution des règles du jeu de l'Etat, de la société et des communautés religieuses et spirituelles et qu'il contribue à forger l'identité de la Suisse du XXIè siècle.
A la constatation d'un membre de la CdG qui avait relevé que, au mois de février 1997, l'Office central de la défense ne disposait d'aucune indication au sujet du drame de l'OTS et au sujet de sa question concernant les bases éthiques en matière de politique de la sûreté, un représentant du DMF (actuellement DDPS) de l'époque avait relevé que le terme de « menace » n'avait pas qu'une signification militaire mais s'étendait également aux « points de vue sociaux et religieux ».
En outre, la commission a été confortée dans son intention d'examiner la nécessité de l'action de l'Etat par
Suite au drame de l'OTS, la Commission consultative en matière de protection de l'Etat, l'organe consultatif du chef du DFJP en matière de questions relatives à la protection de l'Etat, est arrivée à la conclusion que «die Sekten [seien] unter der Optik des Staatsschutzes kein Objekt, das näher angeschaut werden muss ». Au sujet de la question relative à la « mesure dans laquelle la Scientologie peut représenter un danger pour la sécurité de l'Etat », un rapport du DFJP à l'intention de la Commission consultative en matière de protection de l'Etat publié en juillet 1998 souligne que la Scientologie présente «des traits idéologiquement analogues à ceux des systèmes totalitaires » et « d'importantes compo-santes financières », que «dans de nombreux cas, des membres pourraient se trouver [...] dans une situation de contrainte psychologique» et qu'elle se livre à «des activités analogues à celles d'un service de renseignements». Le rapport parvient à la conclusion qu'il faudrait renoncer à toute observation préventive de la part des organes de protection de l'Etat, mais qu'il conviendrait que la Commission consultative en matière de protection de l'Etat continue à suivre attentivement la situation (sur le plan international également). Pour ce qui est des « sectes » en général, le rapport renvoie à l'application des normes actuelles en matière de droit privé, public et pénal. Il estime toutefois qu'il serait bon «que l'Etat et l'opinion publique puissent avoir accès à une information impartiale sur les développements dans le domaine religieux», notamment par le biais d'un observatoire relié à une institution scientifique.le fait que, dans leur domaine de compétence, divers services de l'administration de la Confédération soient malgré tout régulièrement confrontés, même si ce n'est que très marginalement, à des mouvements que l'on a coutume de nommer « sectes » ainsi qu'à des mouvements similaires ; le fait qu'aucun effort de coordination n'ait été perçu, si minime soit-il, ni aucune ébauche d'objectifs cohérents voire aucun indice d'une politique en matière de « sectes ».
Entre autres sujets, la commission a discuté les questions suivantes :
Les réflexions au sujet de certaines « sectes », de certains « nouveaux mouvements à caractère religieux » ou de « communautés d'esprit » en particulier, ont, dans le mesure du possible, été exclues de la présente inspection. L'objectif de la CdG était avant tout de s'intéresser aux buts, aux pratiques et aux méthodes ainsi qu'à leurs effets conflictuels en général, et ceci indépendamment de certains mouvements en particuliers. Le présent rapport a pour objet d'esquisser les dangers et les conflits potentiels, de contribuer au débat d'idées de manière objective, de présenter des recommandations, et ainsi contribuer à l'information des autorités et du public et de leur permettre de se forger une opinion.
Les Conseillers nationaux Fulvio Pelli (président), Pierre Aguet, Angeline Fankhauser, Christiane Langenberger, Hubert Lauper, Walter Schmied, Luzi Stamm, Alexander Tschäppät (président de la Section jusqu'au 31 décembre 1997), Milli Wittenwiler.La Section a bénéficié du soutien de la Secrétaire des Commissions de gestion et de ses collaborateurs. Pour les questions spéciales, la Section a eu recours à Urs Eschmann, Dr en droit et avocat.
Les 28 mai, 14 et 15 août, 15 et 16 octobre 1997, les 8 septembre, 20 octobre, 12 et 17 novembre 1998 ainsi que les 20 janvier, 23 février, 16 mars et 15 juin 1999. Elle a entendu vingt-trois personnes (désignées en tant que « personnes entendues » dans la suite du rapport).Le large éventail professionnel des personnes entendues - juristes, psychologues, sociologues, théologiens, historiens, journalistes - le fait qu'elles se préoccupent concrètement de ce sujet - recherches financées par l'Etat dans le cadre des universités, jurisprudence, activité de conseil (privée et des Eglises), avant tout bénévole - ainsi que la diversité des points de vue que l'on rencontre à l'étranger sont autant de preuves de la pluralité des manières de voir qui, en tant que telles, sont toutes légitimes.
Ces différents centres d'intérêts potentiellement conflictuels ainsi que l'influence que certaines « sectes », certains « nouveaux mouvements à caractère religieux » ou certaines « communautés d'esprit » tentent de prendre dans les milieux politiques et économiques, révèlent bien la charge émotionnelle qui est intimement liée à ce sujet.
Par ailleurs, cette charge émotionnelle n'a pas non plus épargné la CdG. et recommandations, paragraphes 5.1 et 5.2.
En outre, la Section a également entendu le Préposé fédéral à la protection des données, des représentants de l'Administration fédérale des contributions ainsi qu'un re-présentant de l'Office fédéral de la culture. De plus, elle a également invité certains groupements dont ceux qui avaient exprimé le souhait d'être entendus. Des six organisations invitées, quatre ont répondu à l'invitation de la Section. L'objet de ces séances n'était pas de débattre ni de convictions ni d'idéologies, mais de déterminer dans quelle mesure les autorités fédérales doivent agir en ce qui concerne les nouveaux mouvements à caractère religieux, les mouvements endoctrinants ou les « sectes ».
Le rapport de travail de l'OPCA du 20 février 1998 contient une synthèse à ce sujet.Aucun service de la Confédération ne se préoccupe systématiquement du phénomène des « sectes » ; ce sujet peut toutefois concerner les domaines d'activités de divers unités administratives de la Confédération. Certains cantons ont réagi en rédigeant leurs propres projets de loi alors que d'autres n'entreprennent rien. En dehors de la Confédération, des services des Eglises et des universités ainsi que des organismes privés se consacrent à divers aspects de ce phénomène. Il n'y a pas d'indice qui permettent de conclure que les « sectes » bénéficient de privilèges fiscaux ou d'un soutien indirect (exemption de l'impôt fédéral direct, versement de subventions ou de contributions) de la part de l'Etat. La palette des mesures possibles est très large. Elle va de ne rien faire jusqu'à la mise en place d'une unité spécifique au sein de l'administration fédérale et la définition d'une politique en matière de « sectes » en passant par le soutien de la recherche universitaire et de l'activité des organismes privés en matière d'information et de consultation.
Chaque tentative de lui attribuer un contenu clairement délimité et libre de tout jugement de valeur est vouée à l'échec tant les points de vue depuis lesquels il est possible d'aborder cette question peuvent être différents. Les quelques termes ci-après sont très révélateurs : outre le terme de «secte», on rencontre également des appellations telles que « religion de jeunes » (principalement durant les années 60), «communauté d'esprit », « culte destructeur», «mouvement d'inspiration extrême-orientale», «organisation occulte», «organisation travaillant à l'abri de la liberté du culte (organisations-écrans) » ou (au niveau politique) «communauté religieuse communément appelée secte de jeunes ou communauté d'esprit», ou de manière plus générale «nouveau mouvement à caractère religieux». Ce dernier terme recouvre également les termes anglo-saxons «audience cult», «client cult» et «cult movement» qui insistent plutôt sur le côté organisationnel de la notion et veulent correspondre à l'aspect « désir de liberté religieuse et approche consumériste vis-à-vis d'une offre religieuse du type grande surface ». Le fait qu'il n'y ait aucune définition européenne opérationnelle sur le plan juridique constitue une difficulté supplémentaire.
Dans le langage courant, le terme de « secte » est de nature idéologique et, dans le cadre d'une religion, désigne «... un groupe de personnes professant les mêmes opinions particulières, la plupart du temps jugées hérétiques par l'institution elle-même. De nos jours, communauté fermée, à vocation spiritualiste ou religieuse, dirigée par un maître ayant un pouvoir absolu sur les membres de la secte » (source : Encyclopédie Bordas). Ce terme est souvent utilisé avec des qualificatifs tels que de « radicale », « extrémiste », «endoctrinante», «totalitaire» ou «destructrice», ce qui entraîne le danger d'une dépréciation globale et d'une stigmatisation non différenciée de communautés et de pensées religieuses très diverses. Les communautés étiquetées, ou qui se sentent étiquetées en tant que secte refusent cette désignation. Elles préfèrent le terme «nouveaux mouvements à caractère religieux» qui est utilisé dans le cadre des sciences religieuses et de la branche de la sociologie qui étudie les phénomènes religieux et qui est par conséquent scientifiquement neutre. De plus, ce terme a l'avantage de leur conférer une authenticité religieuse. En revanche, il soulève aussi un certain nombre de questions. Est-ce qu'un mouvement qui se définit lui-même comme étant une «Eglise», qui s'estime victime de «persécutions religieuses» et dont la substance religieuse est plutôt pauvre, peut véritablement constituer un « nouveau mouvement religieux » ? Un mouvement qui se présente comme mouvement religieux malgré des indices contraires peut-il être qualifié de groupement-écran dangereux ?
Certains mouvements adaptent leur étiquette aux particularités des Etats dans lesquels ils sont implantés. Dans un pays, ils adoptent la désignation d'« Eglise », dans un autre ils se nomment « centre de philosophie appliquée ». Ils se déclarent importunés par la justice et se considèrent comme étant une « minorité religieuse persécutée ». Alors que les mouvements honnêtes ne sont pas sujets aux conflits, d'autres, douteux, se parent de l'étiquette « nouveau mouvement à caractère religieux » afin de pouvoir en appeler à la protection de la liberté de culte.
Le terme de « secte» n'est pas neutre et ne constitue pas une catégorie scientifique de certaines formes de croyances ou de certains styles de vie dont les caractéristiques seraient définies avec précision (1). Cette notion est devenue un sujet de divergence politique qui nécessite - pour cette raison justement - une approche plus précise en tant que phénomène social.
A cela vient d'ajouter le fait que la société (occidentale) ne s'oriente plus vers une même valeur. Dans cette époque caractérisée par les mutations des valeurs et l'insécurité qui en découle, les « sectes » se proposent en tant que refuges. Elles offrent un sentiment d'appartenance à une communauté, elles compensent l'isolation sociale, elles donnent une identité aux individus qui se sentent devenir des numéros et apportent des réponses aux questions concernant le sens des choses et de la vie (réponses souvent absolues). En d'autres termes, les « sectes » répondent à un besoin de sécurité. C'est d'ailleurs ce qu'une étude sur les sectes en Suisse avait permis de constater 1982 :
« Nous assistons sur le plan religieux, parallèlement au phénomène économique, à une forme de mondialisation qui se caractérise par le fait qu'un certain nombre d'entreprises religieuses ont une stratégie mondiale et ne peuvent être comprises que dans cette perspective.Du point de vue sociologique, la diversité et le grand nombre de mouvements impossible à évaluer est l'une des caractéristiques du modernisme et du postmodernisme. Pour définir ce phénomène, un sociologue britannique a forgé le concept de « cultic milieu » :[...] Pour décrire ce changement religieux, vu que nous sommes tous victimes de l'économisation de notre société, un modèle s'impose pour le comprendre : c'est le modèle du marché qui apparaît aujourd'hui le plus adéquat. La situation religieuse contemporaine se caractérise par le fait qu'elle forme un marché ouvert sur le plan religieux, où le consommateur choisit en toute liberté ses affiliations et surtout son système de croyance. » (Campiche Roland J., Les sectes religieuses : sociétés dans la société suisse romande, in: Repères, Revue romande, no 4, 1982, pp. 8 et s.)
« En anglais, le mot 'cult' désigne notamment les groupes 'déviants' par rapport à la tradition religieuse dominante. Mais ils ne peuvent foisonner qu'en interaction avec un milieu qui leur est favorable. Ce 'milieu' est l'assortiment hétérogène des systèmes de croyance 'déviants' et des pratiques qui leur sont associées. Il ne s'agit pas nécessairement de 'religion' au sens strict : dans le 'cultic milieu' se rencontrent médecines parallèles, parapsychologies, voies spirituelles exotiques, intérêt pour l'étrange, ésotéro-occultisme, etc. Sans lien apparent entre eux, ces domaines très divers tendent en fait à se renforcer mutuellement : ils baignent dans une atmosphère propice à la recherche d'autres valeurs, et celui qui s'intéresse à l'un de ces domaines se trouve presque inévitablement, tôt ou tard, en contact avec les autres, car les sources d'information sont souvent les mêmes librairies, les mêmes périodiques, les mêmes lieux de réunion (Campbell 1972). » (Mayer Jean-François, Phénomène des sectes et religiosité parallèle quelques aspects du pluralisme religieux, p. 1474)Il s'agit ici de lever une ambiguïté largement répandue : le marché global du religieux ne s'adresse pas à une clientèle définie, clairement identifiée et structurable comme pourrait le suggérer l'emploi fréquent du terme de « sectes de jeunes » durant les années 60 (années qui marquent également les débuts d'une information sur les « sectes » mise en place par des associations de parents concernés). L'interprétation du phénomène des « sectes » en tant que révélateur d'une « crise de l'individu » ne doit pas masquer le fait que le phénomène possède également une dimension sociale. En d'autres termes, comme l'une des personnes entendues l'a dit, nous sommes tous susceptibles d'être victimes des sectes (« Alle sind sektenfällig »). Des personnes convaincues de leur conception de la vie renoncent bien plus vite à une vie engagée que ce qui est généralement supposé. D'autres vont même jusqu'à abandonner un savoir scientifiquement établi pour adopter des principes pseudo-scientifiques.
A l'avenir, l'éclatement et la propagation continuels des formes et des contenus religieux et pseudo-religieux ne pourront guère être arrêtés. La première conséquence est que les dérives vont augmenter, qu'il s'agisse de drames individuels et cachés, « non spectaculaires », ou de drames collectifs, explosifs, donc « spectaculaires ». L'analogie du phénomène avec une maladie ou une épidémie est cependant fausse. Elle laisse entendre que si l'on trouve le bon vaccin, on trouve une solution toute simple : il faut se débarrasser de cette illusion.
Deuxièmement, le très « vaste » marché du religieux et la « religiosité parallèle » (le « cultic milieu » selon Campbell) très perméable - le « tourisme » des adeptes est important entre les divers mouvements - ne peuvent pas être considérés et jugés en bloc. Troisièmement, les personnes concernées ne doivent pas être mises sous tutelle, elles doivent être prises au sérieux. Quatrièmement, le phénomène est trop dynamique, l'évolution rapide pose d'énormes problèmes à l'observateur :
« ce qu'il écrit aujourd'hui sera-t-il valable demain ? Les lignes de force demeureront-elles les mêmes, des groupes encore inconnus se retrouveront- ils au premier plan de la scène des religions minoritaires ? » (Mayer Jean-François, Phénomène des sectes et religiosité parallèle quelques aspects du pluralisme religieux, p. 1466).L'élargissement constant de la variété des possibilités techniques et des croyances ne signifie toutefois pas « une explosion statistique du nombre des adeptes ; les effectifs de bien des groupes demeurent modestes. » (Mayer Jean-François, Phénomène des sectes et religiosité parallèle quelques aspects du pluralisme religieux, p. 1466). Outre les drames véritables, les dangers objectifs et réels sont le détachement de la société et la perte de la conscience politique. Ces dangers ne doivent en aucun cas être sous-estimés ou considérés comme des manifestations isolées. Au contraire, étant donné que tout le monde est potentiellement concerné, il s'agit bien d'un problème social et politique. La société porte donc une responsabilité. Elle doit répondre préventivement aux égarements et aux débordements en engageant des moyens adéquats sur un plan très large. Pour cette raison, il est nécessaire d'identifier les structures, les caractéristiques et les méthodes propres aux mouvements religieux, spirituels, ésotériques ainsi qu'aux offres que l'on retrouve sur le marché de l'assistance spirituelle et qui, lorsqu'ils peuvent être qualifiés de problématique ou dangereux, sont potentiellement porteurs de conflit.
Selon le recensement, en 1990, la population suisse comptait 39,98 % (environ 2,7 millions de personnes) de protestants contre 44,3 % en 1980 (Eglises évangéliques réformées, églises évangéliques méthodistes, autres églises et communautées protestants), et 46,32 % (environ 3,1 millions de personnes) de catholiques contre 47,9 % en 1980 (Eglise catholique romaine, église catholique-chrétienne, églises orthodoxes et églises chrétiennes des rites d'Orient). Environ 58.000 personnes faisaient partie à une «autre communauté chrétienne» (Eglise néo-apostolique : env. 30.000, Témoins de Jéhovah : 19.500, autres communautés chrétiennes : 8.300) et 30.000 personnes à d'«autres communautés religieuses et philosophiques » (dont les bouddhistes par exemple). Pour ce qui est des communautés religieuses israélite et musulmanes, elles comptaient respectivement 17.500 et 152.000 membres. Environ 51.000 personnes ont indiqué n'appartenir à aucune communauté alors que 100.000 personnes n'ont donné aucune information quant à leurs préférences religieuses. De 1980 à 1990, le nombre des personnes qui se décrivent comme n'appartenant à aucune religion est passé de 3,8 % à 7,4 %. Pour un nombre croissant de personnes témoignant d'une croyance religieuse, les deux grandes Eglises chrétiennes ne constituent plus la norme pour ce qui concerne les questions religieuses et on estime que, actuellement, environ un suisse sur cinq se considère comme n'appartenant à aucune religion ou confession.
Ces chiffres liés à la constatation que, par exemple, les Témoins de Jéhovah ont contribué à l'intégration sociale des immigrants en provenance d'Italie, d'Espagne et du Portugal permettent de tirer la conclusion suivante : la diversité du paysage religieux suisse ne se distingue que de manière insignifiante des modèles que l'on retrouve dans les autres pays étrangers de notre milieu culturel - une nouvelle situation pour un pays qui n'a jamais eu de tradition coloniale et qui ne se décrit pas comme pays d'immigration (Roland Campiche et Claude Bovay, in Mayer, Jean-François, La liberté religieuse à l'heure du pluralisme, Rutherford Institute, Rapport sur la Suisse, Paris, août 1997, p.2). Aujourd'hui, la Suisse est considérée comme un pays d'« importation » pour pratiquement chaque mouvement. Elle a également ses propres mouvements (Methernita, Uriella etc.) mais elle n'exporte pratiquement pas de mystiques.
Les nombreux commentaires de la presse au sujet d'une étude réalisée par l'institut d'éthique sociale de Lausanne sur l'appartenance religieuse et confessionnelle en Suisse (Office fédéral de la statistique : L'évolution de l'appartenance religieuse et confessionnelle en Suisse, Berne 1997) ont interprété l'augmentation de la part des personnes s'intitulant « sans confession » (environ 12 pour cent de la population ou 500.000 personnes) comme phénomène représentatif d'une avancée de l'athéisme. « Il y a effectivement de plus en plus de gens qui se disent sans lien avec une quelconque organisation religieuse mais qui ont leur croire [...]. Nous sommes justement dans une société qui se spécifie par l'abondance du croire plutôt que par sa rareté, sous des formes diverses et variées.»
En Suisse, les groupements classés dans la catégorie des « nouveaux mouvements à caractère religieux » et qui ne peuvent plus être rangés dans la lignée de la pensée chrétienne au sens le plus large, ont commencé à essaimer durant les années 50 et 60. Il s'agit pour une partie d'une « importation culturelle » en provenance d'Inde, du Japon, du monde asiatique, du monde de l'ésotérisme, et pour une autre, d'« innovations culturelles » imprégnées d'éléments de culture occidentale sans références à la tradition chrétienne (Scientologie par exemple). Il est plutôt rare de rencontrer de nouvelles religions indigènes. Même si la Suisse est considérée comme «plaque tournante» du marché du religieux, son évolution ne diffère pas beaucoup de celle des autres pays, puisque, avec la crise de l'individu, chaque société occidentale est sujette au phénomène des sectes - toutefois, la prospérité et l'aisance d'une société influence ce processus dans la mesure où la catégorie de la « personne riche et malheureuse » se rencontre assez souvent en Suisse.
Quelques-unes des personnes entendues sont de l'avis que le marché du religieux en Suisse, avec sa demande spirituelle et l'offre très large en mouvements et en diverses orientations qui en résultent, est autorégulé pour deux raisons. Premièrement, la grande diversité de l'offre ne constitue pas le meilleur milieu pour un ancrage durable et stable et, deuxièmement, dans des conditions économiques normales, les extrêmes politiques et religieux s'auto-équilibrent. Les Suisses ont une aversion des extrêmes.
Après le drame de l'OTS, il convient de relativiser l'opinion, exprimée à diverses reprises lors des auditions, selon laquelle la Suisse romande serait plus tolérante que la Suisse alémanique envers les mouvements endoctrinants : il est intéressant de constater que c'est la Suisse romande justement qui tente de mettre sur pied une collaboration intercantonale. En outre, l'influence du pays voisin sur la région linguistique suisse correspondante, c'est-à-dire l'Allemagne, la France et l'Italie, a également été relevée.
A ce propos, l'article 15 de la nouvelle constitution du 18 décembre 1998 maintient le respect de ce principe : il garantit la liberté de conscience et de croyance, le libre choix en matière de religion ou de convictions philosophiques, le droit de les professer individuellement ou en communauté, ainsi que le droit "d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir et de suivre un enseignement religieux". Ces garanties figurent également à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et à l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PDCP): "il y a une obligation des Etats, et aussi pour un intérêt, à éliminer toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion, condition sine qua non pour qu'un pays puisse vivre en paix à l'intérieur de ses frontières et avec les autres pays" (position de la délégation suisse à la réunion de l'OSCE sur la liberté de religion. Vienne, 22 mars 1999). En contrepartie de la garantie de cette liberté, l'article 15, 4è alinéa de la nouvelle Constitution fédérale interdit la contrainte religieuse : "Nul ne peut être contraint d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir, d'accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux" (Au niveau international, cette disposition trouve son pendant à l'article 18, 2e alinéa du Pacte international relatif aux droits civils et politiques).
A ce sujet, la commission estime que, même au nom d'une croyance, il n'est pas permis de porter atteinte aux droits de l'homme, aux valeurs fondamentales reconnues, au principe des libertés fondamentales (la liberté d'autodétermination par exemple) ni aux principes de base de la démocratie. En même temps, la commission est consciente qu'il ne peut y avoir de li-mitation d'un droit garanti constitutionnellement que dans des conditions définies précisément: elle doit répondre à l'intérêt public, s'appuyer sur une base légale et respecter le principe de la proportionnalité. Les articles 9 CEDH et 18 PDCP prévoient d'ailleurs expressément la possibilité de restreindre la liberté de religion ou de conviction, en précisant les conditions dans lesquelles une telle restriction peut intervenir (3) . Si la recherche de la vérité sous forme d'engagement religieux engendrait dans tous les cas plus de liberté, le présent examen n'aurait pas de raison d'être. Malheureusement, c'est le contraire qui est parfois vrai. En effet, il y a parfois des cas d'atteinte aux droits fondamentaux et démocratiques de l'individu (par exemple le libre-arbitre, la liberté d'expression voire l'intégrité corporelle).
Du point de vue sociologique, le terme de « secte » a le sens de « minorité dissidente » et caractérise des attitudes telles que l'intolérance ou le prosélytisme agressif (zèle ardent et importun pour tenter d'imposer des idées ou des conceptions). De telles caractéristiques ne se limitent pas à aux « sectes » qui se considèrent elles-mêmes comme des communautés religieuses particulières. En effet, les « sectes » se rencontrent également dans les religions traditionnelles, dans les partis, les associations etc. Finalement, et en guise de résumé, chaque communauté est une secte potentielle qui se surestime. Chaque «Village-Dessus» se croit meilleur que le «Village-Dessous». La perception du groupe va de la simple considération de son particularisme jusqu'à des conceptions monistes. Ces caractéristiques ne doivent pas être comprises comme étant statiques. Elles ont au contraire une composante dynamique et une dimension verticale d'un comportement qui peut évoluer pour devenir de plus en plus sectaire (le contraire a été rarement constaté). Comme il peut y avoir une évolution conduisant à un sectarisme de plus en plus marqué, une évolution vers une plus grande ouverture d'esprit et une volonté de dialogue accrue est également possible. A ce sujet, le professeur Georg Schmid a développé un modèle qu'il appelle « thermomètre des sectes » et qu'il a présenté à la commission. Ce modèle constitue une forme d'illustration des différents degrés de « sectarisme » :
Les critères principaux révélateurs de la direction de la dynamique sont les discussions internes et les débats ouverts. Lorsque leur tenue est assurée, le groupe reste à un degré inférieur. En revanche, s'ils sont empêchés, le groupe se dirige vers le sommet de l'échelle. Le rapport entre l'existence de discussions internes et le degré de sectarisme est manifeste.1er degré : Le sentiment de représenter quelque chose de particulier est normal pour chaque communauté humaine, pour les Eglises nationales, les partis, les clubs sportifs, etc. 2è degré : Nous ne sommes pas seulement des êtres particuliers, en effet, chacun se sent meilleur que les autres - ce sentiment est également normal : si je ne trouvais pas mon Eglise ou mon parti politique meilleur qu'un autre, je n'y appartiendrais pas. D'ailleurs, les autres appartiennent également à des communautés qu'ils jugent meilleures. 3è degré : J'appartiens au meilleur de tous les groupes. D'ailleurs tous les autres groupes devraient imiter le mien. Ce degré voit apparaître une pression missionnaire, un besoin de faire de la publicité pour son propre groupe. Les Eglises nationales en tant qu'organisations ne se situent pas à ce degré. En revanche, ce pourrait être le cas de certains des courants qui en émanent. Les Eglises libres font preuve d'une activité «publicitaire» plus importante et appartiennent ainsi à ce 3 e degré, ceci principalement à cause du témoignage de leur foi chrétienne : tout le monde devrait croire en Jésus-Christ de la même manière qu'eux. 4è degré (degré du fondamentalisme) : Nous serons les seuls à connaître le salut et nous sommes dépositaires de la vérité divine (même si nous n'en avons pas l'exclusivité). La doctrine est parfaite, le ciel a donné sa bénédiction. Celui qui professe et qui croit comme moi est dans la vérité - celui qui professe et qui croit autrement devient esclave de ses propres pensées ou de pensées démoniaques. Celui qui ne se joint pas à notre croyance est perdu. Les fondamentalistes déifient leur doctrine. La secte évoluée peut aller jusqu'à déifier le groupe lui-même. [...] Bien qu'elles l'aient été par le passé (tant il est vrai que de grandes communautés peuvent également atteindre des degrés élevés sur ce thermomètre), il n'y a plus d'Eglises nationales à ce degré. Ce 4è degré de sectarisme est atteint par beaucoup de personnes, ainsi que par des communautés d'esprit [...]. 5è degré : « Nous serons les seuls à connaître le salut éternel et les seuls dans le ciel ». Les autres personnes sont soit des sujets pour l'activité missionnaire ou ne sont bons qu'à être damnés. Les personnes qui n'ont pas la foi doivent impérativement être évitées, leur athéisme relevant du démon. 6è degré : Le groupe tente de bannir les non-croyants de leur horizon - la séparation d'avec le monde et la société commence ici. Seul la secte a le droit de vivre sur terre (mot-clé : paranoïa). Ceux qui sont perdus n'ont pas le droit de vivre, de toute manière, ils brûleront en enfer - et d'ailleurs, pourquoi ne pas allumer un petit feu tout de suite ? Le fait d'ignorer d'autres gens (les non-croyants) révèle une pensée inquisitrice sous forme d'inquisition psychique. [...] Celui qui quitte un groupe de ce degré de sectarisme n'existe plus aux yeux de ses adhérents (les membres de la famille ne font pas exception). Lorsqu'ils le croisent dans la rue, ils détournent le regard... 7è degré : La mégalomanie de la secte se transforme en délire de persécution à l'extérieur et, parallèlement, en délire de toute-puissance à l'intérieur (« lorsque je pense à quelque chose, cela devient la réalité »). [...] Le délire de la toute-puissance se développe presque automatiquement lorsque toute critique est bannie. Celui qui dénonce ce délire devient un ennemi mortel (action de la paranoïa). Ensuite, ce délire de persécution se développe à son tour en raison de l'incompréhension croissante du monde extérieur. La secte commence à diaboliser toute critique de la part du monde extérieur. 8è degré : Une étincelle mène à la catastrophe, non pas pour le monde entier, mais pour le groupe, qui disparaît. Le délire de toute-puissance et la paranoïa se combinent pour culminer dans un accès collectif de folie meurtrière.
Un gourou absolu, un prophète, un messie ou sauveur - homme ou femme - prétend connaître la voie absolue du salut et, pour y arriver, il prône un concept élaboré, tout aussi absolu, qui ne cadre pratiquement pas avec les expériences humaines habituelles dans le domaine mystico-spirituel. De plus, une telle « instance supérieure » peut vivre au loin ou être morte, donc inaccessible dans les deux cas. Il arrive également que le mouvement se réclame d'une doctrine désincarnée, indépendante de toute personnalité :Perception réduite, manichéenne et généralement schématique de la réalité qui s'accompagne en partie d'un « savoir occulte » ; toute relativisation ou position intermédiaire est rendue impossible. Existence de modèles de solutions universels - tant individuels que globaux - clairs et immanents. Les structures hiérarchisées caractérisées par un esprit de subordination et de contrôle réciproque entraînent une dépendance excessive : décision et responsabilité sont délé-guées à une « compétence plus élevée ». (Gasper et al., Lexikon der Sekten, Sondergruppen und Weltanschauungen, p. 977)
La « vérité » du groupe est sacro-sainte (elle ne supporte aucune critique). Elle est imposée radicalement parfois en recourant à des moyens extrêmes : des théories de conspiration (4) (de l'extérieur) sont inventées, la peur (de certaines personnes du groupe) est atti-sée et exploitée, des dépendances sont créées et renforcées (rencontres quotidiennes, isolement du groupe, isolement des membres, contrôles par le groupe etc.). De telles "vérités» sont institutionnalisées au moyen de techniques d'endoctrinement et de manipulation (processus de dynamique de groupe, rituels ou langage artificiel).La force avec laquelle ces caractéristiques se manifestent dépend à la fois de la taille, de l'âge et de la structure organisationnelle du groupe ainsi que de la complexité de la doctrine. Il est également possible de faire appel à ces caractéristiques pour l'évaluation des courants fondamentalistes ou de mouvements internes à des religions reconnues. Il s'agit en fait d'éléments de base et de mécanismes schématiques identiques que l'on retrouve généralement dans les mouvements les plus divers qui, au premier abord, ne semblent pas comparables.
L'expérience montre que, lorsque plusieurs de ces caractéristiques - variables quant à leur orientation - se manifestent avec une certaine intensité - qui est, elle aussi, sujette à variation - au sein d'un groupe, il est possible de conclure qu'il y a endoctrinement et manipulation suggestive, même s'il n'est pas facile de le prouver concrètement au moyen d'exemples précis. L'examen de groupements douteux en fonction de ces caractéristiques permet de renoncer à leur étiquetage au moyen de termes tels que «secte», «communauté d'esprit», «nouveau culte religieux», «mouvement d'inspiration extrême-orientale», «organisation occulte» etc., ce qui, par conséquent, permet également de renoncer à la définition de ces termes.
Ceci vaut également pour les termes plus généraux tels que « communauté religieuse » ou «Eglise» que certains groupements utilisent afin de ne pas être étiquetés en tant que « secte » et ainsi prêter le flanc à la critique. A l'inverse, certaines Eglises peuvent présenter des traits sectaires. De l'avis des personnes entendues, une approche qui se réfère aux caractéristiques structurelles et méthodiques présentées n'affecte pas la liberté de conscience et de croyance garantie par la Constitution. Ainsi, l'Etat sort de la ligne de mire de la critique : il ne juge ni ne condamne les conceptions de l'univers et les idées de groupes.
Toutefois, les structures, les méthodes et les contenus ne peuvent pas toujours être clairement séparés les uns des autres. Il n'est pas possible de renoncer à conduire une réflexion au sujet du contenu et de l'idéologie lorsque l'idéologie - toujours basée sur une vision de l'homme - constitue une partie de la méthode. Lorsque cette idéologie est raciste ou fasciste et qu'elle est ouvertement propagée, les bases légales actuelles (art. 261 bis Code pénal: "Discrimination raciale") permettent déjà d'intervenir (ce qui n'est pas le cas lorsqu'elles sont propagées dans des cercles fermés et privés, ce qui démontre l'importance et la nécessité de l'information). Les tendances racistes ou antisémites, ou encore d'extrême droite ou fascistoïdes, peuvent prendre différentes formes (Cf. différents textes in Tangram, n° 6) :
En outre, une séparation nette n'est pas possible non plus dans les cas où une méthode portant atteinte aux droits fondamentaux est un produit ou un prolongement de l'idéologie. C'est le cas notamment lorsque la critique interne (du contenu ou de l'idéologie) du groupe est interprétée comme étant une « tentation de Satan » ou imputée à un manque de loyauté du membre envers sa communauté et qu'elle est (parfois) sanctionnée par des «comités de justice» internes.mouvements ou publications exprimant ouvertement des opinions racistes, antisémites ou négationnistes. doctrines s'appuyant sans recul sur des courants de pensée racistes ou antisémites plus anciens et parfois inhérents à la mentalité d'une époque donnée (elles sont plus dangereuses, mais il est plus difficile de les mettre en évidence). Il est indispensable ici que les tenants d'une telle doctrine soumettent la tradition de pensée concernée à un réexamen critique, qu'ils prennent leurs distances avec les éléments racistes que la doctrine propagée peut avoir, et qu'il soit procédé le cas échéant à leur réinterprétation religieuse ou théologique. doctrines antidémocratiques remettant en cause les valeurs humanistes et égalitaires qui fondent notre société.
En ce qui concerne l'exploitation sexuelle également, elle peut trouver ses racines dans les structures internes du groupe, dans l'obéissance et la soumission. Mais elle peut également être justifiée pour des raisons idéologiques, notamment lorsqu'elle devient un « acte sacré » ou qu'elle résulte de la préférence pour un membre particulier qui est désigné en tant que «l'élu du gourou» et qui se considère également comme tel. De telles tristes pratiques - dont les victimes sont souvent des enfants - se distinguent de l'exploitation sexuelle que l'on rencontre également dans la société dans la mesure où les coupables n'agissent pas de manière isolée ou pour des motifs individuels.
Ainsi, il est possible de tirer une première conclusion concernant l'objet de l'examen. La nécessité de trouver une définition terminologique est confrontée au fait qu'elle concerne un phénomène très vaste pouvant être abordé sous plusieurs angles de vue qui ne sont pas toujours concordants, qui tiennent compte de composantes dynamiques et structurelles, qui recouvrent des facettes très diverses et qui demeurent lacunaires. En fait, il existe un «noyau dur» de mouvements porteurs d'un potentiel de conflit et qui peuvent être décrits comme étant des mouvements ou des groupes endoctrinants.
Le terme d'« endoctrinement » s'applique aux groupes pour
lesquels les caractéristiques structurelles décrites ci-dessus
ressortent tout particulièrement et posent des problèmes.
Un tel classement peut se faire indépendamment de la question de
savoir s'il s'agit de nouveaux mouvements (le sectarisme peut également
être observé dans des Eglises traditionnelles), de groupes
religieux, spirituels ou ésotériques ou s'il s'agit d'organisations-écrans
actives sur le marché de l'assistance spirituelle.
Fondamentalement, le terme utilisé dans le rapport est celui
de mouvement ou de groupe endoctrinant. La commission est toutefois consciente
que le fait de renoncer à l'emploi du terme de « secte »
n'est pas un choix satisfaisant dans la mesure où « secte
» est un mot provocateur qui a acquis, il y a longtemps déjà,
une dimension politique et qui fait partie du jargon politique. En renonçant
à l'emploi de ce mot, il se peut qu'on laisse parfois livrées
à elles-mêmes les personnes qui sont confrontées à
des groupes organisés, donc puissants (Flammer Philipp,
« 'Sekte' : Können wir auf dieses Wort verzichten ? »
Conférence à la Paulus-Akademie de Zurich les 16 et 17 mars
1996 sur le sujet : « Missbrauchte Sehnsucht. Oder : Was ist eine
Sekte ? », in : InfoSekta, Tätigkeitsbericht 1996, p. 27).
Les constatations déjà faites au sujet d'une évaluation quantitative s'appliquent également ici : il serait trompeur de limiter la discussion des méthodes et des structures d'endoctrinement aux membres de communautés ou aux communautés elles-mêmes. Dans le milieu flou de l'offre ésotérique, il n'y a souvent pas de structure organisationnelle en tant que telle - un mage peut simplement rassembler une poignée de personnes autour de lui. Sur le vaste et très diversifié « marché de la pensée religieuse et philosophique », les offreurs travaillent souvent avec des méthodes sectaires, sans avoir et sans recruter de membres en tant que tels. Sur ce marché, les frontières elles-mêmes sont floues - d'après les déclarations de l'une des personnes entendues, l'OTS s'est développé à partir d'un cercle de lecture ésotérique - et très perméables : des membres de groupuscules peuvent occuper des positions sociales élevées et, de cette manière, exercer une influence certaine. Il existe également un risque de rapprochement avec la politique. La présence des « sectes » dans le monde de l'économie est également un sujet important : leurs membres peuvent faire partie des cadres d'entreprises ou être actifs en tant que « consultants économiques ». De plus, le fait qu'il s'agit également d'un phénomène de marché en tant que tel, montre bien que le phénomène a également une dimension financière, qu'il s'agisse des situations d'endettement inextricables et de leur résultat inéluctable ou de l'édification d'empires financiers et de leurs agissements bien connus. Que les groupes ou autres intervenants sur ce marché - structurés ou non - soient religieux, qu'ils se considèrent comme ésotériques, qu'ils donnent dans la psychologie, qu'ils proposent des méthodes thérapeutiques non scientifiques ou qu'ils s'inspirent de théories New Age n'y change rien. Bien que cela ne soit pas toujours possible, il est indispensable d'examiner et de juger leurs structures et les méthodes qu'ils utilisent indépendamment des contenus véhiculés (religion, salut de l'âme, guérison etc.).
Mais, en ce qui concerne les grands groupes, connus depuis plus longtemps, force est de constater que l'actualité des connaissances amassées est toujours en retard par rapport à leur situation actuelle. De plus, les données disponibles proviennent généralement d'un nombre de sources restreint qui ne parviennent à garder une vue d'ensemble ou à permettre une évaluation générale qu'au prix de recherches complémentaires qui prennent énormément de temps.
Les raisons de ces lacunes résident pour une part dans la faible capacité des services spécialisés et, d'autre part, dans le nombre important des groupes concernés ainsi que dans les transformations que certains de ces groupes entreprennent constamment. Par ailleurs, nombreux sont les groupes qui provoquent volontairement ce manque de transparence en ne fournissant aucune information publique, en fournissant des informations donnant une fausse image de leur organisation réelle ou en changent régulièrement d'apparence. Dans des cas extrêmes, certains groupes n'apparaissent que sous une forme « camouflée ». Cette attitude est parfois déjà ancrée dans la doctrine professée par le groupe, lorsque les idées principales véhiculées par cette dernière ne sont accessibles qu'à un cercle de personnes initiées, qu'elles ne sont transmises qu'oralement ou uniquement dans un cercle fermé et que leur divulgation est passible de sanctions. De tels groupes font usage d'un voile de mystère.
Le manque d'informations entraîne de nombreux problèmes. Tout d'abord, la concurrence indispensable des idées, telle qu'elle doit avoir lieu dans une démocratie pluraliste et libérale, n'est pas possible ou seulement de manière limitée puisque les doctrines, les méthodes, sont mises à l'abri de la réflexion et du débat critiques. Sans connaissances au sujet de la situation actuelle, il se peut que des situations de crise internes ne puissent être identifiées - comme dans le cas de l'OTS - ou, lorsqu'elles le sont tacitement, elles ne peuvent pas être évaluées de manière crédible. Lorsque des groupes se manifestent sans cesse sous de nouvelles appellations et sous de nouvelles formes d'organisation, une partie des effets de l'information préventive est, entre autres conséquences, anéantie. Des informations inexac-tes ou qui ne sont pas à jour augmentent les risques dans le cadre des activités en matière d'information et de consultation. Le risque encouru est celui de donner de mauvais conseils, de ne parvenir à offrir qu'une assistance insuffisante ou d'être confronté à un dépôt de plainte. Si l'on veut accorder une priorité élevée à la qualité de la consultation, l'information et le conseil ne doivent pas être considérés de manière isolée.
Le Conseil fédéral et l'administration ne semblent pas disposer d'un système d'information adéquat. Comme l'OPCA le souligne dans son rapport de travail et comme la commission a pu le constater, la Confédération ne dispose d'aucun service qui se préoccupe explicitement de ce sujet, et ceci bien que plusieurs de ses services y sont de temps à autre confrontés.
Ainsi, certains projets dans le cadre de la loi sur les activités de jeunesse ont été refusés étant donné que la participation démocratique n'était pas assurée. Toutefois, le service responsable souhaiterait pouvoir disposer de critères plus solides lui permettant de reconnaître les abus. Pour ce qui est de l'information, il y a un certain nombre de problèmes particuliers qui se posent dans le domaine de la protection des données. En effet, seul un nombre restreint d'organisations respectent l'obligation ancrée dans la loi sur la protection des données qui stipule que les bases de données privées contenant des données sensibles permettant d'établir des profiles de la personnalité - les données relatives aux opinions et activités religieuses ou philosophiques en font partie - doivent être annoncées au Préposé fédéral à la protection des données.
De son propre avis, le Préposé fédéral à la protection des données ne dispose que de moyens et de possibilités restreintes. Il n'est ni en mesure de dépister les bases de données non annoncées de manière systématique, ni d'agir (notamment en vertu du principe de la proportionnalité) en cas de réserves justifiées relatives à des bases de données qu'il connaît (par exemple pour les données sur la santé, sur la fortune et les capitaux ou sur les difficultés personnelles). Cette entrave concerne également le transfert illicite de données sensibles vers des pays ne disposant pas de dispositions équivalentes en matière de protection des données. Au vu de ses propres expériences et étant donné la faible consultation du registre en question, le Préposé fédéral à la protection des données n'accorde pas une importance prioritaire à l'obligation d'annoncer les bases de données. Il faudrait concentrer les efforts sur le droit de chacun de se renseigner auprès des responsables des bases de données.
Ce n'est que de cette manière que les personnes concernées (et non des organisations ou des tiers qui les représentent) peuvent contrôler l'exactitude des données à leur sujet et, le cas échéant, exiger leur correction.
Lorsque des communautés religieuses ou à caractère religieux sont reconnues par le droit cantonal, l'obligation d'annoncer les bases de données doit se conformer aux dispositions cantonales et non aux prescriptions fédérales en matière de protection des données.
En plus des constatations de l'OPCA, il s'est avéré que la pratique très réservée en matière d'échange d'informations entre les cantons conduit, pour diverses raisons, à des disparités en ce qui concerne l'imposition ou l'exonération des fondations ou des associations. Par ailleurs, ces disparités existent également entre la Confédération et les cantons. En vue d'une mise en ouvre harmonisée de l'impôt fédéral direct, l'Administration fédérale des contributions considère que la création d'une sorte de registre suisse des impôts serait souhaitable.
Elle est cependant d'avis qu'une telle base de données - qui existe partiellement dans cer-tains cantons - serait difficilement réalisable et, pour diverses raisons, difficile à tenir à jour.
Les groupements religieux ou à caractère religieux, le plus souvent organisés en tant qu'associations, ne sont pas connus des services fiscaux et des autres services et, le plus souvent, n'envisagent pas de s'annoncer en tant que contribuables éventuels.
Ce déficit en matière de recherche doit également être considéré sous l'angle du fédéralisme - les questions religieuses sont du ressort des cantons. Une étude du Fonds national des années 1987 à 1989 (programme de recherche (4) sur le pluralisme culturel et l'identité nationale) qui portait en partie sur les mouvements religieux non conventionnels en Suisse et leurs effets sur la société ne correspond plus aux circonstances actuelles et, de l'avis du Conseil fédéral, pourrait être réactualisée (Interpellation relative à la lutte contre les sectes, 98.3136 du 20 mars 1998).
En Suisse (contrairement à ce qui est le cas pour les Etats-Unis où tout une discipline scientifique se préoccupe de ces questions) les méthodes de manipulation ne sont guère étudiées.
Les suites psychiques résultant d'actes psychologiques (par opposition à des suites psychiques résultant d'actes physiques) sont mal connues. De plus, l'approche scientifique n'est pas assez interdisciplinaire et il serait urgent de procéder à une recherche fondamentale.
De l'avis d'une des personnes entendues, la question de savoir avec précision ce qu'une « secte » est en réalité est tout à fait légitime.
Bien qu'elle ne soit pas totalement inexistante, au même titre qu'il y a des lacunes en ce qui concerne la recherche scientifique, il y a également un manque de collaboration entre la recherche universitaire et les services d'information et de consultation privés et des Eglises.
Ce manque de collaboration découle pour beaucoup de l'approche du phénomène. La recherche s'intéresse aux résultats scientifiques alors que les services d'information et de consultation s'intéressent aux effets sur le psychisme et sur la santé ainsi qu'aux problèmes financiers des victimes directes et indirectes des mouvements endoctrinants. Le fait que la recherche soit alimentée par des moyens publics, donc assurée à long terme, alors que l'information et les consultations fonctionnent en grande partie grâce au volontariat, semble paradoxal. Ces services d'information et de consultation, qu'ils soient privés ou qu'ils dépendent des Eglises, connaissent des problèmes financiers et souffrent du manque de personnel.
C'est la raison pour laquelle ils ne parviennent pas toujours à répondre à la demande. (Durant les auditions, il est clairement apparu que le départ de conseillers expérimentés signifie également une grande perte de connaissances et de savoir-faire que l'engagement d'un nouveau collaborateur ne permet pas de compenser d'un jour à l'autre).
Le Fonds national suisse de la recherche scientifique soutient un projet intitulé « Religion et lien social » relatif à un observatoire des religions en Suisse. Sous la direction du département interfacultaire d'histoire et de sciences des religions de l'université de Lausanne, le but de ce projet est de procéder à une large analyse des religions en Suisse sous l'angle des sciences sociales. Entre autres buts, il prévoit notamment l'élaboration d'une base de données et la mise en place d'un réseau de chercheurs et d'organisations spécialisées. Les objectifs du projet ne sont pas de procéder à des recherches sur les abus et les potentiels de conflit.
Les avocats expérimentés qui défendent les intérêts de membres ayant quitté leur mouvement ainsi que ceux de leurs parents, soulignent que les autorités judiciaires (et tutélaires) sont imprégnées de l'idée selon laquelle «les sectes ne touchent que les personnes vulnérables». Elles sont très réservées lorsqu'il s'agit de justifier des mesures liées à l'appartenance à un mouvement endoctrinant, qu'il s'agisse du bien de l'enfant, de divorce, de lésions corporelles ou psychiques. Lorsque le contexte est religieux ou prétendu tel, les craintes sont généralement, de l'avis de l'expert, encore plus importantes.
Les raisons de cette grande retenue résident en partie dans une appréciation insuffisamment claire du contenu et des limites de la liberté de croyance. En outre, les autorités judiciaires ont aussi souvent peur de devoir procéder à des délimitations difficiles ou d'affronter des contre-attaques juridiques ou au moyen de publications de la part des groupements visés.
Mais il y a également des lacunes, autant en ce qui concerne les connaissances relatives à l'efficacité et aux dangers des structures et des méthodes propres aux « sectes » qu'en matière de compréhension des problèmes qui en découlent pour les personnes victimes des mouvements endoctrinants.
Cette situation peut avoir pour effet qu'une personne concernée n'obtienne pas de l'Etat la protection que le cadre juridique actuel permettrait de lui offrir. Au-delà, elle peut encore avoir des effets plus larges dans la mesure où le public se met à supposer qu'il ne peut attendre aucune aide de l'Etat lorsqu'il s'agit de groupes endoctrinants. Un certain nombre de ces groupes exploitent ces sentiments d'impuissance, voire les renforcent sciemment dans le cadre de leur système disciplinaire interne ou de leur comportement externe menaçant.
De tels sentiments d'impuissance augmentent le nombre - déjà relativement important - de préjudices infligés par les mouvements endoctrinants qui ne sont pas recensés officiellement.
De l'avis de l'une des personnes entendues, sans ce sentiment d'impuissance, de nombreux problèmes ne se seraient jamais posés ou se seraient posés avec moins d'acuité si les lois avaient été appliquées, ce qui découle aussi de la sous-estimation des méthodes (qui ne sont pas assez étudiées).
Les prochains chapitres - limites du pouvoir de l'Etat, Prétendu « plein gré » et Responsabilité peu claire - montrent également les barrières qui se dressent sur le chemin du recours aux dispositions légales et de leur application. Le cas échéant, ils fournissent des indications sur les lacunes actuelles.
Comme cela a déjà été précisé, les limites de l'action de l'Etat en vertu de la constitution (liberté de conscience et de croyance) et les autres limites instituées par l'Etat (liberté d'expression etc.) ne font expressément pas l'objet du présent examen et elles ne sont pas remises en cause par la commission.
Même dans le cas où des situations intolérables sont avérées et les lois en vigueur appliquées, les interventions de l'Etat ou les mesures de protection sont souvent impossibles, ou alors les mesures ordonnées ne peuvent pas être exécutées.
Les raisons de cette situation résident souvent dans le fait que les préjudices subis concernent la sphère privée qui se soustrait aux contrôles ou aux influences externes, de l'Etat en particulier. De plus, les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution, la liberté de croyance et la liberté d'expression notamment, font que des abus ne peuvent être combattus que lorsqu'ils dépassent un certain seuil, c'est-à-dire lorsque d'autres droits fondamentaux sont lésés ou mis en danger de manière considérable. Certains groupes endoctrinants limitent d'entrée de jeu les possibilités d'agir de l'Etat ainsi que l'efficacité de ses mesures, notamment au moyen d'une doctrine qui refuse l'autorité de l'Etat ou, du moins, la subordonne à l'autorité du groupe. En cas de développement déterminé de cette tendance, le groupe va jusqu'à légitimer la désobéissance civile, voire jusqu'à dispenser ses adeptes du respect des règles de l'Etat.
En outre, certains groupes organisés au niveau international sont en mesure d'éviter l'application de mesures étatiques grâce à des transferts internationaux.
D'autres obstacles peuvent apparaître lorsqu'il s'agit de recourir à l'aide de l'Etat, notamment lorsque le groupe oblige ses membres et partenaires contractuels à se soumettre à une juridiction interne au groupe.
Ces pratiques, elles aussi, suscitent des sentiments d'impuissance chez les personnes concernées, ce qui aggrave souvent leurs propres problèmes et a pour effet, entre autres, de durcir les discussions sur les groupes endoctrinants. Plus tôt, ceci avait pour conséquence que certaines personnes concernées approuvaient ou recouraient à des mesures non admises pour se faire justice (ce que l'on appelle communément « déprogrammation »).
La caractéristique la plus visible des mouvements endoctrinants est l'altération du libre-arbitre qui peut aller jusqu'à la perte complète de toute autonomie. Si l'on tient compte du fait qu'il n'est pas possible de prendre une décision de manière tout à fait autonome, sans aucune influence extérieure, voire qu'une certaine influence est socialement tolérée (et partiellement même souhaitée), il s'avère difficile de délimiter à partir de quel point l'influence exercée devient excessive et socialement intolérable.
Il faut chercher les raisons de cette difficulté dans le fait que les méthodes de manipulation et d'endoctrinement provoquent des processus internes qu'il est difficile de constater depuis l'extérieur. Les processus externes ont souvent lieu dans un cadre très restreint ou restreint au groupe lui-même, et ne peuvent par la suite pratiquement plus être ni reconstitués, voire prouvés. En outre, la manière d'agir de ces méthodes de manipulation, en partie très subtiles, ne sont pas encore bien connues dans ce domaine (contrairement à ce qui est le cas de la torture des prisonniers de guerre ou de la publicité) et font l'objet d'opinions divergentes (non vérifiées). Le jugement est aussi rendu plus difficile du fait que la personne manipulée y contribue elle-même d'une certaine manière dans la mesure où ses besoins insatisfaits et sa détresse la rendent propice aux manipulations.
Le problème réside dans le fait que, lorsqu'elles demandent l'aide des pouvoirs publics, les personnes concernées se heurtent à la difficulté de devoir prouver les éléments constitutifs des délits (dol, lésion) ou de convaincre les autorités concernées qu'il y a atteinte aux biens juridiquement protégés.
La critique des mouvements endoctrinants doit donc affronter les questions cruciales qui sont de savoir dans quelle mesure le libre-arbitre est respecté, jusqu'à quel point l'adhésion (et l'obéissance) des membres est volontaire et dans quelle mesure la communauté permet à ses membres de la quitter en tout temps sans exercer de pression ou en lui permettant de se libérer d'autres engagements consentis « par crédulité » et qui ne sont pas liés au mouvement en tant que tel. La réponse à cette question est, entre autres, importante pour l'Etat lorsque certains groupements vont si loin qu'ils refusent toute autorité séculière et que, par exemple, ils empêchent les enfants de suivre l'enseignement des écoles publiques ou qu'ils soustraient leurs écoles privées à l'autorité de l'Etat (cantons).
En effet, le lésé ne remarque d'une part pas tout de suite qu'il a été victime d'un acte délictueux et, d'autre part, il est difficile de savoir clairement qui est responsable cet acte délictueux.
Les raisons de ce problème résident partiellement dans le fait que les rôles du coupable et de la victime se mélangent souvent. Soit la victime a elle-même participé à des actes semblables contre d'autres membres du groupe, soit elle a « librement » consenti à l'acte. Les délits ne sont généralement pas commis à la suite d'une défaillance individuelle, mais, par exemple, sur ordre d'un membre ou d'un organe de l'organisation hiérarchiquement supérieur - dont l'identité n'est pas connue ou qui réside à l'étranger - ou en application d'instructions inhérentes à la doctrine du groupe. Il arrive souvent que cette dernière prescrive des structures ou des formations qui visent le démantèlement du sens de la responsabilité et du « bon sens ». La priorité absolue des valeurs propres au groupe sur les biens juridiquement protégés du monde extérieur alliée à une motivation exagérée, résultant d'une doctrine paranoïaque ou prônant le salut du monde, produit des coupables qui n'ont ni sentiment de culpabilité ni aucune retenue.
Le problème découle du fait qu'une telle situation ne peut être reconnue qu'en ayant des connaissances de la structure interne du groupe et des mécanismes psychiques auxquels il fait appel. Si ces connaissances font défaut, il se peut que les autorités chargées de l'instruction restent inactives à tort. Lorsque la doctrine prescrit un comportement délictueux et lorsque son auteur ne peut être atteint ou reste inconnu, il est alors tout au plus possible de condamner l'exécutant. Cette situation n'est toutefois pas satisfaisante, ni du point de vue de l'idée de justice, ni de celui de la prévention générale. De plus, si elle ne leur permet pas de se distancier du groupe ou de la doctrine en question, l'aspect éducatif de la peine n'a pas d'effet sur des coupables endoctrinés.
Les raisons de cette attitude résident dans le fait que le détachement d'un groupe endoctrinant n'est pas une démarche ponctuelle. Au contraire, il s'agit d'un long processus. Souvent, des séquelles d'« esprit de groupe » continuent d'agir, accompagnées de sentiments de honte et de culpabilité. Pour cette raison, les personnes qui désirent se retirer de ces mouvements ont souvent de la peine à identifier et à défendre leurs propres intérêts. La persistance importante de ce phénomène de distanciation empêche souvent de faire valoir des droits avant qu'ils ne soient frappés de prescription extinctive. En raison de l'isolement social que le système de nombreux groupes impose aux adhérents, ces derniers se retrouvent ainsi coupés du monde extérieur et, lorsqu'ils quittent le groupe, ils se sentent perdus dans un milieu au sein duquel ils ne parviennent pas à trouver le soutien qui leur serait nécessaire.
Quelques groupes attisent la peur au moyen de véritables stratégies terrorisantes et par un comportent agressif vis-à-vis de l'environnement externe. En outre, si l'on observe la situation avec lucidité, force est de constater que la puissance économique et l'agressivité - issue de l'excès de motivation - de certains groupes endoctrinants (dans l'attaque comme dans la défense) empêchent ou gênent la défense d'intérêts légitimes de certaines personnes et muselle toute critique publique à leur encontre.
Ceci est à l'origine de problèmes aux niveaux individuel et social dans la mesure où de nombreuses violations demeurent impunies et ne font jamais l'objet de réparation. De plus, cette constatation a pour effet de renforcer les convictions de toute puissance du groupe et de le conforter dans l'idée qu'il suit la bonne voie.
Il faut tout d'abord souligner que tous les problèmes présentés ne sont pas observés chez tous les groupes endoctrinants. De plus, l'ampleur et l'intensité de ces phénomènes varient beaucoup d'un groupement à l'autre. Il n'en reste pas moins que ces problèmes sont les effets typiques de l'altération du libre-arbitre caractéristique aux groupes endoctrinants.
A ces barrières « internes » qui rendent tout départ du groupe plus difficile, viennent encore parfois s'ajouter des barrières « externes » telles que des mesures préventives de nature juridique (contrats qui vont du minutieux à la castration), des mesures (plus rarement) de nature géographique et architecturale (campagne isolée) voire le recours à la violence physique. De plus, au moyen d'un activisme permanent, les groupes essaient d'empêcher leurs membres de penser à leur propre situation.
La santé est mise en danger par d'autres pratiques encore qui, elles, n'ont pas la guérison pour but (par exemple certaines méditations, des interrogations intensives, des manifestations «marathon», le surmenage). Dans ce cas également, les dangers sont niés ou ignorés au nom d'un idéal suprême.
La plupart des effets néfastes que l'on observe chez les adultes peuvent également toucher les enfants. En plus, les enfants sont parfois victimes de pratiques ou de doctrines dirigées spécialement contre eux (notamment les abus sexuels, la méditation contrainte pour les jeunes enfants) (5). Chez eux, certains problèmes ont des effets particulièrement dramatiques et durables (notamment les « années perdues » en lieu et place d'une évolution et d'une formation dans la diversité, isolation d'autres enfants et d'autres influences ; les pratiques de certains groupements qui empêchent les enfants de suivre l'enseignement des écoles publiques ou qui soustraient leurs écoles privées à l'autorité de l'Etat a déjà été abordé au chapitre 435). A cause de leur infériorité et de leur manque d'expérience, les enfants sont nettement moins bien armés pour se défendre que les adultes.
La limite entre un engagement socialement tolérable (qui peut tout à fait être lié à des sacrifices consentis) est tracée par rapport aux méthodes utilisées pour créer la disponibilité et susciter la conviction des personnes concernées. Lorsque les méthodes utilisées font appel à la manipulation, à la tromperie et à l'endoctrinement, alors l'altération, voire la suppression du libre-arbitre n'est plus l'affaire de l'individu, mais bien de l'Etat qui peut et doit intervenir (naturellement dans la mesure où il en a les moyens). Les exemples extrêmes sont les cas dans lesquels un scénario de salut ou de persécution pousse les adhérents vers un suicide collectif ou toute autre forme de renonciation de soi (OTS, Heaven's Gate) ou les amène à commettre des délits (secte Aum).
Mais des cas moins spectaculaires (notamment des conversions « instantanées », des bouleversements complets du mode de vie et l'abandon d'une famille intacte à la suite d'un cours de plusieurs jours, l'apparition d'une incapacité de dialoguer provoquée par la nécessité de demander les instructions du groupe à tout propos ou par la déclamation de principes de la doctrine du groupe et le refus de prendre tout argument contradictoire en considération) donnent à l'observateur non averti l'impression d'une autonomie réduite, voire nulle.
Etant donné que non seulement le droit privé et le droit pénal, mais que la démocratie se fonde également sur l'axiome de l'autodétermination de chacun, un Etat de droit libéral ne peut demeurer sans réagir lorsque des groupes endoctrinants attentent systématiquement à l'autonomie individuelle ou envisagent de la réprimer.
« L'évolution [...] a eu des effets sur les rapports entre la société et la religion, plus précisément sur l'Etat et les Eglises. Si au XIX e siècle, on a introduit dans la Constitution toute une série d'articles qui faisaient de l'Etat un arbitre sur le plan religieux, la tendance est aujourd'hui d'abandonner toute intervention dans ce domaine. Le projet de révision de la Constitution fédérale [...] est sur ce point tout à fait explicite : abandon de tous les articles qui concernent les problèmes de l'arbitrage de l'Etat pour ne retenir qu'un article sur la question de la liberté de conscience. » La réglementation des rapports entre l'Eglise et l'Etat revient aux cantons qui, tous, reconnaissent les grandes communautés religieuses. Les cantons de Neuchâtel et de Genève connaissent la séparation de l'Eglise et de l'Etat. La reconnaissance en tant qu'Eglise assure à cette dernière une protection juridique de la part de l'Etat ainsi que des privilèges tels que l'exonération fiscale (appliqué avec beaucoup de retenue par la Confédération et de manière diverse par les cantons), la libération du service militaire ou un droit de regard dans les affaires scolaires et dans la vie publique. Bien sûr, en retour, cette reconnaissance implique la reconnaissance de la légalité constitutionnelle et de la haute surveillance de l'Etat en ce qui concerne ses intérêts séculiers. Les Eglises libres, sans statut de droit public, ainsi que les « sectes » et pratiquement toutes les communautés non chrétiennes ressortissent au droit privé (articles 60 et suivants CC) (Neues Staatskundelexikon für Politik, Recht, Wirtschaft, Gesellschaft. Aarau und Zürich, 1996).
En 1989, dans une réponse à une question ordinaire - qui se référait explicitement à l'appartenance à des sectes et à la liberté personnelle - le Conseil fédéral a renvoyé à l'initiative privée (Question ordinaire 88.1068 appartenance à des sectes et liberté personnelle).
Après le drame de l'OTS, le Conseil fédéral et le Parlement ont refusé la création d'un Office fédéral des questions religieuses en se référant à la souveraineté cantonale en matière de culte (Motion pour un office fédéral des questions religieuses du 14 décembre 1993 (93.3606) ainsi que l'interpellation office fédéral des questions religieuses du 6 octobre 1994 (94.3418)).
Les autres réponses du Gouvernement à des interventions parlementaires ont toujours été empreintes de beaucoup de retenue et se sont référées aux éléments suivants : droits fondamentaux (en particulier la liberté de conscience et de croyance), souveraineté des cantons en matière d'affaires ecclésiastiques, les conditions préalables à toute intervention de l'Etat (notamment délits, mise en danger de la sécurité de l'Etat), efficacité de la législation en vigueur (doit pénal et civil, instruments cantonaux en matière de police sanitaire et du commerce).
Jusqu'à présent, le Conseil fédéral a rejeté toute action coordonnée au niveau de la Confédération pour des raisons financières. En mars 1998, il ne distinguait aucun signe indiquant que les cantons auraient de tels besoins et il doutait de l'efficacité d'une harmonisation des lois cantonales concernées (voir réponses aux interventions suivantes : interpellation relative à l'influence de l'église de scientologie en Suisse du 3 octobre 1996 (96.3505) ; interpellation relative à la lutte contre les sectes du 20 mars 1998 (98.3136) ; question ordinaire relative aux activités en rapport avec l'église de scientologie du 27 avril 1998 (98.1050)).
La retenue des autorités judiciaires a déjà été évoquée au chapitre II.4.3.3. A quelques exceptions près, les parlementaires suisses ainsi que les membres du Gouvernement se sont également référés au principe juridique formel de la retenue en matière de croyances.
Contrairement à ce qui est le cas en Allemagne, le traitement systématique et engagé de tels sujets dans la presse écrite n'a porté que peu de fruits. Cette attitude passive règne également dans les partis politiques depuis les années 80. Les centres de consultation et d'information ainsi que les associations de parents actifs en la matière ne sont pas parvenus à développer des groupes de pression politique en tant que tels au niveau fédéral.
Selon l'une des personnes entendues, il serait juste, bien que de plus en plus problématique du point de vue juridique, de considérer la religion comme une affaire privée étant donné que les différences dues au niveau socioculturel dans notre société ont été sous-estimées ces vingt dernières années. Aujourd'hui, il faudrait considérer la religion comme une dimension de la vie sociale, ce qui « légitime l'intervention de l'Etat en la matière.»
Le désengagement de l'Etat présente des risques en ce sens qu'il « apparaît désemparé par rapport au changement religieux contemporain et par rapport au fait que dans les différents cantons la tendance est de réagir de plus en plus au coup par coup et non plus de façon globale ».
Contrairement à la situation en Allemagne, en Suède et en France, la politique suisse n'a jusqu'à ce jour pas tenté d'enlever le caractère tabou à tout ce sujet, de le sortir du champ de la responsabilité privée et de lui donner le caractère d'une affaire publique.
En regardant ce qui se passe en Allemagne, la commission a relevé
qu'une intervention de l'Etat ne contrevient pas au principe de la liberté
de conscience et de croyance. Il ne s'agit pas de rechercher une attitude
plus radicale envers les groupements intolérables, attitude qui
aboutirait régulièrement à des demandes d'interdiction
- ce qui, en Suisse et de l'avis de la commission également n'est
ni pensable, ni souhaitable - mais bien de prises de position personnelles
des politiciens, membres d'autorités législatives et exécutives,
qui se prononceraient sur le sujet comme c'est le cas chez nos voisins
allemands. Contrairement à la Suisse, ils ont assimilé les
peurs de la population (qui sont reprises et débattues par les médias).
Ils ont ainsi reconnu la dimension sociale du problème. Des ministres
ont mandaté des études, certains Länder ont lancé
de larges campagnes d'information, le Bundestag a mis sur pied une commission
d'enquête dotée d'un personnel professionnel, les tribunaux
et les partis politiques ont pris des décisions claires et Helmut
Kohl, le Chancelier de l'époque, est également intervenu
publiquement à ce sujet. L'un des ministres allemands a même
été acquitté par un tribunal : il peut en effet continuer
de recourir aux termes de
«Wirtschaftskrake», «wirtschaftskriminelle
Organisation» et de «Geldwäscheorganisation»
pour qualifier un groupement.
De telles prises de position jouent le rôle d'un signal pour
la population et ont également un effet préventif, tant il
est vrai que les personnes concernées (surtout les parents) sont
alors bien plus facilement disposées à se préoccuper
du sujet. En outre, ces prises de position sont également prises
en compte par le pouvoir législatif.
Entre-temps, divers cantons ont entrepris certaines démarches en la matière :
Suite à une motion du 1996, le Grand Conseil du canton de Bâle-Ville a complété sa législation pénale. Ainsi, est punissable celui qui recrute ou tente de recruter des passants sur la voie publique au moyen de méthodes trompeuses ou déloyales. Ces dispositions sont entrées en vigueur à fin novembre 1998. Fin juin 1999, le Tribunal fédéral a rejeté une plainte de droit public déposée par l'Eglise de Scientologie à ce sujet. Dans le canton de Genève, il est prévu de compléter le code de procédure pénale par des dispositions concernant les « dérives sectaires ». En particulier, les personnes victimes de mouvements endoctrinants pourront, en tant que partie civile ou en qualité de témoin, recourir à l'aide d'organismes spécialisés et reconnus dans le cadre de l'aide aux victimes. Le groupe de travail intercantonal pour les questions relatives aux « sectes », constitué depuis septembre 1997 de représentants des cantons de Genève, de Neuchâtel, du Jura, de Fribourg, de Berne, du Tessin, du Valais et de Vaud. Actuellement, le « Centre d'information sur les croyances » est son projet principal (mené toutefois sans la participation des cantons du Jura, de Fribourg et de Berne). Le 19 octobre 1998, le canton du Tessin a publié un volumineux rapport sur les « sectes religieuses » («sette religiose»). Ce rapport attribue une grande importance à l'application du dispositif législatif en vigueur ainsi qu'à l'information, l'éducation et la consultation et se référant notamment à la collaboration au sein du groupe de travail intercantonal dont le Tessin est membre. Un projet vaudois prévoit de donner aux gymnasiens de 3 e année la possibilité de suivre un cours à options en histoire et science des religions. L'objectif de cet enseignement est de transmettre des connaissances générales dans ce domaine et de favoriser une prise de conscience dépassant le cadre d'une seule branche. A l'école, les sciences religieu-ses doivent favoriser la compréhension mutuelle et permettre d'approfondir la discussion relative à l'intégration. Cet enseignement abordera des concepts tels que le respect d'autrui, la solidarité, la responsabilité sociale du citoyen. L'introduction de ce programme est prévue pour l'année scolaire 2000/2001.
Les « sectes », les mouvements endoctrinants et les autres groupements, structurés ou non, mais également les offres pseudo-religieuses sur le marché de la guérison évoluent dans un environnement de pluralisme religieux marqué par une évolution rapide. Ce sont justement les discussions au sujet de la liberté religieuse (et d'autres libertés fondamentales) qui ont élargi l'angle de vision. L'importance sociale (et politique) du sujet s'en est retrouvée renforcée : En Suisse, des convictions et des croyances religieuses inhabituelles et étrangères à notre patrimoine culturel judéo-chrétien traditionnel se rencontrent aussi au sein d'autres religions d'importance planétaire, en partie depuis plusieurs siècles. Entre-temps, leurs adeptes représentent déjà une partie non négligeable de la population suisse. C'est pour cela qu'il faut en principe aussi être conscient du fait que de nombreux citoyens et citoyennes de ce paix se réclament de l'islam (aujourd'hui troisième croyance en Suisse), du judaïsme ( depuis toujours ) ou d'autres convictions, tout en ayant la Suisse comme patrie émotionnel et politique. Puisqu'il est confronté à l'engagement religieux de ces citoyens (service militaire, prescriptions vestimentaires et alimentaires etc.), l'Etat ne pourra pas éviter de régler ses rapports avec les adhérents de toutes les religions et croyances. Il n'évitera donc pas non plus de devoir définir les notions de « religion » et d'« Eglise ».
La commission est consciente que :
Pour cette raison, la commission est parvenue à la conclusion que seule une culture empreinte de tolérance permet de tenir compte de la dynamique actuelle du processus social en matière de religion et de convictions. Dans ce domaine, les droits de l'homme s'imposent en tant que dénominateur commun et critère universel pour la société dans son ensemble. Accepter ce principe implique de reconnaître que l'essence culturelle propre à chaque groupement a des effets divers. La règle de base est l'obligation de dialoguer avec les religions des autres cultures. Il s'agit de faire comprendre que dans notre pays - parce que nous ne sommes ni en Chine, ni en Arabie Saoudite, mais en Suisse - ce sont les droits de l'homme au sens de la culture d'Europe centrale qui s'appliquent. En tant que garant de la tolérance (6) , l'Etat doit veiller à ce que les religions, les communautés et les groupes religieux - reconnus égaux en droits par l'Etat - reconnaissent et respectent les uns envers les autres, mais également envers leurs adhérents, au sein de leurs mouvements, les droits fondamentaux constitutionnellement garantis et participent plus activement au processus politique (par exemple élargissement du cercle des destinataires pour les procédures de consultation). Ainsi l'Etat répond de manière positive au critère de la liberté religieuse. Dans sa fonction de garant de la tolérance, il se doit également d'intervenir lorsque les droits de groupes ou de membres de groupes sont mis en danger ou réprimés. Il répond ainsi à une conception de la liberté religieuse qui s'exerce de manière critique et qui se doit de mettre des limites. Les déclarations de l'Etat, comme on les trouve déjà dans l'approche (scolaire) du canton de Vaud (7), ont valeur de signal et peuvent - quelle que soit l'importance du défi - aplanir la voie vers une culture de tolérance.l'origine du pluralisme culturel et religieux actuel découle entre autres de l'organisation libérale et démocratique de notre société, que l'évolution ne peut être ni freinée, ni arrêtée ou dirigée dans une direction précise, les lois, les prescriptions ou autres moyens peuvent uniquement permettre de répondre aux excès, et que les lois, les prescriptions ou autres moyens ne peuvent et ne doivent que prévenir les excès.
Comme les dangers potentiels ne dépendent pas du caractère religieux ou non des objectifs des groupes concernés, il est donc envisageable, au niveau politique, de développer des critères généraux a partir des principes universels des droits de l'homme permettant de fixer les limites de la tolérance de l'Etat et de la société : image libérale de l'homme, volonté de dialogue, transparence, publicité des comptes, structures démocratiques de partenariat non contraignantes, respect de l'intégrité personnelle, respect de la législation en vigueur, enracinement dans le contexte social etc. (8)
Les efforts de certains cantons (législation, coordination de l'information, prises de position des autorités), mais aussi le fait que l'administration fédérale est confrontée à de telles questions le montrent bien. En outre, le Conseil fédéral doit, aujourd'hui déjà, prendre position dans ce domaine à l'occasion de ses réponses aux interventions parlementaires.
Pour cette raison, la commission estime que le fait que des services de l'administration fédérale doivent s'occuper de questions très diverses en liaison avec la problématique des «sectes» sans pouvoir se référer à des règles de bases unifiées formulées par le Gouvernement en tant qu'objectifs politiques constitue une lacune.
Au cours de l'avancement de l'examen, la commission a constaté l'absence de tout échange systématique d'informations entre les services administratifs concernés. De l'avis de la commission, pour ce qui est des mouvements endoctrinants, le Conseil fédéral semble se baser surtout sur l'opinion d'un fonctionnaire fédéral qui s'est spécialisé dans la problématique des «sectes» à titre privé, ce qui pose également un certain nombre de problèmes. En outre, la personne concernée se voit reprocher de ne pas garder une distance suffisante par rapports aux mouvements endoctrinants. Cette situation peut devenir problématique s'il devient tout à coup nécessaire de procéder rapidement à une analyse de risques (le passage au prochain millénaire provoque une atmosphère de fin du monde). Dans ces conditions, la réalisation d'une analyse crédible n'est pas suffisamment garantie et se transforme elle-même en risque. Une source d'informations unilatérale n'a que peu de chances d'être reconnue et acceptée par l'opinion publique. Elle se transforme même en sujet de critique bienvenu.
Tout d'abord, le Conseil fédéral est prié de prendre la problématique abordée dans ce rapport au sérieux et de considérer que les réponses qu'elle exige font partie des tâches d'un gouvernement. La commission attend de lui qu'il formule une politique en matière de «sectes» pouvant servir de base à l'action gouvernementale. A ce sujet, elle considère que l'article 15 de la Constitution révisée en général (et l'alinéa 4 en particulier) constitue une base suffisante. Pour les personnes concernées, une attitude claire des autorités constitue un signal qui les conforte dans leur volonté de se défendre contre l'endoctrinement, contre les violations des droits fondamentaux et contre les promesses de guérison et de salut insuffisamment fondées. Une attitude claire de l'Etat est également très importante pour l'application de la loi. En effet, lorsque les biens juridiquement protégés sont menacés voire mis à mal ou lorsque les interventions de l'Etat outrepassent les limites fixées par les droits fondamentaux, les tribunaux et les autorités administratives doivent intervenir de manière décidée.
Comme les exemples allemands, autrichiens, français ou suédois le montrent, un travail d'information et de prévention soutenu par l'Etat contribue au débat sur ce sujet, tant il est vrai que les mouvements endoctrinants ou les « sectes » sont un sujet considéré comme tabou (la campagne anti-SIDA de la Confédération a montré de manière impressionnante combien le travail d'information de l'Etat contribue à faire tomber les tabous).
En vue de la formulation et de la mise en ouvre d'une politique en matière de «sectes» qui tiennent compte de l'importance du problème, la commission est d'avis que les tâches suivantes incombent au Conseil fédéral :
En outre, la commission est d'avis que le Conseil fédéral est tenu de prendre des mesures en matière de protection des consommateurs, du bien de l'enfant et de la santé (législation sanitaire) (voir chapitres III.2.4 et suivants ci-dessous).la coordination (voir chapitre III.2.1 ci-dessous), la mise sur pied d'un service suisse d'information et de consultation (voir chapitre III.2.2 ci-dessous) et l'encouragement de la recherche et de la collaboration (voir chapitre III.2.3 ci-dessous).
Dans le but d'assurer la mise en ouvre de la politique en matière de « sectes » et afin de créer les bases permettant une information harmonisée, de qualité et non contradictoire, la commission estime que le Conseil fédéral doit jouer un rôle central et assurer une triple coordination :
La coordination au niveau du contenu peut être assurée
au moyen d'un contrat de collaboration (éventuellement d'un mandat
de prestations) élaboré sous la conduite de la Confédération.
Ce contrat pourrait également servir de légitimation permettant
d'obtenir le versement d'une aide financière des pouvoirs publics.
En guise d'introduction à ce point, il convient de relever qu'il y a beaucoup d'informations sur les mouvements endoctrinants (notamment auprès des services de consultation) et que les groupements à caractère religieux informent également eux-mêmes. Cependant ces sources d'informations sont régulièrement critiquées pour leur manque d'objectivité et de crédibilité.
De plus, il n'est pas possible de s'assurer que les services privés ne puissent pas être noyautés. Le danger découlant du fait que ce genre de structure d'information peut perdre des connaissances précieuses à la suite de démissions de collaborateurs a déjà été relevé.
Le problème posé par les groupes endoctrinants réside avant tout dans le fait que ces derniers s'attaquent au libre-arbitre des personnes concernées. C'est donc pour cette raison que l'une des contre-mesures à disposition consiste à soutenir la propagation d'informations critiques au sujet des groupes endoctrinants. Ainsi, les personnes intéressées ont la possibilité (théoriquement tout au moins) d'obtenir des informations en complément à celles fournies par les groupes endoctrinants eux-mêmes et peuvent (toujours théoriquement) se forger leur propre opinion. Même les adeptes d'un groupe endoctrinant, qui souffrent souvent de leur situation, sont en mesure de mieux comprendre la situation et de réagir de manière plus adéquate. Dans la mesure où l'intervention de l'Etat devient nécessaire, les autorités (autorités tutélaires, fiscales, tribunaux etc.) doivent également pouvoir recourir à un service spécialisé en mesure de leur fournir des informations sur les groupes, sur leurs pratiques et sur leurs doctrines (11).
Même si un tel service doit s'efforcer au maximum de rester objectif, il ne faut pas s'imaginer qu'il est possible de fournir des informations exclusivement objectives ou neutres. Dans le cadre de la réflexion et du débat public indispensables sur la problématique des groupes endoctrinants, ce service présentera donc un « avis ». Pour cette raison, il est important que les critères appliqués correspondent aux valeurs protégées par la loi c'est à dire aux droits fondamentaux indissociables de l'image de l'homme et de la société dans laquelle il vit. En outre, les critères appliqués doivent être déclarés ouvertement.
Il convient de prêter attention aux points ci-dessous lors de la mise sur pied d'un service d'information et de consultation (12) :
En vertu de la doctrine et de la jurisprudence actuelles, le principe de la légalité ne s'applique pas qu'aux interventions mais également aux prestations administratives. Un soutien régulier à un service telle que celle qui est proposée nécessite une base légale (16) décrivant clairement les conditions et les buts des prestations offertes (17).Le financement doit donc être assuré d'une manière conforme aux tâches.
Pour des raisons évidentes, une banque de données et des archives devraient être rattachés à ce service qui pourrait ainsi assumer une fonction charnière entre la recherche, le conseil et les instances de l'Etat (Confédération et cantons).
Au vu des moyens limités à disposition, il est nécessaire de veiller systématiquement à ce que le choix des sujets de recherche soit effectué en fonction des résultats attendus. Il faudrait que ces derniers soient importants et susceptibles d'être appliqués en pratique.
D'ailleurs - cette exigence a été posée il y a quelques années déjà - les universités doivent plus orienter leurs efforts en fonction des réalités et des besoins sociaux. C'est pour répondre à ces besoins qu'il faut institutionnaliser la collaboration entre les unités de recherche universitaires, les services de consultation privés et des Eglises (éventuellement réunis dans une organisation faîtière à créer) et le service suisse d'information et de consultation. Parce que les résultats pratiques ne peuvent être mis en ouvre efficacement que sur une base commune et que cette dernière dépend de l'harmonisation des législations cantonales, qui fait d'ailleurs l'objet d'une interpellation (Interpellation relative à la lutte contre les sectes, 98.3136 du 20 mars 1998), la recherche doit tenir compte des points de vue du droit pénal, des cantons et de l'environnement international.
Pour des raisons évidentes, il serait également nécessaire que ce service d'information et de consultation gère une base de données ou des archives. Il remplirait ainsi une fonction charnière entre la recherche, la consultation et les services de l'Etat. La Confédération peut remplir la fonction de coordination souhaitée sous forme d'une surveillance permanente basée sur un mandat de prestations conclu avec tous les participants.
Toutefois, la commission est d'avis que certains aspects de la législation ou de son application peuvent et doivent être améliorés - dans ce cas également à titre de signal politique - afin de soutenir la politique de la Confédération en matière de « secte ».
Les domaines ci-dessous sont concernés par les problèmes d'application lacunaire ou par la nécessité d'apporter des améliorations ponctuelles et impliquent des mesures de la part des pouvoirs publics :
Protection de l'enfant (voir chapitre III.2.4.1 ci-dessous) ; Protection des consommateurs au moyen d'une réglementation de l'assistance spirituelle à but lucratif (voir chapitre III.2.4.2 ci-dessous) ; Législation sanitaire (voir chapitre III.2.4.3 ci-dessous)
Le Tribunal fédéral a décrit le niveau justifiant une intervention en précisant que ce n'est que lorsque l'obéissance aux principes d'une croyance lèse concrètement et de manière importante le bien de l'enfant que l'intérêt de l'enfant peut l'emporter sur le droit des parents. Cette condition est notamment atteinte lorsque la santé de l'enfant est menacée ou lorsque sa formation est limitée à un point tel que l'égalité des chances - y compris entre sexes - n'est plus garantie, ou lorsque l'enseignement qu'il lui est permis de suivre ne transmet pas les contenus indispensables du point de vue des valeurs sociales établies (ATF 119 Ia 178).
La commission est d'avis qu'une extension des possibilités d'intervention du droit en vigueur (c'est-à-dire des compétences judiciaires dans le cadre de la séparation et du divorce ou des mesures de protection de l'enfant) n'est pas nécessaire. La recommandation a principalement pour but de faire en sorte que, chaque fois qu'un juge ou une autorité administrative doit prendre des décisions en la matière, les intérêts de l'enfant soient pris en compte dans leur ensemble et suffisamment défendus selon les principes d'une procédure équitable.
Les fournisseurs doivent être tenus de remplir leurs tâches
consciencieusement : ils doivent entreprendre les démarches propres
à les renseigner sur les éventuels risques des méthodes
qu'ils appliquent. Ce faisant, ils doivent également tenir compte
des connaissances des domaines qui se situent en dehors de la doctrine
qu'ils professent (de la médecine d'école notamment). La
commission ne propose pas d'aggraver la responsabilité usuelle en
vertu de l'exécution soignée d'un contrat (généralement
un mandat). Elle demande la mise en vigueur d'une obligation légale
d'informer sur les risques en tant que condition préalable nécessaire
à l'application légale de toute méthode susceptible
de nuire à la santé. En cas de violation de cette obligation
d'informer, tout traitement est considéré comme illégal
et - si les autres conditions de responsabilités sont données
- implique la responsabilité pour tous les dommages subis. La commission
retient que l'offre en la matière, actuelle et future ne doit être
ni
limitée, ni soumise à un contrôle étatique
et les méthodes utilisées ne doivent pas non plus faire l'objet
d'un examen.
Dans le détail, la réglementation devrait comprendre les points suivants :
En revanche, ils ne pourraient plus se moquer des connaissances établies relatives aux dangers liés à une confiance aveugle dans l'application de la doctrine.Domaine d'application : les contrats relatifs à des prestations rétribuées portant sur le constat ou l'amélioration de l'état psychique ou des capacités psychiques et intellectuelles (Cette formulation est reprise (de manière abrégée) du § 1 du projet du Bundesrat allemand). Condition de validité : le contrat doit être écrit et un double doit être remis. Droit de résiliation éventuel. Droit de révocation. For juridique obligatoirement au domicile du participant ou au lieu d'exécution de la prestationofferte. Information sur d'éventuels risques pour la santé et sur la sanction en vertu de laquelle le fournisseur qui n'a pas informé son client répond de tout dommage survenu. La présente recommandation ne propose pas le renversement du fardeau de la preuve (20). Le lésé devrait donc prouver que le dommage subi a été provoqué par le fournisseur. Le non-respect du devoir d'information serait tout au plus constitutif de l'illicéité et de la culpabilité. Il serait possible de limiter ce devoir d'information aux risques connus. Ainsi, les fournisseurs seraient libérés de la responsabilité des risques qui ne sont pas encore connus.
La plupart des cantons ont réservé le diagnostic et le traitement des maladies physiques et psychiques aux médecins, éventuellement à d'autres professions médicales reconnues.
Pour ce qui est des groupes endoctrinants, il est frappant de constater que nombreux sont les cantons qui n'appliquent pas intégralement leur législation en la matière. Cette attitude est à l'origine de toute une zone grise dans laquelle évoluent une nuée de personnes et d'organisations qui exécutent des actes thérapeutiques, ouvertement ou sous le manteau, alors qu'elles n'en auraient pas le droit. Par souci de précision, il convient de souligner que toutes les activités de cette zone grise ne manquent pas forcément de sérieux (Certains cantons ne réglementent pas l'activité indépendante des psychologues, ce qui ne signifie pas pour autant qu'aucun psychologue sérieux n'exerce dans cette zone grise).
La justification et la consolidation des rapports de dépendance repose sur divers éléments : souffrance considérable, pas d'amélioration de la part des aides proposées jus-qu'ici (notamment par la médecine traditionnelle), gratitude des personnes souffrantes envers les groupes endoctrinants qui leur promettent une guérison, énorme capital de confiance (que la raison ne parvient pas à l'expliquer) ainsi qu'une fascination particulière pour des promesses de guérison généralement rapide, totale et certaine.
Pour cette raison, la commission estime qu'il est évident que les patients ont besoin de la protection de l'Etat, notamment :
Au vu de ce besoin de protection qui vient d'être évoqué et en vertu de sa responsabilité en matière de coordination, le Conseil fédéral devrait s'engager pour que les cantons orientent leurs législations sanitaires en fonction des lignes directrice suivantes (22) :contre les pratiques dangereuses pour la santé (outre les effets directs et néfastes de certaines pratiques, il faut également tenir compte que ces dernières peuvent avoir pour effet de dissuader le patient à recourir à une aide reconnue, à un médecin par exemple) ; en cas d'abus financier ; en cas de dol ou de volonté d'induire en erreur ; lorsque l'endoctrinement combine des pratiques thérapeutiques à des contenus doctrinaires plus larges qui visent à réduire le libre-arbitre et à entraver la liberté de l'individu concerné.
Ces principes, qui ne gênent pratiquement pas les thérapeutes sérieux, permettraient de combattre efficacement les dérives liées aux activités des groupes endoctrinants.Les dispositions légales en vigueur doivent être appliquées ou adaptées aux nouveaux besoins et aux nouvelles opinions. Lorsqu'un canton décide de tolérer des pratiques thérapeutiques non scientifiques, il doit assurer que l'autorisation, l'inscription ou la simple autorisation des personnes qui appliquent ces pratiques ne permette pas de donner au public l'impression que l'Etat a testé l'efficacité ou l'innocuité de ces méthodes. L'obligation légale pour le thérapeute de renseigner ses patients sur les risques liés à la pratique de ces méthodes thérapeutiques non scientifiques. L'interdiction de toute indication, toute assertion qui ne peut être prouvée, qui est fausse ou qui est susceptible d'induire le patient en erreur, tant sur ses propres méthodes théra-peutiques que sur celles des méthodes en concurrence (notamment de la médecine traditionnelle), et ceci tant pour la publicité que dans le cadre de publications ou de discus-sions avec les patients. L'obligation d'indiquer la méthode appliquée et, le cas échéant, la doctrine qui est à sa base. Cette obligation doit être liée à l'interdiction d'utiliser des méthodes non déclarées (l'hypnose par exemple). Il est nécessaire de veiller à ce que la réglementation ne puisse pas être contournée en prodiguant les actes thérapeutiques non pas dans le cadre d'un rapport soignant - patient, mais au sein d'un groupe dont l'organisation du travail est compartimentée.
La Section « Autorités »
Le président : Fulvio Pelli
La Commission de gestion
Le président : Alexander Tschäppät
La secrétaire de la Commission de gestion : Mariangela Wallimann-Bornatico
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