Aider les adeptes
Conseils aux parents et aux proches
(Source : BULLES des 4ème
trimestre 1994 et 2ème trimestre 1996)
Le comportement d'un proche ou d'un ami vous a d'abord intrigué
et maintenant vous inquiète. On ne le reconnaît plus. Sa relation
avec son entourage devient distante, voire agressive. Son attitude générale
s'est modifiée : soirées et week-ends occupées par
de nombreuses réunions, discours manifestement appris, régime
alimentaire particulier, dépenses financières importantes
et inexpliquées, etc... Enfin quelqu'un suggère : ne serait-il
pas entraîné dans une secte ? Le mot est lâché
; il fait peur. Et pourtant il ne faut pas céder à la panique,
car, même s'il s'agit de la bonne interprétation de ce changement
de personnalité, il ne faut pas croire que tout est perdu.
Pour commencer, le plus important est de s'efforcer de garder
le contact. Il n'y a pas de recette miracle permettant de redresser
rapidement la situation. Mais de votre attitude peut dépendre une
évolution, lente sans doute, mais favorable à un retour réel.
Il va falloir se montrer positif, calme, ouvert au dialogue. Il s'agit
de trouver quelques bonnes entrées pour atteindre celui qui, mis
sous dépendance, est devenu sans s'en rendre compte prisonnier d'un
système rigide et totalitaire.
Procédant par étapes prudentes, on reconnaîtra d'abord
avec lui qu'il est libre d'entreprendre une recherche, de faire un choix,
même s'il se trompe, et on lui montrera qu'il est apprécié
pour lui-même, au delà de ses convictions. Il ne faut surtout
pas heurter de front ses convictions nouvellement acquises, et pas davantage
attaquer, fut ce avec humour, ni le groupe, ni le "Gourou". A trop argumenter
sur les enseignements et la doctrine du groupe, on court le risque de provoquer
une réaction de justification qui contribue à ancrer l'adepte
dans son discours ; peut-être même à le rejeter vers
son groupe où il pensera trouver une protection contre ce qui sera
ressenti comme une agression. Dans un contact maintenu, comptera bien davantage
la chaleur humaine et l'affection sincère que le contenu
raisonnable des conversations ou correspondances.
Mais on ne quitte pas tout à fait par hasard sa famille,
son cadre de vie, on ne se laisse pas si facilement entraîner si
le terrain n'est pas déjà un peu préparé. il
faut donc essayer de comprendre. Découvrir si telle aspiration
n'a pu être comblée permettrait sans doute mieux comprendre
quelle réponse le groupe semble apporter et donc d'amorcer la dialogue.
Le mieux est de procéder par un questionnement qui, en aucun cas,
ne doit prendre la forme d'un "interrogatoire", mais garder celle d'un
dialogue amical et ouvert. Il ne s'agit pas non plus d'approuver, ce qui
serait à la fois malhonnête et maladroit, ni de désapprouver
avec violence, ce qui risquerait de bloquer tout échange. Mais il
est possible, devant des contradictions évidentes pour nous, de
poser des questions, de demander des explications. D'où l'importance
de connaître les textes de base de la secte et ses principes d'action.
Enfin, il importe d'apprendre à connaître le vocabulaire
du groupe, le sens particulier qui est donné à certains
mots de la langue commune, et les conceptions qu'il enseigne. Devenues
les nouvelles références de votre proche, ces éléments
de connaissance sont indispensables pour maintenir le dialogue. Pour tenter
de faire échec à ces références nouvelles,
uniques et exclusives, il faut à chaque occasion favorable lui
opposer les références anciennes, centres d'intérêt
que l'adepte possédait auparavant, souvenirs familiaux ou d'amitié,
vécus hors du groupe.
Que doit-on éviter ?
La partie à jouer est, ne la cachons pas, une partie difficile.
Pour établir son plein pouvoir, la secte va s'efforcer de détruire
ce qui s'y oppose de la façon la plus efficace : les liens familiaux
et amicaux. Aussi il ne faut pas désespérer, ni se
laisser culpabiliser par qui que ce soit, ni intimider par des campagnes
de pressions qui pourront utiliser la calomnie, les menaces ou le chantage.
On peut s'attendre aussi à des offensives de charme à votre
égard de la part du groupe et de votre proche lui-même pour
tenter de vous neutraliser : ne vous laissez pas séduire.
Naturellement il ne peut être question de donner de l'argent ; ce
serait apporter un soutient matériel au groupe et donc l'aider à
survivre et à prospérer.
Ne pas accepter des propositions de "soit-disant professionnelles".
En revanche, l'avis d'un avocat, d'un psychiatre ou psychologue peut être
utile voire indispensable pour aider la famille à comprendre la
situation.
Faut-il abandonner la partie parce que l'intéressé est
majeur et que certains diront "qu'après tout, il sait ce qu'il fait"
? Certainement pas. Et s'il dit lui même agir en pleine conscience
et en pleine liberté de choix, ceci est loin d'être prouvé.
Mais si vous gagnez la partie, n'espérez pas retrouver votre proche
identique à lui-même : il aura vécu une expérience
qui devra être respectée.
Attitude à adopter
Essayer de s'informer objectivement sur les théories de la secte
et sur son vocabulaire, lire les documents internes à la secte et
d'informer de ses pratiques.
Rencontrer des ex-adeptes mais aussi d'autres familles et des associations
concernées par le problème.
Entretenir le contact, en particulier affectif, avec l'adepte.
Ne pas l'attaquer sur son gourou, sa croyance, sa nouvelle philosophie.
Lorsque vous parlez à un adepte de ses croyances, vous déclenchez
en lui un réflexe dû à son conditionnement et il va
vous débiter le discours de la secte comme s'il avait déclenché
un magnétophone.
S'intéresser à ce qu'il vit au quotidien, à ce qu'il
vit d'intéressant à ses yeux.
Lui demander s'il se sent dans la paix, dans la joie. Un jeune sorti de
secte nous disait : "on nous apprenait à avoir un visage toujours
souriant. Je me souviens avoir dit à ma famille : je suis heureux
et pendant que je souriais, je ravalais mes larmes ; je me souviens 15
ans après du goût de mes larmes".
Lui dire votre joie de vivre, vos difficultés aussi, mais comment
vous les surmontez.
Poser quelques questions qui lui permettent de réfléchir
lui-même, de commencer à douter.
Le voir hors de son groupe, autrement la conversation ne servira à
rien. Toujours se rappeler qu'il est victime d'une escroquerie morale et
intellectuelle.
Mobiliser la famille, les amis et se répartir les rôles.
L'accueil à la sortie de la secte
Ne pas croire que tout est gagné parce qu'il est sorti ; il lui
faut se restructurer, redevenir lui-même.
Sachez l'écouter, l'écouter longuement, l'aider à
faire ressortir les aspects positifs de son expérience, l'aider
à aller jusqu'au bout de son témoignage, l'aider à
s'exprimer. Il ne faut pas tout faire en une fois. Procédez par
interrogation. Ne portez jamais de jugement.
Savoir qu'en quittant la secte, il y a peut-être des amis pour lesquels
il garde de l'affection et qu'une nouvelle rencontre avec eux peut provoquer
un réflexe conditionné, déclencher le besoin d'y repartir,
réveiller la sensation d'un "manque".
Savoir que l'ex-adepte est marqué par le schéma de pensée
de la secte, par son vocabulaire et qu'il y a des mots clefs qui agissent
sue son subconscient comme des piqûres de rappel, des formules consacrées
qui le hantent.
Savoir que si, lui, a quitté la secte, celle-ci ne la quitte pas
si facilement. Il peut en sortir très culpabilisé et cela
peut durer. L'ex-adepte entame un lourd et dur parcours de restructuration
de lui-même. Il doit arriver à effacer ce qui a été
induit en lui pour pouvoir se reconstruire et cela ne se fait pas en un
jour.
Bien vous rappeler que chaque être est unique, qu'il
n'y a donc pas de recettes toutes faites, et que, dans toute cette épreuve,
c'est l'amour qui est vainqueur.