Le rapport parlementaire sur les sectes affirme
que le nombre d'adeptes des sectes a considérablement augmenté
en dix ans. Pourquoi ? Ce n'est pourtant pas une sinécure la vie
d'adepte !
Une première remarque vient à l'esprit : on ne
naît pas adepte mais on le devient la plupart du temps à son
corps défendant. C'est un "état", conséquence d'une
recherche personnelle de spiritualité ou autre habilement exploitée
et détournée au profit d'un gourou. Que se passe-t-il au
cours des différents actes de la tragédie sectaire ?
Nul n'est à l'abri d'un discours séducteur car tout individu,
à un moment de son existence, peut être amené à
se poser les questions existentielles du genre : "Qui suis-je ? où
vais-je ? À quoi sers-je ?" Cette remise en question est toujours
accompagnée de la peur de s'être trompé ou d'avoir
été trompé. De plus, chacun, après un échec
professionnel ou sentimental grave, peut se sentir saisi d'une angoisse
mortelle : "Je ne sais plus quoi faire ... je ne peux plus faire ...
je ne saurais plus faire ..." Enfin, quantité d'idéalistes
refusent les valeurs de la société capitaliste et cherchent
ailleurs un sens à la vie par crainte de la perdre.
Et voilà le "miracle" ! Un "frère", qu'un bienheureux
hasard a mis sur mon chemin, a vécu la même situation et il
a trouvé la solution. Il suffit de ...
La curiosité et aussi la peur de rater peut-être
l'occasion unique de résoudre ses problèmes pousse l'individu,
en proie au mal de vivre, à aller à quelques réunions.
Acte II : La vie dans la groupe
C'est l'euphorie, sa vie a retrouvé un sens. Il est aimé,
considéré, adapté pour lui-même et ses grandes
qualités ; il va, après quelques enseignements, faire partie
des élus. Quel repos ! Il n'a plus besoin de penser par lui-même.
Il lui suffit de prier, méditer, travailler. Il ne faut surtout
pas poser ou se poser de questions, il suffit d'obéir. C'est pour
son bien et celui de l'humanité.
Mais que reste-t-il au fin fond de la conscience de l'adepte ?
La peur et la culpabilité :
La peur de ne pas être suffisamment conforme : s'il a encore
des problèmes, c'est de sa faute, il n'est pas un bon adepte ; s'il
doute, il craint de ne plus être accepté par le groupe. La
peur de ne pas être à la hauteur des exigences du gourou
est confortée par celle des punitions dont la plus terrible sera
l'exclusion.
Par exemple, chez les Témoins de Jéhovah, la certitude
d'obtenir prochainement le Paradis Terrestre est très rassurante
; mais, pour l'obtenir, il faut obéir à l'Organisation. L'adepte
vit donc dans la peur de ne pas faire assez bien et dans la peur
de déplaire à l'Organisation qui détient la clef du
Paradis.
La peur du monde extérieur duquel il a été
volontairement coupé et qui représente, à ses yeux
d'adepte, le Mal absolu. Cette peur l'habite tout entier : être
rejeté dans les ténèbres extérieures est une
pensée insupportable. L'amour de sa famille ou de ses amis est perçu
comme une arme contre sa "vocation" ou contre le Maître. C'est l'oeuvre
du "Grand Perturbateur".
Acte III : Sortie de secte
Bien que l'adepte soit dans une existence "verrouillée", après
tout, rien n'est rationnel dans son expérience et il se peut que
le doute l'envahisse de nouveau, doute souvent provoqué par un événement
dérisoire (le brin de paille ... le grain de sable ...).
A-t-il raison de donner un temps de sa vie à cette organisation
? N'a-t-il pas été honteusement trompé ? Que faire
? Rejoindre le monde extérieur demande un courage dont seraient
incapables bien des individus exempts de cette expérience.
Comment se réinsérer dans une société
dont on ne parle plus le langage, sans famille ni amis, sans qualification
professionnelle, ruiné financièrement ? Ne va-t-il pas être
harcelé, menacé par ses anciens "amis" de la secte ? A quels
risques se livre-t-il en s'excluant de la secte ? maladies ? accidents
? ... Il a été volontairement coupé de cette société
par la secte et ces risques lui ont été prédits !
Une telle tentative est à frémir ... de peur
!
Acte IV : Après la sortie
L'adepte culpabilise encore longtemps après être sorti d'une
secte parce qu'il ne fait plus la lecture quotidienne imposée que
ce soit la Bible ou le livre du maître et cette culpabilité
peut être paralysante. Il a souvent des cauchemars dans lesquels
il croît être attaqué par le mal. L'emprise de la secte
est profonde et durable ainsi que le dit un ancien adepte : "J'ai quitté
la secte il y a plusieurs années mais il m'a fallu de longs mois,
voire des années, pour qu'elle me quitte".
Le moindre accident, les difficultés sont interprétés
comme un signe d'une présence maléfique. "On me l'avait bien
dit : si tu nous quittes, tu auras des malheurs, Satan t'attaquera
!", dit un autre.
Certains mots peuvent réenclencher un réflexe conditionné,
et toutes les anciennes peurs resurgissent.
En conclusion, citons un maître en manipulation :
"Attirer par le mystère, maintenir par l'espoir, retenir
par la peur."