A l'audience publique de la quatrième chambre du Tribunal de Grande Instance de VALENCE, le TRENTE MARS MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF composé de :
Le Président a interrogé les prévenus et reçu leurs déclarations;
Le Président a demandé à l'Huissier de faire entrer successivement les témoins Madame MEYRES Christine et Monsieur CUZIN qui ont été entendus après avoir préalablement prêté le serment prévu par l'article 446 du Code de Procédure Pénale;
Le Ministère Public a pris ses réquisitions;
Mâître JOSEPH et Maître FORT ont été entendus en leurs plaidoiries et les prévenus ont eu la parole en dernier;
Le Greffier a tenu note du déroulement des débats et des dépositions faites;
Puis, le Président a indiqué que l'affaire était mise en délibéré au 30 mars 1999, ce dont il a publiquement donné avis;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, le Tribunal a statué en ces termes ;
Attendu que CASTANO Marie Thérèse, MASCIULLI épouse BOILLON Juliette et DELUCIS Franck comparaissent; qu'il convient de statuer contradictoirement à leur encontre en application de l'article 410 du code de procédure pénale ;
Attendu que CASTANO Marie Thérèse est prévenue :
Une information judiciaire était ouverte le 21 Février 1997.
Mr H......... et M......... indiquaient qu'Isabelle BOSSE, diabétique, s'était brûlée accidentellement au pied; que son pied n'étant pas soigné, sa plaie s'était infectée; que la blessure avait pris des proportions énormes et qu'il s'en dégageait une odeur intenable ce qui avait incité Maïté (surnom de Marie-Thérèse CASTANO, fondatrice de la communauté HORUS) à placer Isabelle BOSSE dans une caravane; que Mme BOILLON MASCIULLI, médecin de la cornmunauté (depuis lors radiée) lui faisait des pansernents au pied.
A la suite du décès, le corps d'Isabelle BOSSE était transporté à son domicile dans des circonstances que dans un premier temps Mme CASTANO prétendait ignorer (D.25). Une fois la preuve acquise que le décès était bien survenu à La Coucourde et que le corps avait été illégalement transporté ailleurs, elle en convenait et donnait au juge d'instruction (D.45) l'explication qu'outre la peine qu'elle éprouvait, elle avait immédiatement pensé "encore un emmerdement de plus" en raison du battage médiatique et judiciaire dont la communauté faisait l'objet.
Le corps d'Isabelle BOSSE était ainsi rapatrié à son domicile par Franck DELUCIS (D.43) en compagnie de Juliette BOILLON MASCIULLI à l'aide du véhicule de cette dernière. Franck DELUCIS déclarait le décès le 15 juillet 1994 à la mairie d'Ambronnay en déclarant faussement que ce décès était survenu au hameau de Longeville à Ambronnay alors qu'il était en réalité survenu à La Coucourde. Cette fausse déclaration ayant pour objet un acte d'état-civil constitue un faux en écriture publique. Le corps d'Isabelle BOSSE était incinéré le 16 juillet 1994, soit deux jours après le décès, empêchant toute autopsie ultérieure.
L'autorité attribuée à Mme CASTANO par l'ensemble des membres ou ex-membres de la communauté HORUS entendus au cours de l'instruction (D.30, D.57, D.63, D.65, D.71, D.73, D.74, etc...) affaiblit l'idée d'une décision qui leur est venue communément et corrobore le témoignage de Claire BOUCABEILLE qui indiquait (D.55) que c'était Mme CASTANO qui avait dit à Franck DELUCIS "Tu la ramènes chez elle, Momo s'en occupera" (Momo étant le surnom de Mme Juliette-Monique BOSSE, tante de la défunte) et qui précisait que Maïté avait dit à Momo de faire brûler le corps, ce que cette dernière (D.30) mettait sur le compte des souhaits qu'aurait exprimés Isabelle BOSSE.
Claire BOUCABEILLE, présente lors du décès d'Isabelle BOSSE, décrivait sa lente agonie dans les jours ayant précédé son décès. Elle indiquait notamment qu'elle se vidait complètement de l'intérieur, qu'elle sentait très mauvais et que les mouches tournaient autour d'elle. Ce témoignage rejoint tous les autres (D.5, D.6, D.63, etc...) dont celui d'Albert MAGAGNIN qui précisait (D.65) que la journée Isabelle était assise à l'extérieur sous un mûrier, qu'elle sentait mauvais et qu'elle était protégée par une moustiquaire.
Claire BOUCABEILLE affirmait avoir entendu Marie Thérèse CASTANO dire à Isabelle BOSSE : "Zaza, ça suffit, tu ne guériras jamais de la manière dont tu te soignes, viens chez moi, arrête tes médicaments et moi je te soignerai". Elle indiquait que Marie Thérèse CASTANO comptait sur "l'élément terre" et les "ondes de forme" pour la soigner. Plusieurs autres témoins (Isabelle MONTERRAT D.57, Sylviane CASTERAN D.61, Albert MAGAGNIN D.65...) déclaraient que Marie Thérèse CASTANO avait demandé à Isabelle BOSSE de cesser son traitement à l'insuline qui selon elle la rendait malade. Il est peu probable qu'Isabelle BOSSE ait suivi cette recommandation, dans la mesure où l'exitus est très rapide en cas d'interruption de l'insuline en présence d'un diabète insulino-dépendant grave. Il demeure que sur une personne spécialement affaiblie le défaut volontaire de traitement d'une plaie gravement infectée en fonction des données acquises de la science constitue la non assistance à personne en danger, et que l'immixtion réitérée de Marie-Thérèse CASTANO dans le traitement d'Isabelle BOSSE constitue l'exercice illégal de la médecine, corroboré par les témoignages de diverses personnes qui attestent notarnment avoir elles mêmes reçu des soins de Marie-Thérèse CASTANO (D.57, D.61, D.63, D.73, D.74...).
Le ler janvier 1995, Juliette-Monique BOSSE, domiciliée à Lens Lestang, surnomrnée "MOMO" au sein de la cornrnunauté HORUS, constatait que sa soeur Marie-Antoinette, née le 24 décembre 1913, présentait un état de santé inquiétant. Elle appelait au téléphone Marie Thérèse CASTANO qui la rassurait (D.30); suite à cet appel téléphonique, Franck DELUCIS et Juliette BOILLON MASCIULLI se rendaient à Lens Lestang et ramenaient Marie-Antoinette BOSSE au sein de la comrnunauté HORUS à La Coucourde.
Immédiatement après le décès, le corps de Marie-Antoinette BOSSE était ramené à Lens Lestang par Franck DELUCIS et Juliette BOILLON/
MASCIULLI. Il était alors fait appel au médecin des pompiers pour constater le décès et Franck DELUCIS faisait la déclaration mensongère de décès survenu à Lens Lestang. Marie-Antoinette BOSSE était incinérée le 6 janvier 1995. Juliette-Monique BOSSE déclarait que c'était le voeu de sa soeur Marie-Antoinette d'être incinérée; selon elle, c'était Marie Thérèse CASTANO qui avait organisé le transport du corps de Marie Antoinette BOSSE faisant notamment dire à Mme CASTANO "On la rentre chez toi discrètement".
Marie Thérèse CASTANO déclarait dans un premier temps (D.25) qu'elle avait appris le décès de Marie-Antoinette BOSSE, survenu à Lens Lestang, par appel téléphonique de sa soeur. Face à la preuve acquise du décès survenu à La Coucourde, elle fournissait (D.45) des explications similaires en soulignant qu'en raison du précédent d'Isabelle BOSSE elle avait été réticente à l'idée de ramener Marie-Antoinette BOSSE à la comrnunauté.
Aussi bien Mme CASTANO que Mme BOSSE s'accordent à prétendre que le médecin traitant de Marie-Antoinette BOSSE était en vacances, ce qui n'a pas été vérifié, et qu'elle ne souhaitait pas être hospitalisée ce qui ne résulte que de leur seule affirrnation, alors que tous se sont abstenus de solliciter un service de secours d'urgence auquel il aurait été loisible à feue Marie-Antoinette BOSSE d'opposer le refus de son intervention, précaution qu'imposait l'état décrit par Marie-Thérèse CASTANO qui devait indiquer (D.45) que ce qui lui avait été rapporté, c'était que Marie Antoinette BOSSE avait fait un malaise cardiaque et qu'elle avait un bras paralysé. En fait, il convient de rapprocher :
Marie-Ernrnanuelle DE LA LANDE précisait (D.48) que AN était
bien le diminutif de Marie-Antoinette.
Juliette BOILLON MASCIULLI revendique « des capacités professionnelles qui me paraissent bien supérieures à celles de la plupart de mes confrères » (D.50). Pourtant, à la suite d'un malaise cardiaque avec paralysie d'un bras qui alarmerait un profane ayant une modeste culture médicale, Marie-Antoinette BOSSE décédait à La Coucourde quatre jours après son arrivée, sans qu'aucun traitement médical suivant les dolmées acquises de la science ne soit prodigué, et sans qu'aucune assistance appropriée ne soit provoquée.
Le défaut d'assistance à personne en péril est donc bien caractérisé également en ce qui concerne le décès de Marie-Antoinette BOSSE.
Après avoir pris leurs dispositions pour qu'aucune personne étrangère à la comrnunauté ne prenne en charge leurs soins, pour qu'aucun tiers ne constate leur décès, pour que personne ne soit témoin de leurs dernières volontés et pour que la recherche des causes de leur mort soit impossible, il est loisible à Mme BOILLON MASCIULLI, Mme CASTANO et Mme BOSSE de faire dire aux défuntes ce qui les exonère, mais l'organisation concertée de la dissimulation du contexte de ces décès retire tout crédit aux allégations qui prétendent justifier l'incinération d'Isabelle BOSSE et de Marie-Antoinette BOSSE dont l'autopsie présentait pour Mme CASTANO et pour Mme BOILLON MASCIULLI des risques inacceptables, par exemple par la recherche des traces du traitement prescrit à Isabelle BOSSE.
Il a déjà été relevé ci-avant les témoignages de personnes qui disent avoir été soignées par Marie Thérèse CASTANO. Celle-ci le conteste tout en revendiquant l'efficacité de ses prestations, ainsi lorsqu'elle déclare (D.25) « Par exemple, nous avons soigné Christine, membre du groupe, avec la méthode de l'onde de forme pour soulager les douleurs résiduelles provenant d'une ancienne fracture de la cheville. Juliette m'a demandé quelle onde de forme elle devait dessiner. Je lui ai dessiné cette onde de forme sur le sol. Elle a ensuite reproduit le dessin sur la cheville. Depuis nous avons constaté une rémission complète ». Il s'agit de Christine BILLON (cf Magagnin D.65).
S........... déclarait que lorsqu'un membre de la comrnunauté souffrait d'une quelconque maladie, il s'en remettait entièrement à l'appréciation de Mme CASTANO qui se chargeait de le soigner par ses méthodes. Claire BOUCABEILLE déclarait que pour soigner les gens, Marie Thérèse CASTANO préparait des élixirs et dessinait des ondes de forme sur le corps des malades. Isabelle MONTERRAT déclarait s'être fait soigner à deux reprises par Marie Thérèse CASTANO qui la première fois avait appliqué une poudre marron dite "chinoise" sur ses plaies et qui la seconde fois lui avait administré des élixirs de sa composition. Albert MAGAGNIN décrivait quelques soins prodigués par Marie Thérèse CASTANO tels que l'imposition des mains, la récitation de Mantras et les dessins d'ondes de forme, précisant avoir vu plusieurs persormes venir se faire soigner auprès de cette dernière; il indiquait que Juliette BOILLON MASCIULLI écoutait aveuglément Marie Thérèse CASTANO et que Madame CASTANO prétendait être capable de guérir toutes les maladies : cancers, sida. Marie-Joseph ANTRAS, orthophoniste et femme de médecin, déclarait avoir fait l'objet de soins énergétiques de la part de Marie Thérèse CASTANO, en rapport avec le magnétisme et la médecine des "chakras"; selon elle, Marie Thérèse CASTANO était intéressée par la caution scientifique que pouvait lui apporter son époux. André ANTRAS, médecin, indiquait avoir suivi un stage d'astrologie auprès de Marie Thérèse CASTANO ; il précisait que cette dernière traitait des personnes malades comme guérisseuse et considérait la maladie comme une épuration et une épreuve initatique. Jean-Paul RAYMOND affirmait avoir vu Marie Thérèse CASTANO soigner des membres de la communauté et s'être fait soigner par elle une sciatique par imposition des mains sans aucun résultat; il indiquait que Marie Thérèse CASTANO prétendait pouvoir guérir toutes les maladies y-compris le cancer. Daniel MUR déclarait avoir vu Marie Thérèse CASTANO recevoir des gens et leur prodiguer des soins tant à Bourg-en-Bresse qu' à La Coucourde, précisant que Marie Thérèse CASTANO demandait une somme de 200 F par visite de malade; lui aussi affirmait que Mme BOILLON MASCIULLI ne faisait que suivre les préceptes de Marie Thérèse CASTANO.
Attendu qu'il convient de faire application de la loi pénale en infligeant à :
Attendu qu'il y a lieu, par ailleurs, en raison de la nature et de la gravité des faits, en application de l'article 222-16 du Code Pénal pour CASTANO Marie Thérèse et MASCIULLI épouse BOILLON Juliette et de l'article 441-10 du Code Pénal pour DELUCIS Franck, de prononcer l'interdiction des droits énumérés par l'article 131-26 (1°, 2°, 3°) du Code Pénal pendant 5 ans.
Attendu qu'il convient de la débouter de ses demandes, celle-ci ne justifiant pas d'un préjudice distinct de celui réparé par les dispositions pénales et ayant un lien direct de causalité avec les faits poursuivis.
Dit que la contrainte par corps s'exercera suivant les modalités fixées par les articles 749,750 et 751 du Code de Procédure Pénale, modifiés par la Loi du 30 décembre 1985;
Et le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT
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