Dans un premier temps, puisque nous ne sommes pas spécialistes de la question, nous avons contacté l'ADFI la plus proche pour savoir si nous pouvions être aidés dans nos démarches. Notre école scolarisait en effet en 97-98 des enfants et des jeunes de 8 à 18 ans et, tous étant intéressés par le sujet, nous ne voulions pas écarter les plus jeunes. L'ADFI a mis à notre disposition des livres, des cassettes vidéo, des brochures, des affiches. Nous sommes aussi convenus qu'une personne de l'ADFI interviendrait directement auprès des élèves à la fin du travail de groupe, pour répondre à d'éventuelles questions pointues. Notre travail de pédagogue pouvait commencer.
Comme nous l'avons mentionné plus haut, ce travail s'inscrivait dans notre thème de l'année, et nous avons pu l'insérer sans problème dans le temps sco-laire, puisqu'il concerne tout à la fois l'éducation civique et le français (analyse d'images, de messages, production d'écrits, prise de parole ...). Les ensei-gnants ont pris connaissance des différents supports pour établir une progres-sion. Il fut décidé de partir de choses simples et concrètes ; nous avons donc travaillé à partir de la vidéo, et des signes extérieurs visibles d'une secte.
L'intérêt a été très vite présent, y compris chez les plus jeunes. Ils se sont sentis concernés. Ce qui a tout de suite beaucoup touché les plus jeunes concerne le sort réservé aux enfants (méditation obligatoire, absence de jeux, règles très strictes, difficultés relationnelles au sein de la famille...). Aux premières vidéo, les élèves ont pris les adeptes pour des personnes bien naïves ; on pourrait résumer leurs impressions à : " le danger, c'est pour les autres ". Ils avaient toutefois commencé à saisir la notion de perte de la personnalité. Les plus jeunes ont aussi été particulièrement sensibles à l'aspect tenue vestimentaire, assimilée dans leur esprit à un déguisement. Nous avons pu alors travailler cette notion avec eux : qu'est-ce que cela signifie de se déguiser, vis à vis des autres et de soi-même ? Se sent-on quelqu'un d'autre lorsqu'on se déguise ? Pour carnaval, comment chacun choisit-il son déguisement ? Et si tout le monde porte le même costume, qu'est-ce que cela peut signifier ? Quels attributs distinguent le gourou (couleur, coiffe, sceptre, ...) ? Quel est généralement le rôle de ces attributs (rappels d'histoire ici). Bref, notre travail consistait, dès cette étape, à canaliser le débat plutôt qu'à susciter l'intérêt, déjà très vif.
Nous avons ensuite lu des passages du livre d'Isabelle Sebagh " l'Adepte ". Nous avons été surpris de l'attention avec laquelle les élèves ont suivi ces lectures. C'est l'enseignant qui lisait les passages (qu'il avait sélectionnés). Nous en avons donc profité pour travailler deux points. Le premier concerne l'importance du ton dans la lecture à voix haute, pour transmettre aux autres un message compréhensible et qui donne envie de connaître la suite (certains de nos élèves ne sont en effet pas de " bons lecteurs " à voix haute, la plupart l'assimilant à un exercice scolaire d'évaluation). Le second point s'adresse à l'auditeur : lorsqu'un texte m'est lu, ou lorsque je lis un texte, quel travail dois-je faire intellectuellement pour comprendre ? Les élèves se représentaient mentalement par images, films, ou impressions le contenu du livre et la vie de l'adepte. Nous avons pu comparer leurs différentes formes de compréhension, qui se complétaient. La richesse se trouvait ici dans la diversité, et dans la pertinence de leurs propos. Les plus jeunes étaient, plus que les autres encore, pressés de savoir la " fin ". Dans ces lectures, nous avons découvert les techniques de manipulation, et la difficulté de ne pas se laisser piéger. Après tout, les recruteurs des sectes sont aussi des personnes qui " mettent le ton ", et il s'agit de savoir garder sa capacité d'analyse.
Nous avons ensuite défini ensemble ce qu'est une secte, comme l'on définit un concept. Nous sommes partis des définitions de chacun, les avons notés au fur et à mesure au tableau, nous les avons classées. Puis nous avons étudié les brochures de l'ADFI qui définissent ce qu'est une secte. Nous avons alors comparé notre production collective à ces documents, ce qui nous a permis de compléter, modifier, enrichir. Les plus jeunes se sont appuyés plus que les autres sur des exemples, puis nous sommes passés progressivement à plus d'abstraction, nécessaire pour définir un concept.
À ce stade, nous avons demandé à une personne de l'ADFI de venir répondre aux questions des élèves, en lui demandant d'insister sur les techniques de recrutement. Nous avons eu beaucoup de mal, bien qu'ayant préparé les questions avec les élèves avant l'intervention, à ne pas dépasser le temps que nous nous étions fixés pour cet échange : une heure trente.
Des évaluations ont été faites tout au long de ce travail, ainsi qu'une évaluation finale écrite, pour vérifier que les élèves avaient bien mesuré à la fois l'importance et la fragilité de la liberté de penser. Voici quelques unes des phrases écrites par les élèves de primaire :
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