La «magic box» à... 256.000 FB (5.900 Euros) ?

L'un des clous que l'appareil judiciaire peut enfoncer le plus aisément dans le cercueil de la scientologie est l'inculpation pour escroquerie, inculpation basée notamment sur l'usage et la vente d'un ohmmètre baptisé «électromètre», «E-meter» ou «électropsychomètre». De quoi s'agit-il?

En gros, d'un boîtier muni d'un cadran et de quelques boutons de réglage de l'intensité électrique. A ce boîtier sont reliés deux cylindres de métal que l'adepte tient en main, tout en se soumettant au questionnaire d'un coreligionnaire. L'électromètre est censé mesurer la résistance de la peau au courant électrique: selon les émotions ressenties par l'adepte, le courant (1,5 volt) passe avec plus ou moins de résistance (dans la plage des 3.000 à 15.000 ohms), et la personne qui manipule l'électromètre tout en interrogeant l'adepte (on parle alors d'un «auditeur» et d'un «audité») pourrait ainsi, selon la doctrine scientologue, repérer les moment d'émotion de l'adepte, les questions qui ont soulevé un souvenir enfoui.

But du jeu: titiller l'adepte sur les résistances mentales ainsi découvertes, et identifier les «engrammes» que recèle son cerveau, soit des «moments de douleur et d'inconscience. Une aiguille libre sur l'électromètre signale que l'adepte s'est libéré de l'«engramme» qui le perturbait. Notons que, comme la scientologie oscille historiquement entre discours pseudo-psychologisant et discours religieux, il leur arrive aussi d'affirmer que l'électromètre Hubbard est un objet religieux.

Le prix de vente de cet électromètre - «indispensable», bien évidemment pour toute progression scientologue - peut atteindre, pour le modèle le plus luxueux, le prix de 29.330 FF (4.500 Euros), soit 192.405 FB, avec une garantie de six mois. Notons qu'une adepte, entendue au procès de Lyon, affirmera même avoir déboursé 39.000 FF (5.900 Euros), soit 256.000 FB, pour obtenir son électromètre. Sans compter les milliers de francs que l'adepte devra débourser pour apprendre à se servir de cet outil de manière conforme aux préceptes du fondateur, Lafayette Ron Hubbard.

Or la valeur réelle de l'électromètre ne saurait excéder les 5.000 FF (750 Euros), soit 32.800 FB, a révélé le procès de Lyon: il est d'ailleurs fourni sans aucune courbe d'étalonnage et sans mode d'emploi approprié, notait l'expert désigné par le tribunal. (...) Le mode d'emploi qui m'a été présenté ne lui confère aucune précision. Dans ces conditions, il apparaît clairement que l'appareil n'est rien d'autre qu'un leurre destiné à donner un aspect scientifique à une opération qui n'a rien de tel.

Depuis bien avant les perquisitions, la BSR de Bruxelles a versé au dossier d'instruction au moins l'un de ces électromètres de luxe.

Et le juge Van Espen peut recourir, semble-t-il, à l'expertise réalisée à Lyon pour asseoir une éventuelle inculpation pour escroquerie (ou tentative d'escroquerie): il y a là une prise de bénéfices qui avoisine tout de même les 500 %... Mais, comme disent les scientologues eux-mêmes, peut-on compter lorsqu'on parle de «religion»?

Scientologie et manipulation

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