(Source : Le Journal des Psychologues n° 174 - Février 2000)
Dossier : Les sectes : Un danger pour la profession
Article de Hélène Lesser , Conseil en formation, Médiatrice et Formatrice à la Médiation.
- Introduction
- La réalité de la secte, son principe de réalité: dedans
- Règles de vie
- Sentiments qui me traversèrent et souffrance du passage vers le dehors
- Le décodage du processus d'emprise sectaire
- Comportement schizoïde
- Depuis
- Analyse élargie du phénomène d'emprise
Ce témoignage montre bien l'aspect banal et commun
comme l'aspect singulier et personnel, de l'expérience sectaire. Il
montre bien aussi la difficulté de s'en sortir, car il ne s'agit pas
seulement de sortir de la secte mais de se réapproprier soi-même,
de se retrouver sujet et acteur de sa propre vie.
Il ne s'agit pas pour moi seulement de faire le récit banalisé des événements et des relations tissées pendant vingt ans à l'inté rieur d'une secte, ni d'évo quer la difficulté d'en sortir mais d'exposer une disposition d'esprit une disposition d 'esprit qui fut la mienne à la fois pendant cette période et après la dissolution de cette secte.
Vingt ans - dedans - sous l'emprise.
Cinq ans après la dissolution de la secte - dehors -, toujours sous l'emprise, mais avec de profondes périodes de doute.
Sept ans - dehors - de cure analytique pour faire le tri et dresser en quelque sorte un état de mes lieux intérieurs.
Plus de trente ans après le début de ce voyage, débarrassée de mes fantasmes, je me trouve disponible pour livrer mon témoignage avec sérénité. Je me propose donc de brosser un tableau très paradoxal, détaché d'une quelconque diabolisation, sans trait excessif ni caricatural du phénomène sectaire.
" Confrontation Liaison Coexistence " ou " Cercle de lumière collective " - CLC - fut un groupe culturel, philosophique à tendance mystique avec des pratiques de magie blanche, officiellement répertorié dans La France des sectes de Fanny Cornuault, paru chez Tchou en 1978.
LE MAITRE A PENSER ÉLABORAIT UN NOUVEAU SYSTEME
DE VALEURS, |
Je fis la connaissance du CLC à l'époque de mon bac de philosophie,en 1965-j'avais 19ans-, ce CLC signifiant à ce moment là " Cercle de loisirs culturels ". Un homme d'une quarantaine d'années, cultivé, psychanalyste jungien, y donnait des conférences et proposait d'animer des groupes de réflexion.
D'ateliers de travail en rencontres de plus en plus fréquentes, dix à quinze membres commencèrent à graviter autour du maître à penser qui élaborait un nouveau système de valeurs, " Éthique pour un moment de l'évolution ", rapidement fédérateur et ferment de notre désir de vivre ensemble autrement. Une communauté émergea. Les ingrédients étaient en place - le pouvoir charismatique du fondateur, des hommes et des femmes en quête d'idéal, des idées et une éthique révolutionnaires, une dimension prophétique - et nous devînmes un groupe expérimental, une sorte de laboratoire pour les idées du maître.
Au début, la communauté fut modulable: le nombre des adeptes variait car certaines personnes venaient en touristes. Puis un noyau dur se constitua et des règles strictes, monacales et sans compromis s'imposèrent à ceux qui désiraient sérieusement s'engager. Enfin, devant la difficulté de recruter, la communauté se ferma sur elle-même en renforçant ses valeurs intrinsèques. Elle accepta d'emblée une organisation verticale, pyramidale et hiérarchisée, sous le pouvoir d'un homme autoritaire, paranoïaque, tyrannique, séduisant, brillant intelligent et messianique, qui avait abandonné sa pratique d'analyste jungien pour se consacrer totalement à son groupe expérimental.
- financier: nous donnions l'inté gralité de notre salaire, on nous allouait un peu d' argent pour manger à midi et nous transporter;
- sexuel: abstinence totale;
- alimentaire: alimentation très frugale;
- hygiénique: le sommeil était compté au minimum - 4 à 5 heures par nuit - avant une séance de gymnastique collective au réveil; le ménage, exécuté dans le silence, représentait une activité égalitaire avec une répartition tournante précise et sous contrôle des tâches;
- organisationnel: la communication avec l'extérieur, le dehors, était réduite au minimum, hormis nos activités professionnelles contribuant au fonctionnement de la communauté; il nous était interdit de lire la presse, d'écouter la radio ou la télévision, sources de parasites pour la concentration et la pensée; les horaires de retour dans la communauté après le travail étaient calculés au plus juste; nous étions astreints à des réunions nombreuses et longues, accompagnées de pratiques de dynamique de groupe coercitives et agressives.
Ces disciplines furent pendant un temps rigoureuses, incontournables, répressives et culpabilisantes. Elles étaient supposées, dans ce cadre rigide et ritualisé, nous renforcer, nous aguerrir, faire émerger et développer en nous des capacités de contrôle, de maîtrise, de discernement et de lucidité sur nous-mêmes.
En fait, ces règles de vie radicales, inspirées de la règle de saint Benoît - abstinence, pauvreté, silence -, générèrent des frustrations. Mais, progressivement, chacun put se situer par rapport à elles, enfreindre les tabous, faire la part des choses.
Cette responsabilisation permit d'assouplir ces disciplines: nous établissions la liste de nos besoins pour obtenir l'argent nécessaire; nous faisions des demandes de sortie pour que s'organisent les permanences; des couples commencèrent à se former.
Au fil des années, personne n'est entré de façon
durable au sein de la communauté, mais tous les adeptes purs et durs,
ceux de l'origine, la quittèrent les uns après les autres...
jusqu'à ce que je me retrouve seule avec le maître et son épouse
qui n'avait jamais participé aux activités communautaires. Avant
cette phase ultime, j'étais restée quelque huit années
avec un dernier membre, un homme. Nous vivotions. La communauté n'avait
déjà plus d'existence, ni de sens. Une fois qu' il fût
parti, j'y demeurai encore quatre années jusqu'au décès
du maître.
Sortie de là, en quelque sorte malgré moi, après la disparition du maître, quels furent les sentiments que j'éprouvai au cours des cinq années d'anesthésie qui suivirent ? Quelle fut la nature de ma souffrance au cours de ce passage ?
1. J'avais vécu dans une communauté... pas une
secte.
2. J'allais bien.
3. Je ne parlais à personne de cette phase de ma vie: elle était
marquée du sceau du secret... Ia culpabilité risquant de me
foudroyer.
4. Un trouble sentiment de colère, de rancur, pourtant sans véritable
élaboration, m'envahissait: je me retrouvais seule, perdue, sans soutien,
abandonnée - abandonnée, je l'avais déjà été
à chaque fois qu'un membre avait quitté la communauté
- et sans repères - un mot riche en homophones: repère, re paire,
re-père, re-pairs.
5. Je ressentais une extrême solitude et une impossibilité de
communiquer sur l'essentiel de mon existence.
6. Je subissais une grande déception: je n'avais pas réussi
à faire éditer les uvres du maître auxquelles j'avais
collaboré, la tentative d'édition ayant été ma
raison de vivre après son décès.
J'avais donc aimé cet homme de façon inconditionnelle. Je n'en avais eu nullement conscience. Pourtant il avait occupé tout mon être, toute mon âme. Je lui avais tout sacrifié.
M'avouer cet amour, c'était enfreindre sa loi, piétiner la mienne, transgresser un tabou; c'était aussi violer son intimité, percer le voile de mon fantasme faire tomber les masques, oser voir, donner à voir et atteindre celui que j'avais installé sur un piédestal. Refouler mes sentiments avait été ma sauvegarde. Je m'étais escrimée à lui faire plaisir, par ma présence, ma ponctualité, ma bienveillance, mes services, mon obéissance, mon zèle et mon sacrifice.
Personne, aucun homme, n'avait pu l'égaler à mes yeux; personne n'avait pu rivaliser avec lui dans mon cur. C'est pourquoi mes relations amoureuses à l'extérieur n'avaient été qu'échecs répétés. En somme, je m'étais " arrangée " pour ne pas être vraiment disponible pour quelqu'un d'autre; je n'étais pas une femme à conquérir, à séduire. Mon cur était occupé ailleurs, captif. Pouvaisje risquer de rompre le processus fusionnel ?
Cette expérience est le fruit d'une rencontre, à un moment donné de ma vie où j'étais en quête d'amour, en quête de sens et de projet de vie.
Toutes les espérances d'un avenir radieux m'étaient servies sur un plateau dans une phase historique de remise en question des valeurs familiales, morales, philosophiques et éthiques, juste avant 1968.
A travers le processus de dépendance sectaire, se mettent donc en place des stratégies individuelles renforcées par le collectif, pour accepter, justifier les besoins fondamentaux d'un idéal philosophique et mystique. Ma fin, ma finalité justifiait les moyens que je mettais en uvre... et j'étais prête à tout sacrifier.
Se greffaient à cette exigence de perfectibilité un fort sentiment d'appartenance et les convictions suivantes partagées par les adeptes: en dehors de la communauté, point de salut; les cloportes du dehors sont méprisables; nous vivons une ex périence exceptionnelle; nous sommes les candidats élus de l'évolution future de l'humanité. Ce qui est banal, dans un premier temps, c'est le mécanisme, le processus de dépendance, d'appartenance, d'attachement, de soumission aveugle à l'autorité, à la loi du groupe. Ce qui est banal, ensuite, c'est le balancement, l'oscillation fréquente entre des sentiments contraires, pas toujours conscients. Mais ce qui est spécifique et singulier, c'est que ce soit moi qui ait traversé cette expérience, alors que j'apparaissais à l'extérieur comme une femme solide, affirmée, de caractère indépendant et peu influençable.
MES STRATAGEMES DE DÉFENSE CONTINUERENT D ETRE
A L UVRE AU COURS DE MON TRAVAIL ANALYTIQUE
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L'esprit critique et oppositionnel que nous devions acquérir en vue
d'une plus grande lucidité sur nous-mêmes, d'un supplément
d'âme et d'un supplément de liberté, avait deux terrains
d'exercice:
1. A l'extérieur, les valeurs éculées que
véhiculaient les modes de pensée et de vie de nos contemporains
englués dans leur névrose de vie. Nous, les élus, étions
censés échapper à ce fléau grâce à
des techniques de dynamique de groupe basées sur l'agression et la
violence verbale.
2. A l'intérieur, les autres de la communauté dans ce qu'ils
représentaient encore ces valeurs du passé à combattre;
nous devions mettre tout en uvre pour qu'ils puissent en prendre conscience
et se débarrasser des miasmes du dehors chaotique. Nous devions les
aider à se sauver.
Mais, en profondeur, la femme que j'étais, face à ses contradic tions, se retrouvait dans l'impossibilité de se remettre en question. J'étais calée sur les valeurs collectives, j'étais enfermée dans la rigidité de mon engagement
Je désirais à toute force correspondre à l'image idéale que l'on attendait de moi, sinon... je perdais ma raison d'être, le sens de ma valeur et la représentation que j'avais de moi-même. Si je flanchais, si je dérogeais à nos idées, je ne serais plus digne de cette élection spirituelle et mystique. De surcroît, je craignais l'exclusion. D'ailleurs, je n'avais jamais sérieusement envisagé ni d'échapper, ni de partir.
J'avais le sentiment que les autres membres du groupe savaient ce qui était bon pour moi. Nourrie au sein de la communauté, je n'avais aucun autre prisme d'analyse. Elle seule pouvait m'apporter de telles qualités roboratives. Le recul, la distanciation m'étaient impo sibles.
Une dichotomie s'est donc opérée :
- D'un côté, ma face fragile et fragilisée, visible aux yeux des autres, était devenue érodable à merci; ils la découpaient au scalpel des tech niques ritualisées, apprises et affû tées au cours du temps. J'en suis restée morcelée, fragmentée.
- De l'autre, ma réalité intérieure en perpétuel bouleversement déstabilisée sans relâche, s'est recroquevillée et, par défense, s'est blindée contre les assauts répétés, pour continuer à vivre.
Ainsi, un comportement schizoïde s'est installé, élaborant une gangue épaisse, au point que je ne souffrais plus tellement des attaques et des humiliations. Le processus psychique qui était à l'uvre renvoyait de façon variable à la souffrance subie, à la passion exaltante ou au plaisir contrarié. Me sentant clivée et menacée au plus profond de mon être, il semble que je me sois construit un comportement opportuniste protecteur.
En parallèle s'est instauré un processus de victimisation. Primo Levi parle ainsi des victimes: " Cela n'a rien d'une résignation consciente, dit-il, mais tout de I'engourdissement sourd des bêtes domptées à coups de fouet et qui ne sentent plus les coups. " Après les séances de travail, la vie reprenait son cours et chacun vaquait à ses activités. La personne passée sur le gril se récupérait comme elle pouvait, mais très généralement se retrouvait isolée, car il était de règle de ne pas la soutenir dans sa difficulté: elle devait seule trouver ses solutions. On la laissait donc mariner. En outre, pour accentuer le contexte de " travail ", le maître recevait ensuite en coulisses chaque membre du groupe - sauf celui qui était en souffrance - pour analyser ce qui s'était passé et établir des pronostics.
J'ai vécu ainsi des agressions, des blessures qui ne se cicatr saient jamais. Les membres de la communauté étaient à la fois enveloppants et décapants, rassurants et agressifs, mais ils sont devenus peu à peu et au gré des circonstances des ennemis. La règle était incontournable et consentie: aucun compromis, aucune aide des autres adeptes, aucune relation affective après les séances de travail n'étaient envisagés ni même imaginables; ils risquaient de fausser le face-à-face avec soi-même. Le climat d 'insécurité était total.
Il s'est bien agi de manipulation et de pouvoir tyrannique qui
ont atteint:
1) mes capacités intellec tuelles de critique, de jugement, d'autodétermination
et d'autonomie;
2) ma sphère affective;
3) ma représentation de la femme que j'étais. Tous les ingrédients
pour une perte d'identité et une culpabilité érodante,
annihilante, pathologique étaient en scène.
D'ailleurs, mes stratagèmes de défense continuèrent d'être à l'uvre au cours de mon travail analytique.
Depuis, il m'est possible de dire mon secret à ceux qui me paraissent dignes de confiance et capables de comprendre. Je n'en suis plus paralysée, car il n'est plus vécu comme imposé de façon insidieuse et perverse. Il n'est plus culpabilisant ni terrorisant. Je peux librement en parler, selon mon choix et mon désir d'établir des relations.
Progressivement, j'ai repris confiance en moi et je me suis restitué la capacité de penser seule, dégagée de ces entraves.
J'ai cependant conservé une posture dedans /dehors; grâce à elle, je me suis autorisée à développer une aptitude à être présente aux autres, à les écouter sans jugement, à essayer de les comprendre, de les accompagner dans leurs difficultés, de leur permettre de se situer ou sortir d'une situation délicate, eux aussi dedans/ dehors. Je retiens de ce voyage une aisance et une posture d'observation que je mets à profit dans mon actuelle activité professionnelle. J'ai d'abord franchi un passage symbolique, en étudiant le phénomène des sectes aux États Unis dans le cadre de mes recherches sur la civilisation anglo américaine: ce fut la première étape de reconnaissance et de démystification.
Et, depuis 1994, je travaille aux côtés de détenus en milieux fermés et ouverts. Je m'attache à préparer avec eux les conditions de leur sortie et les aide à retrouver des repères administratifs, institutionnels, familiaux, sociaux et relationnels. Je leur permets une reconnaissance par les autres dedans/dehors et un passage: marginalité-consensus .
J'ai rencontré en prison un univers a priori inconnu de moi, mais qui, de façon étrange et paradoxale, avait le goût du déjà-vu, du déjà connu, du déjà-vécu. Je m'y suis sentie bien. La loi pénitentiaire, I'enfermement, les contraintes judiciaires: même privation de liberté... même processus de dépendance, auquel moi-même n'avais su échapper. Ceux qui récidivent retournent en prison, comme s'ils recherchaient un cadre structurant et les limites posées par la détention pour exister. Moi, je n'ai pas tenté d'en sortir... pour y revenir... J'y suis restée jusqu'à ce que les fondations s'écroulent.
Les disciplines, les contraintes consenties auxquelles j'avais adhéré m'ont structurée d'une certaine façon. Pourtant j'ai conservé paradoxalement une position d'entre-deux, marginale, qui me protège aujourd'hui relativement du phénomène de groupe. J'ai ainsi hérité d'une certaine méfiance à l'égard des rassemblements ou des travaux effectués en groupe lors qu'ils m'apparaissent grégaires, pseudo-religieux ou initiés par des techniques psychologisantes. De ce fait, j'éprouve une certaine facilité à me positionner avec un relatif recul et un regard assez distancié et critique à l'égard des groupes.
Cette posture particulière m'a d'ailleurs bien favorisée dans les études d'ethnologie, d'anthropologie et de sciences des religions que j'ai entreprises en 1997, et, depuis, dans mes recherches sur l'altérité. Il est en effet impératif dans cette démarche d'observation et d'analyse d'acquérir un regard qui sait aller et venir, passer les frontières du dedans/dehors et être à la fois proche et lointain des êtres que l'on côtoie.
UNE PREMIERE ÉTAPE FUT D ACCEPTER DE RECONNAITRE
QUE J'AVAIS VÉCU DANS UNE SECTE
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Une première étape pour moi fut d'accepter, de reconnaître que j'avais vecu non dans une communauté mais dans une secte. Voilà le mot lâché. Ce fut effectivement un vrai travail de décryptage, de démystification. C'était aussi faire tomber mes illusions, opérer une revisualisation de ce que j'avais vécu, subi, et également de ce à quoi j'avais consenti, pour aborder une étape de reconstruction.
Avec le recul, il est évident que, même sous emprise, j'étais aussi responsable de mon parcours. Cette rencontre n'avait pas eu lieu par hasard. Jeune et immature, je m'étais engagée.
J'ai vécu une expérience dure, très déstabilisante, et pourtant je ne m'inscris nullement dans une ana lyse diabolisante des phénomènes sectaires, donc de chasse aux sor cières. En effet, peut-on imaginer un monde sans risque, sans dan ger, sans dérive, sans microbes ou parasites ? Est-il même souhai table d'aspirer à vivre dans un univers mental vacciné, aseptisé, hyperpréventif ? Restons réalistes ! D'autres types d'expériences ou simplement d'histoires de vie me semblent pouvoir s'analyser au prisme du phénomène d'emprise. Je considère en effet, dans certains cas, que l'emprise familiale, I'emprise conjugale, I'emprise du milieu professionnel obéissent à des mécanismes très proches de la dépendance sectaire. S'y mêlent complicité, soumission à une autorité, sous le poids de contraintes, de jeux d'influence, de pouvoirs, d'enjeux financiers et affectifs. Les personnes qui se trouvent sous emprise, tenues par un secret ou enfermées dans des jeux de relation pervers, d'ordre passionnel hystérique ou obsessionnel, apparaissent comme des diplodocus à ceux qui n'ont pas connu de tels conduites ou comportements addictifs. Les situations dans les quelles elles se mettent, s'installent, s'engouffrent pour y demeurer, semblent souvent délirantes. inconcevables, au-delà du raisonnable... pour un regard extérieur. étranger à leur histoire.
Je poserais les questions suivantes:
Pourquoi accorder plus de valeur à celui qui observe de l'extérieur qu'à celui qui vit son expérience ou son histoire de l'intérieur ? Il s'agit là d'une position d'ordre subjectif. De quel droit poser ou imposer une autre loi ou un autre diktat ?
N'y a-t-il pas méprise sur les rôles sociaux, éducatifs, moraux ou thérapeutiques ? N'y a-t-il pas méprise lorsque des professionnels s'accordent le droit d'intervenir sous prétexte qu'ils détectent un phénomène d'emprise ? L'autre, qu'ils souhaitent aider, a sa marge personnelle de liberté, même relative ou infime, sur laquelle ils n'ont pas prise. Comment honnêtement faire la part des choses entre le phénomène d'emprise et les projections et les représentations de celui qui observe ou qui soigne - sauf pour l'enfant incestué qui n'a pas sa marge de liberté et de pensée ? Tellement de facteurs interviennent, interfèrent, s'entrecroisent, s'interpénètrent que je souhaite rester très prudente sur les analyses de tout poil que nous déversent les soi-disant " spécialistes " des phénomènes sectaires.
Et pourtant, il y a beaucoup à faire... pas seulement d'ailleurs à l'égard de ceux qui sont sous emprise... mais aussi de ceux qui se donnent pour tâche ou pour mission d'aider les victimes d'emprise.
Ne risque-t-on pas dans certains cas de substituer une emprise à une autre, au nom de présupposés, de préjugés, de catégories men tales et de projections ? Recon naissons qu'il est bien délicat d'évaluer la dangerosité d'une relation d'emprise. La violence d'un jugement ou d'une conviction sur une situation d'emprise peut parfois être plus destructrice que la situation elle-même. Forcer les êtres à se rendre compte est une violence. Ne doit-on pas s'autoriser à penser et à accepter que l'autre n'a peut-être pas le désir d'en sortir au moment où nous le souhaitons pour son bien. Nous sommes ici sur le fil du rasoir.
Il me paraît essentiel de rester vigilants sur ce que nous pouvons entendre ou observer, et de nous interroger avec beaucoup de circonspection et sans certitude a priori sur le regard que nous po tons et les actions que nous entreprenons en direction des personnes sous emprise.
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