Etats-Unis

Un drame terrifiant
Paulette Cooper et la Scientologie

(BULLES du 1er trimestre 1993)

Le drame de Paulette Cooper, qui a duré de 1969 à 1977, nous paraît exemplaire, car il illustre les méthodes d'une organisation qui ne recule devant rien - pas même la destruction morale et physique - pour faire taire ceux qui osent émettre leur opinion sur ses agissements et les décrire. Les méthodes employées contre Paulette Cooper (entre autres) sont toujours en usage, aux Etats-Unis comme en France, contre ceux que la Scientologie perçoit comme pouvant nuire à ses entreprises.


Qui est Paulette Cooper ?

Paulette Cooper était une jeune journaliste indépendante. En 1968, ayant entendu parler de la Scientologie, elle s'y intéresse, et suit un cours pendant un week-end, à New York. Plusieurs choses lui paraissent étranges, elle se rend compte de mensonges. Pour en savoir davantage, elle va à la bibliothèque: tous les articles concernant la Scientologie ont été découpés. Intriguée, elle entreprend une enquête. Son premier article est publié en décembre 1969. Ce même mois, elle reçoit une lettre la menaçant de mort. Puis, pendant un an et demi, il se passe des choses étranges: on la suit dans la rue, son téléphone est sur écoute. C'est pendant ce temps qu'elle écrit le livre "The scandal of Scientology", qui paraîtra en 1971.

 Elle dépose plainte (sans doute la première) contre la Scientologie, pour harcèlement.

Octobre 1972 - Une attaque en règle

En octobre 1972, la Scientologie déclenche une grande attaque pour la faire taire définitivement. D'une part, on essaye de la démolir moralement et physiquement (lettres d'injures obscènes, harcèlement téléphonique, tentatives de cambriolage). Elle quitte son appartement du rez-de-chaussée, peu protégé. Une cousine, qui lui ressemble un peu - petite, menue, cheveux bruns - s'y installe. La plaque à la porte n'était pas encore changée quand un homme sonne tenant un bouquet de fleurs. Il les déballe, en sort un revolver qu'il appuie sur la tempe de la cousine. Le coup ne part pas - peut-être n'était-il pas chargé - il s'agit de lui faire peur. Il la prend à la gorge, elle se débat, crie. Il s'enfuit.

 Quelque temps plus tard, visite du FBI: la préposée aux relations publiques de la Scientologie a déclaré avoir reçu plusieurs menaces de bombe par lettre et indiqué que l'auteur pourrait bien être Paulette Cooper. On prend ses empreintes. Elle est convoquée devant un "grand jury". Elle nie avoir écrit les lettres, mais on a trouvé ses empreintes sur le papier.

1973 - Paulette Cooper est inculpée

Le 19 mai 1973, elle est inculpée pour deux lettres de menaces, ainsi que de parjure pour l'avoir nié. (La Scientologie avait fait voler des feuilles de son papier à lettres avec ses empreintes).

 Le 29 mais 1973, elle est incarcérée; elle sera libérée sur parole. Elle passe des mois terrifiants: elle risque 15 ans de prison et 15.000 dollars d'amende. Les avocats demandent de l'argent. Quand elle n'en a plus, il lui faut emprunter. C'est la destruction d'une carrière prometteuse, ses amis, son fiancé même l'abandonnent. Elle tombe dans une grave dépression, avec insomnie; un nouvel ami se montre très gentil, s'occupe d'elle. Elle s'aperçoit plus tard qu'il l'espionnait pour le compte de la Scientologie. Il fait ses rapports: "elle ne dort plus... elle parle de suicide... ce serait formidable!"...

 Quinze jours avant le procès, les médecins lui disent que le seul recours serait l'épreuve du "sérum de vérité" (penthotal). Mais elle est si amaigrie et affaiblie qu'ils estiment qu'elle risque d'y laisser sa vie. Elle n'en a cure et trouve enfin un médecin qui consent à lui faire subir ce test. Elle reste inconsciente pendant sept heures. Quand elle se réveille, sa mère est près d'elle et lui dit: "Ca va. Tout va bien. Il n'y aura pas de procès".

 En effet, elle ne comparaîtra pas et ne sera pas jugée. Mais l'accusation contre elle n'est pas encore abandonnée. Elle continue à être harcelée. On lui envoie un rapport de son psychiatre qu'un scientologue a été chargé de cambrioler... Ce dernier ayant quitté la Scientologie, il en témoignera en... 1981 !

1975 - Enfin le non-lieu

C'est en 1975 seulement que le juge prononce le non lieu. Le 8 juillet 1977, le FBI perquisitionne à la Scientologie (centres de Washington et de Los Angeles). Le 12 octobre 1977, le FBI lui téléphone: "Nous venons juste d'avoir la preuve que vous étiez innocente...".

 Lors de perquisitions du 7 juillet, le FBI avait trouvé et emporté des cartons contenant des milliers de documents. La Scientologie contre-attaque férocement (air connu désormais): "le FBI, ce sont des nazis. C'est la Gestapo, etc. C'est une persécution nouvelle qui a du succès et qui déplaît à certains."

 Pour comprendre l'histoire, il fait remonter à 1974: au début de l'année, Jane Kember, subordonnée immédiate de Mary Sue Hubbard au Guardian's Office (sorte de police scientologue) diffuse un ordre écrit déclarant la guerre totale à l'Administration des Impôts (Internal Revenue Service = IRS).

 En effet, l'IRS conteste à la Scientologie l'exemption d'impôts et de déclarations fiscales qu'elle revendique en tant qu'Eglise. (Les procès continuent: tantôt la Scientologie obtient une exemption partielle pour certains de ses biens, tantôt elle lui est refusée, les activités exercées n'ayant rien de religieux). Les armes visibles sont les procès, les campagnes de relations publiques. Les armes secrètes: s'introduire à l'IRS, y chercher et photocopier tous les dossiers se rapportant à la Scientologie, connaître les intentions de l'Administration et pouvoir préparer la défense. L'ensemble reçoit le nom de code "Snow White" (Blanche-Neige). Michael Meisner, entré en Scientologie fort jeune, en 1970, suit un entraînement poussé au cambriolage, à l'effraction, la fabrication de fausses cartes d'identification, etc.

"Snow white" nom de code de la contre-attaque scientologue

A la fin de l'été 1974, Meisner infiltre à l'IRS une "taupe" qui se fait embaucher comme dactylo. D'autres taupes sont infiltrées à Los Angeles et à Londres. On place des micros dans la salle de réunion. La taupe ayant des difficultés, Meisner et un autre viennent l'aider à emporter les documents désirés qui sont photocopiés et replacés le lendemain, ni vu ni connu. Des centaines de Scientologues sont infiltrés dans toute sorte d'organismes publics et privés durant cette période (74-77). Comme on s'aperçoit qu'il est question de convoquer Ron Hubbard pour ses affaires fiscales, Meisner et son complice s'introduisent dans le bureau du procureur-adjoint des Etats-Unis à Washington. C'est seulement le 21 mai 1976 que leur manège éveille l'attention d'un employé. Ils reviennent cependant au Tribunal le 11 juin, et c'est seulement à ce moment là qu'ils sont interpellés et questionnés par les agents du FBI. Mais ils ne sont pas mis en état d'arrestation.

 Meisner fait son rapport à ses chefs. A partir de ce moment, le grand souci du Guardian's Office et de Mme Hubbard sera d'éviter que Ron Hubbard soit mêlé à l'affaire, questionné ou même, horreur suprême, inculpé et forcé de comparaître. Il restera caché pendant plusieurs mois. Meisner, lui, sera placé sous bonne garde par des agents scientologues, promené de motel en motel, "audité" (confessé), etc. La "taupe" avait été arrêtée le 30 juin 1976. Le 10 juin 77, elle est condamnée à une peine légère; mais ensuite, elle comparaît devant un "grand jury" qui lui pose de nombreuses questions; elle ment et ne souffle mot de la Scientologie ni des véritables objectifs de ses incursions. (C'était un homme du nom de Gery Wolf).

Meisner commence à craquer

Meisner, pendant ce temps, commençait à craquer. Il réussit à se débarrasser de son dernier gardien et se rendit aux autorités. Emmené par le FBI, il accepta de coopérer entièrement avec l'instruction contre la Scientologie; il plaiderait coupable pour complicité, ce qui lui vaudrait un maximum de cinq ans de prison. Il fur placé en détention sous la protection de la police. Il avait bien plus peur de la Scientologie que de la justice.

 Et le matin du 7 juillet 1977, des agents du FBI, munis de mandats de perquisition en bonne et due forme, débarquaient dans les centres de Scientologie de Washington, D.C., et de Los Angeles. Les montagnes de documents saisis ont révélé l'ampleur des opérations d'espionnage du Guardian's Office de la Scientologie. Tout y était détaillé, y compris les tentatives pour neutraliser Paulette Cooper. Et, bien entendu, tous les documents volés et photocopiés dans les différents services administratifs.

 Ce résumé n'est qu'un pâle aperçu de cette opération. Il est stupéfiant qu'elle ait pu continuer aussi longtemps. Plus étonnant encore peut-être: la Scientologie n'a rien appris et continue à employer les mêmes méthodes. Tout au plus, elle est devenue plus prudente...

 Sa justification: pour sauver la planète, il importe de détruire tout ce qui peut entraver le développement de la Scientologie, seule et dernière chance de salut. Une conspiration mondiale de "criminels" (FBI, CIA, associations de médecins et de psychiatres, Interpol, etc.) est à l'oeuvre pour la détruire. Tous les moyens sont donc justifiés.
Paulette Cooper a reçu le prix pour la conscience des médias, aux États Unis en 1992.

 


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