"Le meilleur moyen de faire fortune, c'est de créer une religion", aurait dit, il y a quarante ans, Ron Hubbard, alors obscur auteur de romans de science-fiction. De fait, son Eglise de Scientologie lui a apporté, grâce à des transferts illicites entre ses propres comptes et ceux de la secte, crées aux Etats-Unis dans les années 50, non seulement la richesse, mais aussi une "certaine" gloire, dont il se serait bien passé... Car ce qui prétend être une religion et qui brasse plusieurs milliards de dollars chaque année, détruisant au passage la vie de certains de ses fidèles, est en fait un énorme racket. Si le révérend Moon confond souvent son rôle de chef spirituel avec celui de chef d'entreprise, Ron Hubbard et son successeur David Miscavige (trente deux ans) eux, ont carrément basculé dans le genre "Parrain".
Après la mauvaise publicité, les scandales, les arrestations, les procès intentés par d'anciens adeptes grugés et par le fisc, l'Eglise de Scientologie cherche, aux Etats-Unis, à se refaire une virginité. Et elle met le paquet: campagne de relations publiques, dont une participation aux Goodwill Games organisés par CNN, publicité à la télévision dans Newsweek et Business Week présentant la Scientologie comme une "philosophie" ; mise en avant des stars d'Hollywood membres de la secte (John Travolta, Tom Cruise, Julia Migenes...) ; recrutement actif d'autres vedettes du spectacle et de l'intelligentsia, grâce à la création de clubs, les Celebrity Centers, où on leur offre toute sorte de conseils pour leur carrière...
Parallèlement, la secte poursuit l'installation d'un incroyable réseau souterrain d'entreprises, grâce auquel non seulement elle entretient son flot financier, mais surtout elle harponne de nouveaux fidèles qui seront régulièrement ponctionnés pour de mirifiques stages de perfectionnement intellectuel et psychologique.
Aucune estimation objective ne donne plus de 50.000 membres à l'église de Scientologie. Mais elle en revendique plusieurs millions, parce qu'elle comptabilise dans ses statistiques tous ceux qui, un jour ou l'autre, ont suivi un stage et payé entre 2.500 et... 25.000 dollars. Le réseau d'entreprises monté par la secte couvre l'édition, le conseil, le formation, la santé et l'enseignement médical. Chiffre d'affaires estimé : entre 100 et 150 millions de dollars, y compris les stages payants suivis par les postulants.
L'édition concerne essentiellement les oeuvres de Ron Hubbard, appelées aussi "textes sacrés", dont le plus célèbre est La Dianétique, bible de l'Eglise de Scientologie, vendue à 17 millions d'exemplaires dans le monde. On peut les acheter sous forme de livres, de cassettes audio et même de reliure cuir (22 volumes pour 1.900 dollars). En 1982, quatre ans avant sa mort, Ron Hubbard a cédé tous ses droits d'auteur pour 80 millions de dollars au Religious Technology Center (RTC), dirigé aujourd'hui par David Miscavige. Devant le succès des ouvrages du père fondateur, le nouveau boss de la Scientologie s'est lancé dans l'exploitation commerciale de ses méthodes d'enseignement et de management.
Créée en 1983, Sterling Management Conseil est la principale entreprise de conseil proche de l'Eglise de Scientologie. Le magazine Inc. la cite régulièrement dans son palmarès des entreprises américaines qui se développent le plus rapidement. Sa cible ? Les professions médicales, surtout les dentistes. Ses promesses ? Une augmentation rapide et très notable de leurs revenus, au moyen d'un ensemble de cours et de séminaires qui coûtent environ 10.000 dollars. En réalité, il s'agit de surtout d'éveiller un intérêt vis-à-vis de la Scientologie ou, plus sournoisement, de persuader les gens qu'ils ont des problèmes psychologiques et relationnels que seule une thérapie de longue haleine pourrait résoudre. Ce qui peut revenir jusqu'à 200.000 dollars en quelques mois.
C'est dans le domaine de la santé que la Scientologie étend le plus ses tentacules. Health Med est une chaîne de cliniques avec un système de soins assez particuliers : saunas intensifs, exercices physiques et vitamines. Tout cela prescrit par Ron Hubbard pour "purifier le corps". Les Narconon sont des centres pour alcooliques et drogués. On en compte une centaine dont 33 aux Etats-Unis. La porte de sortie donne directement sur... l'Eglise de Scientologie qui accueille à bras ouverts le nouveau venu et continue de le ponctionner.
Deux structures chapeautent l'ensemble des activités marchandes : L'Associations for Better Living and Education (ABLE, en anglais : capable, compétent) pour tout l'aspect éducatif et médical, et le World Institute of Scientology Enterprises (WISE, en anglais : sage, raisonnable), sorte de holding auquel les 2.700 sociétés commerciales affiliées dans le monde versent leur obole sous forme de royalties pour l'exploitation des méthodes de Ron Hubbard.
Cette église possède d'importants biens immobiliers aux Etats-Unis : un immense quartier général à Palm Springs, près de Los Angele0s; la Flag Land Base, à Clearwater, au bord du golfe du Mexique, où la secte dispose d'une douzaine d'immeubles dont le Harrisson Hotel ; plusieurs clubs Celebrity Center, un collège en Angleterre. La fortune de la secte est évaluée à deux milliards de dollars environ.
L'un de ses joyaux est le Free Winds, énorme paquebot immatriculé à Curaçao (Antilles néerlandaises). Ce navire, qui parcourt la mer des Caraïbes, serait le véritable QG de la secte : c'est là qu'elle garderait les secrets les plus importants, loin des yeux indiscrets de la police américaine, sur des ordinateurs que seuls des fidèles triés sur le volet ont le droit d'utiliser. Depuis la condamnation de Marie Sue Hubbard, l'épouse du fondateur, et de onze autres dirigeants, au début des années 80, pou fausses déclarations sous serment, association de malfaiteurs, cambriolages et vols de documents dans divers ministères, la secte est devenue prudente. Elle ne veut plus rien laisser traîner de compromettant sur le territoire américain.
La décennie 90 lui permettra-t-elle d'effacer une si mauvaise
réputation et d'obtenir enfin, aux Etats-Unis, le statut d'"église"
qu'elle revendique depuis des années et qui lui permettrait d'échapper
à l'impôt sur le revenu ? La Scientologie va encore avoir
besoin de beaucoup d'argent pour recevoir l'absolution.
Scientologie : Les mystérieuses méthodes de la filière françaiseD'autres reconnaissent volontiers leur filiation. Comme Ciborg, ou U-Man France, cabinet de recrutement qui réalise 1 milliard de chiffre d'affaires et dont le gérant, Patrick Valtin, apparaît officiellement dans le magazine de l'Association Internationale des Scientologues, Impact, au rang des membres bienfaiteurs de la secte. "Nous n'avons rien à cacher", explique-t-on chez U-Man, les entreprises auxquelles nous nous adressons apprécient la simplicité de notre méthodes". Des entreprises aussi connues que Yoplaît, La Redoute, Epson, ou Uniroyal ont recours à U-Man pour le recrutement de leurs cadres. Le refus catégorique d'expliquer leurs méthodes de recrutement paraît toutefois bien suspect. En Belgique, d'après un reportage télévisé du journaliste Gérard Rogge, de nombreuses entreprises, comme General Motors, font également appel à U-Man pour recruter les cadres. Là-bas, la filiale de la Scientologie n'hésite pas à faire du prosélytisme. Après avoir subi le U-test - le même questionnaire que celui utilisé par la secte de Ron Hubbard pour ses tests de personnalité -, certains candidats se voient proposer quelques cours supplémentaires à l'Eglise de Scientologie pour faciliter une hypothétique insertion professionnelle. L'infiltration des grandes entreprises par des sociétés affiliées à la Scientologie ne connaît pas de frontières. En France, en 1990, Dialogic, dont le directeur général était un scientologue convaincu, avait causé un scandale en réalisant un audit du Raid, l'unité du ministère de l'Intérieur chargée, entre autres, de la lutte contre le terrorisme. Aujourd'hui, ces mêmes sociétés de formation professionnelle travaillent, parfois sous d'autres noms, avec les collectivités locales. "Les entreprises utilisant les techniques de Ron Hubbard" reversent 3 à 5% de leur chiffre d'affaires à WISE", précise Eva Lefèvre, une des responsables de L'église de Scientologie de Paris. La majorité des fonds est placée dans des établissements financiers où ils rapportent de confortables plus-values. Le magazine américain Time estimait que la Scientologie disposait de près de 400 millions de dollars sur des comptes en Suisse, à Chypre ou au Liechtenstein. |
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