(Journal des psychologues n°174, Février 2000 - Par
Sonya Jougla - Psychologue clinicienne, Psychothérapeute, Victimologue,
Chargée de cours en médecine légale à l'université
Paris V et à l'université Claude Bernard à Lyon
La prévention
L'intervention
Au moment de la rencontre
Lors de l'endoctrinement et de l'embrigadement
Au point de rupture
Un " cancer psychique "
Il est très difficile de prévenir la conversion d'une personne à une secte, d'une part parce qu'il n'y a jamais de prise de contact au moyen de ce que l'on pourrait comparer à un contrat, d'autre part la prégnance sectaire présente tous les critères des conduites addictives (selon le DsM rit e).
L'installation de la dépendance y est tout à fait semblable. Seule l'information préventive peut faire prendre conscience de la dangerosité des groupes totalitaires. Nous la développons selon la souffrance des adeptes non conscients de leur identité de victimes reste silencieuse et incomprise par la société des axes différents et complémentaires :information des milieux médicaux et des travailleurs sociaux, formation universitaire dans les diplômes universitaires de victimologie de Paris V et de Lyon, information dans les collèges et lycées, information par les médias.
Aider une victime de secte ne peut se faire indifféremment à toutes les étapes de son parcours sectaire.
L'intervention est encore possible dans le temps du " préalable " de la rencontre durant lequel l'adepte n'est pas encore tombé dans le piège de l'emprise sectaire. Il garde encore son esprit critique, son discernement.
Bien que la séduction sectaire soit grande, il a encore les pieds dans la réalité et sa personnalité n'est pas encore atteinte.
Durant la deuxième étape de l'endoctrinement et la troisième étape de l'embrigadement, il est pratiquement impossible d'arracher un adepte à sa secte. Bien au contraire, aux dires des ex-adeptes eux mêmes, tout effort en ce sens, obligatoirement empreint de maladresses et d'attaques erronées, entraîne le résultat inverse et renforce " l'effet de martyre " à l'intérieur du groupe. Ce qui explique d'ailleurs les attaques sectaires, relayées par de soi-disant spécialistes en chambre, complices et prolixes en écrits, à l'encontre des associations malhonnêtement qualifiées par ceux-ci d' " anti-sectes" > .
Au moment où s'installe la faille du doute et de la résurgence de l'éthique personnelle, l'aide du monde extérieur devient primordiale. Il peut s'agir de la famille si elle est " adéquate " et pas trop pathologique. Car elle est souvent vécue comme l'ennemi, " source de tous les problèmes " existentiels que l'adepte a fuis en entrant dans la secte. S'ils existent encore, les amis sont d'une aide précieuse pour l'exadepte meurtri, à condition qu'ils soient capables d'accueillir chaleureusement, sans juger, sans moraliser, sans prouver coûte que coûte l'erreur de cette adhésion.Ils créent, par le maintien des liens affectifs, une passerelle entre l'ex adepte et le réel.
Traversant une dure période de solitude et rencontrant l'incompréhension des personnes n'ayant jamais vécu le phénomène d'emprise, lorsqu'une victime sort d'une secte, elle se tourne souvent vers les ex-adeptes, sortis antérieurement de la même secte, et donc connus dans la " famille sectaire ". Ils sont des soutiens affectifs privilégiés capables d'entendre l'ineffable souffrance si particulière à ces victimes, de faire le lien affectif, pont entre le dedans sectaire et la réalité de la société, de partager les vécus douloureux communs, d'analyser ensemble les mécanismes de la manipulation mentale pour en démonter les rouages.
Lorsqu'il y a recherche d'aide de l'ancien adepte par la psychothérapie, le
psychothérapeute.doit s'informer sur la réalité sectaire de ce patient-là. L'adepte
a
" choisi " sa secte parce qu'elle proposait une réponse à ses doutes et à ses
angoisses. Il sera donc primordial pour le thérapeute, avant de commencer toute
thérapie, de collecter le maximum d'informations sur ce groupe, de connaître
les techniques utilisées spécifiquement par cette secte en particulier, de connaître
les thèmes de prédilection de ce gourou.
Chaque secte ayant sa doctrine, il est important de ne pas généraliser. Les associations de défense des victimes de sectes (ADFI, CCMM) peuvent être d'une aide précieuse dans cette démarche d'information. Un travail de tri sera ensuite nécessaire pour distinguer les pratiques dangereuses physiquement et psychiquement pour l'adepte des activités farfelues et inoffensives.
Comme un " cancer physique " dont la dangerosité n'apparaît que tardivement, le traumatisme est ignoré de la victime. Le mal n'en est pas pour autant bénin. La souffrance des adeptes non conscients de leur identité de victimes reste silencieuse et incomprise par une société qui la nie parce qu'elle commet le contresens de croire que l'adhésion de l'adepte à sa secte a résulté d'un consentement libre et éclairé.
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