AYAHUASCA ET TOURISME CHAMANIQUE : VOYAGE AU BOUT DE L'HORREUR EN AMAZONIE POUR DEUX JEUNES ITALIENS |
par Guy ROUQUET
Président de Psychothérapie Vigilance
«L’histoire relatée ici occupe mon esprit depuis des mois.
C’est au détour d’une conversation qu’une journaliste d’investigation enquêtant
sur la dangerosité de l’ayahuasca et le «tourisme chamanique» m’a appris
la mort de deux jeunes Italiens en Amazonie équatorienne,
suite à une overdose, lors d’un rituel organisé par des indigènes.»
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«Emiliano Eva, et Denis Tronchin étaient Italiens. Les deux amis ont disparu
le 6 août 2006 après s’être enfoncés dans la jungle équatorienne
pour ingérer l’ayahuasca (ou yagé), la boisson hallucinogène
préparée à leur intention. Quelques mois plus tard, leurs os épars ont été retrouvés;
ils avaient été découpés à la tronçonneuse».
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«Les enquêteurs supposent que derrière le meurtre des deux Italiens
se cache un trafic d’organes. En effet, treize cadavres ont été retrouvés
sur le lieu où la police équatorienne a trouvé
les restes du jeune de Scorzè et de son ami milanais.»
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SOMMAIRE.
1 Les faits
2. L’enquête
3. La situation au 11 mai 2009
4. Tzamarenga, un personnage controversé
5. Une sale affaire peut en cacher une autre
6. Un récit édifiant.
La nouvelle n’a fait aucun bruit en France ni dans la presse francophone. Elle l’aurait mérité pourtant. Car le fait divers est non seulement sordide et tragique mais aussi révélateur d’une certaine mode mêlant grossièrement l’ésotérisme à l’exotisme, et de l’exploitation de la crédulité du chaland occidental par des chamans sans scrupules.
1. LES FAITS.
Emiliano Eva, né en 1978, était musicien Denis Tronchin, né en 1977, était graphiste publicitaire ( web-designer). Tous deux s’étaient envolés de Milan à destination de Quito le 28 juillet 2006 pour connaître les pratiques chamaniques des indiens Shuars et expérimenter l’ayahuasca (ou yagé) (1). Ils devaient être de retour en Italie le 19 août.
Denis s’était intéressé au chamanisme en surfant sur Internet. Par le biais du site «Le Tambour des chamans», il était en relation avec Francesco de Giogio, un chaman italien, qui oriente sa clientèle vers l’Equateur après l’avoir préparée par ses conférences, stages ou «séminaires». Emiliano et Denis auraient sympathisé quelques mois plus tôt, à l’occasion d’une rencontre de ce type.
Durant le vol les conduisant vers Caracas où ils devaient faire escale avant de s’envoler vers Quito, les deux amis firent la connaissance de Clarissa, une jeune vénézuélienne, qui leur indiqua quelques endroits à visiter. Le 5 août, veille de la disparition des deux jeunes hommes, cette dernière reçut un courriel rédigé en espagnol où Denis lui disait vivre avec Emiliano «un rituel fort, avec trois jours de jeûne», que le moment «était «vraiment difficile», qu’il lui raconterait tout cela de vive voix à son retour, car même en italien ce serait très compliqué à expliquer.
Il semble que, moyennant finances et un prix attractif, un rituel privé ait été organisé en catimini pour Emiliano et Denis, qui passaient par Puyo, où ils avaient rejoint quelques compatriotes envoyés par Francesco de Giorgio, chez un hôtelier italien installé dans la localité («El Colíbri»). C’est là que Tzamarenda Naychapi Estalin Abran, un chaman équatorien, que le conseil des anciens aurait désigné comme chef principal de la communauté shuar dénommée Yawints, et composée de 1600 indigènes, aurait «rencontré» Emiliano et Denis.
Isolés du groupe dans des circonstances qui demeurent obscures, les deux jeunes hommes ont été conduits d’abord dans le village « Parroquia 16 de Agosto », puis dans la forêt où, d’après des témoins indigènes, ils ont absorbé l’ayahuasca. Suite à l’ingestion du breuvage, l’un aurait sombré dans une sorte de coma, et l’autre aurait perdu la raison. Il aurait été décidé alors de les supprimer puis de faire disparaître les corps après les avoir découpés à la tronçonneuse.
Les restes ont été retrouvés éparpillés le long du fleuve Pastaza. En décembre 2006, quatre mois après la disparition, la moitié du corps (tronc et tête) d'Emiliano Eva a été retrouvée en févier 2007, l’autre moitié, et, au mois de mars, une partie des ossements de Denis Tronchin. Examens génétiques à l’appui, les médecins légistes ont confirmé qu’il s’agissait bien des restes d’Emiliano et de Denis.
2. L’ENQUÊTE
Ángel Villamagua, représentant du ministère public de Morona Santiago, instruit l’affaire depuis le 22 mars 2007. Un mandat d’arrêt a été lancé aussitôt à l’encontre de cinq indigènes, dont Stalin Abrahan Tzamarenda Naichapi. Sur ordre du juge, les policiers sont entrés à la première heure dans les logements, situés à Palora et ont capturé trois présumés coupables. Dans la maison d’Abel Luicio Naach, le cousin de Tzamarenda, ils ont trouvé un sac à dos de marque «Quechua», qui avait les caractéristiques communiquées par la famille d'Emiliano lorsqu'elle a alerté les autorités de la disparition de leur fils. Des vêtements offerts à l'occasion de son voyage pour l'Équateur ont également été trouvés.
Les personnes inculpées ont fait l’objet de témoignages les accusant d’avoir assassiné les Italiens. Un témoin a confié à l’enquêteur que ces derniers avaient séjourné en août dans les cabanes de Tzamarenda (secteur de Yavinza Palora) une autre s'est rappelé qu’à la même époque, il avait transporté dans sa camionnette deux étrangers italiens, du terminus terrestre de Puyo jusqu'à Palora, où il les a laissés à Raúl Elías Antuca, ami intime de Stalin Tzamarenda, avec lequel il organisait ledit «tourisme chamanique». Ajoutés à d’autres, ces détails ont conduit Ángel Villamagua à enquêter sur les cinq Shuars, accusés du double meurtre.
Puis le temps a fait son œuvre. L'enquêteur s'occupant de l'affaire a reçu des menaces de mort, et le premier témoin Shuar qui a raconté aux autorités ce qui s’était passé en désignant Tzamerenda comme le donneur d’ordre, a été supprimé... Sa tête aurait été réduite et ses restes auraient été brûlés. En fuite, Tzamarenda a fini par être arrêté à Quito (Mitad del Mundo), après des mois de recherche. Mais, à la stupéfaction générale, quelques heures après sa capture, le ministère public de Macas où il avait été transféré lui rendit sa liberté faute d’avoir pu établir sa responsabilité.
3. LA SITUATION AU 11 MAI 2009
L’assassinat du témoin a instauré un climat de peur parmi les Shuars. Ceux qui savent se taisent. Mais la tension serait palpable. De fortes dissensions opposeraient les familles indigènes, que les présumés coupables, débarrassés de leur accusateur, retourneraient contre les Blancs, censés être les fauteurs de trouble… Face aux Blancs, colonisateurs, spoliateurs et destructeurs, le patriotisme de la nation Shuar est activé puissamment. Sur le Net, dans certains sites, des Shuars s’apostrophent violemment, et certains y disent sans détour leur hostilité, voire leur haine de «la pensée occidentale», de leurs industriels et commerciaux comme de leurs missionnaires. (2)
Les familles d’Emiliano Eva et de Denis Tronchin espèrent connaître un jour la vérité, savoir ce qui s’est exactement passé en août 2006. Mais, à des milliers de kilomètres de distance, ils sont démunis, et l’ambassade d’Italie en Equateur n’est pas en mesure de mener l’enquête. La peur, la désinformation, la corruption et l’élimination ou dissimulation des preuves ou indices donnent à penser que le procès qui s’annonce ne donnera rien ou pas grand-chose.
Si meurtres il y a eu bel et bien à l’issue d’une séance chamanique avec ingestion d’ayahuasca, si découpe des corps il y a eu également avec éparpillement de ses composantes dans la nature, les Italiens tendent à être accablés, en portant une responsabilité de plus en plus lourde dans cette tragédie. Emiliano et Denis ont utilisé une filière italienne pour se rendre à Puyo, chez un compatriote hôtelier. Ils venaient avec l’intention bien arrêtée de consommer de l’ayahuasca. Quant au groupe dont ils s’étaient isolés, il aurait écourté son voyage et regagné précipitamment l’Italie, laissant planer un doute sur sa responsabilité dans cette affaire. Indice aggravant: les auteurs du dépeçage ont utilisé une tronçonneuse, ce qui ne serait pas un modus operandi shuar… Bref, en donnant à penser contre toute raison que les compagnons de voyage d’Emiliano et Denis seraient les auteurs du démembrement des corps et de leur éparpillement, certains «informateurs» semblent s’être appliqués à déplacer le centre de gravité de l’affaire…
4. TZAMARENGA, UN PERSONNAGE CONTROVERSE.
La tragédie ne cesse de renvoyer au personnage de Tzamarenda, qui se présente à qui veut bien l’entendre comme un «guerrier Shuar» de la haute montagne vivant de pêche, de chasse et de cueillette en s’employant à guérir le monde de ses maux et des ses plaies. Etabli dans le canton de Palora, province de Morona Santiago, il dit poursuivre la mission de ses aînés et ancêtres. Quadragénaire, l’homme est manifestement très habile, endossant selon les circonstances sa peau de léopard ou sa tenue civile. Beau parleur, intelligent, séducteur, «la voix dure comme l’écorce des arbres», il sait en imposer à ses visiteurs ou interlocuteurs, leur donner ce qu’ils recherchent l’exotisme, le dépaysement, des pratiques et connaissances ancestrales… En satisfaisant le «Blanc», il sait obtenir plus facilement sa reconnaissance.
Les incohérences entre les beaux discours de Tzamarenda et les actions censées être entreprises par lui ont été dénoncées par des Equatoriens mais aussi par des Français qui, touchés par les conditions de vie du peule Shuar, ont fait des donations, créé un système de parrainage pour les étudiants, financé l’achat d’un panneau solaire et une pompe à eau, avant de découvrir les abus de confiance de leur solliciteur et de s’apercevoir que l’argent envoyé avait été utilisé à des fins personnelles.
Très au fait des attentes à la mode, Tzamarenda s’est envolé à plusieurs reprises pour l’étranger, en Europe notamment, où il a su se faire missionner comme représentant de la nation Shuar. Ainsi, en novembre 2004, invité par le Ministre équatorien du tourisme, soucieux d’accroitre le nombre de voyageurs britanniques à destination de son pays, il s’est rendu à Londres, à l’occasion de la foire touristique du World Travel Market, pour célébrer dans le centre financier une cérémonie ayant pour objet d’expulser du Royaume-Uni «les esprits malins» «qui se manifestent dans les problèmes politiques, le stress au travail excessif et les accidents de santé dus à la consommation d’aliments trop contaminés chimiquement». En utilisant «l’énergie cosmique du peuple shuar», Tzamarenda voulait que les Britanniques commencent symboliquement à écrire sur un papier vierge, non taché par le système qui maintient prisonnier tous les occidentaux.»
En juin 2006, à l’occasion de la participation de l’Equateur au Mondial se déroulant en Allemagne, María Isabel Salvador, ministre du tourisme, souhaita promouvoir non seulement son football mais aussi ses produits, sa culture et son intérêt touristique. Selon elle, le chaman Tzmarenda, faisait partie de la délégation parce que le monde actuel était en quête de spiritualité, l’idée étant que ce dernier «apporte un message de paix et d’esprit positif au Mondial.» Et c’est ainsi que Tzamarenga, manifestement bien en cour, acquit un surcroît de notoriété et «purifia», en peau de léopard, les stades allemands. Mais surpris en train d'enterrer une plume dans la pelouse du stade olympique de Berlin, et accusé d’avoir jeté un sort à l'équipe d'Allemagne, il nia. “Le chaman a voulu apporter de l'énergie positive au stade et au Mondial ” s’efforça d’expliquer, embarrassé, un responsable de l’office du tourisme équatorien. Mauvais calcul à divers titres: par 3 à 0, l'Allemagne l’emporta sèchement sur l’Equateur dans la dernière rencontre du groupe A.
D’après ses détracteurs, n’en déplaise aux officiels, qui ne sont pas de son monde et ne seraient pas trop regardants, Tzamarenda ne serait nullement chaman. Mais force est de constater qu’il en va ainsi avec de nombreux indigènes amérindiens qui, sous cette appellation médiatiquement porteuse depuis quelques années, exploitent la crédulité des Occidentaux (Européens et nord-américains notamment), en tablant sur leur sentiment de culpabilité et de repentance à l’égard des «indiens», leur défense rousseauiste de la nature (mythe du bon sauvage) et le besoin d’aventure ou de dépaysement dans des contrées «sauvages», quand ce n’est pas tout simplement la quête de sensations nouvelles en consommant de puissantes drogues dites «visionnaires» sous couvert d’initiation («boissons sacrées»).
5. UNE SALE AFFAIRE PEUT EN CACHER UNE AUTRE.
Les enquêteurs supposent que derrière le meurtre des deux Italiens se cache un trafic d’organes. En effet, treize cadavres ont été retrouvés sur le lieu où la police équatorienne a trouvé les restes du jeune de Scorzè et de son ami milanais.
Or, le 31 juillet 2006, à l’époque de la disparition de Denis et d’Emiliano, Gilberto Yankuam, vice-president de la Confédération des Nations Indigènes de l’Amazonie, disparaissait pendant qu’il était parti pêcher dans le secteur d'Unión Base, à cinq kilomètres de Puyo, en compagnie de Jorge Mayancha et de Bosco Chumbia, ami et garde du corps. En raison de la montée des eaux due à la forte pluie qui tombait alors, ils avaient décidé de suspendre leur partie de pêche. Mais au moment où ils étaient sur le point d’atteindre la rive, Yankuam a été renversé et emporté par le courant. Aussitôt entreprises, et poursuivies durant plusieurs jours par les équipes de secours, les recherches ne donnèrent rien.Cependant Antonio Moncayo fut intrigué par le fait qu’en appelant à plusieurs reprises le mobile de Gilberto Yankuam, son frère, l'appareil sonnait. Il en déduisit que ce n’était pas normal: «Le téléphone ne peut émettre de signal dans l’eau; en outre il devrait être déchargé». En octobre 2006, le mobile sonnait toujours, mais personne ne répondait. Ses doutes s'en trouvèrent renforcés. Pour lui, il devint évident que son frère ne s’était pas noyé et que sa disparition obéissait à d’autres circonstances. En novembre 2006, Moncayo recueillit des indices lui donnant à penser que son frère pourrait être séquestré dans le canton Palora (Morona Santiago). Avec l’aide de plusieurs dirigeants shuars, il poursuivit ses recherches. Au milieu du mois de février 2007, une mineure qui connaissait l’endroit où se trouvait Gilberto Yankuam fut localisée avec l’appui de la Police Judiciaire de Pastaza et Morona Santiago, et du Ministère public de Pastaza. Cette Shuar était obligée par ses parents à travailler comme employée dans la maison de Jorge Tunki, une des personnes soupçonnées dans le séquestre supposé.
La mineure confessa qu’elle était «un témoin fidèle» et savait des choses sur la séquestration de Gilberto. Elle indiqua que Jorge Tunki était la personne chargée de garder Yankuam sur ordre du commandant Stalin Naichap Tsamarenda et d’Elías Antuca, conseiller municipal de Palora.
Sur la base de cette information, le 28 février 2007, des membres de la nation shuar se rendirent dans le secteur de La Planada (parroquia Arapicos du canton Palora) pour arrêter Tunki, qui fut transféré immédiatement dans la communauté de Tsurakú située à 51 kilomètres de Puyo, sur la route menant à Macas.
Tunki confessa que Tsamarenda et Antuca étaient les auteurs du séquestre de Gilberto. Ces déclarations sont consignées dans un document rédigé par l’assemblée biprovinciale de la nation shuar de Pastaza et de Morona Santiago. Aussitôt après cette révélation, 300 Shuars, guidés par Tunki, et six membres de la police, se mirent à la recherche du leader disparu. Après plusieurs jours de ratissage, les Shuars eurent la conviction que l’information était fausse et leur colère s’accrut d’autant. Mis au pied du mur, Tunki finit par avouer que, sur ordre de Tzamarenda, il avait assassiné Gilberto Yankuam le 28 janvier (3) puis jeté son corps dans une lagune après l'avoir mis en pièces. Il précisa qu’il n’avait pas confessé le crime auparavant étant donné la menace de mort qui pesait sur lui s’il révélait l’endroit exact où le dirigeant shuar avait été assassiné.
Le témoignage de Tunki enflamma les esprits des personnes rassemblées à Tsurakú, qui décidèrent aussitôt de le juger. Les six policiers qui se trouvaient avec les indigènes durant toute la journée furent obligés d’abandonner la communauté. Cependant, ils convainquirent les Shuars de leur remettre Lucía Waam, épouse de Tunki, ainsi que ses deux enfants mineurs, qu’ils détenaient pour les lyncher.
Dans la soirée du vendredi 2 mars, après plusieurs heures de discussions, les dirigeants de la communauté shuar condamnèrent à mort Tunki en accord avec leurs lois coutumières et ancestrales qui disent que «celui qui tue par le couteau meurt par le couteau». Après avoir pris cette décision, Tunki fut conduit dans la partie arrière du lieu du «jugement» où il fut exécuté. Ensuite son cadavre fut arrosé d’essence et incendié.
Le 5 mars, les Shuars se réunirent de nouveau pour demander justice et l’arrestation de Tsamarenda (l’un des présumés auteurs du séquestre de Yankuam), en indiquant qu’ils demeureraient dans cet état «d’urgence communautaire» le temps nécessaire.
Le 6 mars, devant l’instance des autorités, les Shuars acceptèrent de remettre les restes de Tunki. L’intendant Tarquino Altamirano, se réunit avec quelque 500 personnes, vingt d’entre elles ayant la figure couverte de passe-montagnes et de mouchoirs, qui exigeaient l’arrestation de Tzamarenda qu’ils accusaient de divers délits.
L’une des conditions posées par les indigènes pour remettre les restes de la victime de leur jugement fut que l’intendant et les policiers s’engagent à capturer Tsamarenda dans les cinq jours afin de le remettre aux autorités de justice. Ils avertirent qu’ils resteraient «sur le pied de guerre» jusqu’à cette arrestation.
Selon un document de l’Assemblée Biprovinciale de la Nation Shuar, leur dirigeant Gilberto Yankuam a été éliminé parce que, suite à un voyage effectué aux Etats-Unis, il aurait découvert un trafic de têtes réduites (tzantzas). Têtes en provenance de cadavres déterrés ou de personnes assassinées. Un indigène arrêté alors qu’il transportait des têtes réduites destinées à des musées nord-américain aurait donné comme nom de commanditaire celui de Tsamarenda. Pour éviter la mise à jour de son négoce lucratif, illicite et criminel, ce dernier aurait planifié le séquestre du vice-président de la Confenaie.
Le 28 février 2007, en se déplaçant à Puyo pour mener cette enquête, la Police de Quito a poursuivi ses recherches relatives aux parties manquantes du corps d’Emiliano Riva et de Denis Tronchin. C’est dans ces circonstances que, près de la rivière Pastaza, elle les a retrouvées pour l’essentiel en même temps que treize autres cadavres…
6. QU’EN PENSER?
L’histoire relatée ici occupe mon esprit depuis des mois. C’est au détour d’une conversation qu’une journaliste d’investigation enquêtant sur la dangerosité de l’ayahuasca et le «tourisme chamanique» m’a appris la mort de deux jeunes Italiens en Amazonie équatorienne, suite à une overdose, lors d’un rituel organisé par des indigènes.
Les recherches entreprises m’ont permis d’accéder à des témoignages et à des documents en langues espagnole et italienne dont la traduction s’est révélée très instructive. (4)
Emiliano Riva et Denis Tronchin étaient pleins de projets et avaient l’avenir devant eux. Il est émouvant de voir l’avis de recherche qui subsiste sur la Toile. Leurs visages respirent la santé, la jeunesse (5). Mais ils ne sont plus, à la fois victimes de la barbarie, de leur naïveté et d’un certain conditionnement culturel et médiatique donnant à penser que le bonheur se trouve nécessairement ailleurs, dans «d’autres mondes» révélés par les «entités invisibles» ou «les esprits gardiens de la forêt», au terme d’un parcours «initiatique», pour peu que l’on ingère des boissons dites «sacrées», en réalité des décoctions neurotoxiques aux puissants effets hallucinatoires.
Contrairement aux affirmations de leurs promoteurs qui soutiennent, via leurs avocats parfois, qu’il est humainement impossible de mourir sous ayahuasca durant une séance conduite par des chamans en raison de l’énorme quantité de breuvage qu’il faudrait absorber pour succomber, l’exemple du décès des Italiens, en pleine force de l’âge, démontre que l’expérience peut être fatale. Et, dans leur cas, il n’est point possible de s’en sortir par une pirouette facile en disant qu’ils n’avaient pas respecté les règles, en les accusant de ne pas s’être préparés et de s’être livrés au premier chaman venu.
La mort atroce d’Emiliano Riva et de Denis Tronchin doit inciter à la plus extrême prudence les expérimentateurs potentiels que des agents recruteurs, parfois illuminés, le plus souvent cyniques et cupides, inscrivent à la va vite via Internet ou lors de stages, séminaires, ateliers ou rassemblements plus ou moins folkloriques et bon enfant se tenant en Europe, à Cogolin (Fr.) par exemple. Les risques majeurs pour la santé physique, psychique, intellectuelle et spirituelle de l’individu sont soigneusement passés sous silence ou minimisés à l’extrême par les apprentis sorciers et les docteurs Mabuse à la mode, qui maîtrisent parfaitement les techniques du discours et de la manipulation psychologique pour avoir réponse à tout, éluder les questions embarrassantes et s’appliquer à disqualifier les associations ou institutions dénonçant les dérives thérapeutiques et les dérives sectaires contaminant le champ sanitaire et social.
(1) Depuis mai 2005, l’ayahuasca (ou yagé ou natem) est classée comme stupéfiant en France la décision a été confirmée par le Conseil d’Etat en décembre 2007.
http://www.psyvig.com/default_page.php?menu=14&page=7
(2) http://arteindigena.wordpress.com/2006/12/27/arutma-uchiri-musica-y-danza-shuar/
(3) Divers aticles de presse, en italien et en espagnol, dont:
http://archivo.eluniverso.com/2007/03/26/0001/12/0D415C39D8964EDC87FAF4757963E6EF.aspx /
4) Remerciements à Mlle Estelle Rituit, professeur, pour la traduction des articles en italien.
(5) http://www.dantequito.com/archivos/revista_ed2/revista_ed2_mondonotizie.pdf
* Article inédit de Guy Rouquet, président de Psychothérapie Vigilance, mis en ligne le 11 mai 2009. Le texte, qui pourra faire l'objet de précisions complémentaires, est à rapprocher de ceux figurant dans la rubrique «drogues» et dans celle «Chamanisme et néochamanisme» du site de Psychothérapie Vigilance: http://PsyVig.com
Date de la dernière mise au point du texte: 16 mai 2009, 12 h 27..