Déluge: Un des mythes Colombien expliqué

 

Lu sur fr.soc.sectes:

 

On Thu, 25 Jan 2001 09:22:48 +0100,  (Jerry M.) wrote:

Parlant des mythes de la culture sud-américaine:

L'Atlantide? Certainement pas. Mais le déluge, oui. Des légendes le plus souvent rapportées par... des missionaires chrétiens! Chargés d'évangéliser souvent par la force et la torture ces personnes qui avaient alors le simple choix d'embrasser la bible ou périr. Avec 500 ans de recul, sans écriture mais avec des hiéroglyphes encore indéchiffrés (et probablement à tout jamais indéchiffrables), les traditions écrasées par le christianisme, on se demande jusqu'à quel point on est pas en présence d'une véritable pollution intellectuelle à tout jamais indélebile.

Mais bon, ne pouvant pas vérifier l'authenticité ni l'inauthenticité de ces légendes, assumons qu'elles sont totalement indépendantes du christianisme, et voyons-en une de plus près (si tu cites des exemples parfois peu connus, tu pourrais ou moins nous les fournir, non?):

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LE SAUT DU TEQUENDAMA - Légende Chibcha

Tous les trois mois, à Bacatá, les chibchas organisaient des fêtes en honneur de Bochica, buvant et dansant. Ils organisaient ces fêtes aussi quand se prolongeait la saison des pluies, parcequ'anciennement les pluies étaient énormes. Cela était ainsi parceque Chibchacún se fâchait en voyant que les gens n'adoraient plus les dieux des lagunes, abandonaient leurs cultures et se bagarraient sans arrêt. A une occasion mémorable, d'énormes nuages ont couvert les cieux, transformant le jour en une nuit sombre. Parmi les innombrables éclairs tombaient de lourdes gouttes d'eau. Les nuages sont devenus de gigantesques chutes d'eau qui gonflaient les rivières anéantissant à leur passage les animaux, les plantations et les villages. Les gens fuyaient vers les collines en ayant faim et froid tandis que la tempête semblait éternelle.
Ils demandaient pardon mais les eaux continuaient de monter. Le bon Bochica, ayant pitié pour son peuple, pensait que ce n'était pas la façon de le punir et que le déluge était trop sévère. Il se promena le long de l'arc-en-ciel et les chibchas l'ont salué par des chants de louange. Là où la cordillère se prolonge et se bloquent les eaux, Bochica ouvra les monts de son sceptre d'or. L'eau se précipita rapidement des hauteurs, et ainsi se forma le saut du Tequendama. Une fois que les eaux ont abandonné la vallée, Bochica condamna Chibchacún à porter la Terre sur ses épaules, qui jusqu'alors avait toujours reposé sur d'énormes gaïacs. Lorsque Chibchacún fatigue, il change d'épaule et c'est alors que se produisent les tremblements de terre.
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Joli, n'est-ce pas?

Bon, assez rigolé. Venons maintenant au faits scientifiques:

  -Il y a quelques milliers d'années (je ne sais plus le chiffre exact) la savanne de Bogotá ("Bacatá" en chibcha) était un lac énorme. Située à 2600 mètres d'altitude, la savanne est plate comme une crêpe et entourée de montagnes allant au delà des 3000 m. Des zones encore très marécageuses témoignent de ce passé. L'on ne sort pas de la savanne sans franchir un col, sauf au point précis du saut du Tequendama.

  -Sous les tropiques il n'y a pas de saisons, mais il y a deux saisons de pluies intercalées par deux saisons de sécheresse. Des phénomènes climatiques assez irréguliers, imprévisibles et parfois dramatiques tels que El Niño modulent l'intensité de ces cycles.

  -Cette région est réputée pour ses pluies intenses et subites, ainsi que pour son froid (le tout dans un contexte tropical, bien sûr). De nos jours, lors de saisons de pluie intenses, les inondations sont fréquentes (mais cela arrive aussi en Europe). Lorsque la savanne était un lac, le niveau devait forcément monter, le barrage de Tequendama ne pouvant débiter l'eau de pluie tombée en quelques heures seulement sur une telle surface, faisant fuir les habitants les plus proches du rivage vers les hauteurs. Cela a dû se produire plusieurs fois, mais seule une fois fût la dernière, lorseque le barrage cédà, précisément.

  -Au sud-ouest du lac existait un barrage naturel qui un jour céda, très certainement suite à une accumulation excessive d'eau en saison des pluies et -pourquoi pas- à l'aide d'un tout petit tremblement de terre, courants dans cette région géologiquement très active. Le lac se vida subitement, puis les zones peu profondes s'eutrophisèrent avec le temps laissant place à la savanne fertile et prospère qu'ont "découvert" les chrétiens il y a environ 460 ans.

Voilà. Tu remarqueras que jusque là je ne tire *aucune* conclusion. Ca, ça vient ici:

Des humains ayant vécu ces pluies, ces innondations, et la cassure du barrage ont forcément dû interpréter cela comme une punition suivie d'un pardon, ou plutôt, d'une pitié (sinon, quoi d'autre? Ce n'est certainement pas un cadeau divin...). Il n'ont pu que donner l'explication qui se trouve ci-dessus, n'importe quel peuple de l'époque l'aurait fait. La preuve: n'importe quel peuple l'a fait.

A peu près n'importe quelle catastrophe d'eau, aussi locale fut-elle, aurait pu générer des histoires du genre, transmises et déformées par la suite de génération en génération par la tradition orale. Il est indéniable que le déluge biblique n'est en rien une histoire unique et originale, la géologie, la météorologie et les lois de la physique étant la mêmes où que l'on se trouve sur Terre ou même n'importe où dans l'Univers, elle a dû se répéter plusieurs fois au courant de l'humanité.

Par rapport au déluge biblique:

  -le déluge des chibchas ne se prétend pas être universel. Il ne concerne que ce peuple, qui pratiquait du commerce avec d'autres peuples voisins et donc connaissait leur existence

  -personne ne fut anéanti, ils purent tous se réfugier sur les hauteurs. Dans cette légende, les dieux ont surtout condamné les crimes, pas les auteurs de ceux-ci et encore moins les innocents. A mon point de vue, il y a certaines religions qui auraient eu beaucoup à apprendre d'eux...

  -la description de l'ouverture du barrage correspond exactement aux observations géologiques: contrairement à la bible, l'eau ne s'est pas subitement volatilisée dans le cosmos, il s'est simplement écoulé dans les valées...

Alors, question compatibilité avec la Bible, cette légende laisse beaucoup à désirer. T'as un meilleur exemple?

   JM

PS: l'analogie Chibchacún/Atlas est adorable, n'est-ce pas?

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