Sôka Gakkaï

A propos des enfants . . .

par Franck Villard

Introduction
"Les enfants ont la capacité de changer le monde"
"Élever ses enfants de telle manière qu'ils chérissent la Soka Gakkai"
"Eclairer" toute la famille
Vos enfants pratiquent-ils ?
"Il n'y a pas d'âge pour décider"
Un mantra qui guérit tout ?
Dangers de la récitation
D'éternels persécutés
Elevés "à la mode Soka"


Introduction

"Mes parents ont commencé à pratiquer le bouddhisme de Nichiren Daishonin lorsque j'avais cinq ans. J'ai un souvenir très précis de cette période où je m'asseyais à côté de mes parents pour réciter daimoku (l)."
Extrait du témoignage d'un pratiquant, journal "Cap sur la paix" n°320,16 mars 2000 ).

A l'évidence, la Soka Gakkai s'intéresse de très près aux enfants et à leur éducation. D'après Florence Lacroix (2), cet intérêt pour la jeunesse serait tout "stratégique": "Comme dans les régimes totalitaires, les enfants sont un enjeu, et des structures sont créées pour accompagner les futurs adeptes dès le berceau. La Soka Gakkai a ainsi mis en place tout un réseau éducatif qui va du jardin d'enfants à l'université au Japon et à l'étranger dans certains pays. Cette logistique qui vise, entre autre, à assurer sa présence dans le domaine-clé qu'est l'éducation, à développer des liens avec les institutions éducatives étrangères parfois prestigieuses qu'elle peut ainsi infiltrer, et à se construire une image de respectabilité, témoigne de l'enjeu que constituent les enfants et les jeunes aux yeux de la Soka Gakkai (...)."
La lecture du mensuel de Soka Gakkai France (SGF) "Troisième Civilisation" nous en dit long sur le sujet, et met en évidence cette "attention toute particulière" qui leur est portée.

"Les enfants ont la capacité de changer le monde"

C'est sur ce thème que s'est ouvert, le 5 juin 1999, "la réunion générale des enfants d'Ile-de-France" organisée par la Soka Gakkai, une vaste manifestation qui aurait réuni près de 700 enfants accompagnés de leurs parents, peut-on lire dans un article de "Troisième Civilisation" (n°455 de juillet 99) : "Chacun pouvait venir avec un de ses rêves (poème ou dessin). Mis dans un album, ils seront envoyés au président Ikeda."
Au programme : discours de la responsable des femmes de SGF, vidéo présentant des interviews d'enfants sur la paix, et grand spectacle dans l'enceinte du Cirque d'hiver Bouglione. Un conte "son et lumière" dont les héros sont deux enfants qui doivent récupérer "la malle aux rêves" qui leur a été dérobée. Après de multiples péripéties, la malle est retrouvée. Ouf ! Morale du conte : "Vous avez découvert le courage qui permet de garder l'espoir et de réaliser sa mission". Et demain, chers bambins spectateurs, à quelle autre noble mission êtes-vous donc promis ?
L'article s'achève ainsi : "La réunion s'est terminée joyeusement, comme elle avait commencé, avec la magie du spectacle en plus dans les yeux des enfants comme des plus grands et, en prime, des glaces et des boissons offertes par le président Ikeda" - Merci qui ? .

"Élever ses enfants de telle manière qu'ils chérissent la Soka Gakkai"

Les membres de Soka Gakkai vouent un véritable culte à Ikeda. Cette admiration sans bornes pour le président doit être inculquée dès le plus jeune âge, et le rôle en revient tout naturellement aux parents.
Il leur appartient également de créer chez leurs enfants des liens forts et durables avec l'organisation.
Ikeda, dans le n°455 du mensuel "Troisième Civilisation" (juillet 1999), annonce clairement la couleur, exhortant les parents à élever leurs bambins dans l'amour... de la secte: "l'important est d'enseigner aux enfants l'esprit de chérir et de respecter la Soka Gakkai. L'idéal est d'élever vos enfants de telle manière qu'ils chérissent notre organisation. Avec cet esprit, les enfants se développeront remarquablement [sic]."
"( ...) Les parents doivent montrer par leur propre attitude l'esprit de respecter le Gohonzon et la Soka Gakkai" (...) "C'est aux parents de bien guider leurs enfants, avec sagesse. Il est également important de demander un soutien aux responsables du département de l'Avenir(...)."

"Eclairer" toute la famille

On connaît le prosélytisme auquel se livrent les membres de Soka Gakkai, prosélytisme dont l'entourage proche, et par conséquent la cellule familiale constituera la cible
n°1 : "Dans une famille, c'est seulement lorsque l'on surmonte les petites vagues de conflits entre celui qui pratique et ceux qui n'ont pas encore commencé, en établissant une harmonie familiale que l'on peut réformer la société de manière durable. Kosenrufu se construit sur la base de la révolution humaine de chaque famille (D. Ikeda)(3)." Ainsi, l'adepte se doit de convertir tous les membres de sa famille : mari, conjoint, frères, soeurs, et les enfants, bien sûr, n'échappent pas à la règle : "Il faut souhaiter éveiller chez eux le désir de pratiquer (D. Ikeda)(4)."
C'est un travail de tous les instants. La personne pratiquante doit faire preuve de persévérance et suivre les conseils avisés du Maître : "Il faut (...) qu'elle décide d'être un soleil. Alors, il n'y a plus d'obscurité dans le monde, toute sa famille est éclairée. Il suffit qu'elle devienne une personne pleine de bonne fortune et puisse partager ses bienfaits avec son époux, ses enfants et ses petits enfants(5)."
Les résultats, à coup sûr, ne tarderont pas à apparaître, et Ikeda d'assurer: "Avec une telle détermination, immanquablement, le reste de la famille se met à pratiquer (6)."

Vos enfants pratiquent-ils ?

C'est la question posée à deux parents pratiquants dans le magazine"Troisième Civilisation" (n°459) de novembre 1999.
Réponse de la mère: "C'est un de mes objectifs non réalisé pour le moment, mais je persévère."
Réponse du père : "Si on leur pose la question, ils se disent bouddhistes. Ils ont des liens très forts avec le président Ikéda, depuis leur enfance. Ils partagent les idées et la philosophie bouddhique. Mais ils n'ont pas encore décidé de s'engager. Mon fils, cet été, a voulu absolument me convaincre de faire un peu de sport. Je lui ai rappelé que cela faisait longtemps que j'essayais de le convaincre de réciter Nam Myo Renge Kyo. Nous avons donc établi un pacte : je cours 500 mètres et il récite cinq minutes de daimoku. J'ai, par conséquent, encore beaucoup d'entraînement à réaliser. (Rires)."
C'est ainsi que les enfants sont fondus dans l'idéologie de la secte, bientôt ils penseront "Soka", ils parleront "Soka", comme le montre cet autre témoignage affligeant paru dans le "Troisième Civilisation" de juillet 1999 (n°455) sous le titre

"Il n'y a pas d'âge pour décider"

"Bonjour, j'ai 5 ans et demi. Mes parents sont pratiquants et je vais, avec eux, vous raconter mon expérience. (...) J'étais toujours malade. (...) Il n'y avait pas deux semaines sans que pompiers et SAMU viennent à la maison. (...) J'ai rencontré des médecins, j'ai fait des examens pour enfin trouver, un an plus tard, que je ne digérais pas le lait animal ni la protéine de lait. (...) J'ai décidé d'être raisonnable et de faire mon régime. (...) Pendant trois ans, les maladies à répétition ont diminué mais n'ont pas complètement disparu. C'était difficile de faire des efforts tout le temps ! Mes parents et moi, on était très fatigué. Ils pratiquaient avec leurs amis mais c'était difficile. J'ai récité daimoku et on a trouvé un autre médecin. (...) Les résultats n'ont pas manqué d'apparaître : j'étais moins fatigué, les parents disaient que j'étais plus "combatif", plus joyeux, ça marchait ! En pratiquant, on a trouvé un médecin qui connaissait le meilleur traitement pour moi. On a continué 6 mois et à la fin on a gagné. (...) Maintenant je peux manger comme tout le monde et je ne suis plus malade (...). Je ne prendrai pas toute ma vie des médicaments "avec beaucoup d'effets secondaires" (...). Mes parents disent que "je suis maintenant en pleine santé" et que "c'est moi qui influence mon environnement", (...) et si on apprend que quelqu'un est malade, on fait tout de suite daimoku pour lui et on y croit !"
La pratique, nous dit ce jeune adepte (avec l'aide de ses parents), lui a donné le pouvoir de triompher de la maladie, en lui permettant de trouver un meilleur médecin, mais surtout en lui donnant la volonté de guérir, la combativité, la force de vaincre le mal. Ainsi, la récitation du "daimoku" aurait-elle aussi des vertus thérapeutiques ?

Un mantra qui guérit tout ?

La pratique ne remplacerait-elle pas avantageusement la médecine, les effets secondaires en moins ?
Si les choses ne sont pas aussi clairement présentées, on peut tout de même dire que l'amalgame est savamment entretenu dans les publications de Soka Gakkaï
"Le gohonzon est la source de tout pouvoir : Santé -Richesse - Influence."
"Nam myo Renge Kyo est semblable au rugissement d'un lion. Dès lors, quelle maladie peut donc constituer un obstacle? (7) "
"Quand nous sommes capables de faire surgir le Nam Myoho Renge Kyo qui est à l'intérieur de nous, nous pouvons guérir n'importe quelle maladie."

Le danger n'est-il pas, alors, pour les adeptes, dans la tentation de s'en remettre exclusivement à son pouvoir ?
"Bien que la Soka Gakkai n'exhorte pas ses membres à rejeter la médecine, le recours systématique à la prière et la conviction que "Nam Myoho Renge Kyo" guérit tout peut laisser à penser que le premier réflexe des parents adeptes, quand l'enfant est malade, même gravement, ne soit de pratiquer, plutôt que de consulter(8)."

Dangers de la récitation

La récitation intensive d'un "mantra" (formule sacrée) est un outil de conditionnement largement utilisé par les sectes. Tous les spécialistes du phénomène sectaire s'accordent à dire que cette pratique peut présenter un réel danger pour l'équilibre psychologique d'un individu, dénonçant même ces litanies comme un phénomène "d'hypnose auto-suggestive" créant des accoutumances et pouvant produire un effet aliénant. Si de telles pratiques s'avèrent être aussi redoutables pour un adulte, on imagine les effets désastreux qu'elles peuvent avoir sur le psychisme fragile d'un enfant, et l'on peut s'interroger sur leurs conséquences à long terme.
"La récitation des mantras constitue à elle seule un puissant élément d'enfermement et de marginalisation par rapport au monde extérieur. L'enfant qui répète inlassablement des formules qu'il ne comprend pas (en japonais) n'est-il pas amené à désapprendre la première fonction du langage qui est de signifier ? Quelle influence cela aura-t-il sur sa capacité à appréhender et comprendre le monde(9) "
De plus, le bouleversement des repères identitaires et culturels que va subir l'enfant ne risque-t-il pas d'avoir de sérieuses conséquences sur sa personnalité en construction?
"Et comment se construirait-il ? La famille, cellule intégrée dans la société dans une dynamique d'interactions, ne joue plus son rôle, sa fonction référentielle. Les parents "nipponisés" (plutôt que convertis au Bouddhisme) ont en effet radicalement rompu avec leur culture. Ils n'ont plus de vécu collectif ou individuel à transmettre.
Ce qu'ils avaient intériorisé depuis leur enfance est refoulé. La chaîne de la transmission intergénérationnelle est brisée. Tournant le dos à son histoire familiale, l'enfant ne risque-t-il pas d'évoluer dans un monde artificiel, opaque, sans repères identitairesl (10)"

D'éternels persécutés

Les membres de la Soka Gakkai sont animés d'un fort sentiment de persécution. On retrouve chez eux, comme dans nombre de groupes sectaires, cette mentalité de "citadelle assiégée"
"Nous, membres de la SGI, sommes bien souvent attaqués et discrédités. Nous devons faire souvent face à la haine et à la jalousie , en accord avec le Sûtra du Lotus et les écrits de Nichiren Daishonin, qui annonçait les persécutions auxquelles serait soumis le pratiquant de la Loi merveilleuse. La SGI qui a remporté, l'une après l'autre, des victoires décisives en subissant des persécutions du fait de ses efforts pour transmettre les véritables enseignements du bouddhisme est championne de la vérité et de la justice les plus élevées qui soient (D Ikeda)(11)."
Ainsi, l'on ne peut être qu' AVEC EUX ou CONTRE EUX, dans le camp de la justice et de la vérité, ou bien dans l'erreur: "de quel côté êtes-vous, du côté du bien ou du côté du mal ? Laquelle de ces deux routes allez-vous choisir pour votre vie ? (D. Ikeda) (12)" Cette mentalité, solidement ancrée dans la philosophie du mouvement, fait même partie intégrante de son histoire. Depuis l'origine, tous ceux qui ont oeuvré pour la transmission de la "Loi correcte" auraient eu à subir persécutions et attaques extérieures de toutes sortes. A commencer par Nichiren qui "choisit de naître au japon, un pays habité par les gens les plus vils et les plus mauvais [sic], et celui où les persécutions à l'encontre de la Loi seraient les plus sévères (13)." Ce furent ensuite MM. Makigushi et Toda (présidents successifs de la Soka Gakkai), emprisonnés par les autorités militaires durant la Seconde Guerre Mondiale, et qui "donnèrent volontairement leur vie pour la Loi (14)."
"Tout comme la vie de Daishonin, l'histoire de la Soka Gakkai est marquée par de grandes persécutions. Chacune de ces persécutions prouve la mission très pure de la SGI et a permis le développement qu'elle connaît aujourd'hui (15)"
Mise en place d'un raisonnement inversé qui tend à renforcer l'adhésion de l'adepte au sein du mouvement: je suis attaqué parce que je suis dans le vrai.
"Les persécutions dont Nichiren Daishonin a été la cible prouvent la justesse de son enseignement (16)."
Résister aux attaques extérieures s'inscrirait même dans la nature profonde du bouddhisme : "Propager la Loi au risque d'être soi-même emprisonné ou martyrisé, c'est l'essence même du bouddhisme (D. Ikeda) (17)."
"Rencontrer les persécutions, c'est rencontrer le bouddha (D. Ikeda) (18)."

Elevés "à la mode soka"

Comment l'enfant baigné dans un tel climat de paranoïa vivra-t-il son rapport aux autres, ces "autres" trop souvent présentés comme malveillants et persécuteurs ?
Et comment fera-t-il son apprentissage de la tolérance au sein d'une telle organisation? Une organisation qui rejette les autres religions (y compris les autres écoles bouddhistes). Une organisation qui diabolise d'un même élan l'Etat, la presse et les médias, et tous ceux qui la critiquent ou émettent un avis contraire : "ni les médias ni les populations ne font d'efforts pour découvrir la vérité. Ils se contentent de faire un maximum de tapage (D. Ikeda)." (19)
Hors de l'organisation, point de vérité, ni de salut.
"La vénération inconditionnée du "Maître", l'étude exclusive de ses oeuvres, la forme répétitive de la pratique conduisent à un asservissement de la pensée (ou du sens critique), à un enfermement au sein du groupe qui suppriment toute ouverture à d'autres sources d'informations et monopolise toute espèce de relation."
Cet endoctrinement, dénoncé par Bernard Fillaire dans son livre "Le Grand Décervelage" (20), aura très certainement un impact considérable sur l'enfant et son développement. Et l'on peut craindre que l'enfant élevé "à la mode soka"ne devienne, plutôt qu'un adulte citoyen et responsable, un parfait petit soldat entièrement dévoué à la cause.

Mais n'est ce pas justement le but recherché ?

"Votre mission est de devenir le joyau de la jeunesse du monde entier (.. )" (Poème du président Ikéda à la jeunesse française, 1981. )
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1. Extrait du témoignage d'un pratiquant, journal "Cap sur la paix" n°320,16 mars 2000 .
2. Chercheuse en sciences politiques et spécialiste de la Soka Gakkaï,
3. In "Troisième Civilisation" n°454, juin 1999.
4. In "Troisième Civilisation" n°455, juillet 1999.
5. Ibid.
6. Ibid.
7. In "Troisième Civilisation" n°460, décembre 1999.
8. Note A.D.RI., Décembre 1997.
9. Ibid.
10. Ibid.
11. In "Troisième Civilisation", "Discours et entretien de Daisaku Ikeda, Président de la Soka Gakkaï Internationale", n° 96 (supplément au n° 460), décembre 1999.
12. Ibid.
13. Ibid.
14. Ibid.
15. In"La prière pour la pluie des trois maîtres du Tripitaka", document interne Soka Gakkai,1998.
16. Ibid.
17. In "Troisième Civilisation", "Discours et entretien de Daisaku Ikeda, Président de la Soka Gakkaï Internationale", op. cit.
18. Ibid.
19. Ibid.
20. "Le Grand Décervelage", Plon,1993.



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