Sôka Gakkaï
" Jugement du 13 décembre 2001"

(Concerne l'article du Dauphiné Libéré du 11 ovtobre 1999)

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE
D'ANNECY

JUGEMENT DU 13 Décembre 2001

CHAMBRE 1
N° REPERTOIRE : 00/00174

DEMANDERESSES

- ASSOCIATION LOI 1901 SOKA GAKKAI INTERNATIONAL FRANCE (SGI FRANCE) M. EIichi Y AMAZAKI, son Président, dont le siège social est sis 3 Boulevard des Capucines - 75002 PARIS
- ASSOCIATION LOI 1901 SOKA GAKKAI FRANCE (SGF) Monsieur Eiichi Y AMAZAKI, son Président, dont le siège social est sis 3 boulevard des Capucines - 75002 PARIS
- ASSOCIATION DE DROIT JAPONAIS SOKA GAKKAI,
M. Kezuya MORIT A, dont le siège social est sis 32 Shinano Machi, Shinjuku Ku, - TOKYO 160 (JAPON)

Toutes trois représentées par Me Patricia LYONNAZ, avocat au barreau de ANNECY, avocat postulant, et Me Jean-Paul LEVY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant


DÉFENDEURS

- M. Jean-Pierre PALAGI, Directeur de publication départemental du journal "LE DAUPHINE LIBERE" - 17 Rue du Président Favre - 74000 ANNECY
- M. Denis HUERTAS, directeur de publication du journal "LE DAUPHINE LIBERE" - Centre de Presse de VEUREY - 38913 VEUREY CEDEX
- M. Gilles DEBERNARDI, journaliste au "DAUPHINE LIBERE" - 17 Rue Président Favre - 74000 ANNECY
- SA DAUPHINE LIBERE dont le siège social est sis Les Isles Cordées 38913 VEUREY CEDEX

Tous représentés par Me BREMANT -GOlON, avocat au barreau de ANNECY, avocat postulant, et la SELAFA DELSART - TESTON, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
- M. PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE près le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE - 51 Rue Sommeiller BP 2321 - 74011 ANNECY

comparant en personne

PRESIDENT : Michel BUSSIERE, Président

ASSESSEURS: Dominique DUBOIS, Vice-Président, Serge RAVIER, Juge

GREFFIER: Fabienne LUCIANI

DEBATS

Audience publique du Il Octobre 2001.
Délibéré fixé au 13 décembre 2001.

Dans l'édition du 11 octobre 1999 du"DAUPHINELIBERE"n° 17076 était publié un article signé de Monsieur Gilles DEBERNARDI intitulé "Bouddhiste"...C'est vite dit !", précédé en première page par le titre suivant: "La SOKA GAKKAÏ fait des adeptes dans notre région d'étranges "Bouddhistes" et sous-titré "Santé, prospérité, réussite sociale... c'est ce que promet cette organisation japonaise qui dit s'inspirer du bouddhisme. Mais en réalité, ses pratiques s'apparentent à celles d'une secte. Le rapport parlementaire de 1996 l'a d'ailleurs répertoriée comme telle" ;

A raison de cet article, la SOKA GAKKAÏ INTERNATIONAL FRANCE (SGI France), la SOKKA GAKKAÏ FRANCE (SGF) et la SOKA GAKKAÏ, association de droit japonais, ont assigné Monsieur Jean-Pierre PALAGI, Directeur Départemental du journal "LE DAUPHINE LIBERE", Monsieur Denis HUERTAS, Directeur de Publication du journal "LE DAUPHINE LIBERE", Monsieur Gilles DEBERNARDI et la société LE DAUPHINE LIBERE devant le Tribunal de Grande Instance d'ANNECY le 11 janvier 2000 ;

Le 21 janvier 2000, les défendeurs ont diligenté une offre de preuve ;

Le 26 janvier 2000, les demanderesses ont fait notifier une offre de preuve contraire ;

Par jugement du 3 mars 2000, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 8juin 2000 ;

Par jugement du 8 juin 2000, l'affaire à été renvoyée à l'audience du 6 septembre 2000 ;

Par jugement du 6 septembre 2000, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 12 octobre 2000 ;

Par jugement du 12 octobre 2000, l'affaire a été renvoyée; L'affaire a été fixée à l'audience du Il octobre 2001 ;


Dans leurs dernières conclusions du 5 octobre. 2001, la SOKKA GAKKAÏ INTERNATIONAL FRANCE (SGI FRANCE), la SOKKA GAKKAI FRANCE (SGF) et la SOKKA GAKKAI demandent au Tribunal de :

1) Sur la capacité à agir des requérantes,

- Constater que les requérantes étaient recevables à agir
- En conséquence, rejeter la demande de nullité de l'assignation formulée par les défendeurs.
2) Sur la validité de l'assignation délivrée à l'encontre de Monsieur DEBERNARDI :
- constater: que s'il est vrai que l'article 648 du Nouveau Code de Procédure Civile prescrit que le défendeur doit être cité à son domicile, il n'en est pas moins vrai qu'en l'espèce cette irrégularité n'a pas porté atteinte au droit de la défense dans la mesure où Monsieur DEBERNARDI a, dans le délai de dix jours prévu par l'article 56 de la loi du 29 juillet 1881 et plus précisément le 21 janvier 2000, signifié une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires,
- en conséquence, rejeter la demande de nullité de l'assignation délivrée à Monsieur DEBERNARDI,

3) Sur l'assignation délivrée à Monsieur PALAGI :

- constater que la mise en cause de Monsieur PALAGI est bien fondée
- en conséquence, débouter les défendeurs de leur demande de mise hors de cause de Monsieur PALAGI.

4) Sur l'article et la une du DAUPHINE LIBERE en date du 11 octobre 1999 :
- Dire et juger qu'à raison des passages susvisés énumérés dans l'assignation, Monsieur DEBERNARDI, Monsieur PALAGI, Monsieur HUERTAS ont commis le délit de diffamation publique envers un particulier, à l'encontre de la SGI France, de la SGF et de l'association japonaise SOKA GAKKAÏ, tel que prévu par l'article 29 alinéa 1 de la loi du 29juillet 1881 et puni des peines de l'article 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881,
- En conséquence, condamner conjointement et solidairement Messieurs DEBERNARDI, PALAGI, HUERTAS à payer à chacune des associations requérantes la somme de 200.000 francs à titre de dommages et intérêts,
- ordonner la publication du jugement intervenir à la première page du journal DAUPHINE LIBERE EDITION ANNECY, dans les trois jours qui suivront le prononcé du jugement à intervenir, le tout sous astreinte de la somme de 100.000 francs par numéro de retard,
- ordonner la publication par l'extrait du jugement à intervenir dans cinq quotidiens ou hebdomadaires, au choix des requérantes et aux frais des requis, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 30.000 francs,
- condamner la société LE DAUPHINE LIBERE à garantir de toutes les condamnations pécuniaires pouvant être prononcées. contre eux, Messieurs DEBERNARDI, PALAGI, HUERTAS, en sa qualité de civilement responsable, et dans les termes de l'article 44 de la loi du 29 juillet 1881,
- condamner les requis à payer conjointement et solidairement aux associations requérantes la somme de 30.00 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ,

5) Sur la parution du 27 novembre 1999 du commentaire dit NDLR susvisé à la suite du droit de réponse inséré à la demande de l'association requérante :

- Dire et juger que Monsieur HUERTAS et PALAGI ont commis le délit de diffamation publique envers des particuliers, tel que prévu par l'article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et puni des peines de l'article 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 à l'encontre de la SGI France,
En conséquence, condamner conjointement et solidairement Messieurs PALAGI et HUERTAS à payer aux associations requérantes la somme de 30.000 francs à titre de dommages et intérêts,
- Ordonner la publication du jugement à intervenir dans la première page du journal LE DAUPHINE LIBERE Edition ANNECY dans les trois jours qui suivront le prononcé du jugement à intervenir le tout sous une astreinte de 100.000 francs par numéro de retard,
- Ordonner la publication par extrait du jugement à intervenir dans cinq quotidiens ou hebdomadaires, au choix des requérantes et aux frais des requis, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 30.000 francs,
- Condamner la société LE DAUPHINE LIBERE à garantir de toutes les condamnations pécuniaires pouvant être prononcées contre eux de ce chef, Messieurs PALAGI et HUERTAS, en sa qualité de civilement responsable, et dans les termes de l'article 44 de la loi du 29 juillet 1881,

6) Et sur l'ensemble des condamnations requises:

- Ordonner du tout l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution compte tenu du préjudice subi et les condamner en tous les dépens.
Dans leurs dernières conclusions en date du 9 octobre 2001, Monsieur Denis HUERTAS, Monsieur Jean- Pierre PALAGI, Monsieur Gilles DEBERNARDI, la société LE DAUPHINE LIBERE demandent au Tribunal de dire nulle l'assignation délivrée par les trois associations requérantes, celles-ci ne justifiant pas de la qualité et du pouvoir de la personne les représentant devant le Tribunal, de mettre hors de cause Monsieur PALAGI, de dire en tout état de cause que l'allégation incriminée ne constitue pas le délit de diffamation, de constater en tout état de cause que le défendeur apporte la preuve de la vérité des faits qualifiés de diffamatoires ;

Subsidiairement Messieurs HUERTAS, PALAGI, DERBERNARDI et la société LE DAUPHINE LIBERE sollicitent que soit dit qu'ils établissent leur bonne foi et que les associations requérantes soient déboutées de toutes leurs demandes ;

Ils réclament leur condamnation à leur payer la somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les entiers dépens ;

A l'audience du 11 octobre 2001, le Tribunal a entendu Madame BOULANGER et Monsieur VILLARD cités comme témoins par les défendeurs à l'appui de leur offre de preuve et constaté que Monsieur DOBELEARE et Monsieur MAFFESOLI, cités comme témoins par les demandeurs au titre de l'offre de preuve contraire, ne comparaissaient pas ;

SUR CE

- Sur la recevabilité de la demande :

Attendu qu'en application de l'article 117 du Nouveau Code de Procédure Civile constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité en justice ;

Attendu que les défendeurs soutiennent que l'assignation délivrée par les trois associations requérantes est nulle, ces associations ne justifiant pas de la qualité et du pouvoir de la personne les représentant devant le Tribunal ;

Attendu que les deux associations françaises, à savoir la SOKA GAKKAÏ FRANCE et la SOKA GAKKAÏ INTERNATIONAL FRANCE sont régulièrement déclarées auprès de la Préfecture de Police ;

Que leurs statuts disposent que leur Président est habilité à les représenter en justice;
Attendu qu'en application de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice ;

Attendu que l'action de la SOKA GAKKAÏ FRANCE et de la SOKA GAKKAÏ INTERNATIONAL FRANCE, représentées en justice par leur Président, est donc recevable ;

Attendu en ce qui concerne la SOKA GAKKAÏ JAPON qu'il s'agit d'une association japonaise qui n'est pas déclarée en France ;

Attendu que cette association, en application des articles 5 et 6 de la loi du 1er juillet 1901, n'a donc pas obtenu la capacité juridique et ne peut ester en justice en France ;

Attendu que les défendeurs, en application de l'article 119 du Nouveau Code de Procédure Civile, n'ont à justifier d'aucun grief pour invoquer cette exception de nullité ;

Qu'il y a donc lieu de déclarer irrecevable l'action de la SOKA GAKKAÏ JAPON ;

- Sur la nullité de l'assignation délivrée à Monsieur DEBERNARDI :

Attendu que les défendeurs soutiennent que l'assignation délivrée à Monsieur DEBERNARDI au siège du journal serait nulle ;

Attendu qu'en application des articles 654 et 655 du Nouveau Code de Procédure Civile, la signification doit être faite à personne ou si elle s'avère impossible à domicile ;

Attendu que le domicile d'un journaliste ne saurait être caractérisé par le siège du journal alors que son activité au sein de la publication incriminée peut s'exercer de façon occasionnelle ;

Attendu que cette irrégularité fait grief dans la mesure où elle ne permet pas au journaliste, qui en sa qualité de grand reporter n'est pas quotidiennement au siège du journal et ne peut en conséquence disposer de l'intégralité du délai très bref que la loi lui accorde pour rapporter la preuve de la vérité des faits supposés diffamatoires alors, qu'ayant réalisé l'enquête, il est le seul à disposer de tous les éléments ;

Attendu que la preuve contraire de l'absence de grief n'est pas rapportée par le seul fait que les défendeurs aient fait l'offre de preuve dans le délai de dix jours, alors qu'il résulte de l'assignation que Monsieur DEBERNARDI était le 11 janvier 2000 absent de son lieu de travail et n'a donc pu disposer de l'intégralité du délai prévu par la loi pour exercer sa défense ;
Attendu qu'en application de l'article 114 du Nouveau Code de Procédure Civile, il y a donc lieu de prononcer la nullité de l'assignation délivrée à Monsieur DEBERNARDI ;

- Sur la mise hors de cause de Monsieur PALAGI :

Attendu que Monsieur PALAGI a été assigné en qualité de Directeur de publication départemental du journal LE DAUPHINE LIBERE ;

Attendu que le Directeur de Publication du DAUPHINE LIBERE est Monsieur Denis HUERTAS ;

Que Monsieur PALAGI est. Directeur Départemental pour la Haute-Savoie et le Pays de Gex, de la rédaction du DAUPHINE LIBERE ;

Attendu qu'en application de la loi de 1881, le directeur de la publication est l'auteur principal du délit de diffamation, en tant que responsable de plein droit de tout ce qui est publié dans le journal ;

Que les autres personnes assignées ne peuvent être poursuivies qu'en leur qualité de complice ;

Mais attendu que les demanderesses ne démontrent pas que Monsieur PALAGI ait volontairement participé au délit de presse par des actes positifs ;

Qu'en effet, il résulte des pièces versées au dossier que l'article incriminé a paru non seulement dans l'édition ANNECY du DAUPHINE LIBERE mais aussi dans l'édition GRENOBLE ;

Que par conséquent, la parution de l'article n'est pas de l'initiative de Monsieur PALAGI ;

Qu'il y a lieu en conséquence de mettre hors de cause ce dernier ;

- Sur le rejet des pièces 4 à 8 des demandeurs :

Attendu qu'en application de l'article 56 de la loi du 29 juillet 1981, l'offre de preuve contraire doit être faite dans les 5 jours suivants sous peine de déchéance ;

Que par conséquent, les pièces 4 à 8 produites par les demandeurs seulement le 5 octobre 2001 ne pourront être retenues pour combattre les documents produits par les défendeurs au titre de l'offre de preuve mais seulement au besoin au titre de la preuve de la mauvaise foi ;

- Sur le rejet des pièces 17 et 20 produites par les défendeurs :

Attendu qu'en application de l'article 753 du Nouveau Code de Procédure Civile, il y a lieu de rejeter d'office des débats ces pièces qui ne figurent pas sur le bordereau annexé aux conclusions des défendeurs et qui par conséquent n'ont pas été communiquées aux demandeurs, en infraction au principe du contradictoire ;

SUR LE FOND :

-Sur l'existence de la diffamation:

Attendu que selon l'article 29 de la loi du 29 juillet 1981, constitue une diffamation toute allégation ou imputation d'un fait précis portant atteinte à l' honneur ou à la considération de la personne ou du corps visé ;

Attendu que l'article incriminé comporte plusieurs énonciations certes très critiques mais non diffamatoires ;

Attendu qu'en l'espèce, le terme "secte" qui désigne un groupe organisé de personnes liées par la même doctrine religieuse ou philosophique, ne saurait être considéré comme diffamatoire, faute d'impliquer nécessairement l'accomplissement au sein dudit groupe de pratiques illégales ou tout au moins moralement condamnables ;

Attendu de même que l'affirmation par le journaliste du caractère "étrange" du bouddhisme pratiqué, de la divergence très nette de la doctrine de la SOKA GAKKAÏ avec la philosophie de paix et de tolérance pronée par les pratiquants traditionnels, ne comporte pas l'articulation de faits suffisamment précis et contraires à l 'honneur ou à la considération des personnes en cause ;

Attendu que les propos "prosélytisme agressif ", "intolérance", "pratiques s'apparentant à celles d'une secte", "vocable exotique", "puissante organisation japonaise" ne sont que des attaques de portée théorique qui ne contiennent pas d'imputation d'un fait déterminé, illustrées d'exemples précis faisant référence à des pratiques répréhensibles de l'association SOKA GAKKA! à l'égard de ses adhérents ;

Attendu que le paragraphe consacré à l'éducation des enfants ne peut être qualifié de diffamatoire dans le mesure où il reprend des extraits du magazine "troisième civilisation" édité par la SOKA GAKKAÏ ;

Attendu par contre que les méfaits de la pratique par la répétition à l'infini des mantras et la dénonciation de leur effet aliénant provoquant une rupture radicale des membres de l'association avec leur famille et des déséquilibres psychologiques appuyés par des interviews constituent des faits précis de nature à porter atteinte à la considération et contraires à l 'honneur puisqu' elles renvoient aux pratiques des sectes dangereuses pour les libertés individuelles;
Attendu qu'il en va ainsi de la répétition des mantras décrit comme un "phénomène d'hypnose auto-suggestive qui crée des accoutumances et peut produire des effets aliénants", du "déséquilibre psychologique" qui résulte de la fréquentation de la SOKA GAKKAÏ, de l'adhésion à cette religion qui "provoque, presque à coup sûr, ce genre de rupture radicale" avec les proches non pratiquants, de "l'intolérance de la doctrine ajoutée aux sentiments de persécution "qui" conduit les membres au "rejet de toute forme d'opposition. Petit à petit, la SOKA GAKKAI envahit complètement leur vie" ;

Attendu que pour produire l'effet absolutoire prévu par l'article 35 de la loi du 29 juillet 1981, la preuve de la vérité des faits diffamatoires doit être parfaite, complète et corrélative aux diverses imputations dans toute leur portée ;

Attendu que tel n'est pas le cas du rapport parlementaire de 1996 sur les sectes qui n'apporte aucune indication suffisamment précise sur les activités de la SOKA GAKKAÏ, ni des extraits des livres sur les sectes versés aux débats, ni des bulletins de l'ADFI ;

Attendu que le témoignage de Monsieur VILLARD, certes précis et circonstancié, demeure isolé ;

Que Madame BOULANGER ne rapporte aucun fait précis, en dehors du témoignage anonyme de Michèle dont le conjoint fait partie de la SOKA GAKKAÏ ;
Attendu que les défendeurs, à titre subsidiaire, arguent de leur bonne foi;

Qu'ils soutiennent que le journaliste s'est livré à une enquête sérieuse et longue, qu'il s'appuie sur des témoignages et des documents ;

Attendu en effet qu'il convient de remarquer que le journaliste n'a pas usé dans son article d'un ton péremptoire et volontairement polémique ;

Qu'il a au contraire fait preuve de prudence dans les allégations employées, réservant un point de vue contraire : "Le prix à payer pour atteindre à la parfaite béatitude ? ", "A chacun sa vérité" et exposant l'opinion de la SOKA GAKKAÏ sur ces accusations : "La SOKA GAKKAÏ fait entendre un autre son de gong. Elle dénonce l'inscription de la pensée unique dans le domaine religieux, stigmatise "la chasse aux sorcières" et proteste de son intégrité, sinon pourquoi François MITTERAND aurait-il officiellement reçu l 'honorable DAIKASU IKEDA à l'Elysée en 1989 ?" ;

Attendu que de plus le journaliste, après avoir recueilli le témoignage de Monsieur VILLARD, de Madame BOULANGER, responsable de l'ADFI, après avoir compulsé plusieurs livres et articles relatifs aux sectes faisant état de la SOKA GAKKAÏ, avoir pris connaissance du rapport parlementaire sur les sectes et de la lettre de l'Union des Bouddhistes de France, n'a fait que dénoncer le caractère inquiétant du contenu des publications de la SOKA GAKKAÏ dans son propre magazine "troisième civilisation" ;
Attendu qu'il résulte de la lecture des numéros du magazine "troisième civilisation" versés aux débats qu'un enfant de quinze ans atteint d'une méningite a guéri en faisant "daimoku", qu'un enfant de quatre ans allergique au lait, a trouvé un médecin qui l'a guéri en récitant "daimoku", que ce même enfant, âgé de cinq ans et demi est censé déclarer: "si on apprend que quelqu'un est malade, on fait tout de suite daimoku pour lui et on y croit" ;

Attendu qu'il en ressort que le journaliste, qui a été légitimement alerté par l'ensemble de ces éléments qui posent question pour le moins, a, en écrivant l'article incriminé, exercé dans un but légitime d'information ;

Que la preuve de sa bonne foi étant rapportée, les demanderesses seront déboutées de leur action au fond ;

Attendu que l'équité commande d'allouer aux défendeurs la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que les demanderesses qui succombent seront condamnées aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort,

Déclare la SOKA GAKKAÏ INTERNATIONAL FRANCE et la SOKA GAKKAÏ FRANCE recevables à agir en la forme.

Déclare la SOKA GAKKAÏ JAPON irrecevable à agir.

Dit que l'assignation délivrée à Monsieur DEBERNARDI est nulle.

Met hors de cause Monsieur PALAGI.

Au fond déboute la SOKA GAKKAÏ INTERNATIONAL FRANCE et la SOKA GAKKAÏ FRANCE de leur action, la bonne foi du journaliste étant rapportée.

Condamne la SOKA GAKKAÏ INTERNATIONAL FRANCE, la SOKA GAKKAÏ FRANCE, et la SOKA GAKKAÏ JAPON à payer à Monsieur HUERTAS, Monsieur PALAGI, Monsieur DEBERNARDI et la société LE DAUPHINE LIBERE la somme de 15.000 francs (quinze mille) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamne les demanderesses aux entiers dépens,
Ainsi jugé et prononcé au Palais de Justice d'ANNECY le treize décembre deux mil un.
Et le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.

Le Greffier, Le Président,



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