Satanisme : garder l'oeil ouvert au Luxembourg, comme ailleurs

(source : édition luxembourgeoise du Républicain Lorrain, 28 décembre 1996)

Auteur d'une enquête sur les sectes en Belgique et au Luxembourg, Alain Lallemand, journaliste au Soir, jette un regard sur les derniers développements de "l'affaire Dutroux" et sur la piste sataniste qu'exploitent les enquêteurs.


Le Républicain Lorrain : Quel est selon vous le potentiel de dangerosité des sectes dites " satanistes " ?

Alain Lallemand : La Wicca internationale de Jacques Coutela et Nicole L'Hotellier a débouché sur un suicide collectif en mars 1995 au Kremlin Bicêtre, à Paris. On a retrouvé Coutela pendu, sa fille empoisonnée, et la Grande prêtresse abattue à coups de revolver. Les journaux en ont à peine parlé car nous étions peu, à l'époque, à savoir qui ils étaient.
 
Par ailleurs, et des adeptes repentis l'ont confirmé, la Wicca internationale pratiquait effectivement une série de rites sexuels confinant à la pathologie. Mais sur des adultes consentants et et sans mise à mort. Je tiens davantage les satanistes pour des escrocs, des amateurs de partouzes lugubres et de doux illuminés que pour des tueurs. Je me méfierais, par exemple, bien davantage des clubs sado-maso que des clubs à tendance " sataniste ".

En pratique, lorsqu'on parle de satanisme, nos parquets ont à connaître de faits de manipulation mentale, d'extorsion sous diverses menaces " démoniaques ", ces menaces s'adressant principalement à des gens trop crédules. Telle est la réalité du " satanisme ".

Le Républicain Lorrain : Au cours de votre enquête sur les sectes, avez-vous découvert au Grand-Duché de Luxembourg des mouvements de type "sataniste" ou "luciférien" ?

Alain Lallemand : Quand j'ai fait cette enquête, c'est au Luxembourg que tout a commencé ! C'est par le biais de Luxembourgeois que j'ai obtenu mes premières coordonnées " satanistes " et que j'ai pu approcher les responsables de ces mouvements...
 
J'ai eu une première adresse au Luxembourg qui n'est cependant plus d'actualité, cette personne ayant quitté le milieu démoniste. Quant aux responsables de la Wicca occidentale, ils ont toujours soutenu avoir des adeptes à Luxembourg-ville et Esch-sur-Alzette. Ce que je n'ai jamais pu vérifier.

Le Républicain Lorrain : Ces mouvements sont-ils organisés en réseaux ou doivent-ils être considérés comme isolés ?

Alain Lallemand : Les satanistes sont des individualistes "en diable", si je puis m'exprimer ainsi. Il serait déplacé de penser qu'ils fonctionnent selon un réseau serré de relations horizontales ou, variante, selon une stricte pyramide hiérarchique. Rien de tout cela, pour des hommes qui visent avant toute chose le plaisir immédiat. Mais c'est bien parmi ces associations qu'on isolera le mieux les germes de mouvements suspects. Donc, soyons cohérents : il est important comme le fait notre Sûreté de l'État, et sans doute votre Sûreté publique, de garder un oeil sur ces groupes. Sans dramatiser, mais sans édulcorer non plus.
 
Le problème belge se pose en fait en termes simples : " l'Anubis " mentionné dans le courrier de Bernard Weinstein est-il un sataniste-type-susceptible dès lors d'être démasqué par ses propres condisciples, qui ne sont sans doute pas aussi extrémistes qu'Anubis l'a été (s'il a jamais existé sous les traits que décrivent les gendarmes) - ou s'agit-t-il d'un simple malade psychopathe gavé de fictions à relents satanistes, auquel cas il est alors totalement improbable de pouvoir l'identifier via les structures sectaires classiques.
Propos recueillis
par Frédéric Antzorn.


 
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