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Témoins de Jéhovah | Faut-il avoir peur des Témoins de Jéhovah ? | Reader's Digest | 06/96 |
[Résumé]
Chez les apôtres de l'Apocalypse, par Frédéric Marcou.
Le journaliste Frédéric Marcou a plongé trois mois dans leur univers. Lors de sa première visite, il est reçu dans les locaux de la place Stalingrad, à Paris, pour assister à une cérémonie. Autour de lui, beaucoup d'Antillais, d'Africains, des gens de conditions modeste, tous vêtus de costumes stricts et de robes longues.
Avant de partir, il est invité, moyennant un don, à prendre quelques exemplaires de deux publications périodiques : Le ministère du Royaume et La Tour de garde. Depuis 1990, la secte ne les vend plus pour éviter tout problème avec le fisc. Mais elle se rattrape largement sur les dons, d'autant plus que ces revues sont imprimées en plusieurs langues et à plusieurs millions d'exemplaires, par plus de 300 bénévoles logés, nourris, blanchis, et rémunérés à 600 francs par mois sans affiliation à la Sécurité Sociale.
[note: il semblerait que cette situation soit régularisée depuis début 1998]
D'abord convié à assister à deux réunions de deux heures par semaine, Frédéric Marcou se verra très rapidement désigné un "frère" au nom de Mario, ayant pour mission de lui dispenser une heure d'"étude biblique" par semaine. Mario lui annonce d'emblée que la fin du "système des choses" (en d'autres termes la fin du monde) est pour bientôt. Il lui remet un livre intitulé La Connaissance qui mène à la vie éternelle, qui explique que seuls seront sauvés ceux qui auront appliqué scrupuleusement les préceptes du mouvement.
L'adepte est d'autant plus disposé à répondre aux appels réguliers au don et au volontariat que les responsables lui répètent que la fin du monde est pour demain. Ce qu'il ne sait pas, c'est que l'échéance est toujours retardée... Et pour avoir droit au salut, il devra subir toute une série d'épreuves qui le met à l'écart de la société : ne pas écouter n'importe quelle musique, ne pas regarder n'importe quel film, ne pas voter, ne pas fêter Noël (considéré comme une fête païenne). Mais aussi interdiction de fumer, de vivre en concubinage, ou d'effectuer une transfusion sanguine...
Interdiction également de se soumettre aux obligations du service national : ainsi, 600 à 700 jéhovistes faisaient, chaque année, 15 mois de prison. Mais depuis 1995, ils ont droit à un service civil de 20 mois dans diverses associations ou administrations, où ils trouvent tout loisir de faire du prosélytisme.
Une bonne partie des réunions hebdomadaires est consacrée à la "proclamation" par le porte-à-porte : cours de diction, entrée en matière, développement des idées, cours de gestuelle, jeux de rôle... Mais le porte-à-porte devient de plus en plus difficile en milieu urbain à cause de l'utilisation croissante des digicodes. D'autres stratégies sont donc élaborées, avec pour terrain de prosélytisme les lieux publics.
Jeanine, la femme de Mario, travaille à mi-temps comme standardiste. Elle a abandonné ses études pour consacrer le reste de la journée à la "proclamation". Toutes les heures de prédication sont comptabilisées et récapitulées en fin de mois par le président-surveillant de sa congrégation. Des pressions sont exercées sur l'adepte si le nombre d'heures est jugé trop faible.
Au cours d'une réunion, Frédéric Marcou apprend l'exclusion de l'un des membres de la "congrégation", qui venait d'être déchu par un tribunal interne. Dorénavant, il était interdit à tous, y compris les membres de sa famille, de lui adresser la parole, sous peine d'être frappé du même sort. Le journaliste apprendra plus tard qu'il avait été exclu car il assistait moins régulièrement aux réunions.
De 1979 à 1991, la secte a édifié à travers le monde 53 complexes immobiliers appelés Béthels. Celui de Louvier s'étend sur au moins 5 hectares non loin de l'imprimerie, et représente un investissement de 30 millions de francs. Autre projet : un nouveau Béthel de 9 hectares à Remomeix, dans les Vosges...
Ils témoignent, propos recueillis par Catherine Galitzine.
En revanche, il réussit parfaitement à endoctriner leurs filles, même la cadette. Et lorsqu'il s'oppose à la première communion de sa fille aînée et jette sa croix en or, Rosa dépose plainte devant le juge pour enfants. Mais comme Francisco fait fi de la demande du juge de ne pas emmener ses filles chez les Témoins de Jéhovah avant qu'elles ne soient majeures, Rosa demande en mai 1989 la séparation de corps et obtient la garde des enfants.
En mai 1991, Francisco reprend la vie commune sous réserve qu'il ne parle jamais des Témoins de Jéhovah devant elle ou devant les enfants.
Mais un an plus tard, Francisco commence à souffrir de problèmes respiratoires graves dus à une fibrose au poumon, dont il ne peut en sortir que par une greffe. En septembre 1994, malgré son état critique, il refuse de passer les examens préalables à cette greffe, car l'opération s'accompagne nécessairement d'une transfusion sanguine. Francisco est persuadé qu'il serait damné s'il en acceptait le principe, et signe une attestation de refus de transfusion. A l'hôpital, deux jéhovistes lui tiennent compagnie toute la journée.
Francisco décède le 4 octobre 1994. Plus d'une centaine de Témoins de Jéhovah sont venus assister aux funérailles. La présentation des condoléances par l'un d'eux met son épouse hors d'elle : "Votre mari est mort avec la conscience tranquille. Il a fait plaisir à Jéhovah"...
A l'ADFI, Monique rencontre un ex-jéhoviste : "pour eux, tout ce qui n'appartient pas à la secte est considéré comme satanique. Ils pousseront donc votre fils à rompre avec vous". Seule solution : lui laisser la porte ouverte.
En juillet 1991, Laurent se voit contraint de quitter son emploi, sous la pression des Témoins qui lui reprochent de ne pas s'impliquer suffisamment dans ses activités de "proclamateur". Sans ressources, il revient à la maison, et après quelques semaines, il semble avoir pris ses distances vis-à-vis de la secte.
En octobre 1991, il retrouve un travail et loue une chambre, située, hélas ! non loin d'une Salle du Royaume. Il replonge visiblement mais se montre plus proche de sa famille, en dépit des pressions exercées par la secte pour rompre.
Le 10 janvier 1992, Laurent annonce à son frère qu'il vient d'être exclu de la secte, puis il met fin à ses jours...