Compte-rendu de visite à
une conférence raélienne
Arrivé devant l'hôtel situé au 25, rue Théodore de Banville, on a vite fait de reconnaître le comité d'accueil affublé d'un badge ou d'un « discret » pendentif, chargé de guider vers la salle de conférence les clients d'un soir. Une fois payé la somme modique de 40 francs (ce qui transforme implacablement le participant en client) qui ira sans aucun doute alimenter la caisse permettant de construire l'ambassade d'accueil pour les extraterrestres, je rejoins la cinquantaine de personnes assise bien sagement en attendant l'orateur... L'occasion m'est donnée pendant ce laps de temps d'observer le public réuni ce soir-là : beaucoup de jeunes (certains étaient accompagnés de leurs parents) certainement « accrochés » grâce au tract « racoleur » distribué à la sortie du film « Contact » aux Halles entre autres, des sympathisants du mouvement reconnaissables par la suite à leurs questions « nombreuses » et « indulgentes », quelques sceptiques venus par pure curiosité et quelques personnes qui savaient à quoi s'attendre en substance mais qui désiraient approfondir leur connaissance de cette secte en assistant à une conférence.
La conférence débute par une vidéo d'un journal télévisé de 20 heures où Jean Pierre Pernod relate l'observation d'un OVNI par un couple, des scientifiques se relaient pour expliquer que 95% des cas d'OVNI sont explicables scientifiquement, reste 5%...
Guillaume Demba (responsable médias du mouvement raélien français), venu spécialement de la région bordelaise pour l'occasion et qui était la veille en conférence à Metz succède à ce reportage pour positionner le problème. Ce garçon de couleur coiffé à la rasta, que l'on croirait tout droit sorti de night-club avec son tee-shirt moulant blanc orné d'un pendentif raélien ou la spirale a avantageusement remplacé la croix gammée au sein de l'étoile de David et son pantalon noir où brille une ceinture métallique étincelante, fait preuve d'un débit et d'une aisance oratoire hors du commun. Il nous explique que les traditions spirituelles millénaires de l'humanité font souvent référence à ce qui doit être considéré comme l'intervention des ET sur terre. Il conseille à l'auditoire de se procurer le livre de Raël « le livre qui dit LA vérité » pour qu'il approfondisse ses dires. A plusieurs reprises d'ailleurs, l'orateur aura l'occasion de proposer ce livre aux clients de la conférence qui constitue selon ses dires la "substantifique moelle" du mouvement raélien. Une vidéo étaye ses propos où l'on voit par exemple une peuplade indienne pratiquer un rite religieux où le personnage central est engoncé dans un costume que les raéliens ont vite fait d'apparenter à la combinaison d'un astronaute (pourquoi pas à un scaphandrier ?), preuve pour eux que la divinité vénéré par cette peuplade primitive était un être venu du ciel (un « pote en ciel », comme le conclura l'orateur).
Vient ensuite l'exposé de Benoît Aymonier, responsable du Mouvement Raélien sur la région parisienne. Cet homme de 32 ans, ingénieur de son état, nous fait part des dernières découvertes scientifiques qui corroborent, à son avis, les thèses développées dans le livre de Claude Vorilhon. Ce journaliste sportif, aurait dès 1973, à la suite de l'enlèvement dont il fit l'objet, aurait été mis au courant de bouleversements scientifiques et technologiques qui ne se produisent qu'à l'heure actuelle (clonage, vitesse supérieure à celle de la lumière, etc...). Autant d'arguments qui ne peuvent que persuader le client d'adhérer au mouvement raélien ou tout du moins aux thèses développées ce soir...
Une entracte de 10 minutes est ensuite proposée dans le but avoué d'aller visiter le stand attenant de vente des ouvrages de Claude Vorilhon et accessoirement de prendre l'air car il fait très chaud dans la salle de conférence.
C'est donc par la fameuse séquence « Débat » que cette conférence se poursuit. Guillaume Demba, nous fait un propos introductif qui va durer plus de 30 minutes où il va déclarer à l'auditoire le fait que le Mouvement Raélien est une organisation philosophique qui se prépare à accueillir les ET qui devraient de toute façon se présenter avant 2035. A cet effet, la recherche d'un terrain d'accueil où serait installée une ambassade est en route. D'après les dires de Benoît Aymonier, 40 millions de francs seraient déjà récoltés à cette fin, ce qui constituerait environ 1/3 du budget total de la construction, acquisition du terrain comprise. On peut s'étonner du luxe qui sera mis en place pour accueillir les ET venus certainement plus pour nous délivrer le message « ultime » que pour profiter des fastes d'une ambassade coûtant l'équivalent de 120 millions de francs.
Guillaume Demba, comme il est dit précédemment est un prédicateur hors du commun, l'aisance dont il fait preuve doit certainement être le fruit d'une formation spécifique à la communication. Son propos d'introduction à un débat « où tout le monde aura la parole » s'éternise et l'on voit s'égrener lentement les 30 minutes de monologue, alors qu'il avait annoncé un exposé de 10 minutes (peut-être simplement parce qu'il avait décelé précédemment une opposition dans la salle. Cet « opposant » avait osé lui couper la parole). Avait-il peur de perdre le fil d'une leçon si bien apprise et récitée avec conviction à travers toute la France ?
Enfin, le moment de cet échange si attendu arrive. L'orateur insiste sur le fait que les questions doivent être claires tout en évitant les propos introductifs qui pourraient troubler le niveau de conscience des clients. Il apparaît clairement que certaines interventions sont étonnamment naïves et indulgentes et que quelques questions vont implicitement dans le sens du mouvement raélien. Puis viennent des questions un peu plus incisives (mais à mon sens légitimes) à propos de la géniocratie et de l'eugénisme prônés par le mouvement Raélien. L'orateur apparemment gêné, s'en veut certainement d'avoir autorisé une telle question qu'il qualifie de provocation (il évoque même la possibilité de faire intervenir la sécurité de l'hôtel pour chasser l'infâme perturbateur si ce dernier continue ainsi à le provoquer). A la suite de ce fâcheux incident qui vaudra à l'opposant une attention très particulière des raéliens officiellement identifiés qui se tenaient auparavant dans une pièce annexe, le voisin du provocateur tente à maintes reprises d'obtenir la parole pour relancer le débat. Mais l'orateur tente de rétablir l'équilibre de l'ambiance de la conférence, l'harmonie qui régnait tant que celui-ci détenait à lui seul la parole. Il donne donc la parole à des clients raéliennement plus corrects, plus indulgents et plus naïfs. Quand arrive la fin de cette phase de questions-réponses, la conférence étant close à la va-vite, le voisin du provocateur n'a toujours pas obtenu le privilège de s'exprimer malgré le fait qu'il ait conservé sa main levée pendant de longues minutes et que l'orateur s'était engagé à laisser tout le monde s'exprimer. Il doit hausser le ton pour demander pourquoi la commission parlementaire attachée à étudier le phénomène sectaire en France, avait classé le mouvement raélien dans la catégorie des sectes et il donne lecture d'un passage du livre de Claude Vorilhon qui dit en substance, malgré l'apologie faite précédemment de l'amour des différences, que "les êtres difformes et anormaux ne sont pas dignes de paraître devant les créateurs". La première question est évitée dans un brouhaha explicable par le déplacement des personnes qui vont ensuite se ruer sur le buffet, quant à la seconde, l'orateur déclare que c'est une ignominie, que cette phrase est dans la Bible. Le mouvement raélien, attaché au principe selon lequel ce sont les ET qui ont inspiré la Bible, considérerait donc ceci comme une ignominie ?
La foule se disperse donc pour boire un pot (non alcoolisé bien sûr) et continuer à poser des questions auprès des raéliens porteurs du célèbre pendentif.
Quant à notre petit groupe « malfaisant », il est pris à parti par des responsables du mouvement français qui nous demandent qui nous sommes et essaient d'éclairer notre lanterne à propos des notions de géniocratie et d'eugénisme. C'est à travers un complète re-définition de ces tristes termes, que les raéliens pensent nous convaincre de leur bonne foi et de leur amour des différences. Pour exemple, à propos de l'eugénisme, il nous est déclaré : "En termes étymologiques, cela vient du grec 'eu' (bien) et 'gennân' (engendrer). Donc ce n'est pas un terme péjoratif ! [sic]".
A la question posé à Guillaume Demba à propos du classement dans la catégorie secte du mouvement raélien, il est répondu par une autre question à savoir quelle est la proportion de la population mondiale représentée par la France. Au jeu des questions-questions-réponses, Guillaume Demba déclare que le 1% de la population mondiale ne détient pas obligatoirement la vérité (alors que les 0,0007% de raéliens de par le monde la détiendrait ?).
Belle preuve d'amour des différences et immense respect de la liberté d'expression de la part d'un mouvement dont l'orateur officiel d'un soir ne daigne pas accorder la parole à des personnes dont les avis divergent du sien ! Je ne pense pas que ce muselage fut exclusivement pratiqué par intolérance de principe, mais aussi par peur de casser « l'harmonie » qui régnait dans cette salle, par peur de la perte du client si chèrement attiré et si habilement informé.
C'est une vielle recette marketing :
L'avenir nous dira si ce mouvement peut-être simplement considéré par certains comme fantaisiste ou si il constitue un danger pour les consciences.
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