Par une politique de nominations épiscopales qui ne tient guère compte des souhaits exprimés par les Eglises locales, Jean Paul II mène son entreprise de restauration, utilisant tous les moyens à sa disposition : doctrinal, disciplinaire et surtout autoritaire, avec l'aide d'un certain nombre de mouvements " musclés " traditionalistes, souvent sectaires et politiquement à droite, tout à sa dévotion. Ils font partie du " renouveau charismatique " ou ont pour noms : Comunione e Liberazione, organisation italienne née dans les années 70 ; les Focolari, mouvement lancé en 1943 à Trente ; le Néocatéchuménat, fondé à Madrid en 1964 ; les Légionnaires du Christ, groupe ultra-secret constitué au Mexique dans les années 40, et surtout l'Opus Dei (l'" OEuvre de Dieu "). Ce dernier mouvement fut créé en 1928 par le Père Escriva de Balaguer.
L'Opus Dei, qui jouit de l'appui inconditionnel de l'évêque de Rome, s'infiltre dans tous les échelons de la hiérarchie catholique. Est-il l'arme secrète du pape dans la reconquista catholique ou Jean Paul II est-il le prisonnier inconscient de cette " mafia blanche " dans sa propre conquête du pouvoir ? Le président Jacques Chirac a-t-il nommé des membres de l'Opus Dei au gouvernement de M. Alain Juppé ? La question peut paraître saugrenue, sachant le peu d'attrait du fondateur du RPR pour la " chose cléricale ", mais la composition du gouvernement devait satisfaire les nombreuses composantes de la droite française qui avaient soutenu la candidature du maire de Paris, dont le puissant lobby catholique conservateur. Si on a souligné la proportion relativement élevée de femmes dans ce cabinet _ douze ministres ou secrétaires d'État sur quarante-deux membres _ , on a moins relevé la coloration bien-pensante de ces ministres. Mme Colette Codaccioni, ministre de la solidarité entre les générations, mère de cinq enfants et ancienne sage-femme, se définit comme " chrétienne et pour l'éducation à la vie " ; Mme Elisabeth Dufourcq, secrétaire d'État à la recherche, est l'auteur d'une thèse sur les congrégations religieuses féminines, dont elle a tiré un livre intitulé Les Aventurières de Dieu ; Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État aux transports, est la fille de l'un des pères fondateurs du Mouvement républicain populaire (MRP), parti catholique, et militante elle-même de leur héritier : le Centre des démocrates sociaux (CDS) ; et Mme Françoise de Veyrinas (CDS), secrétaire d'État aux quartiers en difficulté, est issue d'une famille toulousaine catholique militante. On peut s'interroger sur l'entrée au gouvernement et dans les cabinets de deux personnes " proches " sinon membres de l'Opus Dei : M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances, et son épouse, Mme Clara Lejeune-Gaymard, directeur de cabinet de Mme Colette Codaccioni, fille du professeur Jérôme Lejeune (décédé en 1994), fondateur du mouvement antiavortement Laissez-les vivre, nommé par Jean Paul II au Conseil pontifical pour la famille et membre de l'Opus Dei. Un autre gendre du professeur Lejeune, le philosophe Jean-Marie Meyer, ne cache pas son appartenance à l'OEuvre. Il est également membre du Conseil pontifical de la famille. Selon la revue catholique Golias (1) , " la fille et le gendre du professeur Lejeune sont à l'Opus Dei ", et l'affirmation est reprise par la revue Maintenant : " Jacques Chirac a placé l'opusien Hervé Gaymard [député de la Savoie] dans son équipe de campagne présidentielle. " Qu'il soit impossible de vérifier n'est guère surprenant : le mouvement cultive le secret depuis ses origines. Dans les constitutions (secrètes) rédigées en 1950, l'article 191 précise : " Que les membres numéraires et surnuméraires sachent bien qu'ils devront toujours observer un silence prudent quant aux noms des autres associés ; et qu'ils ne devront jamais révéler à quiconque qu'ils appartiennent eux-mêmes à l'Opus Dei. "
Lorsque les constitutions furent connues (2) , devant les critiques répétées, de nouveaux statuts furent rédigés en 1982 où on peut lire (article 89) : " [Les fidèles de la Prélature] ne participeront pas collectivement aux manifestations publiques de culte comme les processions, sans pour autant cacher qu'ils appartiennent à la Prélature. "
Malgré cette apparente concession à la transparence, l'Opus continue de pratiquer le secret, d'utiliser prête-noms et sociétés écrans, sous prétexte d'" humilité collective " et d'" efficacité apostolique " ! " Parce qu'il se refuse à toute transparence, l'Opus Dei excite la curiosité et l'hostilité, suscitant même quelquefois des fantasmes de complot. (3) "
Nombreux sont ceux qui sont donnés comme membres ou sympathisants. M. Raymond Barre a témoigné au procès de béatification d'Escriva de Balaguer, attestant les " signes de sainteté " du fondateur de l'oeuvre. Dans l'entourage de M. Philippe de Villiers, on désigne Mme Christine Boutin, secrétaire national du CDS et député des Yvelines, le prince Michel Poniatowski, ancien ministre de l'intérieur, et Mme Françoise Seillier, coordinatrice des très réactionnaires associations familiales européennes. Dans le monde des affaires, on cite les noms de ceux qui ont donné des conférences au Centre Garnelles de l'Opus, à Paris : M. Claude Bébéar, le patron du groupe des assurances AXA, M. Michel Albert, patron des assurances AGF, M. Didier Pineau-Valencienne, PDG du groupe Schneider et M. Louis Schweitzer, patron de Renault. Plusieurs familles royales d'Europe auraient montré de la sympathie pour l'Opus : Otto de Habsbourg en fit la propagande, alors que l'archiduc Lorenz d'Autriche en serait membre. Le roi Juan Carlos de Bourbon fut élevé par des prêtres de l'oeuvre tandis que le secrétaire de sa femme Sofia appartenait au mouvement. Le président du Comité international olympique, M. Juan Antonio Samaranch-Torello, ancien ministre de Franco, en fait également partie.
La discrétion, qui sert d'une part à faire du prosélytisme auprès des jeunes à l'insu de leurs familles et d'autre part à tisser une toile invisible dans tous les secteurs de la société, s'explique d'abord par le contexte où est né l'Opus Dei, dans l'Espagne franquiste. Fondée à Madrid en 1928 par un jeune prêtre, Josemaria Escriva de Balaguer, cette " OEuvre de Dieu " ressemble quant à son but _ sanctifier le travail de tous les jours _ aux mouvements d'Action catholique qui voient le jour en France et en Belgique à la même époque. Née dans les années précédant la guerre civile espagnole, l'Opus Dei reste fortement marquée par ce contexte, ce qui explique son attachement inconditionnel à l'appareil ecclésiastique préconciliaire, sa haine obsessionnelle du communisme et son goût immodéré pour la clandestinité. Bien qu'Escriva de Balaguer ait prétendu avoir " découvert " le principe de la sanctification de la vie quotidienne, l'idée est aussi vieille que l'Évangile. Beaucoup de saints l'ont enseigné, comme la carmélite Thérèse de Lisieux. Très vite, l'inspiration première de l'Opus a été pervertie par la personnalité de son fondateur : petit-bourgeois, ambitieux, coléreux et vaniteux (4) . Le secret de son succès ? Une fougue et un charisme personnel qui subjuguaient ses proches. La première perversion fut la " cléricalisation " de l'OEuvre. Elle se prétend toujours " laïque " mais ce sont les prêtres qui détiennent le vrai pouvoir et occupent tous les postes de commandement. Et les non-clercs, qui représentent 98 % des membres, sont présentés comme " des gens ordinaires, qui vivent dans le monde " mais ressemblent plus à des religieux, par leurs " voeux " (rebaptisés " liens contractuels ") de pauvreté, chasteté et obéissance, qu'à des laïcs (5).
Beaucoup plus préoccupés de droit canon que de théologie, Escriva et ses disciples ont constamment manoeuvré pour faire reconnaître à l'Opus le statut juridique qui lui convient le mieux. D'abord défini comme " pieuse union " réunissant des laïcs, l'Opus Dei est devenu, en 1947, le premier " institut séculier " de l'Eglise (6), avant d'arracher à Jean Paul II _ bien plus favorable à l'OEuvre que ses prédécesseurs Jean XXIII et Paul VI _ le titre convoité de " prélature personnelle " (7) . Ce statut enviable, taillé sur mesure pour l'Opus, lui accorde les attributs d'un véritable diocèse sans la limitation territoriale.
L'actuel prélat de l'Opus, Mgr Javier Echevarria Rodriguez, évêque titulaire de Cilibia, relève directement du pape, soustrait à l'autorité des évêques diocésains, malgré la fiction qui veut que les membres laïcs de l'Opus dépendent toujours juridiquement de leur évêque.
La deuxième perversion fut politique. Le jeune Escriva de Balaguer vécut la guerre civile en Espagne comme une lutte entre catholiques et communistes, en qui il voyait l'incarnation du mal. Sa vision du monde en fut déformée et, tout comme Pie XII, il minimisa l'horreur du nazisme, et même la gravité de l'holocauste, y voyant un rempart " providentiel " contre le communisme. Vladimir Felzmann, ancien membre de l'Opus, rapporte une conversation avec Escriva qui en dit long. Après avoir maintenu que le christianisme avait été sauvé du communisme par la prise de pouvoir du général Franco avec l'appui du chancelier Hitler, il ajouta : " Hitler contre les juifs, Hitler contre les slaves, c'était Hitler contre le communisme. " Cette indulgence pour le fascisme mène à l'engagement de l'Opus dans le franquisme. En fait, les sentiments de Franco envers Escriva, qu'il avait connu jeune curé, étaient ambigus. Dans sa biographie romancée de Franco (8) , Manuel Vasquez Montalban fait dire au Caudillo : " Ayant fréquenté pendant près de vingt ans des membres de cette institution, j'ai pu constater la diversité de leurs choix concrets ; mais, à l'évidence, ils étaient tous marqués du sceau d'une secte élue pour sauver le monde depuis le haut de l'échelle. " Pour sortir de la crise économique apparue en 1956, Franco s'entoure progressivement de ministres appartenant à l'Opus. Lorsqu'il songe à rétablir la monarchie, en la personne de Don Juan de Bourbon, pour lui succéder, l'Opus Dei mise sur son fils, Juan Carlos, qui est entre les mains d'un précepteur de l'OEuvre, Anael Lopez Amo. En 1969, Franco proclame Juan Carlos héritier de la Couronne. Quelques mois plus tard, le triomphe de l'Opus est complet : sur 19 ministres du neuvième gouvernement du général Franco, 12 sont membres de l'Opus Dei. Le tournant politique de l'OEuvre est engagé.
La troisième perversion fut théologique. D'abord, l'accent exclusif mis sur " la sanctification par le travail " (9) favorise le culte de la réussite matérielle et le règne du capitalisme libéral. Ensuite, l'Opus est tombé dans le piège de l'intégrisme. Le théologien Urs von Balthasar (un des maîtres à penser de Jean Paul II qui ne saurait être soupçonné de progressisme) a décrit l'Opus Dei comme " la plus forte concentration intégriste dans l'Église (10) ". " L'intégrisme, écrit-il, s'efforce pour commencer d'assurer le pouvoir politique et social de l'Église, en recourant à tous les moyens visibles et cachés, publics et secrets. " Outre un manque de transparence, l'intégrisme se caractérise par la prétention de détenir la vérité. Or l'Opus est décrit dans la revue interne du mouvement, Cronica, comme " le reste saint, immaculé, de la véritable Église ", fondé pour " sauver l'Eglise et la papauté ".
Quatre ans après la fin du Concile, le Père Escriva déplorait un temps d'erreur dans l'Église : " Le mal vient du dedans et d'en haut. Il y a une réelle pourriture, et actuellement il semble que le Corps mystique du Christ soit un cadavre en décomposition, qui pue. " Mgr Escriva de Balaguer aurait sans doute mieux fait de s'occuper de ses brebis galeuses. Une série de scandales financiers (11) touchant des membres de l'Opus a révélé au grand public les activités de " la sainte mafia " ou " la franc-maçonnerie blanche ", comme l'appelleraient désormais ses détracteurs. Car derrière la fiction d'une association purement spirituelle, " famille pauvre, riche seulement de ses enfants ", gravite une nébuleuse de sociétés, de banques et de fondations, dirigées anonymement par des membres de l'Opus.
Dans les années 70, alors qu'Escriva vitupérait l'Église en décomposition, ses amis mettaient en place le réseau financier qui allait permettre à l'OEuvre de jongler avec des millions de dollars. La plus importante de ces institutions est la fondation Limmat, créée à Zurich en 1972, liée à des banques ou fondations en Espagne (la Fundacion General Mediterranea), en Allemagne (la Fondation Rhin-Danube ou encore l'Institut Lidenthal) et en Amérique latine (la Fundacion General Latinoamericana au Venezuela).
Aujourd'hui, l'Opus est tout-puissant à Rome. Son ascension a été couronnée par la béatification de Mgr Escriva de Balaguer par Jean Paul II _ un ami de longue date de l'OEuvre _ en 1992, dix-sept ans seulement après sa mort, à l'issue d'un procès expéditif, où seuls les témoignages positifs ont été retenus. Déjà évêque de Cracovie, Mgr Karol Wojtyla venait à Rome à l'invitation de l'Opus, qui l'hébergeait au 73, viale Bruno-Bozzi, dans une belle résidence de la banlieue cossue de Rome. L'Opus a continué à se montrer généreux envers le pape polonais, par exemple en participant au financement de Solidarnosc. Le cardinal Wojtyla était le candidat de l'Opus à la papauté. C'est le cardinal König, archevêque de Vienne et proche de l'OEuvre, qui a joué un rôle déterminant dans son élection.
Outre le changement de statut et la béatification d'Escriva _ deux décisions qui ont soulevé une vague de critiques à travers le monde _, le pape s'est entouré de membres de l'Opus. Parmi ses proches collaborateurs, on peut citer ses quatre chapelains, Joachim Pacheco, Klaus Becker, Fernando Ocariz et Felipe Rodriguez, son porte-parole laïque, numéraire de l'Opus, M. Joaquin Navarro Valls, et le cardinal Martinez Somalo, ancien substitut proche de l'Opus. M. Alberto Michelini, député national de l'ex-Démocratie chrétienne et membre de l'Opus, est conseiller du Vatican pour les questions de télévision et M. Gianmario Rovero, lui aussi membre, est conseiller financier.
Les congrégations romaines ont également de nombreux membres " opusiens ", et celle chargée de la cause des saints, qui a statué sur la béatification d'Escriva, en a trois, dont Rafaello Cortesini, chef de bureau. Le cardinal Palazzini, ami de l'OEuvre, en était le préfet lorsque la cause d'Escriva fut introduite en 1981, et Mgr Javier Echevarria Rodriguez, l'actuel prélat de l'Opus et successeur d'Escriva, était consultant !
Mieux, le pape a nommé de nombreux membres de l'Opus évêques en Amérique latine (sept au Pérou, quatre au Chili, deux en Equateur, un en Colombie, un au Venezuela, un en Argentine et un au Brésil). Le Pérou a été choisi comme tête de pont de l'offensive de l'Opus en Amérique latine à cause du rayonnement du théologien péruvien Gustavo Guttierez, " père " de la théologie de la libération, honnie par Escriva et ses disciples. Le président Alberto Fujimori, proche de l'Opus, est un ami de Mgr Luis Cipriani, archevêque d'Ayacucho, qui dirige l'Opus au Pérou. En Europe, le cas le plus contesté fut l'imposition de l'opusien Klaus Küng à Feldkirch, en Autriche. Mais la récente nomination de Mgr Fernando Saenz Lacalle comme archevêque de San Salvador a choqué encore davantage, puisque c'est l'ancien siège du martyr Mgr Oscar Romero, assassiné par l'extrême droite, alors que le nouvel évêque _ un Espagnol de surcroît ! _ appartient non seulement à l'Opus, mais était l'évêque des armées...
A part l'Italie, l'Espagne et l'Amérique latine (y compris le Mexique) sont les régions où l'Opus Dei rencontre le plus grand succès. En Espagne, si l'OEuvre a dû rester dans l'ombre sur le plan politique depuis l'arrivée au pouvoir des socialistes, elle attend son heure. Avec le retour prochain plus que probable de la droite du Parti popular de José Maria Aznar, un ami de l'Opus, celui-ci aura quatre ou cinq ministres, dont les députés Juan Trillo, Loyola de Palacio et Isabel Tocino. En outre, l'armée est commandée par plusieurs numéraires.
Bien que l'Opus ait trouvé plus de résistance dans les pays non latins, surtout anglo-saxons, il s'implante progressivement aux États-Unis où l'on compte plus de 3.000 membres répartis dans soixante-quatre centres, la plupart situés près des campus universitaires. Plusieurs aumôniers universitaires se sont plaints des " méthodes clandestines " utilisées par le mouvement, ainsi que de son " comportement sectaire " (12) .
En Grande-Bretagne, l'Opus maintient un profil bas depuis les révélations, en 1981, de M. John Roche, ancien directeur du mouvement, aujourd'hui professeur à Oxford qui publia dans The Times un sévère réquisitoire contre l'Opus, documents secrets à l'appui. Qualifiant l'OEuvre d'" Église dans l'Église ", et " psychologiquement dangereuse pour ses propres membres ", il cite des articles de Cronica proclamant que " l'Église catholique s'est écartée de son chemin originel, et que le devoir de l'Opus Dei est de s'étendre dans le monde par tous les moyens. Il n'existe pas d'autre voie de salut ".
En France, le succès de l'Opus est plus mitigé. Malgré les sympathies de plusieurs hommes politiques, l'OEuvre n'a jamais réussi à trouver un parti à sa dévotion, même s'il existe de nombreux centres et associations qui lui sont liés (13) .
Mais la nouvelle stratégie de l'OEuvre est d'infiltrer les organisations internationales, comme les Nations unies, l'Unesco ou l'OCDE. Le Parlement européen à Strasbourg et la Commission à Bruxelles sont ses lieux de prédilection, et le nouveau président de la Commission, M. Jacques Santer, un ami. Des parlementaires européens, comme M. Ignacio Salafranca du Parti populaire espagnol, sont membres de l'Opus, tout comme le Portugais Fernando Perreau de Pininck, membre du cabinet du très libéral Britannique Leon Brittan. A Bruxelles, l'Opus agit clandestinement, comme à son habitude. Exemple : le bulletin hebdomadaire Europe Today, en espagnol, français et anglais, envoyé depuis Bruxelles dans le tiers-monde, et notamment en Amérique latine, où il est distribué gratuitement. Se présentant comme " une agence de presse internationale, spécialisée dans la santé, les problèmes de société et l'éducation ", il défend les positions les plus réactionnaires de la droite catholique. Le numéro 124, du 2 août 1994, par exemple, titre à la une : " Les méthodes naturelles du contrôle des naissances sont efficaces à 99 % " tandis que les méthodes " artificielles " ne sont sûres qu'à 50 %. Le label Opus Dei n'apparaît nulle part sur cette publication, qui reçoit une subvention de la Commission de Bruxelles. Or le rédacteur en chef appartient à l'Opus tout comme d'autres journalistes accrédités à la Commission.
Autres points stratégiques en Belgique que l'Opus a tenté d'investir : l'Institut Robert-Schuman et l'Université catholique de Louvain. Le premier est une école de journalisme fondée par l'homme d'affaires néerlandais Piet Derksen, proche de l'extrême droite catholique, pour fournir des " journalistes catholiques sûrs " à l'Europe de l'Est et au tiers-monde. Parmi les professeurs on retrouve l'opusien Andres Garrigo, directeur de Europe Today... A Louvain, en revanche, la bataille menée par l'Opus fut perdue grâce à la ténacité du vice-recteur, le Père Gabriel Ringlet. Il a refusé de renouveler le bail de deux résidences pour étudiants ouvertes sur le campus par l'Opus, en interdisant à celui-ci de distribuer sa littérature aux étudiants aussi longtemps qu'il triche sur son identité. Cette décision a été prise à l'unanimité par le conseil d'administration de l'université. " L'Opus ne vise que l'élite de la société, explique le Père Ringlet, ce qui est inacceptable pour notre université. Je ne peux pas voir ma foi là-dedans. La quête de la perfection a quelque chose de très orgueilleux et de malsain. Je ne peux accepter une religion qui lave plus blanc que blanc... la couleur des sépulcres ! Car, au bout du chemin, on trouve toujours l'exclusion, le racisme. En ces temps de montée de l'extrême droite, on ne se prémunit peut-être pas assez contre les dictatures spirituelles. "
C'est bien d'une dictature qu'il s'agit, qui risque de prendre la papauté en otage. Cette " arme du Pape " est à double tranchant et pourrait se retourner contre lui.
(1) Golias, no 30, été 1992, " Le
monde secret de l'Opus De i ". BP 4034, 69615 Villeurbanne Cedex. Lire aussi
le livre de Gordon Urquhart, The Pope's Armada, Bantam Press, New York, 1995,
qui décrit l'essor des mouvements sectaires à l'intérieur de l'Eglise catholique.
(2) Après des fuites venues des ex-membres
de l'Opus, les éditions espagnoles Tiempo S. A. publièrent les constitutions
de 1950 dans leur intégralité (en latin et en espagnol), en juillet 1986.
(3) Alain Vircondelet, Jean Paul II,
Julliard, Paris, 1994.
(4) La médiocrité de la pensée d'Escriva
de Balaguer ressort de son recueil de maximes, El Camino (le Chemin), où la
bêtise le dispute au manichéisme. Sa vanité ? A la fin des années 60, il acheta
un titre de noblesse : marquis de Peralta.
(5) L'Opus Dei comprend quatre catégories
de membres : les numéraires (clercs ou laïcs célibataires, qui s'engagent à
la pauvreté, la chasteté, l'obéissance et la vie commune), les agrégés (mêmes
engagements, sauf la vie commune), les surnuméraires (laïcs qui vivent " dans
le monde " mais contribuent financièrement), les coopérateurs (sympathisants,
chrétiens ou non). Selon l'Annuaire pontifical de 1994, l'Opus Dei compte quelque
80 000 membres (1 500 en France) appartenant à 90 nationalités.
(6) Créé en 1947 par Pie XII, l'institut
séculier est " une association de clercs ou de laïcs dont les membres, en vue
d'atteindre la perfection chrétienne et d'exercer pleinement l'apostolat, pratiquent
dans le siècle les conseils évangéliques ".
(7) La prélature " nullius " (d'aucun
lieu), ou personnelle, est l'équivalent d'un diocèse extraterritorial.
(8) Manuel Vazquez Montalban, Moi,
Franco, Le Seuil, Paris, 1994.
(9) La phrase citée constamment par
Escriva : " Dieu a créé l'homme pour travailler " est une interprétation erronée
du verset de la Genèse, qui dit en réalité : " Dieu prit l'homme et le plaça
dans le jardin d'Éden pour le cultiver " (et non pour " travailler ").
(10) Hans Urs von Balthasar, l'article
" Integralismus " in Wort und Wahrheit, 1963.
(11) En 1969, dans l'affaire Matesa,
plusieurs centaines de millions de francs ont été détournés vers une société
luxembourgeoise, la Sodetex, présidée par le prince Jean de Broglie, trésorier
des Républicains indépendants de M. Valéry Giscard d'Estaing et proche de l'Opus.
Il fut assassiné peu après, dans des circonstances jamais élucidées. En 1982,
un des hommes les plus riches d'Espagne, José Maria Ruiz Mateos, à la tête du
consortium multinational Rumasa, est inculpé de fraude fiscale et d'infraction
à la réglementation des changes. L'enquête révèle qu'il finançait les activités
de l'Opus Dei. Il avoue leur avoir versé 300 millions de pesetas. Le plus grand
actionnaire minoritaire de la Banco Ambrosiano, qui connut une banqueroute retentissante
en 1982 et dont le directeur Roberto Calvi fut trouvé pendu sous un pont de
la Tamise, à Londres était la banque du Vatican, l'Institut pour les oeuvres
de religion (IOR), dirigée par l'archevêque Paul Marcinkus, garde du corps du
pape. Déclarée " coresponsable " du krach par le contrôle italien des banques,
l'IOR accepta de rembourser les créanciers de l'Ambrosiano à hauteur de 260
millions de dollars qui auraient été versés par les banquiers de l'Opus, avant
d'obtenir de Jean Paul II la prélature personnelle, en novembre de la même année.
(12) Mme Dianne DiNicola, dont la
fille Tammy est une " rescapée " de l'Opus, a créé une association Opus Dei
Awareness Network (ODAN, réseau pour connaître l'Opus Dei), afin de conseiller
les parents désemparés.
(13) Une trentaine, à Paris, Lyon,
Marseille, Aix-en-Provence, Toulouse, Grenoble et Strasbourg, une école technique
hôtelière, ainsi qu'un centre international de rencontres au Château de Couvrelles,
une maison d'édition (Editions du Laurier) et un dédale de sociétés anonymes
qui servent d'écrans aux activités de l'OEuvre (Saidec, Socofina, Acut, Sofico,
Trifep...)
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