De la vitrine de la rue Daguerre aux arcanes du " niveau 2 "...

 

C'est en 1974 que Fernand Schwartz et sa femme Laura Winkler, tous deux nés à Buenos Aires, fondèrent la branche française de " Nouvelle Acropole ". Celle-ci avait été créée auparavant (1957) en Argentine par J.A. Livraga, né lui aussi à Buenos Aires en 1930 et sa femme Ada Albrecht.

 A Pais, la Nouvelle Acropole est installée dans un magasin assez vaste de la rue Daguerre, une rue très commerçante du 14ème arrondissement de Paris, en partie piétonnière. En vitrine, on voit exposés divers ouvrages de spiritualité fortement teintée d'ésotérisme et divers bibelots plus ou moins exotiques mais, selon la formule si bien venue du rapport Vivien, il faut distinguer entre " la boutique et l'arrière-boutique ".

 Quant au nom de Nouvelle Acropole (la cité haute), " il incarne en Occident l'archétype universel de la montagne sacrée qui exprime le désir humain d'ascension vers ses propres sommets ainsi que la nécessité de relier les contraires pour devenir créateur ".

 Il est des gens qui se laissent séduire par un discours qui cache sa vacuité derrière sa prétention. Les activités proposées au public par Orphée-Espace (autre dénomination de la Nouvelle Acropole) comportent des conférences " culturelles " (Les mille et un visages de la Russie, le Mexique d'hier et d'aujourd'hui, Peut-on communiquer avec l'invisible ? Les enseignements spirituels de l'Inde traditionnelle, etc...) ainsi que des cours et stages regroupés sous le nom des Ateliers de l'homme global. Trois cycles sont actuellement proposés portant sur les doctrines ésotériques, Connaissance et Sagesse, Pour mieux vivre le quotidien. Le tarif de chaque stage de 12 semaines est de 850 F (450 F pour les étudiants et les chômeurs).

 Au bas de chaque prospectus détaillant le programme des stages, il est signalé la possibilité d'un entretien individuel et d'" ouverture vers le niveau 2 ". On n'en sait pas plus mais on peut se demander s'il ne s'agirait pas plutôt d'un possible accès à l'" arrière-boutique " à la condition que l'entretien permette de, vérifier si vous êtes digne ou non d'y pénétrer.

 C'est qu'en effet la Nouvelle Acropole est une organisation à double face. sous des apparences libérales démocratiques se profile un mouvement aux sympathies totalitaires. Les publications internes de la Nouvelle Acropole (Le manuel du dirigeant, composé de la Hache d'Or et du Labyrinthe de Lapis-Lazuli, les Lettres à Delia et Fernand) sont explicites sur la priorité accordée à l'obéissance et à la discipline. Les emblèmes et les pratiques de la Nouvelle Acropole. (salut à la romaine... ou à la fasciste ? - la hache à double tranchant baptisée crétoise pour ne pas l'appeler francisque...) confirment ce penchant plus que droitier.

 Quant à l'organisation interne, elle est conforme à l'idéologie du mouvement : commandement mondial assuré par le fondateur Jorge Angel Livraga, placé à la tête d'une pyramide divisée en sept niveaux et assisté d'un " corps de sécurité ", de " brigades féminines ", de " brigades de travail " et d'un corps de professeurs et instructeurs.

 La Nouvelle Acropole se vante d'être implantée dans 50 pays où elle disposerait de 150 centres. En France, elle se dit présente dans 20 villes et revendique 10.000 adhérents et un public touché de 30.000 personnes par an.

 Pour y poursuivre dans la tranquillité ses activités, la Nouvelle Acropole a loué durant plusieurs années le château de Chéry, dans la campagne auvergnate. On n'a jamais très bien su ce qui s'y passait. Quand un journaliste - en l'occurrence Bruno Fouchereau, de Politis - voulut y voir de plus près, il fut tout simplement malmené, c'est le moins qu'on puisse dire, et jeté dehors. Au début de l'an dernier, la Nouvelle Acropole a acquis pour 2 millions de francs " La Cour Pétral ", une ancienne abbaye située sur la commune de Boissy-lès-Perche, en Eure-et-Loir. On y développera sans doute des activités du " niveau 2 "...

 Que la Nouvelle Acropole attire des curieux auxquels elle dispense des cours faussement scientifiques et d'un niveau plutôt bas, faut-il s'en émouvoir ? Que la structure interne de l'association décèle un goût marqué pour une philosophie politique fascisante, cela suffit-il à la condamner ? En fait, prétentions culturelles et nostalgies des dictatures seraient négligeables - encore que méprisables - s'il ne fallait s'inquiéter des effets redoutables de l'emprise exercée sur des hommes et des femmes séduits par l'ésotérisme, voire même par une organisation plus autoritaire de la société, et qu'on retrouve en fin de parcours déstructurés, dépersonnalisés, manipulés.

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