Des fidèles décrivent les rites et le fonctionnement
du groupe.
Dans l'église mormone de la rue de Romainville à Paris, sur Aurélie se confie : «L'an dernier, j'ai reçu le baptême de mes parents, de mes grands-parents et d'une dizaine d'ancêtres». Elle ne cesse de louer Dieu, qu'elle a rencontré grâce à deux missionnaires, à un arrêt de bus. Depuis qu'elle s'est rendue à Francfort, dans l'un des cent temples monumentaux que l'Eglise a construit dans le monde, cette jeune Ivoirienne a le sentiment du devoir accompli. Sur des fonts baptismaux composés d'un autel soutenu par douze bufs dorés, ses ascendants ont été baptisés. Par procuration. C'est ainsi qu'à Adzope, en Côte-d'Ivoire, des disparus, catholiques de leur vivant, sont devenus mormons. Comme deviennent chaque jour mormons des ancêtres vosgiens ou bretons.
Rites étranges.
Des ancêtres, Christian Euvrard, porte-parole des mormons, en a baptisé «plusieurs centaines» avec sa famille. «Cela fait partie du plan de salut. Nous croyons qu'il y a nécessité que chaque individu passe par l'ordonnance du baptême.» La cérémonie est toujours individuelle: «On m'a plongé dans l'eau en leurs nom et place.» Parfois, le baptême est célébré sans les parents vivants. C'est l'un des objectifs des «extractions» de noms réalisées sur les fichiers d'état civil par les mormons. «Il est possible, lorsqu'un prieuré l'a décidé, que ces noms soient envoyés au temple, et que les baptêmes soient effectués», admet Euvrard.
Les mormons n'ont pas de temple en France. Le voyage à l'étranger s'impose pour ceux qui veulent baptiser leurs ancêtres. Ces cérémonies ont de quoi intriguer. Les «saints» comme se nomment les membres de cette Eglise, sont peu diserts sur les pratiques qui ponctuent l'expression de leur foi. Dans les temples, des édifices souvent somptueux, - l'un d'eux, aux Etats-Unis, est entièrement de marbre blanc -, sont accomplies les ordonnances particulières: outre le baptême des morts, on y procède aux cérémonies d'accession au missionnariat, à la prêtrise et à la prêtrise supérieure.
Appelé à 20 ans à prêcher deux années aux Etats-Unis, André, un ex-missionnaire mormon aujourd'hui établi du côté de Nantes, raconte qu'il n'a pu accéder au temple de Berne en Suisse qu'après «une longue préparation physique et mentale». Puis il se souvient des cérémonies au cours desquelles il a dû revêtir «le sous-vêtement sacré que tout mormon doit porter jour et nuit, symbole du vêtement qu'Adam et Eve ont revêtu après avoir été chassés du jardin d'Eden». «A vrai dire, ces sous-vêtements ne sont pas très élégants, relate Eric, un ancien adepte. Ils sont blancs de haut en bas. C'est une sorte de ceinture de chasteté moderne, censée nous protéger contre la tentation charnelle.» Autre fidèle à en être sortie, Gisèle reconnaît qu'elle n'a pas très bien saisi ce qu'on lui demandait de faire lors de sa «dotation», qui permet aux femmes d'accéder à la dignité puis à l'exaltation. «A un moment, je me suis retrouvée nue. Ils faisaient des trucs avec de l'huile, on devait faire plein de signes. Surtout, ils nous ont passé un film terrifiant, où on voyait le diable et Dieu.» «Le dieu du temple est très vengeur et pas très sympathique, témoigne Vincent. Alors, après, vous vous méfiez. D'autant qu'on vous recommande de ne pas parler de ce qui se passe. Sous peine de malédiction.»
Polygamie.
Gisèle, issue d'un quartier populaire du nord de la France, est entrée chez les mormons en 1991, malade et fragile. Comme on appelle à l'aide. «Au début, ils sont très prévenants, on se sent très entouré. Et, petit à petit, ils vous isolent du reste du monde. Moi, j'ai perdu tous mes amis. Et j'avais les mormons toute la journée sur le dos. Ils savaient tout de moi. Je n'avais plus de vie privée. Ils connaissaient la somme d'argent sur mon compte en banque. Ils avaient même téléphoné aux allocations familiales pour s'assurer que je leur déclarais bien les revenus que je percevais.» Les femmes n'ont pas une position très confortable chez les mormons. A l'origine en effet, les mormons étaient polygames. Désormais, seuls quelques fondamentalistes, en Utah, comme David Ortell Kingston, condamné en 1998, bravent l'interdit en abritant chez eux des «nièces». Kingston en avait quinze, dont la fille de son frère, 16 ans.
Aujourd'hui encore, la mormone n'existe que par son mari. «Pour atteindre l'exaltation, il faut être mariée», psalmodie Aurélie. Dans une religion qui repose entièrement sur une cellule familiale une et indivisible, une célibataire, ou même une épouse jugée indigne, ne peut accéder au paradis céleste et son âme ne peut être sauvée. La contraception est par ailleurs interdite.
Les mormons ont aussi du mal à justifier le ségrégationnisme qui a longtemps perduré chez eux. Converti il y a dix mois, après deux ans passés dans l'armée à Nancy, Jack dit recevoir des «témoignages» qui, peu à peu, forgent une foi fervente. Mais ce Guadeloupéen reconnaît qu'un «truc» ne lui a «pas plu du tout» quand il est arrivé: jusqu'à une date récente, les Noirs n'avaient pas accès à la prêtrise des mormons. «Heureusement, ce n'est plus le cas», se félicite Jack. Il n'empêche. Même si, en 1977, Spencer W. Kimball, le prophète vivant qui dirigeait l'Eglise, a levé l'interdit, bien des mormons restent convaincus que la couleur noire est signe d'une malédiction divine.
Culpabilité.
Les «saints» ont une confiance un peu limitée dans leur prochain. C'est d'ailleurs ce climat de suspicion permanente qui a le plus gêné Vincent, excommunié en 1979 pour immoralité. «On n'est pas véritablement fliqué. Mais les mormons ont une manière subtile de vous surveiller. Chacun garde un il sur l'autre. C'est un contrôle général et quotidien. L'Eglise entretient une culpabilité très forte chez ses membres. La notion de péché est très cultivée, et elle finit par dicter tous les actes et les décisions de la vie.»
Les mormons entendent vivre dans leur époque. Aux Etats-Unis, l'Eglise compte dans ses rangs d'importants businessmen - le patron du groupe hôtelier Marriott International ou le PDG du géant informatique Novell - et des sénateurs influents, tel Orrin Hatch, de l'Utah. Elle y gère aussi quatre universités. Telle une multinationale, elle exige de tous ses jeunes qu'ils partent au moins 18 mois en «service» dans la société, souvent à l'étranger comme missionnaires. Ils apprennent dans ce but plusieurs langues et sont parfois actifs politiquement.
Carcan.
Les principes sectaires imprègnent pourtant la vie quotidienne de l'Eglise.
Respect scrupuleux de prérogatives divines, dévotion affichée
et prosélyte, allégeance à un prophète vivant, discriminations
dans l'accession aux responsabilités, paiement obligatoire directement
à l'Eglise d'une «dîme» équivalent à
10 % - voire plus - des revenus: les mormons ne dissimulent aucun de ces faits.
«Ils ne font pas de mal aux gens, ils n'ont pas de gourou, explique Vincent.
Mais ils obligent le converti à entrer dans un carcan. Ils ont une façon
insidieuse de capter les personnes et de les mener sur le chemin tracé.
Pour moi, cette Eglise est sectaire, car elle prive ses fidèles de leur
réflexion personnelle. Elle les embrigade et les culpabilise.».
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