Note complémentaire à cet article |
John Daniel Kinston, qui est à la tête d'une entreprise de plus de 1.500 personnes (toutes de sa famille) qui génère une chiffre d'affaire de 150 millions de dollars, fait aussi partie de ces quelques 40.000 personnes - 2% de la population de l'Utah -, qui refusent de se soumettre aux lois Edmunds, qui interdisent la polygamie depuis 1822. Pour ces mormons-là, le salut passe par la quantité des enfants qu'on a réussi à arracher aux limbes en les faisant naître. Leurs chances de gagner le paradis se mesurent donc au nombre de leurs épouses. Et comme ils ont les yeux braqués en permanence sur leur taux de fécondité comme sur les signes de leur rédemption, le nombre de ces extrémistes mormons augmente sans cesse.
La fille de John Daniel Kingston devait devenir la quinzième épouse de David O'Kingston, frère de John Daniel, au cours d'une cérémonie se déroulant sous la protection de gardes armés, comme d'habitude pour ces mariages illégaux. Mais, à 16 ans, "M.N." refuse et incarne désormais la rébellion contre " le principe ". Cette fille se réfugia le 22 mai chez Susan Nelson, femme et demi-soeur de John Daniel Kingston. Ce dernier vint alors chercher sa fille et la couvrit de coups avant de l'emmener au ranch Washakie, lieu de sévice où sont corrigés les enfants de la famille. Elle s'y évanouira sous les coups de ceinture.
John Daniel Kingston, défendu par son cousin avocat qui a lui-même marié une de ses filles à un neveu, ne s'estime pas fautif. Irwin Altan, professeur de psychologie de l'université de l'Utah qui a étudié vingt-quatre familles de fondamentalistes mormons explique : " Le cliché qui voudrait que ces hommes soient des cyniques qui ne désirent que prendre du bon temps ne correspond pas à la réalité. Les hommes de ces familles sont des nomades. Toujours à courir d'un foyer à l'autre. Ne sachant pas où sont leurs vêtements, et qui pour avoir un peu de tranquillité se réfugient dans leur voiture. "
La famille Kingston n'aurait pas été inquiétée si la publicité faite à cette affaire n'avait pas dépassé les limites de l'Etat, à quelques années de l'organisation des J.O. d'hiver par Salt Lake City. Le gouverneur républicain Michael O'Leavitt, avait même demandé publiquement en août si " la polygamie ne pourrait être défendue au nom de la liberté de culte ". Et le procureur général de l'Utah, Jan Graham, a d'ailleurs découragé les procureurs locaux qui cherchaient à sanctionner la polygamie consentante entre adultes : " Avons-nous envie de voir des milices anti-polygamie regarder pas nos fenêtres pour savoir qui couche avec qui ? ". " Si on ne poursuit pas l'adultère et la sodomie, vous explique-t-on au bureau du procureur, pourquoi faire une exception pour la polygamie ? ".
Le président de l'Eglise des Mormons avait en 1896 condamné la polygamie pour intégrer l'Utah à l'Union, et les polygames étaient des lors pourchassés. Mais en 1953, un raid anti-polygamie d'une grande violence sur deux colonies, Colorado City (Arizona) et Hilldate (Utah), fit basculer l'opinion locale en faveur des polygames. L'affaire Kingston est la première occasion depuis lors d'examiner ces pratiques, et en particulier la question de savoir si " le systeme des familles polygames conduit inévitablement à l'inceste ".
Lara Chapman, évelée dans une de ces familles, témoigne : " Mon père avait quatre femmes. Je suis la dix-neuvième enfant d'une famille de trente et un. L'isolement que nous avons connu et l'oppobre jeté sur des pratiques normales comme l'attirance pour autrui, la drague, les rendez-vous, ou le fait de tomber amoureux conduisent irrémédiablement à l'inceste. Mon ex-mari avait cinq frères, qui ont tous épousé leurs nièces ou leurs cousines. Dans ces familles, les garçons draguent leurs soeurs. Quand je suis allée me plaindre auprès de mon père parce que mon frère touchait ma poitrine, il m'a répondu : "Nous devons le laisser devenir ce qu'il doit devenir". Et rien n'a était fait."
Ces femmes qui refusent la polygamie ont créé un groupe de soutien, la Tapisserie de la Polygamie, qui dispose d'un site sur Internet - les femmes pour la polygamie ont également un site, L'Association pour la Liberté religieuse des Femmes. La porte-parole de ce groupe, Mary Potter, avait épousé à 12 ans son beau-père de 65 ans pour le quitter quand elle tomba amoureuse de son beau-frère : " J'ai connu les violences. Mais j'ai aussi connu l'amour. "
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