J’ai 24 ans et je suis en fin d’études ; désirant participer à une mission humanitaire, je m’adresse à la Délégation Catholique pour la Coopération (DCC), coordinatrice du Service Volontaire Européen (SVE) ; il m’est proposé de partir pour un an pour une action encadrée en Slovénie par International Relief Friendship Foundation (IRFF).

Lundi 18/07/05

Accueillie par Olga, jeune slovène responsable de IRFF-Slovénie, je rejoins avec elle un groupe d’une vingtaine de jeunes européens engagés dans un projet de travaux d’intérêt général dans différents villages alentour.

Je suis invitée à signer un engagement de ne pas fumer, ne pas boire, ne pas avoir de relations sexuelles.

Lundi 25/07

Je suis chargée de gérer « Club Smile » l’équivalent d’un centre aéré pour les enfants de Sentjur. Je dois organiser des activités ludiques, sportives et artistiques.

Les jeunes volontaires locaux participent aux activités et à leur préparation. Avec Olga, nous travaillons très cordialement et agréablement, l’ambiance entre les jeunes est bonne, le rythme de travail plutôt détendu et au final assez peu rentable. Jusqu’au 12 août, je n’ai aucun soupçon quant à la sincérité de ma responsable et la transparence d’IRFF.

Du 12 au 21/08

Durant cette période est organisé The family project par une équipe dont je fais partie avec Olga, Mark mon colocataire allemand et des jeunes slovènes. Ce projet regroupe 9 familles venues de toute l’Europe : au total nous sommes une cinquantaine au service de villages proches. Ce projet a été créé en 2001 par Ottavio, le dirigeant IRFF-Europe ; il est présent chaque année avec sa femme et ses cinq enfants. Ce séjour se présente bien.

Néanmoins certains éléments attirent mon attention : les couples sont de nationalités différentes, les personnes mariées portent la même chevalière avec le même sceau ; au cours de deux week-ends festifs organisés où étaient conviées les personnalités de la ville, des discours sur les thèmes de la famille, la paix et l’amour se répètent ; Ottavio est appelé « Père » du family project et il m’apparaît être un homme de pouvoir parlant de ses nombreuses missions dans le monde, je ne me sens pas à l’aise avec lui. Olga, Ottavio et moi, nous occupons de former trois équipes pour répartir les activités. Olga souhaite que je dirige une équipe, mais Ottavio est réticent car je suis nouvelle. Finalement, il accepte et introduit sa famille dans mon équipe. J’ai l’impression qu’il cherche à m’observer. Cependant, la semaine se déroule dans une ambiance cordiale et les villageois pour lesquels nous travaillons sont très sympathiques, les volontaires très gentils et pleins de bonne volonté.

Samedi 20/08

C’est alors que mes soupçons se transforment en révélations : je discute avec l’épouse brésilienne d’Ottavio pour savoir comment elle a connu son mari. Elle me dit qu’il a été choisi en Corée par son Père Spirituel comme le veut sa religion, l’Unification Church. Elle me conseille de discuter de sa religion avec son mari et à plusieurs reprises revient me voir pour m’inciter à le rencontrer. Je me sens obligée de converser avec lui mais je crains d’être embrigadée par son discours et je ne lui parle que de ses projets pour 2006, le développement de IRFF en France à Corbeil et Villejuif.

Malgré tout, le terme d’Unification Church me reste à l’esprit et c’est en interrogeant une jeune volontaire de 16 ans que je découvre ce qui se cache derrière ce mot : la jeune fille est d’Andorre et a grandi dans la communauté ; elle se pose beaucoup de questions et paraît perdue et désemparée ; elle paraît vouloir me parler mais les enfants d’Ottavio comprennent le français et elle semble ne pas souhaiter qu’ils entendent notre conversation ; je crois qu’elle se rend compte qu’elle devrait en sortir, mais ce serait aux dépens de sa famille ; elle a des doutes car elle éprouve des sentiments pour un garçon que sa religion lui interdit d’embrasser. Elle me révèle que Moon est le fondateur et le Père d’IRFF, et que son objectif est de faire du monde une grande famille avec pour unique religion la sienne.

Je suis profondément choquée de l’atteinte à la liberté individuelle et aux droits de l’homme. Après une nuit agitée, je demande à Olga si elle aussi est « unificationiste ». Elle me répond que oui. Ma décision est claire : ce soir je serai en France.

Je préviens mes parents qui me conseillent de ne pas donner la raison de mon départ rapide : pour l’expliquer, j’ai prétendu que mon père était malade. Je me sentais dés lors subitement en danger, entourée d’inconnus qui restaient pourtant gentils avec moi.

Dimanche 21/08

Je préviens Mark. Avec lui nous réalisons que les accompagnateurs du « projet jeune » mi-juillet étaient également membres de la secte. L’avion envolé, je me suis sentie libre.

Olga a cherché à me joindre à plusieurs reprises pour savoir quand je reviendrai et lorsqu’elle a compris, elle m’a traitée de menteuse…, en me culpabilisant. Elle se plaindra de mon départ à la DCC qui ignorait l’appartenance mooniste de l’IRFF et m’a soutenue, « l’église de l’unification étant classée dangereuse par notre gouvernement et notre église, aucune coopération n’est possible ».

Aujourd’hui, j’ai à cœur qu’une suite soit donnée à cette affaire et d’autant plus que l’intérêt de jeunes désoeuvrés pour lesquels le SVE a été créé, est en jeu.

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