Sommaire

INTRODUCTION
PRINCIPES METHODOLOGIQUES
LA GRILLE D'ANALYSE UTILISE

I - Recherche d'éléments susceptibles de constituer une incitation directe ou indirecte à des comportements mortifères.
II - Recherche d'éléments susceptibles d'empêcher la prise en compte d'un risque mortifère
III - Recherche d'éléments visant à conférer au texte une autorité indiscutable confortant le pouvoir de dirigeants
IV - Relativisation de la valeur de foute analyse d'un texte en dehors de ses conditions d'utilisation .

CONCLUSION

INTRODUCTION

1l s'agit ici de proposer des repères pour déterminer si les textes de référence utilisés par un groupe d'emprise comportent en eux mêmes des éléments mortifères, c'est à dire susceptibles de faciliter ou de provoquer
des actes suicidaires ou meurtriers. La grille proposée n'a qu'une valeur indicative et ne prétend qu'à fournir des pistes pour déceler des indices au delà de la prescription directe de comportements auto ou hétéro destructeurs .

PRINCIPES METHODOLOGIQUES

La notion de provocation, d'incitation, ou de facilitation de suites meurtrières a été retenue, pour l'analyse, dans un sens large, couvrant aussi bien l'incitation éventuelle au suicide, qu'à d'autres formes de violence : mise à mort d'autrui par vengeance, punition , sacrifice, altruisme, fanatisme, utilitarisme, volonté paradoxale de sauver, en résumé, toutes les justifications qu'il est possible de (se) donner pour infliger ou s'infliger la mort.
1) La place d'un texte dans la préparation ou la facilitation éventuelle d'un acte auto ou hétéro meurtrier ne peut se limiter à la seule prescription de l'acte, mais elle doit prendre en compte d'autres éléments tels qu' une pédagogie de non prise en compte des risques, la relativisation de la valeur de la vie humaine au regard d'autres valeurs, la revendication d'une autorité absolue de l'écrit légitimant une autorité sans limites des dirigeants d'un groupe.
2) Une grille d'analyse ne prenant en compte que les différents éléments présents dans le texte, n'a qu'une valeur relative si l'on néglige les conditions d'utilisation de ce texte dans l'histoire concrète.
3) L'analyse soit donc s'assortir d'un rappel des modalités habituelles d'utilisation des textes de référence dans les groupes d'emprise.
4) . Lorsqu'il s'agit de textes de nature ésotérique d'un abord extrêmement difficile pour des profanes, l'abord rationnel trouve vite ses limites et peut ne pas rendre compte des significations codées qui y auraient été dissimulées.

LA GRILLE D ANALYSE UTILISEE

I - Recherche d'éléments susceptibles de constituer une incitation directe ou indirecte à des comportements mortifères.

A coté de la prescription proprement dite , on recherchera les autres modes d'incitation : suggestion, démonstration de la nécessité, exaltation de la valeur, justification logique d'une mort donnée, reçue, acceptée, à imposer, à rechercher, inévitable ou nécessaire en fonction d'affirmations développées dans le texte. On recherchera les thèmes suivants

a) - valeur et nécessité du sacrifice suprême
b) - obligation et inéluctabilité d'expiation ou de châtiment
c) - mort comme purification nécessaire
d) - mort comme condition d'accès à un état de nature supérieure
e) - nécessité d'une élimination des traîtres, des renégats
f) - promoti on-sancti fi cation des sacrifiés élus
g) - message exemplaire à délivrer avec le poids d'une mort consentie
h) - exigence d'une obéissance inconditionnelle et sans limites, loyauté et confiance obligées.
i) - prescription d'un engagement personnel de cet ordre
j) - Dépréciation exacerbée de la poursuite de la vie dans ce monde
k) - existence d'un immense plan d'ensemble, où la mort a sa place
l) - impératif de libération des contraintes de ce monde
m) - mission sacrée justifiant de faire bon marché de la vie
n) - réponse obligée à des ordres venus d'En Haut
o) - seule façon d'échapper à un destin abominable promis à la terre. p)-revanche posthume sur des ennemis en évitant de leur accorder victoire.

On voit tout de suite que la plupart de ces thèmes ont été développés dans les groupes historiquement connus comme sacrificiels et meurtriers. Par ailleurs, à coté d'une incitation directe, on doit rechercher si
le texte induit une facilitation à l'acceptation d'une issue mortifère par des voies indirectes. C'est l'objet du second chapitre de la grille d'analyse.

II - Recherche d'éléments susceptibles d'empêcher la prise en compte d'un risque mortifère

Précédemment il était question de l'utilité voire de la nécessité de la mort infligée, mais une autre approche consiste à la rendre acceptable, indifférente ou souhaitable.
Ce dont il est question ici, c'est d'une facilitation de comportements suicidaires ou meurtriers par une levée des inhibitions et résistances développées normalement contre la mort infligée à soi même ou à autrui . En effet , l'acceptation de tels comportements et leur mise en oeuvre suppose une modification de l'image de la mort, et/ou de l'image de la victime et/ou de l'image de l'auteur . La psychologie sociale nous apprend que la probabilité de survenue et de gravité d'un risque s'accroît d'autant plus que celui ci est méconnu, minimisé, nié, ou encore qu'il est connu mais occulté par d'autres considérations et impératifs. Dans tous ces cas l'individu et la collectivité ne peuvent plus opposer de résistance au projet de mort. Dans un corpus de textes supposé mortifère , il conviendra donc de rechercher :

a2) - le déni de la réalité de la mort : la mort physique n'est pas la mort
b2) - la toute puissance élitiste des élus qui triomphent de la mort
c2) - la mort comme sauvetage, alternative aux catastrophes prévisibles
d2) - la confiance totale requise : en suivant les maîtres, rien ne peut arriver
e2) - la mort apparente comme condition de la poursuite du parcours
f2) - la véritable vie située ailleurs, ici bas est le monde des apparences
g2) - la réassurance par le mimétisme groupal : aucun risque si tous le font
h2) - le flou entretenu sur un " passage "hypothétique garanti indolore
i2) - la déshumanisation du traître : il s'est déjà retranché de la communauté des vivants, il peut mourir.
j2) - la relativisation de toutes les valeurs au regard de Grands Enjeux Révélés.

Mais , il ne suffit pas de rechercher dans un texte ce qui montre que la mort infligée est utile et nécessaire, qu'elle est négligeable, acceptable ou souhaitable, il faut aussi prendre en considération ce qui donne au texte force de Loi, ce qui le rend indiscutable et fonde l'autorité absolue de ses auteurs connus ou présumés. Tout ce qui permettra d'invoquer le texte pour justifier l'autorité des dirigeants et la prescription de comportements qui ne sauraient être discutés. C'est l'objet du troisième chapitre de la grille d'analyse.

III - Recherche d'éléments visant à conférer au texte une autorité indiscutable confortant le pouvoir de dirigeants

Il s'agit de rechercher là ce qui peut donner au texte une valeur absolue, que l'on peut invoquer pour justifier des prescriptions de tous ordres. L'Histoire fourmille d'exemples d'invocations de l'argument d'Autorité du texte (religieux ou politique) pour justifier des comportements meurtriers,
dont l'obligation ne figurait pas littéralement dans le texte. I1 reste à apprécier si le texte a été conçu comme un instrument de pouvoir, ou s'il à été secondairement récupéré et instrumentalisé. Mais la question ici posée est celle de son efficience pratique dans la mise en dépendance d'un groupe. On recherchera ainsi :

a3) - La revendication d'une origine sacrée, révélation prophétique intouchable, ou parole d'un maître référent indiscutable.
b3) - La reconnaissance du texte comme référence doctrinale absolue par les dirigeants et les membres du groupe.
c3) - Le caractère ésotérique, polysémique du texte permettant, voire nécessitant une exégèse, une approche herméneutique, ouvrant la voie à des interprétations multiples.
d3) - La largeur du champ couvert par les thèses développés, tant au plan des disciplines de référence (philosophie, histoire, politique, morale, sciences dures, métaphysique) qu'au plan du cadre retenu (local, national, mondial, universel, cosmique) Une théorie rendant compte à la fois de l'histoire du monde et du moindre aspect du comportement individuel avec des déclinaisons multidisciplinaires, est susceptible d'avoir une prégnance forte sur les individus.
e3) - La référence revendiquée à des valeurs immémoriales reconnues, à des faits historiques établis, et à des connaissances scientifiques incontestées, même s'ils sont sorties de leur contexte et abusivement sollicités, donne une forte efficience à un texte.
f3) - Le fait qu'un texte développe son propre vocabulaire, et sa logique propre le rend inaccessible à toute critique rationnelle et donc indiscutable. On ne peut que l'accepter ou le rejeter en bloc, mais pas l'argumenter.

IV - Relativisation de la valeur de foute analyse d'un texte en dehors de ses conditions d'utilisation .

Il n'est pas possible d'apprécier pleinement le caractère mortifère d'un texte si l'on néglige l'usage qui en a été fait tout au long de l'histoire d'un groupe, sa place dans un mécanisme d'embrigadement développé sur plusieurs années, sa participation à la construction d'une allégeance inconditionnelle , rendant possibles suicides et/ou meurtres.

Les questions qui se posent à cet égard sont les suivantes :

a4) - Le texte considéré est il une référence constante dans le groupe, une source d'autorité pour les dirigeants, une doctrine incontournable invoquée pour inspirer toutes les prescriptions de comportements ?
b4) - Sa connaissance et son étude sont elles une condition d'appartenance et de promotion ?
c4) - Le contenu doctrinal est il essentiel dans la condition de l'identité groupale, à coté d'autres facteurs tels que le charisme des dirigeants, les échanges fraternels, les pratiques cultuelles, la recherche spirituelle ?
d4) - Le texte est il utilisé dans un sens moral et quasi juridique pour vérifier la conformité et la loyauté des membres du groupe ?
e4) - Le texte est il mis en situation de monopole exclusif de la Vérité, et les autres textes directement prescriptifs ou justificatifs de violence ont ils un lien direct avec lui ?
f4) - L'enseignement et la diffusion du texte considéré a t il concerné de nombreuses autres personnes qui n'auraient pas souffert de comportements auto ou hétéro destructeurs ?

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CONCLUSION

La présente grille n'a pas d'autre ambition que de permettre, dans l'analyse des textes de référence proposés par un groupe d'embrigadement, de dépasser la simple recherche de la prescription d'actes mortifères. Pour autant, la présence de tels indices dans un texte ne saurait préjuger de son efficience mortifère dans le concret. D'une part, il faut tenir compte de la distance entre le langage symbolique et toute transposition dans les actes. D'autre part, un très grand nombre de textes sacrés traditionnels comportent des appels au meurtre ou au moins des justifications de violence extrêmes. Pour autant, ils ne sont pas pris à la lettre par l'immense majorité des fidèles. Il s'agit donc d'une dangerosité potentielle qui peut ou non être exploitée dans une intention criminelle.
Michel Monroy

Bibliographie sur les sectes

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