Sectes

Médecine(s) et déviances

(source : BULLES, 4ème trimestre 1998)


Le Docteur L. a débuté sa carrière dans ce chef-lieu de département comme Médecin Généraliste à orientation homéopathique. En cela, rien d'original : l'annuaire téléphonique en recense une dizaine dans cette agglomération.

Le Docteur L., sans doute désireux de trouver une niche plus lucrative, a cherché à marquer sa différence. Ses interventions auprès des patients ne se limitent pas à la prescription de granules. On ne sait pas grand chose de ces pratiques si ce n'est qu'elles se basent sur " une conception d'harmonie vibratoire de l'être avec le Cosmos " ou quelque chose d'approchant. Ce plus qu'il prétend apporter justifie un niveau d'honoraires plus élevé. Il développe ses théories dans le cadre de conférences très prisées des membres d'Associations se réclamant de la mouvance New Age. Des livres sont également les supports de la propagation de sa pensée.

QUESTIONS : Est-il un mégalomane dangereux ? Un banal médecin âpre au gain ?
 
Sans doute un peu des deux. Son intérêt pour le Cosmos ne l'a pas détaché des biens de ce monde. Pour l'instant, il semblerait que L. cherche à se fabriquer une image de " chercheur de référence " plutôt que celle d'un " homme d'influence ". Mais jusqu'à quand ?


Monsieur T. est kinésithérapeute attaché à une clinique. Transgressant ses pratiques manuelles, il s'intéresse aussi au bien-être intérieur de ses patients. Il les prend en charge " pour une vie plus claire, plus vraie, mieux axée sur (leurs) besoins profonds... (leur) être essentiel etc. " Voici un extrait d'une lettre adressée à l'un de ses clients :
" J'ai décidé (sic) d'employer le système du "channelling" ce qui me permettra d'être en relation avec votre conscience supérieure, sans interférence du mental ".
T. a été en délicatesse avec la Sécurité Sociale, et le Conseil de l'Ordre des Médecins fronce les sourcils, mais, jusqu'à ce jour, l'exercice de la profession de Psychothérapeute n'est pas réglementé.

QUESTIONS : L'emprise de T. sur certaines personnes peut-elle être dangereuse ? Le témoignage d'une famille le laisse penser. Ne risque-t-il pas de diverger en passant du statut de guérisseur à celui de gourou entouré d'affidés ?

Certains signes permettent de le présager. Il se sent traqué et n'entre en contact avec de nouveaux patients qu'après avoir vérifié leurs adresses et contrôlé la sincérité de leur démarche ; expression typique de la paranoïa des gourous.


Le Docteur N. est Médecin Hospitalier spécialisé en Pneumologie dans une grosse bourgade. A ses consultations, il reçoit nombre de personnes qui, manifestement, ne présentent pas de symptômes de pathologie respiratoire. L'une des patientes assidues est, selon son entourage, attirée depuis longtemps par l'univers de l'ésotérisme et du paranormal. Depuis ses rencontres avec le Dr. N., sa famille constate son éloignement du monde réel. Elle a quitté récemment son foyer.

Parallèlement, la famille du Dr. N. s'inquiète de l'évolution de ce dernier - ou plutôt de son involution. Lui aussi rompt avec le réel, se referme, est ailleurs, mais s'engage de plus en plus dans ses pratiques. Son entourage, qui a cherché à l'aider, est très pessimiste sur ses chances d'un retour à la normale.

QUESTIONS : Comment ce médecin de formation classique, bien inséré socialement, pratiquant une spécialité qui ne le prédisposait pas à ce type de dérive, a-t-il pu en arriver là ? Le saura-t-on jamais ?

Toujours est-il qu'il entraîne dans son naufrage mental ceux qui, au départ, se sont sentis rassurés par son statut de médecin officiel et par le savoir qui lui est attaché.


Rappelons pour mémoire l'histoire du Docteur L. J., étudiant opiniâtre, s'impliquant activement dans des causes humanitaires, dévoué à ses malades qui, encore aujourd'hui, témoignent du respect qu'il leur portait, de la médecine douce qu'il appliquait " pour ne pas nuire ".

Son histoire est trop connue pour qu'il soit nécessaire d'en rappeler les différents épisodes. Luc Jouret, de l'Ordre du Temple Solaire, puisqu'il s'agit bien de lui, a terminé sa vie en dément, bourreau et assassin.

QUESTIONS : Comment a-t-il basculé dans cette folie et pu s'associer à un charlatan des plus primaire comme Di Mambro ?
 
A défaut de réponses, constatons, une fois de plus, que c'est l'exercice médical qui a été le vecteur du pouvoir d'influence qui l'a conduit - et conduit ses victimes - dans ce délire mortel.


Des cas authentiques sont exemplaires de situations auxquelles les ADFI sont souvent confrontées. Elles en ont connaissance par des proches des patients. L'entourage sollicite un avis sur le caractère sectaire des pratiques de ces thaumaturges ou, pour le moins, sur la dangerosité de ces para-médecines. Sur ce dernier point, les ADFI ne se sentent pas habilitées pour se prononcer sur les qualités intrinsèques de ces médecines ni sur leur nocivité potentielle.

Les autorités publiques qui ont en charge la protection de la santé des citoyens, les organisations professionnelles comme les Conseils de l'Ordre des Médecins, les représentants de la communauté scientifique, ont les compétences pour juger d'une pratique illégale et/ou dangereuse. Force est de constater que les réponses attendues ne sont pas toujours claires quant à ces médecines différentes.

Faut-il pour autant rester inertes lorsque nous sommes confrontés à de telles situations ? Certainement pas, mais encore faut-il savoir sur quel terrain se placer.

Ce qui est caractéristique dans les cas cités, c'est la dérive progressive du comportement de ces thérapeutes. Partant d'une curiosité - à priori respectable - et d'un désir - peut-être sincère - de compléter un outillage de soins, ils basculent, à un moment donné, dans un univers magique et dans une approche manichéenne de la Médecine : d'un côté le mal, la médecine officielle, de l'autre le bien, l'autre médecine qui doit être acceptée inconditionnellement. Au traitement se substitue la parole du Maître et ses injonctions thérapeutiques. À ce degré d'évolution des relations soignant/soigné, c'est bien un lien d'asservissement qui s'établit et que l'on retrouve dans les sectes avérées.

Il est donc nécessaire de se maintenir en état de vigilance et de suivre avec attention l'évolution de ces détenteurs auto-proclamés du pouvoir de guérir l'âme et le corps. Ou bien ils se cantonnent dans le charlatanisme ordinaire qui ressortit au Droit Commun, ou bien ils dérapent dans l'asservissement de leurs patients et finissent par croire eux-mêmes à leur destin exceptionnel. Nous l'avons trop souvent constaté : leurs interventions sans conséquences importantes aujourd'hui préparent parfois des lendemains gravissimes.



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