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Quand les choses dérapent

(Source : La Presse - Montréal - par Marie-Claude Malboeuf - 5 juillet 2003)




Quand l'exercice sur la peur a commencé, le jeune homme s'est laissé pénétrer des suggestions du leader : "Imaginez que vos voisins, la ville, la planète entière veulent vous attaquer ". Lorsque les autres participants au Forum ont rouvert les yeux, lui gisait sur le sol, " en pleine crise, prostré dans une position foetale, les yeux révulsés, les mâchoires bloquées, les poignets repliés vers l'intérieur ".

L'incident, rapporté dans le guide Être bien dans sa peau sans y laisser sa peau, est survenu il y a 10 ans, en pleine enquête de l'Ordre des psychologues du Québec et de l'ancien ACEP-Centre (rebaptisé Options Consommateur).

Un espace dans la tête
Apparemment, le danger demeure. À lui seul, le psychiatre torontois Leo Murphy a traité quatre patients sortis déboussolés du Forum, dont deux depuis 2001.
" L'un souffre de choc post-traumatique, un autre a dû être hospitalisé pour symptômes psychotiques et deux souffraient d'anxiété grave. Tous ont été incapables de travailler pendant quelques semaines ou quelques jours ", précisele spécialiste des thérapies de groupe à l'Université de Toronto, " J'imagine que les gens de Landmark ne savent pas reconnaître les personnes fragiles et ne savent pas s'adapter lorsqu'elles s'effondrent. Ils n'acceptent pas qu'on rejette leur façon de voir, donc, lorsqu'ils rencontrent des résistances, ils exercent toujours plus de pression, dit le médecin. Ce n'est pas comme les psychologues qui savent s'adapter et s'arrêter à temps. "

En Angleterre, une femme qui a raconté un viol de six heures a appris au Forum que cela lui était arrivé " parce qu'elle avait un espace dans sa tête permettant aux hommes de ne pas être fiables" (une histoire rapportée dans le Daily Mail de Londres du 23 juillet 2001). Trois ans plus tôt, une Américaine ayant reçu le même message est passée du cours avancé de Landmark aux urgences psychiatriques, où elle est restée cinq jours à halluciner. " On a exigé que je porte le blâme pour le viol que j'avais subi cinq ans plus tôt. Mon esprit s'est éteint après ça. J'étais partie, incapable de fonctionner à un niveau rationnel ", raconte-t-elle sur le site Internet de l'intervenant Rick Ross.

D'après ce spécialiste des " groupes controversés ", le Forum a tout aussi mal tourné pour une femme de Philadelphie qui a entrepris des poursuites. Mais l'issue en est d'autant plus incertaine que Landmark force ses clients à assumer par écrit " tout risque de dommage physique et désordre émotionnel ", les prévenant que le programme est rude, qu'ils peuvent souffrir de nausées, connaître la confusion et même le désespoir.

Le Forum ne peut faire de mal, maintient le porte-parole de Landmark, Mark Kamin. C'est aussi l'opinion d'une douzaine de psychothérapeutes (adeptes affichés de la philosophie Landmark) et du psychologue indé pendant Raymond D. Fowler, dont le rapport d'évaluation est disponible sur Internet. (Le D' Powler est vice-président de l'American Psychological Association mais s'exprime en son nom seul.)

Certaines personnes n'ont pas leur place au Forum, nuance toutefois M. Kamin. " Le Forum n'est pas équipé pour aider les gens avec leur dépendance à la drogue ou l'alcool. (...) Ni tout le domaine des abus sexuels. Nous n'allons pas régler les traumatismes ", dit-il, même si de telles histoires sont constamment discutées chez Landmark.

"Toutes les victimes d'abus n'ont pas besoin de thérapie. Ou elles peuvent en avoir déjà suivi, avoir atteint un certain niveau, et être prêtes à autre
chose. "
Selon le porte-parole, les leaders sont formés pour faire la différence, selon les conseils d'un comité de thérapeutes. Et les bénévoles demandent toujours aux participants s'ils sont en thérapie ou sous médication.
"Chaque fois que c'est arrivé (qu'un client ait craqué), nous avons découvert qu'il avait menti pendant le Forum ou en s'inscrivant ", dit M. Kamin.

Hallucinations
Surmené et surexcité lors de son cours avancé, un jeune Français venu mener des études postdoctorales à l'UQAM a bel et bien été renvoyé au lit par son leader. Mais il était déjà trop tard. Victime d'hallucinations, il a dû être hospitalisé une semaine, lui qui n'avait jamais rien connu de tel. Mais Landmark n'est pas à blâmer, juge le jeune professeur de sciences politiques (qui préfère taire son nom). " Des aspects centraux de ma personnalité que j'occultais se sont révélés et je n'ai pas pu les maîtriser ", dit-il, heureux d'avoir vécu a une expérience très forte.




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