Mis en ligne le 10
mai 2004
---------------------------
La kinésiologie est une technique psycho-corporelle développée dans les années 60 aux Etats Unis. Son initiateur est un chiropracteur, Georges Goodheart qui, s’inspirant de la médecine chinoise et de la théorie des méridiens corporels (utilisés notamment dans l’acupuncture) met au point un test musculaire dont le but est de communiquer avec notre corps et nos émotions.
Selon lui, il existe des liens physiques mais également énergétiques entre les muscles, les organes et les méridiens. Tout dysfonctionnement est accompagné par une faiblesse musculaire spécifique, qui permet le diagnostic de maladies par des tests musculaires. Le test musculaire permet de mettre à jour le déséquilibre énergétique et c’est sur ce déséquilibre que le kinésiologue travaille.
Cette théorie sera par la suite reprise et développée par d’autres praticiens et aboutira à trois formes spécifiques de la kinésiologie :
1/ Le Touch for Health ou Santé par le Toucher,
développé par John Tie, élève de Goodheart, ouvre
la kinésiologie à de nouvelles applications.
" Certains
muscles seraient en correspondance avec des organes précis, qui eux-mêmes,
sont en relation avec des méridiens d’acupuncture. C’est ainsi
qu’un grand nombre de problèmes médicaux pourraient être
traités, tels que des syndromes douloureux, en particulier la migraine,
des affections vertébrales, des blocages, des troubles digestifs, gynécologiques,
allergiques ".
La kinésiologie ne se contente plus de diagnostiquer
le trouble mais permet également de le traiter.
2/
Le Brain Gym ou Edu-kinésiologie, mis au point par Paul Dennison, se
présente comme une méthode éducative qui consiste à
améliorer la communication entre les deux hémisphères cérébraux
grâce à des exercices corporels spécifiques.
"Etude
du système musculaire et de sa relation avec un apprentissage mettant en
jeu le cerveau dans sa globalité".
Cette méthode est particulièrement
destinée aux enfants, notamment dans le traitement de troubles comme la
dyslexie, trouble de l’écriture, de la mémoire, difficultés
scolaires…
3 /Le "trois en un" ou "One brain" qui oriente la pratique de la kinésiologie vers le domaine psychique, son but étant la levée des blocages émotionnels de l’individu qui s’inscrivent dans le corps, notamment sous forme de stress.
Le statut du kinésiologue
Le kinésiologue
se défend de pratiquer des actes médicaux, il prétend être
seulement un "facilitateur" qui interroge le corps et qui rétablit
les circuits énergétiques perturbés, ce qui permet au patient
de renouer le dialogue avec son corps, le pouvoir serait ainsi restitué
à la personne.
Dans un document interne, à l’usage des kinésiologues
"la place du kinésiologue en France, et face aux administrations,
aux organismes officiels et au public", s’inscrit une volonté
affichée de cacher le terme de kinésiologue et de les présenter
comme des éducateurs, et la kinésiologie comme une méthode
d’apprentissage (apprendre grâce au test musculaire) et non comme une
méthode de soin.
Pourtant, dans les faits, la kinésiologie s’apparente
à une méthode de guérison énergétique. Si le
but au départ était d’aider le praticien à émettre
un diagnostic, elle est devenue par la suite une technique à visée
holistique, visant également la guérison physique, psychique et
énergétique.
Dans le livre "Toute la kinésiologie" 1, on peut lire :
"Cancer
: Miriam vient me voir avec un diagnostic de tumeur au cerveau. A cause de sa
santé délicate nous dûmes effectuer les procédures
d’équilibrage énergétique lentement, et les corrections
des allergies prirent 5 séances. Dans les deux semaines qui suivirent la
fin de ce processus, les radios ne montraient plus aucune évidence de la
tumeur (…)."
Les cancers sont présentés comme des réactions
allergiques à une substance déterminée. L’allergie étant
une "perturbation énergétique" qu’il est possible
de corriger jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de réaction
allergique. Le corps mettant en œuvre ses propres forces d’auto-guérison.
Formation et champs d’application
La kinésiologie
dépasse largement son cadre d’origine, ses applications semblent innombrables
: boulimie, dyslexie, difficulté d’apprentissage, développement
personnel, gestion du stress, dépendance (alcool, drogue), problèmes
relationnels, fatigue, migraines, douleurs de dos, problèmes ORL, nutrition,
allergies, dentisterie, sport, musique, dessin, langues, pour ne pas tous les
citer…
Comment s’y retrouver car il existe désormais toutes sortes de kinésiologies appliquées à toutes sortes de domaines et qui lient ensemble de nombreuses méthodes issues de la psychothérapie et des médecines alternatives. Les formations se multiplient, chaque école présentant une spécialité :
On peut y associer des formations au massage,
constellations familiales, huiles essentielles, hypnose, ostéopathie dont
certaines posent problème (décodage biologique, enfants indigo,
reiki…).
La kinésiologie dans ses formes actuelles s’apparente
de plus en plus à une "médecine globale de l’être",
on ne traite plus seulement un symptôme mais la personne dans son entier.
En utilisant ces autres techniques, le kinésiologue sort de son rôle
initial d’éducateur pour devenir thérapeute.
Kinésiologie
et enfants
Les enfants représentent une clientèle potentielle
importante pour la kinésiologie, notamment par le biais de l’Edu-k.
De nombreuses personnes travaillant dans le secteur médical et utilisant
cette technique auprès des enfants peuvent être médecins,
orthophonistes, auxiliaires de santé, les enfants sont suivis souvent pour
des troubles de l’apprentissage, dyslexie, sport…
Un autre secteur particulièrement visé par la kinésiologie est celui de l’éducation, les chefs d’établissement, instituteurs sont sollicités pour suivre des stages et des conférences, ou pour que des kinésiologues interviennent dans les établissements.
Dans le rapport 2001 de la MILS, il est précisé : les kinésiologues "sont invités à pratiquer auprès d’une clientèle d’enfants. Il leur est indiqué qu’avec l’expérience, elles pourront ensuite prendre en charge des adultes. L’attention de la Défenseure des enfants a été attirée par la Mission sur ces initiatives particulièrement inquiétantes".
Les ADFI ont de leur côté, reçu des témoignages qui nous ont alerté : notamment le cas d’un jeune enfant en difficulté scolaire. Le kinésiologue détectera dans un premier temps chez cet enfant des signes de relation incestueuse puis reviendra sur ces déclarations. Ces révélations successives et contradictoires, qui de fait s’apparentent plus à un diagnostic de type psychologique, déstabiliseront profondément la cellule familiale.
En 2000, un jeune bébé
de 16 mois, dont les parents étaient formateurs-kinésiologues, est
décédé de malnutrition et de défaut de soin. Le bébé
recevait une nourriture exclusivement végétalienne, selon les principes
diététiques du couple. Une instruction judiciaire est en cours.
Nous
avons également des témoignages de grands-parents inquiets pour
leurs petits enfants, le praticien ayant entraîné progressivement
dans ses pratiques les deux parents puis les enfants.
Ce
que nous en pensons
Ce programme, qui promet santé, équilibre
et bonheur par une approche corporelle simple, nous oblige à une mise au
point :
1/ les notions sur lesquelles s’appuie la kinésiologie
ne sont pas validées par la médecine et les scientifiques occidentaux.
Le statut de kinésiologue n’est pas reconnu par l’Ordre des Médecins.
L’Association
des Allergologues et Immunologues du Québec (AAIQ), a publié sur
son site une étude : "Kinésiologie appliquée : tests
musculaires pour allergies et déficiences nutritionnelles" visant
à démontrer la validité de certains présupposés
de la kinésiologie qui énoncent qu’en mâchant certains
aliments on peut déterminer s’ils sont bénéfiques ou
néfastes (allergènes) pour l’organisme à l’aide
du test musculaire.
Une série de tests a donc été
menée, en voici la conclusion :
"Les concepts de la kinésiologie
appliquée ne sont pas conformes aux réalités scientifiques
reliées aux causes ou traitements des maladies. Des études contrôlées
n’ont pas démontré de différences entre les résultats
avec les substances évaluées et avec les placebos. Des différences
d’un test à l’autre peuvent être dues à la suggestion,
la distraction, les variations dans le degré de force ou angle de l’application
et/ou la fatigue musculaire. Si vous rencontrez un pratiquant qui se [fonde] sur
l’évaluation musculaire kinésiologie appliquée pour
un diagnostic, partez le plus vite possible."
2/ La formation
à la kinésiologie, très onéreuse, est ouverte à
tout le monde sans aucune connaissance spécifique préalable ; elle
pourra être appliquée sans contrôle sérieux sur les
praticiens.
Parfois, le kinésiologue exerce au départ une autre
profession de type paramédical (chiropractie, ostéopathie…)
et utilise la kinésiologie comme une technique complémentaire.
Il
existe aujourd’hui de plus en plus de personnes, anciens patients ou néo-phytes
qui se forment à la kinésiologie en dehors de tout autre certification
ou diplôme dans les secteurs médicaux. Une brochure d’une école
de kinésiologie précise d’ailleurs : "Malgré la
complexité de l’approche, la formation en kinésiologie n’est
pas réservée aux professions médicales et paramédicales
; elle est ouverte à tout le monde sans aucune connaissance préalable".
En quelques semaines, ils se forment donc à l’anatomie du corps humain,
à la typologie des maladies ainsi qu’à des notions de psychologie.
On
touche, notamment avec la technique du "One brain", au domaine de la
psychothérapie, le risque encouru est de voir se développer des
psychothérapies sauvages, avec des risques d’emprise dus notamment
à une absence de contrôle du "transfert" et "contre-transfert"
s’opérant entre le patient et le thérapeute.
Citons dans
les applications psychothérapeutiques de la kinésiologie, le "One
brain" qui fait de la "récession d’âge", une
technique qui s’apparente au rebirth. Il s’agit d’une remontée
dans le temps avec le test musculaire comme "panneau indicateur", celle-ci
pouvant aller jusqu’à la naissance ou même la conception (sic).
Le praticien qui s’est formé aux trois domaines d’application de la kinésiologie (Touch for Health, Edu-K, One brain) devient un thérapeute du corps mais également de l’âme et un éducateur. Triple casquette qui lui donne une emprise particulière sur son "patient".
3/ Certains cycles de kinésiologie appliquée plus approfondis s’appuient sur des notions ésotériques parfois dangereuses si elles s’appliquent à des sujets fragiles, déprimés ou présentant des troubles neuropsychiatriques.
4/ Cette approche peut faire
l’objet de dérives diverses ou être récupérée
à des fins de mise sous emprise, parfois sectaire. Les témoignages
que nous avons reçus font état de ruptures familiales dues à
une implication toujours croissante dans la kinésiologie, les personnes
entrent peu à peu dans un système qui, du langage à la nutrition,
gère leur vie et qui parfois peut déboucher sur des comportements
obsessionnels et une incompréhension mutuelle avec l’entourage.
Certains
individus fragiles se laisseront séduire par les promesses de certains
praticiens et il s’engageront dans un processus progressif que nous connaissons
bien dans les dérives sectaires : abandon de la personnalité, reconstruction,
dissociation, ruptures des liens, intérêt exclusif pour les nouvelles
théories, fréquentation de stages, dépenses mettant en danger
le budget familial.
1 Toute la kinésiologie, le corps au sevice de votre santé, Freddy POTSCHKA, Le souffle d'or, 1990, 201p.