J'ai été curieuse de cet "humanisme" dont je
n'avais jamais entendu parler. J'ai découvert que le PH n'était
que l'organe politique d'un mouvement plus général.
J'ai immédiatement été séduite, étant déjà
très "humaniste" moi-même : je ne vais pas rentrer dans
le détail de mes convictions personnelles, mais il y avait une réelle
adéquation entre ce que me disait cette personne et la façon dont
je formule mes valeurs.
C'est moi-même qui ai insisté pour en savoir plus, pour faire connaissance avec ce "mouvement" qui m'apparaissait comme providentiel, et dont j'étais sidérée de n'avoir jamais entendu parler auparavant.
Une secte ?
Enthousiasmée par cette rencontre, j'ai parlé de ma découverte
autour de moi. Deux amis m'ont alors dit avoir connu des Humanistes, et les
avoir trouvé "louches" et "pot de colle".
Ils se plaignaient d'avoir été harcelés au téléphone
: "ils trouvent toujours une bonne raison pour te rappeler, t'inviter
à leurs réunions, et à défaut te faire parler..."
Je n'ai écouté que d'une oreille, car les deux amis en question
parlent beaucoup et agissent peu, et ne prennent pas beaucoup position, ne s'engagent
pas, ne se mouillent pas trop dans la vie. Moi, j'aime bien me positionner,
mettre des actes à la suite de mes idées et j'aime assez le principe
associatif.
La personne du MH que je connais fait partie du Parti Humaniste. Elle ne m'a pas caché que celui-ci était régulièrement accusé d'être une secte. Cela la mettait d'ailleurs hors d'elle. Elle parlait d'accusations mensongères, de coup bas dans la stratégie électorale des municipales. J'écoutais tout cela d'une oreille distraite : les querelles politiques m'intéressent peu, surtout celles de cet ordre. Ca me semblait mesquin et futile. Les âmes de bonne volonté finissent toujours par se faire connaître comme telles : inutile donc de s'énerver, il suffit de laisser la rumeur mourir d'elle-même !
Humanisme kezako ?
J'ai posé beaucoup de questions, notamment sur le sens précis
du mot "humaniste". Mais il me restait toujours des zones d'ombre.
J'ai eu un mal de chien à obtenir le moindre document présentant
le mouvement. Les sites web où je croyais trouver de l'information et
des précisions sont extrêmement frustrants : de belles choses sont
dites, bien présentées, mais en fait, il n'y a pas de contenu.
Je reste sur ma faim. Quelles sont les actions entreprises ? Comment tout cela
fonctionne-t-il ?
J'aurais aimé lire Silo, le penseur de ce "Nouvel Humanisme",
mais on m'a assuré qu'il n'était pas traduit et qu'on ne le trouvait
dans aucune librairie ni bibliothèque en France. J'ai eu en main un exemplaire
un peu écorné, mais vu le manque d'ouvrage en circulation et le
nombre de personnes souhaitant le lire, il me fallait attendre mon tour.
A défaut, je suis donc allée voir sur le terrain : dans une réunion
de travail, une soirée barbecue au profit du Burkina... en continuant
de poser mille et une questions. J'aime bien comprendre où je mets les
pieds ;-)
Organigramme et hiérarchie
J'ai bloqué le jour où on m'a expliqué le fonctionnement
hiérarchique du mouvement.
Deux choses m'ont chagrinées...
Organigramme... x10 !
J'avais sous les yeux une feuille de papier avec un organigramme on ne peut
plus clair et normal. C'est le commentaire qui m'embêtait : la référence,
c'était le nombre de personnes.
Chaque responsable mentionné dans l'organigramme a sous sa responsabilité
10 personnes, qui ont elles-mêmes sous leur responsabilité 10 personnes,
et ainsi de suite. Le fait de compter les personnes, qui plus est par paquet
de 10, m'a semblé contradictoire avec l'énoncé même
du mouvement : "l'être humain en valeur centrale".
Inversement, on monte en grade dans l'organigramme en réunissant 10 personnes.
Ainsi, moi-même, si je le souhaite, il me suffit de réunir 10 de
mes amis, sensibles à la cause humaniste, de le faire savoir, et je me
retrouverais ainsi mentionnée dans l'organigramme.
Or il se trouve que je n'ai pas de talents relationnels fédérateurs,
mais que ça ne m'empêche pas d'en avoir beaucoup d'autres. J'étais
contrariée parce que j'avais un réel désir de faire quelque
chose, et je me sentais capable d'endosser des responsabilités, et je
le souhaitais.
Mais il était hors de question pour moi de réunir 10 personnes
autour de moi uniquement pour pouvoir commencer à être active dans
le mouvement humaniste. Ce n'est pas ainsi que cela a été dit,
bien sûr, mais c'est ce que je pouvais déduire de l'exposé
qui venait de m'être fait.
En les quittant ce soir-là je me suis fait cette réflexion : compter en quantité, c'est nier la qualité individuelle, les potentiels de chacun. Cette façon de compter par paquet de 10, comme s'il s'agissait d'une unité de mesure, trop précise pour être complètement honnête, me fait un peu bizarre. Je pensais en parler la fois suivante, mais je n'en ai pas eu l'occasion.
Qui dirige ?
La deuxième chose qui m'agace, c'est la grande difficulté à
discerner le haut de l'organigramme. Ce n'est pas tenu caché, mais c'est
flou, c'est incompréhensible.
La réponse, c'est que chacun est libre d'agir, de fonder un groupe, une
association humaniste, comme bon lui semble. Il y a ainsi pléthore d'associations
humanistes, avec localement, un président. Comme s'il n'y avait pas de
"tête". Pas de responsable général.
Il y a Silo, bien sûr, mais c'est seulement le penseur, et il s'est retiré.
Or il me semble que toute association, tout mouvement qui se respecte, veille
au contraire à garder une ligne de conduite : je pense à l'ACAT
ou à Amnesty International, qui ont leurs responsables, leurs porte-parole,
et qui énoncent clairement leurs principes, leurs valeurs. S'il n'y a
effectivement pas de tête, pas de ligne directrice, à quoi cela
sert-il de s'affilier au Mouvement Humaniste ? Quel sens cela a-t-il ?
Ce flou quant au sommet de l'organigramme va de paire avec la difficulté
à obtenir des renseignements précis. Les valeurs générales,
je les ai comprises, et il me semble les partager, ce qui n'est finalement pas
difficile tant elles sont globales. Mais cela ne suffit absolument pas pour
s'associer : je n'arrive pas à comprendre concrètement quelle
pourrait être ma place là-dedans, quel pourrait être mon
apport. Quelles sont les actions ? Les moyens d'action ? Les objectifs locaux
? Les réussites ? Les échecs ? Je n'en sais toujours rien.
Tout cela manque finalement de transparence. Et je n'arrive pas à souhaiter prendre place dans une chose qui demeure floue. Les idées énoncées me conviennent, mais cela ne fait pas tout. Je prends un peu de distance depuis, et n'ayant pas eu l'occasion de poser toutes les questions que j'avais, ni donc d'avoir de réponses, j'observe un peu plus.
Un vocabulaire bien particulier
Certains mots et expressions reviennent souvent, employés avec un sens
particulier : avoir une image, travailler un thème.
J'entends aussi parler d'orientateurs : ceux-ci dirigent/orientent/conseillent
par une correspondance mail régulière les groupes au Burkina Fasso,
en pleine expansion paraît-il. "Paix, force et joie"
est le leitmotiv rituel qui signe chacun de leur mails. Même si cela ne
m'a jamais été ouvertement proposé, il est aussi question
de réunions hebdomadaires et de séances de travail personnel.
Leurs sites web parlent d'auto-libération, d'expérience guidée...
Je peux admettre effectuer sur moi-même un certain "travail". J'espère être en évolution, et avoir une présence constructive en ce monde, mais quelque part je n'arrive pas à admettre qu'un groupe (dont en plus je ne parviens pas à discerner les tenants et les aboutissants) s'en mêle. Après tout, cela ne regarde que moi & moi, et éventuellement, quelques amis avec lesquels je me sens en confiance.
Comment un mouvement pourrait-il être tout à la foi ? parti politique, initiateur d'actions humanitaires et aussi... psychothérapie ??? nourriture spirituelle ???
Rien ne va plus !
Un dernier point : j'ai noté une certaine réticence à l'évocation
des autres associations, institutions, ONG qui agissent sur le même terrain,
comme s'il ne fallait pas s'entraider entre groupes agissant pour une même
cause. Comme si ces autres associations, institutions, ONG ne devaient pas être
pris en compte, parce que n'agissant pas avec les mêmes valeurs centrales,
avec la même foi, n'apportant pas, finalement la même chose, le
même essentiel... Encore une fois, il y a là contradiction avec
la volonté de "reconnaissance de la diversité"
et le "rejet de la discrimination" professé par le MH.
Si les Humanistes abondent en belles paroles pleines d'espoir, le discours
de base est tout d'abord critique et dénonciateur. A les écouter,
le monde actuel est violent, immoral, injuste, etc... Sur le site du PH, on
apprend que "la majorité des partis politiques nous manipulent".
Bref, nous sommes entourés d'ennemis, le moment actuel est porteur de
crises graves qui mettent en cause l'existence de l'humanité, et merde,
c'est la cata !
J'ai toujours eu une réaction d'écurement mêlée
de méfiance farouche quant aux discours négatifs qui prétendent
que rien ne va plus, que le monde court à sa perte, et qui rejettent
en bloc ce qui nous entoure. Ce sont pour moi des paroles de vieilles gens aigries,
un peu paumées, dépassées par les évènements...
Ce n'est pas ainsi que je vois le monde dans lequel je vis : tout n'y est pas
parfait, mais perfectible, et je suis heureuse d'en être et d'essayer
de le rendre plus beau. Pourquoi tout jeter ? A partir de quoi et comment agit-on
quand on rejette tout ?
Mais après tout, il ne s'agit là ni plus ni moins que d'une divergence de point de vue...
Pour conclure...
Mon propos n'est pas accusateur, dans le sens où je n'ai personnellement
à me plaindre de rien. Je préfère penser que les amis humanistes
que j'ai connu, au demeurant fort sympathiques, sont sincères.
Simplement, je reconnais que la chose "humaniste" n'est pas
clairement identifiable et manque de transparence. Ce qui n'incite pas à
la confiance.
Je comprends mal le développement de ce groupe, ses buts, ses moyens
d'action
Cela n'est sans doute qu'un simple courant de pensée,
peut-être une nouvelle forme de religion qui ne s'annonce pas comme telle
car le mot n'est pas à la mode. En tout cas ça me laisse une étrange
impression : mélange de bonne volonté brouillonne et de pauvreté
idéologique.
Bref, j'en reviens avec une kyrielle de questions sans réponse. Dans le doute, je préfère m'abstenir et aller voir ailleurs si ça ne bouge pas plus efficacement. Je regrette surtout que le qualificatif "humaniste" soit employé avec un tel flou, avec une telle négligence.
Romy
Paris, septembre 2001
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