Une prévention raisonnée d'une infiltration de type sectaire dans les actions de formation suppose que l'on appréhende bien deux paramètres :
Le regard original porté sur l'entreprise, les chefs et les collègues, est démystifiant, et possiblement subversif. L'initiative et la créativité sont sollicitées, ce qui est gratifiant et incite à l'élaboration d'une culture parallèle commune fondée sur les expériences vécues ensemble. Un sentiment de promotion apparaît : accès à de nouvelles connaissances, à des analyses différentes, valorisation personnelle par l'écoute du leader et du groupe.
En même temps, par le biais des techniques d'implication personnelle (jeux de rôle, témoignages, dynamique de groupe) s'installe une certaine insécurité, déstabilisation psychologique pouvant aller assez loin (affrontements verbaux, crises de larmes, rejet par le groupe). Cette insécurité un peu angoissante amène à se réassurer autour de la personne de l'animateur, garant de l'harmonie du groupe. Il faut savoir que les méthodes dites non directives renforcent encore ce mécanisme, puisque le leader qui est supposé savoir ne manifeste pas ses intentions.
La liberté créatrice du groupe entraîne une imprévisibilité de l'évolution et du résultat final qui rend difficile l'exercice d'une critique. Si celle-ci s'exprime, elle peut être mise au compte d'une mauvaise volonté dans la participation et au refus de jouer le jeu. Il existe, surtout dans les stages intensifs, une modification des rapports sociaux dans le sens d'un fort investissement affectif, d'un partage d'épreuves et de réalisations, ceci pouvant aller jusqu'au sentiment fusionnel.
La fin du groupe peut être vécue comme une expérience de deuil avec un fort désir de maintenir ou de retrouver le type de rapports initiés par cette expérience.
Tant au long du parcours qu'à son terme se pose la question de la gestion de l'interface entre le groupe et le reste de l'entreprise, du service et de la hiérarchie. La réintégration, le suivi, les applications des résultats acquis représentent un problème particulièrement délicat.
Les psychotechniques ont connu un développement très important et ont fait la preuve de leur efficacité dans des champs aussi différents que les thérapies, la publicité, la propagande politique et le management. Dans le cadre de l'entreprise, elles peuvent être détournées de leur but initial qui est le développement de l'initiative, de la créativité et l'harmonisation des rapports. Elles peuvent être mises au service d'une mise en dépendance, d'un embrigadement et de la construction d'une allégeance inconditionnelle à un groupe.
Les formations en entreprise constituent un contexte particulièrement favorable : clientèle captive, contrat d'assiduité, liberté quant aux méthodes pédagogiques, garantie de qualité du recrutement, opportunité d'entrisme voire d'emprise, bénéfices économiques importants.
Outre les risques d'entrée en dépendance courus par les personnes, la constitution d'un réseau interne d'adeptes peut s'avérer déstabilisante pour l'entreprise. Une perte de la confidentialité peut être grave dans certains secteurs. La révélation de la pénétration d'une entreprise par un groupe sectaire peut entraîner un sérieux discrédit.
L'évaluation des offres de formation est très difficile. Les méthodes, présentées souvent comme originales, sont en fait largement partagées par tous les organismes de formation. La plupart des grandes organisations sectaires utilisent des masques et des noms d'emprunt. Le contenu explicite proposé peut être anodin. La mise en dépendance peut être tout à fait insidieuse.
Le professionnalisme et la qualité des formateurs dans des domaines précis peuvent être indiscutables. La confidentialité exigée peut rendre difficile l'évaluation par un tiers. À l'inverse, des pratiques d'allure insolite peuvent s'inscrire dans une démarche éthiquement irréprochable.
On ne peut donc disposer que d'indices ayant une valeur relative et dont seule la conjonction sera significative. Un rapport personnel de la part des responsables avec les formateurs eux mêmes et non une firme anonyme est indispensable, au cours d'un entretien prolongé. Le flou sur le contenu et les méthodes, la production de références invérifiables seront des indices. La non-transparence financière de l'organisme, l'imprécision sur le curriculum des dirigeants et des formateurs également.
L'étanchéité trop absolue du groupe, la non-gestion des interfaces groupe / entreprise pourra donner l'éveil. Le refus d'évaluation en cours de groupe et à son terme peut alerter.
Les techniques fortement impliquantes et déstabilisantes, sans être à proscrire, seront à suivre dans leur application. Certains thèmes particulièrement ésotériques et universalistes justifieraient une recherche d'analogie avec les doctrines sectaires.
À l'issue d'une première expérience, le comportement des participants dans le milieu du travail (distanciation, prosélytisme) sera un élément à prendre en considération.
Le manager et aussi l'employé bénéficiaire d'offre de formation gagnera à se mettre au courant des méthodes et de l'éthique admises par les formateurs non inféodés. Les éditions ESF produisent des ouvrages sur les techniques les plus utilisées. Une connaissance des thème favoris des idéologies de différents groupes (peu nombreux) capables de proposer des formations n'est pas inutile. L'exigence d'un projet détaillé portant sur les objectifs, méthodes et évaluations est un minimum.
Le contrôle des références est indispensable. Le maintien d'une certaine perméabilité du groupe (suivi, contacts, évaluation) par rapport à l'encadrement et aux différents services permettra de percevoir certaines dérives. Le suivi des stagiaires et personnes en formation n'est pas incompatible avec la confidentialité de l'expression.
Enfin, un cahier des charges faisant l'objet d'un accord contractuel devra comporter des clauses assez exigeantes concernant les risques annoncés ci-dessus et permettra d'argumenter des ruptures ou non renouvellement de contrat.
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