Grain de folie

(Source Bulles, n°70, 1er trimestre 2001)


Que serait un arbre dont l'écorce ne se craquellerait pas ? Que serait la croissance d'un homme sans ses crises : une morne mécanique ? Nous ne savons que trop, hélas, combien sont lugubres les sociétés où les dirigeants " ne veulent voir qu'une seule tête ", où croissance signifie " silence dans les rangs ".
En même temps les hommes qui se distinguent en étant novateurs agissent trop souvent au détriment de leur milieu ambiant, milieu trop docile, il est vrai, aux idées reçues. Ils agissent bien souvent aussi à leur propre détriment et à celui de leur entourage le plus proche. L'acte le plus sage du philosophe danois Sôren Kirkegaard n'a t il pas été la rupture avec sa fiancée, dont il aurait rendu la vie fort pénible ? Elle a échappé au rôle des épouses d'un J.J Rousseau, d'un Karl Marx, ou de tant d'autres. Et pourtant, bien malheureux l'homme ou la femme qui, figé, pâle, n'a pas su voir ni saisir son grain de folie, ni oser ses heures d'aventure.

Mais comment gérer chacun son grain de folie ? Comment l'investir d'une manière qui soit utile pour l'individu que nous sommes, pour la société, et même pour notre irremplaçable " niche biologique ", où chacun porte sa petite responsabilité ? Les uns vont investir dans la science, l'art, le sport, d'autres dans la politique, la vie associative ou, suprême investissement, la spiritualité et, bien sûr, l'amour ! C'est précisément dans tous ces domaines, et tout particulièrement dans les deux derniers, que le grain de folie risque le plus d'être dévoyé, vicié, exploité au profit d'un cynique gourou.

Ce grain de folie est le plus souvent un phénomène éphémère, instantané, fugitif comme une particule subatomique.

Pour le saisir, pour avoir une chance de l'investir valablement, il faut d'abord un minimum de calme intérieur, de présence à soi même. Dans ce silence on a des chances de reposer sur les deux jambes de la connaissance l'intellect, grâce à quoi l'on comprend, l'affectivité qui invite à sentir, à apprécier.

Mais que font les sectes ? Elles créent méthodiquement, froidement le déséquilibre. Comment ? En assommant de bruit leur future proie avec une intensité dosée. Bien " bruité ", saturé par le tohu bohu, l'individu est alors prêt à accepter, et même à désirer le boulet de folie que la secte va lui river au pied.

La spiritualité, c'est à dire la religion, est un bon prétexte pour exploiter le grain de folie ; les sectes font donc tout afin de pouvoir en profiter au mieux.

Attention, nous tous, de tous âges, " bruités " que nous sommes par le tintamarre de la société actuelle, de ne pas transformer le bon grain de folie par un boulet de folie.



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Sectes = danger !