Extrait de Les nouveaux rédempteurs, le fondamentalisme
protestant aux Etats-Unis.
Genève 1998. Pages 161 à 164.
Par Mokthar Ben Barka.Labor et Fides
Bien que tous les fondamentalistes ne soient pas de farouches adversaires de la franc-maçonnerie, beaucoup d'entre eux y sont opposés en considérant que les principes, les symboles et les rites de la foi chrétienne et ceux de la franc-maçonnerie sont radicalement divergents et donc inconciliables. Adhérer à la franc-maçonnerie constitue, par voie de conséquence, une faute grave pour le fondamentalisme. Pour légitimer leur combat contre la franc-maçonnerie, les antimaçons fondamentalistes mêlent arguments religieux, philosophiques et politiques, auxquels s'ajoutent un grand nombre de préjugés ainsi que des attaques injustifiées.
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Sans chercher à innover, les fondamentalistes exploitent la veine du silence et du secret - la conséquence naturelle de l'initiation -, pour faire croire que la franc-maçonnerie est une organisation mystérieuse, une puissance occulte qui opère dans une atmosphère de magie, de messes noires. Les francs-maçons repoussent ces attaques en affirmant que leur mouvement constitue une société "discrète" et non pas "secrète". La franc-maçonnerie, disent-ils, ne dissimule pas sa propre existence : son adresse est publique et ses statuts sont officiellement déposés. Quant à Gary Leazer, il se demande pourquoi on critique les maçons, alors que toutes les organisations ont une dimension confidentielle. "Distinguer les maçons parce qu'ils font ce que bien d'autres organisations ont coutume de faire, c'est comme la poêle qui se moque du chaudron." Il faut enfin reconnaltre que malgré ses secrets, ses symboles et ses rites, la franc-maçonnerie s'ouvre aux grands problèmes qui concernent la société, et oriente aussi son action vers des buts humanitaires.
Le culte du secret servant au complot maçonnique continue à alimenter les fantasmes des adversaires. Pour les fondamentalistes, le monde entier, et tout particulièrement les États-Unis, est la proie d'une terrible machination fomentée par les francs-maçons et les grandes banques internationales dans le but de réaliser le vieux rêve maçonnique de domination universelle. Dans En Route to Global Occupation, Gary H. Kah affirme que la franc-maçonnerie, en connivence avec des organisations internationales comme l'ONU et la Croix Rouge, oeuvre pour l'instauration d'un " nouvel ordre mondial " qui sonnera le glas de la souveraineté des États-Unis. A l'aide d'un diagramme, il démontre que des liens étroits existent entre la franc-maçonnerie, le mouvement du Nouvel Age et le World Council of Churches. Kah va même jusqu'à dire que la création de l'ex-Union Soviétique est une oeuvre maçonnique.
Le satanisme est un autre procès instruit par l'antimaçonnisme dont les fondamentalistes tirent volontiers parti. Nombreux sont encore ceux qui croient que Satan fait dans les loges des apparitions régulières et que les francs-maçons sont des adorateurs du diable. Tous les auteurs fondamentalistes font systématiquement référence au " Canular de Leo Taxil ". De son vrai nom Gabriel Jogand-Pagès, Léo Taxil est né en 1854, à Marseille. Il fut expulsé du Grand Orient en raison d'affaires douteuses. En 1885, il imagina une fausse conversion, fit retraite chez les bons Pères à Clamart, puis publia ses Mystères de la franc-maçonnerie dévoilés, une suite de descriptions rocambolesques dont le succès de vente fut énorme. On y apprenait notamment qu'il existait un pape luciférien, dont le siège se trouvait à Charleston, en Virginie occidentale, et que le Saint-Père n'était autre que le général Albert Pike, Grand Commandeur du Rite Ecossais pour la Juridiction Sud des États-Unis. Ce dernier recevait Lucifer tous les vendredis à 15 heures précises et prenait note de ses instructions. Bien que Léo Taxil ait admis qu'il s'agissait d'une "fumisterie", la thèse se du satanisme franc-maçon continue à faire école.
L'antimaçonnisme des fondamentalistes les conduit à placer la maçonnerie dans le sillage des grandes religions chrétiennes. Seulement, il s'agit pour eux d'une religion antichrétienne qui propose une vision du monde, de la Révélation, de Dieu et de la vérité contraire à la doctrine biblique. Certains voient les francs-maçons derrière toutes les manifestations antireligieuses de la télévision. James L. Holly, l'un des plus célèbres antimaçons fondamentalistes, a pu ainsi écrire : « Le parallèle entre les anciennes religions à mystères et la franc-maçonnerie est évident. » Et partant de là, la conclusion est vite trouvée : « Voici la religion de la franc-maçonnerie; elle est incompatible avec le christianisme biblique. » John Ankerberg et John Welden, deux forcenés de l'antimaçonnisme, se font l'écho de la position de James L. Holly(44). Même son de cloche du côté de E. M. Storms, un autre antimaçon notoire, pour lequel la franc-maçonnerie est plus qu'une association amicale, une école de géométrie ou une association humanitaire. C'est un mouvement religieux qui croit en un Dieu autre que celui des chrétiens ». Vouloir chercher la vérité en dehors de la Bible revient à commettre un sacrilège. Dans les écrits et les discours de la franc-maçonnerie, les fondamentalistes déplorent en outre l'absence de référence à Jésus, à son incarnation, sa mission expiatoire, sa mort et sa résurrection. Le verdict est sans appel: la franc-maçonnerie doit être combattue.
[...]
L'hostilité des fondamentalistes se fait singulièrement virulente au point que James L. Holly accuse ouvertement les francs-maçons américains d'avoir fondé le Klux Klux Klan qu'ils continueraient de financer encore aujourd'hui. Enfin, les francs-maçons sont les figures-repoussoir de l'essouflement que connaissent, dans les années 90, certaines dénominations fondamentalistes, telles que le Lutheran Church Missouri Synod. Argument avancé : ce serait à cause du prosélytisme et de l'influence que les francs-maçons s'évertuent à exercer aussi bien sur les fidèles que sur les pasteurs fondamentalistes que certaines grandes dénominations fondamentalistes ont de la peine à recruter de nouveaux membres. James L. Holly persiste à dire que « les loges continueront à déranger le plan de Dieu ainsi que Sa volonté de réactiver la foi de Son peuple ».
[...]
A la différence des relations entre catholiques et francs-maçons
qui prêtent généralement à l'optimisme, I'idée
d'un rapprochement entre fondamentalistes et francs-maçons paraît
inconcevable. Pour que cessent les hostilités entre les deux camps
et que la paix s'installe, le chemin est encore très long. Il faut
cependant noter qu'à la différence des intégristes
catholiques et plus largement des courants d'extrême droite européens,
les fondamentalistes ne mêlent pas les juifs et les francs-maçons
dans leurs attaques. Quoi qu'il en soit, les attaques fondamentalistes ne
semblent aucunement inquiéter une franc-maçonnerie puissante,
respectable et donc hors d'atteinte.
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