En dehors des problèmes de carence alimentaire dont elle a souffert pendant ses deux premières années, des problèmes d'ordre psychologique dus au peu de temps que sa mère lui a consacré, Marie n'est pas sortie d'affaire.
A quatre ans et demi, elle parle d'être un bon disciple, appelle « vérité » le chat qu'elle vient de dessiner, chante l'amour, la fraternité, la liberté... Mais d'autres phénomènes m'inquiètent davantage comme le fait qu'elle ait tendance à considérer chaque partie de son corps comme indépendante du reste (« mes doigts ont voulu se pincer dans la porte », « mon corps a soif », « mes pieds ne veulent plus marcher »... ) ou comme l'apparition, depuis quelque temps, du « petit ange » qui est là pour qu'elle s'endorme mais aussi pour animer ou défendre chaque partie de son corps. Maintenant, c'est le petit ange qui a soif, c'est le petit ange qui va s'étouffer si elle mange trop. Et puis, ce petit ange semble aussi remplacer le petit doigt d'autrefois. Il sait tout, on ne peut pas lui mentir. Plusieurs fois, le l'ai surprise, immobile, les yeux fermés : elle regardait le petit ange.
Quel visage a-t-il, ce petit ange ? Celui de la mère ? Celui d'Aïvanhov ?
Enfin, et c'est le fait le plus important, elle ne situe plus les membres de sa famille, y compris sa mère, et elle ne se situe plus par rapport à eux.
De même que les adeptes sont rebaptisés, on lui a changé son prénom. Les parents sont noyés dans la masse et les enfants pris en charge par la communauté. Tout le monde est frère et soeur. Marie interpelle comme tels les gens qu'elle rencontre dans la rue. Aïvanhov se présente à elle comme le deuxième père de sa mère. (Il dira même à une petite fille au moment où son père a voulu quitter la FBU, la mère désirant y rester : « Oublie ton père, je serai ton deuxième papa »).