Accueillis en France avec sympathie dans les années 1978-1980,
les Enfants de Dieu tenaient le devant de la scène parmi les " Mouvements
pour Jésus ". On ignorait alors la personnalité du fondateur,
Moise Berg, dit Moise David, ou plus simplement MO.
Progressivement se découvrit la perversité de
la secte, les bandes dessinées pornographiques, attaquant tout le
" système " (la société) et l'incitation à
la prostitution comme moyen de prosélytisme (le " flirty-fishing
").
Actuellement, en France, moins nombreux, très discrets,
mais actifs, les adeptes cherchent à s insérer dans la vie
professionnelle, ils sont mobiles, insaisissables, mais liés entre
eux par un réseau très serré de correspondance...
La plupart des Français ont été envoyés
" en mission ", d'abord en Amérique latine, puis vers l'Extrême-Orient.
Le témoignage ci-dessous est celui d'un ami dont le
fils est depuis douze ans adepte des Enfants de Dieu. De retour d'un voyage
au Japon, il a répondu à nos questions et communiqué
ses impressions et ses découvertes.
Quand on n'a pas revu son fils depuis huit ans et que tout à
coup on le retrouve avec sa charmante femme et quatre enfants exquis, on
ne pense sans doute pas à autre chose qu'à la joie des retrouvailles.
Pourtant, vous ne pouvez oublier que lui et sa famille appartiennent à
la secte des Enfants de Dieu. Racontez-nous comment ils vivent.
La famille habite dans une communauté : les membres du groupe ont
loué deux vieux hôtels contigus, tout délabrés,
qu'ils ont restaurés eux-mêmes, installés grâce
à des dons, et beaucoup aussi grâce à la récupération
Îles Japonais changent souvent leurs installations, y compris les
appareils ménagers, quand ils touchent leurs primes, en sus de leurs
salaires). C'est ainsi que procèdent les " Enfants de Dieu " un
peu partout. Ils ont installé le dortoir des enfants (plus de trente,
sur cent personnes environ) avec trois rangées de lits superposés.
Chaque enfant est admis une fois par semaine, à tour de rôle,
à coucher avec ses parents. Chaque couple dispose d'une chambre,
mais celle-ci peut être utilisée dans la journée pour
des activités communautaires. Cloisons mobiles à la japonaise,
pas de serrures. Tout est propre, rangé, les enfants sont sages
et disciplinés, très éveillés ; pas de cris
; harmonie.
Et leurs activités, en dehors de l'éducation de
leurs propres enfants ?
Le standard téléphonique est fort actif, les ordinateurs
fonctionnent constamment ; dans les pièces d'accueil (sofas en Skaï
et velours, propreté impeccable), des présentoirs avec tracts
sur les " Écoles du XXIè siècle ", les publications
récentes " grand public " (Bandes dessinées style classique
MO).
J'ai participé à une sortie à l'orphelinat
voisin. Les enfants se sont produits comme à leur habitude : chants,
danses, mimes, sourires. Ils avaient reçu un gros stock de pâte
à modeler et en ont distribué aux petits orphelins ravis.
C'est ainsi qu'on se fait des amis.
Oui, et d'ailleurs à toute occasion. Ainsi, au cours d'une promenade
en voiture (la communauté en a trois), on profite d'un arrêt
à la pompe à essence pour prendre un café ; les enfants
entrent aussitôt en action auprès de la jeune étudiante-pompiste
: sourires, chants, " Jésus loves you ", etc.
Et la santé ? et le " flirty-fishing ? ".
Mon fils s'étant un peu blessé au doigt, j'en ai profité
pour lui demander s'il était vacciné. " Jusqu'ici, m'a-t-il
répondu, nous avons compté sur le Seigneur. Mais on devient
un peu moins radical. Tétanos, polio - tu as peut-être raison.
Nous allons en discuter entre nous ". Et il enchaîna spontanément
: " Ainsi les relations sexuelles qui nous ont été reprochées...
les journalistes ont beaucoup exagéré... Ça ne représentait
que 2 % de nos activités (sic). Maintenant c'est : zéro.
Ce que nous avons à faire est si important... il ne faut pas mettre
nos santés en danger, étant donné ce qu'on sait sur
le SIDA. Et nous sommes très disciplinés ".
Et ces " Écoles " ?
Il m'a été dit que les étrangers en poste au Japon
ont bien du mal financièrement à faire instruire leurs enfants.
J'en conclus que ces " clients " sont un vivier où recruter de futurs
amis et adeptes. Pour les Japonais, les études sont très
dures, la compétition féroce ; l'insuccès conduit
souvent des adolescents au suicide. De plus, la plupart des " Enfants de
Dieu " sont anglophones, et les Japonais sont très désireux
d'apprendre l'anglais.
Notre ami n'a pas eu de renseignement précis sur le fonctionnement
des " Écoles du XXIè siècle ", le nombre des élèves
inscrits - ceux de l'extérieur, bien sûr, les frais de scolarité,
etc. On a l'impression que, pour l'instant, ce sont surtout des raisons
sociales justifiant la présence au Japon de plusieurs centaines
d'étrangers Enfants de Dieu. Ils n'ont d'ailleurs que des visas
pour six mois, qu'il faut faire renouveler au bout de ce temps, ce qui
demande beaucoup de démarches. Dans certains cas, les intéressés
quittent le Japon provisoirement pour revenir un peu plus tard avec un
nouveau visa de six mois.
Mais quelles sont les ressources de ces communautés ? Elles sont
assez importantes ?
Selon ma belle-fille, celle d'Ikoma a un budget de trois millions de yens
par mois (100 yens = 4,76 francs). La moitié de cet argent viendrait
de " sponsors " réguliers. Elle n'a pas précisé la
position de ces généreux personnages par rapport au groupe.
Pour le reste, c'est à elle d'organiser, planifier les rentrées
: on vend des livrets, des cassettes ; certains donnent des leçons
d'anglais et de français, ou font des " petits boulots ". Ils pourraient
gagner plus, disent-ils, mais ils choisissent de se consacrer à
leur travail de missionnaires. " Le Japon est le pays champion du matérialisme,
c'est pour cela qu'il a besoin de nous ". On a tous les mois l'angoisse
du loyer à payer ; mais chaque fois c'est le miracle !
En fait, j'ai appris plus tard qu'un coup de main serait donné
par l'intermédiaire d'un établissement basé en Suisse
: International Investment Management, sous intervention d'un M. Kelly.
Versement en 1987 : 25 millions de yens, et, en 1988 : 4 millions par mois.
Et les autres écoles ?
J'ai seulement vu un film vidéo sur celle de Tateyama, bâtie
en forme de pyramide, avec des dimensions résultant d'une lecture
plutôt simpliste du chapitre XXI de l'Apocalypse. On retrouve cette
théorie partout dans les BD de MO et dans les maisons (lampe allumée
tous les soirs dans la salle de séjour à Ikoma). On passe
aussi un film sur l'Apocalypse, genre Cecil B. de Mille.
Finalement, malgré la joie de se revoir après tant
d'années et d'être accueilli par une belle-fille charmante
et de beaux petits-enfants affectueux et en bonne santé, dirai-je
avec assez de force ce mélange de fierté, d'amertume et de
révolte à la vue de ces jeunes gens pleins de dons, de sincérité,
d'élan, de désintéressement, mais victimes de la manipulation
par un mégalomane pervers sexuel tapi quelque part dans le monde,
et que nulle autorité ne semble capable de repérer ! Pas
plus qu'on n'arrive à retrouver certaines personnes disparues, dont
des mineurs, adeptes de la secte. J'ai évoqué un cas que
je connais bien, puisqu'il s'agit d'une femme et de sa fille mineure originaires
de ma ville en France. Je n'ai eu que des réponses évasives
: " nous les connaissons... si elles se cachent, c'est qu'elles ont peur
".
Ma conclusion est que ceux qu'il faut rechercher et à qui
il faut demander des comptes, ce sont les chefs de ce genre d'organisation
; il faut qu'ils répondent de leurs pratiques. Jusqu'ici, en cas
de délits ou de malheurs, on ne peut inculper que les victimes -
ces jeunes si généreux et désintéressés
- et si bien lessivés ! Il faudrait que tout le monde le sache et
ne s'en prenne pas aux innocents.
Pourtant, il faut bien essayer d'informer, et en particulier, dans votre
cas, les autorités japonaises. Quel a été le résultat
de vos démarches ?
J'ai pu, grâce à un médecin français établi
depuis trente ans au Japon - il est conseiller médical d'une très
grosse entreprise pharmaceutique européenne - avoir une entrevue
avec le haut responsable de la lune contre le SIDA au Japon. Je lui ai
fait part de nos inquiétudes au sujet de la pratique du " flirty
fishing " ordonné par MO depuis dix ans. Nous savons que MO a interdit
toutes les " précautions " - le Seigneur étant tout-puissant,
il n'arrive que ce qu'Il permet ! Or, chez des personnes contaminées,
le SIDA peut ne se manifester que plusieurs années après
la contamination.
Le Japonais considèrent le SIDA, en général,
comme une maladie d'étrangers. Les cas signalés - rares,
en effet - proviendraient de transfusions de sang contaminé importé
; dans certaines maisons closes, on chasse les non-japonais. Le Professeur
K. m'a écouté avec grande attention pendant une heure, a
pris des notes et des copies des documents apportés, y compris des
lettres de l'ex-directeur de l'Organisation Mondiale de la Santé
pour le Pacifique-Ouest, directeur général de l'OMS à
Genève depuis juillet dernier. De retour en France, j'ai trouvé
chez moi une lettre du Professeur avec un questionnaire précis,
en quinze points. Je lui ai répondu très exactement.
J'ai aussi été reçu à Tokyo par le
chef du service des mineurs à la Préfecture de Police. Nous
lui avons parlé du cas de la jeune mineure disparue et du problème
des Enfants de Dieu en général.
A ces occasions comme en d'autres, j'ai pu constater que ces enfants
de MO avaient réussi à rester totalement clandestins : nul
ne se doutait de ce que sont ces " Écoles du XXIè siècle
" et ces étrangers aimables, cherchant des sponsors. Du côté
des autorités religieuses, ce fut un peu la même chose. A
l'Archevêché de Tokyo, on m'a dit (au téléphone)
: il n'y a aucun responsable en titre pour les questions de " sectes ".
Même chose à l'Évêché d'Osaka (Marinoyama).
On n'y a aucune information sur les Enfants de Dieu. Le Curé de
la Cathédrale Notre-Dame a pris des documents et reçu mes
informations. Un Père responsable d'un Foyer de Charité où
se tiennent des retraites connaît les pratiques " épouvantables
" des Enfants de Dieu, mais il n'envisage pas de réunions d'informations
: les Japonais sont des gens fatigués (après leur travail)
!
A la grande université des Jésuites (" Sophia "),
un des Pères, très occupé, dit être constamment
entouré de " sectaires ". On a l'impression qu'il ne peut guère
s'en préoccuper. Comme plusieurs autres de mes interlocuteurs, il
estime qu'il faut agir par l'intermédiaire de la presse !
C'est finalement auprès de celle-ci que je trouverai des
gens intéressés, et pas seulement, semble-t-il, à
cause du " scoop ". Il faut dire que les journaux, en particulier le grand
journal Asahi Shimbun, est déjà très sensibilisé
au problème de l'organisation Moon au Japon. (Asahi Shimbun tire
normalement à 1 million d'exemplaires matin et soir. je me suis
entretenu de l'implantation de cet avatar " Enfant de Dieu " que sont les
" Écoles du 21è siècle ". Nul doute que ses lecteurs
seront intéressés: il attend une documentation détaillée
pour faire quelque chose de solide.
Un hebdomadaire, Shukan Gendaï, publie dès le 26
septembre un article relatant comment les " Enfants de Dieu ", chassés
de Hong-Kong, puis de Chine et de Macao se sont introduits au Japon sous
un masque. Shukan Gendaï cite les livrets de MO enseignant à
ses ouailles les techniques de séduction du " flirty fishing ".
A noter que lorsque le journaliste auteur de l'article s'est rendu
au centre de Tateyama, le responsable des relations publiques a nié
qu'il s'agissait des Enfants de Dieu. " Mais les livrets de bandes dessinées
ponant comme nom d'éditeur Service Mondial, Boîte postale
241, 8021 Zürich, Suisse ", c'est bien le " Centre Mondial des
Enfants de Dieu". Peut-être, répond le responsable, notre
école utilise tous les documents valables pouvant servir à
l'éducation. J'ignore les autres activités du Service
Mondial. Leur matériel est bon, nous nous en servons. (Les dessins
étaient sexuellement explicites). Selon le responsable, la " Cité
céleste " abrite soixante adultes et cent vingt enfants, dont vingt
enfants japonais environ. On enseigne en japonais et en anglais.
Au centre d'Ikoma, le journaliste a été mal reçu
et chassé brutalement par un Américain du nom de Simon :
" Nous sommes très pris par notre travail d'éducation. Vous
allez écrire des aberrations et faire un reportage plein d'ordures...
".
En fait d'ordures, il n'y a dans l'article que quelques citations
des livrets de MO ; le titre et les intertitres, eux, sont percutants :
" A frémir d'horreur " - " Propagande religieuse obscène
"... Manifestement, on veut happer le lecteur, non sans quelque raison,
voilà des pratiques qui s'installent au Japon dans la plus parfaite
clandestinité, et cela dure depuis au moins deux ans !
Un détail : le correspondant permanent du Monde pour l'Extrême-Orient,
peu au courant des particularités des Enfants de Dieu, a réalisé
lors d'une conversation avec notre ami qu'il avait été lui-même
" dragué " à Manille par plusieurs de ces belles filles,
dans le hall d'un grand hôtel international (sans succès d'ailleurs).