Fondé aux États-Unis en 1969 par un ancien pasteur
évangéliste, David Berg, qui se fait appeler Moïse David
(Mol, le mouvement des Enfants de Dieu n'a cessé de se transformer
au cours des années. Lorsqu'ils arrivent en France, en 1972, les
adeptes se présentent comme de jeunes " chrétiens révolutionnaires
", souriants, sympathiques, faisant passer le message évangélique
par le chant et la guitare. Ils sont chaleureusement accueillis par les
médias et par certaines communautés religieuses qui voient
en eux un moyen moderne et efficace de gagner les jeunes à Jésus-Christ.
Et puis...
En 1978, c'est l'institution du " Flirty-Fishing " : les adeptes
féminines sont entraînées à séduire des
hommes riches et influents, pour les " convertir " et obtenir protection
et aide financière.
En 1978 encore, après le massacre du Guyana, qui fait
craindre des enquêtes policières, c'est le document " Entrez
dans la clandestinité " pour y poursuivre discrètement le
prosélytisme. Les Enfants de Dieu n'ont plus d'adresses : la coupure
avec les familles s'accentue.
En 1979, " MO " incite au " ministère mobile " : vie
en caravane ou en camping-car... En 1980 : " Laissez caravanes et camping-cars
et partez en Amérique Latine ". Ce qui fut fait. Des femmes enceintes,
des couples avec de très jeunes enfants vivront là-bas dans
des conditions tellement précaires que plusieurs demanderont à
être rapatriés, avec l'aide des Consulats - et aux frais de
leurs familles.
1984. Rentrés en France, après un semblant d'insertion
professionnelle et sociale, toujours obéissants envers leurs chefs,
les voici repartis vers l'Inde, l'Indonésie, le Japon...
Toute contraception étant interdite, de nombreux enfants naissent.
Voici à ce sujet un message de Nouvel An de Dad (MO) pour 1982 (Référence
DO 1083) :
" ... Nos garçons et nos filles ont bien travaillé
et nous avons eu plus de 4.000 naissances, 4.056 en dix ans ! Et depuis
que nous avons commencé le FF (Flirty Fishing) nous avons eu environ
300 bébés de Jésus ! et à la fin de cette année
(81) il y aura environ 70.000 poissons d'aimés en quatre ans, ce
qui fait environ 18.000 par an. Prenons un bon chiffre,- généreux,
d'au moins 20.000 poissons baisés chaque année. 300 bébés
de Jésus pour 80.000 baises, ça ne fait qu'un pour 266 baises...
Nous avons un bébé de Jésus pour 266 baises de FF.
Nos 2.000 ménages produisent, en gros, environ 700 bébés
par million de baises par an, ou un seul bébé pour 1.500
baises. Donc Dieu bénit le flirty fishing et nous obtenons un pourcentage
plus élevé de bébés de Jésus par rapport
au nombre de baises de FF que de baises en famille ! Alors cela devrait
être un bon point en faveur du FF. Mais peut-être que cela
va faire peur à certaines filles et leur faire abandonner le FF
! Ha ! Vous avez une meilleure chance, 5 contre 1, d'être bénie
par un bébé par le FF ! "
Le vrai père de ces enfants est le plus souvent inconnu. Mais, si
la mère est mariée, l'enfant aura un père légal.
Pour les enfants de membres mâles, mais dont la mère n'appartient
pas au mouvement, c'est simple : MO conseille de " laisser tomber la mère
" (et l'enfant). " Ce n'est pas notre responsabilité ", dit-il.
En cas de maladie...
Chaque fois que cela est possible, le nouveau-né est nourri au sein
; ce serait très bien si cela ne se prolongeait jusqu'à 18
ou 20 mois, avec les risques d'anémie que peut provoquer la nourriture
souvent carencée de la mère. Les pastilles vitaminées
sont alors supposées compenser le manque de vitamines naturelles.
Mais ici encore, ce sont les décisions brusques de MO qui font la
loi : à certains moments, les enfants étaient élevés
dans des centres, par des " nounous ", tandis que les mères étaient
employées ailleurs à autre chose. Tout peut changer du jour
au lendemain. En cas de maladie, MO conseille de commencer par prier -
tout en culpabilisant les parents : " Si certains enfants sont toujours
malades, ce pourrait être parce que les parents sont faibles dans
la foi ".
Les parents ne peuvent s'adonner à un travail suivi ; s'ils
travaillent, c'est épisodiquement et dans un but précis :
par exemple payer les billets d'avion en cas de départ en " mission
lointaine ". Il n'y a donc aucune couverture sociale.
De l'éducation à l'exploitation
Pour ne pas s'attirer d'ennuis, on scolarise les enfants tant qu'ils sont
en France, et le plus tard possible. Mais vu la mobilité des parents,
une scolarité régulière est impossible ; et, à
l'étranger, elle devient incontrôlable. Dès lors, MO
pourvoit lui-même à l'instruction des enfants à l'aide
de bandes dessinées et du " Childcare Handbook ", à l'usage
des parents.
C'est donc à l'intérieur du groupe que les enfants
apprennent à lire, écrire, comp- ter, taper à la machine,
chanter, jouer de la guitare, prier...
Jusqu'à présent, on avait beaucoup parlé
à leur propos de méthode
Montessori (surtout sur la foi des livrets de MO). Or il s'avère
que, tout au moins sur le plan précis de la lecture, les méthodes
employées relèvent davantage du dressage que du développement
des facultés.
Les parents ont à coeur d'inculquer dès le plus
jeune âge le culte et les doctrines de MO, qui veut à tout
prix de nouveaux disciples. Le mouvement imprime des livres et albums à
colorier pour les enfants, ainsi que des enregistrements sur bandes que
l'enfant écoute avant de s'endormir et subit encore pendant son
sommeil.
Éducation et sexualité
On ne s'étonnera pas de l'importance toute particulière donnée
à l'éveil sexuel. Les parents sont incités à
pratiquer les manipulations sexuelles sur les enfants dès les premiers
mois.
MO s'étend complaisamment sur ses expériences sexuelles
enfantines dans une lettre intitulée " Mon sexe d'enfant ", ce qui
donne à sa fille Faith l'occasion d'évoquer sa propre enfance
:
" Cela m'a rappelé la façon dont tu m'endormais quand
j'étais une petite fille de 3 ou 4 ans. Ouh la la ! Papa était
vraiment le meilleur. Il me caressait le derrière et le devant aussi.
Les autres nounous que nous avons eues nous caressaient aussi, mais ce
n'était pas aussi doux.
" Mon Papa me faisait me sentir bien partout. Je pense donc
que nos parents devraient essayer cela et aider ainsi nos enfants à
prendre des attitudes naturelles ".
De toute façon, les enfants assistent aux ébats amoureux
de leurs parents, parfois plus d'une heure durant ; et n'oublions pas que
ceux-ci pratiquent l'amour libre à l'intérieur des communautés,
ou " at home " pour ceux qui vivent en appartement.
Formés très tôt à chanter, danser et
tendre la main dans les lieux publics, les écoles, les hôpitaux,
maisons de retraite, ils attirent sans peine les dons en faisant vibrer
la corde sentimentale de leur auditoire.
Les petites filles deviendront ainsi, selon la définition
de MO, de parfaites " petites putains de Dieu ", telles que les décrivait
en novembre 1976 une lettre de Déborah David : " Flirty Fishing
avec Petite Joie " (sa propre fille, alors âgée de 12 ans)
:
" Je pourrais écrire une lettre entière sur la façon
dont nous avons fait du FF avec Petite Joie. Mais c'est un sujet complet
par lui-même et c'est une façon prodigieuse d'entraîner
nos enfants les plus âgées à témoigner, à
gagner des âmes et à diriger les gens vers la famille. C'est
aussi un moyen incroyable de gagner le coeur de la jeunesse... Mais croyez-le
ou non : le principe du FF peut aussi bien s'appliquer aux enfants. Parce
que l'arrière-plan des principes est d'attraper les hommes en utilisant
un appât. Ainsi les enfants sont un type d'appât bien défini
et ils vous aideront à attraper un certain type de poissons ".
C'est après avoir quitté la secte que, Déborah David
révèle les pratiques incestueuses de son père :
" J'avais refusé ses avances, je n'étais plus digne
d'être appelée Reine. Il a dit qu'en réalité
c'était ma petite soeur Faith qui était la Reine légitime,
car elle n'avait jamais repoussé son père... pour la première
fois il m'était révélé que depuis sa prime
jeunesse elle et mon père avaient pratiqué l'inceste. Elle
le révérait comme un vrai prophète, tandis que moi...
"
Devant cette formation à la perversité, les grands-parents
qui la découvrent ne savent comment réagir et se désespèrent.
" Nous sommes allés en Suisse voir notre fille, son mari et leurs
six enfants. lls sont gentils, ils ont confiance en moi, dit la grand-mère.
Et moi qui sais ce qu'on leur fait faire, comment ils sont manipulés
sexuellement dès leur naissance, je ne dis rien, parce que, si je
protestais, je ne les verrais plus du tout. En ne rompant pas, je garde
l'espoir qu'un jour, je serai leur dernier recours. Mais au prix de quelle
hypocrisie ? Je sais et je laisse faire... ".
C'est une chance, en effet, que de pouvoir garder un contact.
Souvent celui-ci est impossible, en raison de l'instabilité constante.
Comment user du droit de visite quand on est à des milliers de kilomètres,
et souvent sans autre adresse qu'une boîte postale ?
La législation française n'offre que peu de ressources.
Seul le concept de danger moral pourrait s'appliquer. Sur ce point il semble
intéressant de signaler deux citations trouvées récemment
dans les " Entretiens de Bichat ", sous le titre : " Les médecins
face à l'inceste " :
" Restent à dépister les familles à risque où
sévit une sorte de Monsieur-tout-le-monde, qui travaille, ne se
fait pas remarquer... il s'agit en général d'un homme n'ayant
pas atteint sa maturité psychologique... ".
" Il est des perturbations de la dimension érotique de
l'enfant que peuvent engendrer les attitudes des parents : spectacle de
la nudité de Papa ou de Maman à la maison, celui de leurs
rapports intimes par exemple ".
(1) : Précision : la méthode
Montessori n'a rien à voir avec une secte. Médecin et pédagogue
italien, Maria Montessori (1870-1952) a créé des jardins
d'enfants, où elle laissait se développer librement l'intelligence
des petits à travers un apprentissage sensoriel. Ses méthodes
ont été adoptées également en France (source
: Dictionnaire Hachette, 1990).