(source : Entretien avec Dominique Biton - écrivain - TOP FAMILLES n°38 septembre 2003 - propos recueillis par Sophie Bolo )
TOP FAMILLE : Les adolescents sont-ils une proie privilégiée
pour les sectes?
DOMINIQUE BITON : Officiellement, il n'existe pas de recrutement d'adolescents,
parce que les sectes savent qu'en France la loi protège les mineurs.
Mais cela ne les empêche pas de ruser, car elles voient en eux un moyen
d'accéder aux parents, donc les considèrent comme des "
placements d'avenir ". Leur stratégie consiste à se forger
auprès des ados un capital de sympathie en ne leur présentant
que les aspects séduisants (fêtes, partage, convivialité).
Mais dès qu'ils deviennent majeurs, ces mêmes jeunes - que certains
appellent délicatement " viandes crues " - peuvent devenir
des cibles ouvertement chassées par les rabatteurs des sectes, à
ta fac, dans les grandes écoles, ou même dans les files d'attente
de l'ANPE.
Existe-t-il des profits types de victimes des sectes?
Tous les spécialistes sont unanimes : il n'y a pas de profil type de
victimes, mais des états de fragilité (dus, par exemple, à
une crise personnelle, une situation matérielle difficile) que chacun
d'entre nous peut être conduit à traverser dans sa vie, et qui
rendent vulnérable. Les adolescents, qui vivent une période délicate
de leur vie ou qui se débattent dans une quête identitaire, peuvent
être tentés par diverses formes de transgression, tâtonner
d'une influence à l'autre, rejeter leurs modèles familiaux, se
laisser séduire par ces substituts d'amitié que leur proposent
les sectes, ces " univers prothèses ", ces béquilles
affectives...
Plus globalement, le caractère anxiogène de notre société, individualiste et obsédée par un besoin de sécurité, favorise évidemment une tentation de repli vers des solutions toutes faites, la volonté de retrouver un cocon idéal qui protège des agressions de l'extérieur. C'est un filon que les sectes savent parfaitement exploiter.
En quoi les sectes représentent-elles un danger différent,
par exemple, de la fréquentation d'une bande de voyous, ou de certains
liens d'amitié qui peuvent se révéler destructeurs?
Le danger de la manipulation et de l'embrigadement n'est pas seulement l'apanage des sectes repérées comme telles. J'insiste justement dans mon ouvrage sur le phénomène des groupes ou bandes informelles de copains, qui peuvent, à un moment donné, déraper en adoptant des conduites de type sectaire, c'est-à-dire, sous l'emprise d'un petit chef devenu " gourou ", un fonctionnement qui attente à la dignité et à la liberté individuelle, voire des comportements qui vont déboucher sur des délits. On peut notamment évoquer le satanisme et ses dérives, une mouvance difficile à appréhender : les groupes qui s'en réclament sont souvent des communautés de quelques individus seulement, évoluant en " électrons libres " autour de leur leader.
Comment savoir si notre enfant sera capable de résister à
ces dangereuses sirènes?
On ne peut jamais totalement se rassurer quand on est parent, être sûr qu'aucun accident de parcours ne viendra perturber le cours de l'adolescence de notre progéniture. On se doit de l'accompagner avec distance, un peu comme un maître nageur qui le surveillerait du bord du rivage lorsqu'il entame sa traversée vers l'indépendance. La mission consiste alors à intervenir, non pas à chaque fois qu'il' boit la tasse, mais dès qu'un vrai danger se manifeste.
Le message à faire passer n'est-il pas qu'il faut se méfier
des solutions simplistes et globalisantes face aux problèmes et aux difficultés
de la vie?
Oui, c'est un peu le sens du petit questionnaire que je propose dans le
chapitre " Son groupe est-il sectaire? " : " Suis-je d'accord
avec ce qui se dit ou ce qui se fait dans le groupe? " " Ai-je le
droit de critiquer? " " Où passe l'argent? " " Mon
intimité est-elle préservée? " " Comment le groupe
perçoit-il l'extéreur? " Apprenons à nos enfants,
dès leur plus jeuneà cultiver leur esprit critique en toutes circonstances,
à travers des propositions de lectures, un dialogue constant, une ouverture
aux autes civilisations et aux autres cultures et religions, il faut également
leur rappeler que le langage peut être un fabuleux outil de manipulation
et qu'une vérité en soi n'est jamais bonne à prendre pour
argent comptant!
Un adolescent que l'on sentirait fasciné par une secte ne serait-il
pas sensible à un discours du type : " Ces gens traitent leurs adeptes
comme des bébés, voire comme des imbéciles? "
C'est un propos à bannir, parce qu'il nie la force de séduction
des sectes. Si des ados se laissent prendre au pièce, c'est bien parce
que ces sectes s'adressent à eux dans leur " langue ", en les
écoutant et en prétendant apporter des réponses à
leur mal-étre éve^.tue-. Si les sectes les considéraient
comme des " bébés " ou des imbéciles, ils fuiraient
d'emblée' Au contraire, le discours serait olutct : " Personne ne
te prend au sérieux dans ta famille, mais nous, on sait ce dont tu es
capable, on voit bien: que tu es dé à un adulte' Viens avec nous
et bu t'éaanoui as v miment' "
Pour savoir si le groupe que fréquente notre enfant est dangereux, faut-il s'y intéresser et, pourquoi pas, y participer pour se forger notre propre opinion?
Non. Mais il est important de réunir des informations, de connaître les modes de fonctionnement de la secte dans laquelle notre enfant est entré. Les associations de prévention, ou encore la MIVILUDES son des sources précieuses de documentation. Mais jouer les taupes serait une pure folie D'abord parce que certaines sectes, ou groupes a dérives sectaires, sont véritablement blement très dangereux et pourraient retourner physiquement contre l'adepte ses parents. Ensuite, parce qu'on ne dort jamais présumer de ses forces : il est arrivé que certains parents soient eux-mémes victimes du prosélytisme de leur enfant, par amour pour lui.
Quand l'enfant est embrigadé, vous proposez surtout d'attendre, tout
en restant disponible pour l'aider. Mais c'est difficile d'attendre. Et n'y
a-t-il pas des cas d'urgence?
Certaines urgences appellent des réactions immédiates. Quand,
par exemple, l'intégrité physique d'un mireur est en. cause. Dans
ce guide, je présente les armes juridiques que peuvent utiliser !es parents
en cas de danger physique avéré ou dans le cas, notamment, de
divorces conflictuels, de manquement aux obligations familiales par l'un des
conjoints adepte d'une secte. La situation est plus délicate lorsqu'on
se retrouve devant des cas de maltraitance d'ordre psychologique plus difficiles
à prouver et qui pourtant laissent des séquelles graves et quelquefois
irréversibles. Il faut pourtant garde l'espoir, s'adresser dans ces cas-là
aux associations de prévention, qui peuvent aider concrètement
les familles à supporter cette situation. Elles proposent des groupes
de parole pour partager leurs expériences, des rencontres avec des thérapeutes
spécialisés, des juristes compétents et habitués
à plaider les affaires d'embrigadement sectaire.
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