Elan Vital (Gourou Mahara ji)

(ex-Mission de la Lumière Divine)

Source: Combat face au sida, mai 2001 Numéro spécial Aliénation sectaire

 

Ancien amoureux de Maharaji, désormais insoumis


Ancien premie (disciple) de la Mission de la Lumière Divine puis de Elan Vital, François Denis raconte sa trajectoire singulière dans la secte, de son adolescence à sa rupture récente.

Entretien avec François Denis


Comment êtes-vous devenu un adepte de la Mission de la Lumière Divine ?

J'avais 15 ans, en 1980. J'étais dans une situation très précaire, sans famille, placé dans un foyer de la DDASS. J'ai été approché par un disciple dans un bar. Il m'a parlé du message de Maharaji et de son expérience. Je devais me rendre à Bordeaux et il m'a proposé de m'accompagner. Au cours du voyage, on m'a incité à aller à un satsang, une sorte de cérémonie où les adeptes parlent de leur expérience. J'étais curieux, je m'intéressais aux questions religieuses... j'ai donc accepté.

Le satsang se déroulait chez un particulier, une femme professeur d'anglais, fidèle traductrice de Maharaji lors des évènement. J'ai attendu, seul, dans une pièce où il y avait une grande photo de Maharaji et des fleurs. J'ai été impressionné. Une vingtaine de personnes sont arrivées. Cinq ou six ont parlé de leur foi et de leur amour de Maharaji. J'ai aussitôt été accroc. J'ai trouvé un cadre agréable, paisible, des gens gentils. Le soir même, je demandais à recevoir la Connaissance, moyen de la paix intérieure et d'accéder au Bonheur. Comme j'étais mineur et qu'il aurait fallu une autorisation parentale, on m'a expliqué qu'il me fallait attendre. On m'a donné des adresses, des contacts de premies, par exemple à Toulouse.

Quel a été votre itinéraire ?

Pendant plusieurs années, j'ai passé la plus grande partie de mon temps dans des ashrams. C'était des communautés d'adeptes, avec voeux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance. Trois activités structuraient la vie quotidienne : les satsangs, moyens de diffuser la Connaissance ; le "service", travail bénévole pour le Gourou (ou pour la communauté) ; la méditation, pratique des quatre techniques enseignées par Maharaji et ses représentants, nommés mahatmas (l'équivalent indien d'un instructeur ici). A côté de leur investissement dans le mouvement, les premies devaient aller gagner leur vie, l'argent étant mis en commun et géré par le responsable de l'ashram. Je ne dormais pas à l'ashram mais, le plus souvent, chez des disciples. L'un d'eux m'a pris sous son autorité. Il m'a fait rencontrer de nombreux premies. Mon entourage était alors uniquement composé d'adeptes.

Mais n'étiez vous pas pris en charge par la DDASS ?

Placé en chambre en ville, j'étais libre de mes mouvements. Ni la DDASS ni mon éducateur ne semblent jamais s'être inquiétés, sauf à une période où des soupçons de pédophilie avaient émus le milieu de l'enfance en danger. J'ai parlé de la secte et de la Connaissance à mon éducateur. Je lui ai même fait rencontrer des disciples. Il me désapprouvait car lui était d'une autre secte, d'inspiration bouddhiste : la Soka Gakaï... En fait, je crois que, tant qu'il n'y pas d'histoire, tant qu'on ne se retrouve pas régulièrement au commissariat, la DDASS s'en moque. J'étais un bon élément, j'allais même parfois dîner chez mon éducateur. Je faisais des stages, comme par exemple dans une librairie du Sud-Ouest. Ce libraire, qui était un proche des premies, appréciait particulièrement les jeunes désargentés, qu'ils soient liés à la secte ou non.

Quel a été votre parcours après votre initiation à la Connaissance ?

A 20 ans, j'ai reçu la Connaissance d'un instructeur hollandais, Ruddy Smull, chez un particulier, Philippe Dubois, rue Agard à Paris. Je n'ai jamais fait partie du sérail d'Elan Vital mais j'ai vécu une vie de dévot, toute entière tournée vers Maharaji. Je connaissais des instructeurs, par l'intermédiaire de celui qui m'avait pris sous son autorité : commerçant dans le prêt à porter haut de gamme, il les habillait gratuitement. Je pratiquais quotidiennement les fameuses techniques de méditation, et je m'attachais à faire connaître la Connaissance. J'étais très bon pour livrer la bonne parole. Je parlais du Maître, de ce qu'il proposait. J'allais à tous les évènements auxquels participait Maharaji, dans toute l'Europe. C'est à cette époque que j'ai rencontré ma compagne de l'époque. J'étais alors dans une grande misère : quand je l'ai connu, je n'avais pas mangé depuis quinze jours. Elle est devenue disciple et premie au bout de trois mois passés ensemble. Nous allions ensemble voir le Maître.

Que pouvez-vous dire de ces voyages dans toute l'Europe ?

J'ai voyagé dans les plus belles salles de congrès ou de spectacles du continent : aux Folies Bergères et au Palais des congrès de la porte Maillot à Paris, au Casino du Touquet, au Planétarium à Bruxelles, en Suisse, en Espagne, plusieurs fois à Wemblay... Chaque fois, j'avais de gros problèmes d'argent et je devais emprunter, me débrouiller. Tous mes revenus passaient dans ces voyages. Je me souviens d'un festival organisé à Bruxelles où la participation se montait à 100 dollars, en présence de 25 000 personnes. L'anniversaire du Gourou était très prisé. Le climat des festivals, qui pouvaient durer trois jours, était euphorique : spectacles, projections vidéos du gourou et discours de Maharaji se succédaient.

Durant toute ces années, avez-vous douté ?

Je n'ai jamais approché Maharaji et pourtant j'ai tout donné, en particulier mon argent, car il était, pour moi, le Seigneur. On ne se pose pas la question de savoir pourquoi il n'est pas reconnu par tous. On vit les choses comme une opportunité incroyable, une chance miraculeuse. On se sent très privilégié. On se sent différent des autres, supérieur. On a l'impression de partager un trésor. J'ai acheté de nombreuses cassettes vidéo et des dizaines de photos, dont mon appartement était couvert. Je vouais un véritable culte à Maharaji.

Les explications qui sont données sur la richesse du Maître étaient simples et convaincantes : si Maharaji est le Maître parfait, il n'allait pas vivre dans une cabane en bois ! Au contraire, il fallait lui offrir les plus beaux présents et donner de l'argent pour permettre la diffusion du message et pour ses tournées internationales. Je ne me suis jamais soucié des affaires financières d'Elan Vital : on nous donnait des numéros de compte en Suisse pour faire des dons. Il fallait payer l'avion de Maharaji, refaire le toit de sa villa à Malibu... et bien d'autre choses encore !

Pouvez-vous décrire ceux qui, comme vous, ont adhéré à Elan Vital ? Quelles sont les évolutions du "recrutement" de la secte ?

Les disciples sont bien souvent issus des classes moyennes et supérieures. Il y a beaucoup de professions libérales, des avocats, des médecins, des enseignants, des ingénieurs travaillant dans le domaine de l'aérospatiale par exemple. Il y avait aussi des personnes égarées, comme moi. Localement, la bourgeoisie locale comptait aussi, avec quelques élus et des soixante-huitards attardés, comme on dit, et parfois des toxicomanes qui s'en étaient sortis grâce à la Connaissance.

A cette époque, vous décidez de partir en Inde...

En 1991, je décide de partir six mois en Inde et au Népal, pour faire de la photo. J'étais passionné par ce pays : faire le globe-trotter en Asie était mon rêve d'adolescent. Très vite, je suis allé à l'ashram de Méroli (à côté de Delhi, la capitale de l'Inde). J'ai été accueilli par un Mahatma, ancien juge à la retraite. J'ai rencontré une femme premie d'ashram, qui travaillait au secrétariat. Un de ses rôles était d'ouvrir le courrier adressé à Maharaji. Elle m'a parlé de choses troublantes, de listes noires d'adeptes interdits à l'ashram, des conflits internes à la secte après le schisme de Maharaji et de sa mère.

C'est à cette période que j'ai appris, par une autre source - un Mahatama vivant à Delhi -, l'existence de trafics : certains étaient petits, comme les mariages célébrés par Sampuranand dans l'ashram ; d'autres sont plus graves, comme les trafics de femmes venues du Népal, auxquelles on avait fait miroiter une vie fabuleuse au service du Gourou et qui se retrouvaient exploitées, utilisée dans le sud de l'Inde. On m'a aussi parlé de terrains acheté un peu partout en Asie, en particulier en Inde, par le responsable de l'ashram. Les armes des responsables sont notamment la menace de mise au ban de la communauté voire l'exclusion de l'ashram. A l'inverse, l'obéissance était synonyme de privilèges (chambre confortable, proximité par rapport à la résidence du maître...).

Je suis rentré à Paris ébranlé. J'ai eu face à moi des magouilles, de sombres histoires d'argent, de buziness. J'ai arrêté de solliciter mon entourage et je me suis peu à peu éloigné, tout en continuant à venir aux évènements avec Maharaji.

Avez-vous discuté de tout ceci avec d'autres premies ?

Oui, je rencontrais des disciples et je leur disais ce que j'avais entendu. A chaque fois qu'il y a des rumeurs, on considère que Maharaji lui-même n'est pas impliqué et que c'est son entourage qui est douteux. C'est un peu comme les affaires de la ville de Paris ! Cependant, tous sont modérément surpris : "tout cela est humain !". Beaucoup ont gardé un souvenir douloureux de la fermeture des ashrams en France autour de 1983, sans qu'on ne soit soucié de l'avenir de nombreux premies qui se sont retrouvés dans une grande misère. L'occidentalisation de la secte a laissé des traces profondes.

Peu à peu, je suis sorti de l'illusion. Je n'ai plus participé au racolage financier. Je me suis aussi investi ailleurs. Cependant, je considère n'avoir définitivement rompu avec Elan Vital qu'au début de l'année 2000. Je ne crois plus au discours de Maharaji. Je considère que j'ai vécu dans l'auto-illusion, que j'ai rêvé ma vie, qu'il n'y a pas d'Expérience... Il n'y a pas d'amour de Maharaji pour les disciples, mais beaucoup de mépris, une dictature et en définitive un système totalitaire, le berger et ses moutons. Je ne me situe ni dans l'aigreur ni dans l'amertume, bien que j'ai été manipulé. Je ne considère même pas avoir à regretter. Je n'en veux à personne mais j'ai envie de vivre dans la vérité.

Quel regard portez-vous sur le site Internet des ex-premies ?

J'ai découvert la prose des anciens premies après avoir moi-même rompu avec la secte. J'ai lu de nombreux documents, des témoignages sur des affaires de viols et de pédophilie. On me raconte comment des instructeurs occidentaux, que j'ai connu, ont abusé de leurs positions pour commettre des abus sexuels et des viols. Franchement, je n'ai pas été étonné. Dans Elan Vital, peu de gens, même sincères, avaient une éthique. J'ai rencontré à Elan Vital de véritables crapules, des escrocs et des trafiquants de drogues. A force de considérer que seul compte le message du Gourou et que seule compte la Connaissance, il n'y a pas d'éthique, de moralité. Il y a des crapules partout, certes, mais à Elan Vital, en plus, elles prennent du plaisir.

A la lecture du site Internet des ex-premies, j'ai d'abord pensé que cela pouvait être un coup d'Elan Vital, une manipulation de pseudo-dissidents permettant d'achever la normalisation de la secte. En fait, j'ai été surpris que des anciens disciples se mettent à parler. Ils font leur outing, c'est courageux. Ils rompent avec une bonne partie de leurs amis, eux qui ont vécu souvent des années dans le mouvement, parfois à un haut niveau de responsabilité. Cela étant, je n'ai pas été étonné d'apprendre que Maharaji a de fortes tendances alcooliques, qu'il se drogue et qu'il a des maîtresses. Tout cela m'amuse presque, à la nuance près qu'il y a encore des disciples, des évènements, des gens abusés. Le problème des adeptes est d'ouvrir les yeux car le scandale est devant eux. Il faut simplement se rendre compte qu'être prêt à n'importe quoi pour aller voir Maharaji, n'importe où, est anormal.

Quelle leçon ?

Elan Vital est comparable à bien des mouvements sectaires. L'expérience qu'il propose n'a rien d'original, ce n'est qu'une version de discours d'autres gourous d'origine indienne. Si je ne crois pas au suicide collectif d'adeptes en Occident, je pense qu'une grande détresse guette les adeptes. Il faut y prendre garde. En Inde, à l'inverse, on peut craindre le pire, par exemple si le gourou venait à disparaître.

Quels messages pourriez-vous adresser aux protagonistes de tout ceci ?

Je n'ai rien à dire à Maharaji, que je ne connais pas. Etre Dieu vivant, c'est son problème. Aux disciples, je dis qu'il est possible de vivre autre chose, une autre vie heureuse et que l'on peut vivre très bien sans la "Grâce" du Maharaji. Aux ex-premies, je dis de dire tout ce qu'ils savent, car certains d'entre eux en savent plus que ce qu'ils disent aujourd'hui. Aux pouvoirs publics, je dis qu'il faut développer une vraie démarche de prévention, soucieuse des personnes. Il ne s'agit pas de diaboliser les sectes, cela ne sert à rien. Un vrai travail de documentation, d'information devrait être réalisé.

J'ai lu le rapport sur les sectes : il est insuffisant. Il faut que l'Etat se donne les moyens d'avoir une vraie politique, face à tous ceux qui exploitent la fragilité des personnes. Et il faut que les adeptes puissent trouver des interlocuteurs. Enfin, à ceux que j'ai amenés dans cette galère, je veux dire que je le regrette. Cependant, c'est à eux qu'il incombe de tourner la page, de faire le deuil. A eux, et à tous ceux qui se font manipuler, je souhaite de trouver la force nécessaire pour être heureux autrement.



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